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6 février 2020 4 06 /02 /février /2020 08:29

Dans une hypothétique société du futur, un policier fait son travail... morne: le monde est désormais dominé par une matrice, un oeil central auquel chacun est connecté, et enquêter sur une mort suspecte est totalement facile: il suffit de charger les "souvenirs" de la victime; et on trouve le coupable ou les circonstances inconnues du décès. Et trouver une identité est devenu facile, puisque les gens autour de soi sont tous affublés d'un déroulant contenant leurs noms et prénoms... Seulement une série de meurtres peu banals est perpétrée: les souvenirs des victimes ont tous été altérés, et la mort est vue du point de vue du tueur... Comme l'inspecteur Sal Grayson (Clive Owen) a croisé le jour d'un de ces meurtres le chemin d'une mystérieuse inconnue (Amanda Seyfried) sans identité, dont les images se sont ensuite détruites dans son souvenir, il est intrigué...

Ce qui était mon cas aussi: je le dis depuis quelques années, Andrew Niccol peut être un auteur remarquable, et pas qu'en tant que scénariste (The Truman Show, de Peter Weir); et l'un de ses points forts est d'imaginer des mondes tangibles à quelques encablures de notre société, quitte occasionnellement à retourner à l'époque contemporaine et à son effrayante technologie quasi-futuriste: Lord of war et Good Kill sont ainsi deux films qu'on ne pourra qualifier de science-fiction... Mais Niccol n'est pas infaillible non plus, en témoigne The host, cet étrange film longuet, aux émois adolescents et au prétexte rébarbatif un poil trop gloubi-boulga: des aliens prennent nos corps, mais l'un d'entre eux devient l'ami d'une âme humaine qui fait de la résistance! 

Anon est à la croisée de toutes les tendances de l'oeuvre, à la fois un film futuriste reposant sur un gimmick technologique fort (comme Gattaca, InTime voire SimOne), une oeuvre vaguement visionnaire (Gattaca, Truman) en même temps qu'un film à thèse (Lord of war, Good Kill), le problème étant que s'il ne retient qu'une seule chose de The host, c'est... la tendance franche au ridicule.

L'idée de révéler in fine, dans cette société dématérialisée transformée en un facebookinstagram géant, qu'il y est considéré comme plus grave par les autorités de vouloir échapper aux radars que de vouloir commettre des meurtres, est bien sûr intéressante, et c'est la clé du film, dont la belle hackeuse devient une sorte de Robin des bois plus solitaire que jamais; mais il y a ici une manière de faire, et une direction d'acteurs notamment, qui est presque révoltante, tant le mot d'ordre a été d'étouffer toute émotion. Chaque geste devient mécanique, chaque expression vide, et honnêtement on souffre pour Clive Owen qui ressemble dans chaque scène à une planche à repasser. Au moins, InTime nous amusait avec ses deux Robins du Temps. Pas celui-ci qui est un film tout rabougri dont la principale qualité est de ne pas essayer trop longtemps d'être un film très prétentieux à la Christopher Nolan, ou un épisode raté de Black Mirror...

 

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Published by François Massarelli - dans Andrew Niccol Science-fiction Noir
3 juin 2017 6 03 /06 /juin /2017 17:17

Quand une adaptation d'un roman débouche sur un ratage, les possibilités sont nombreuses. Eu égard à l'impression générale des autres films du scénariste de The Truman Show (Perfide, je sais), on aura tôt fait de désigner l'auteur Stephanie Meyer, la McDonald's du romantisme adolescent, comme la responsable de ce qui ne va pas dans ce film. Mouais. C'est facile. Pourquoi imputerait-on la débilité profonde des Misérables de Claude Lelouch à Victor Hugo? Après tout, le responsable d'un film est le réalisateur, à plus forte raison quand il a signé le script... Dont acte.

Non que le film soit totalement indigne... C'est bien là que ça heurte: il y a des petites choses énervantes ça et là, à commencer par Saoirse Ronan, qui ne déçoit pas. Et à tout prendre, Niccol ne fait après tout ici pas autre chose que dans Gattaca et In Time: il invente un monde futur de A à Z, avec un petit je-ne-sais quoi de plus: dans Gattaca c'était la génétique extrême, dans In Time l'espérance de vie devenue monnaie, ici, c'est... une invasion d'aliens qui viennent coloniser le corps des êtres humains. Mais le plus du plus, c'est que la cohabitation, après avoir été l'objet d'une guerre, commence à déboucher sur une fraternisation...

Mais deux heures? Non, vraiment, pas possible. Certes, les images sont jolies, mais...

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Published by François Massarelli - dans Andrew Niccol Saoirse Ronan
3 juin 2017 6 03 /06 /juin /2017 09:15

Ce film est particulier dans l'oeuvre de Niccol dans la mesure où il ne se conforme pas à sa vision habituelle d'un futur hypothétique (Gattaca, The Truman Show réalisé par Peter Weir sur un scénario de Niccol, The host, In time) ou d'un monde aux techniques tellement avancées qu'on vit en pleine science-fiction (Simone). Et bien sûr, Lord of war a été rejoint dernièrement par Good Kill, consacré à un sujet voisin: Good kill parle de la solitude d'un homme face à la facilité de tuer, et du tourment moral qui s'en suit. Lord of war présente le rêve Américain sous un jour infect: son héros vend des armes... Pas un petit armurier, en fait, plutôt un spécialiste de l'import-export de Kalashnikov par paquets de 10 000. Quant à ses clients? ...Il n'est pas trop regardant.

Youri Orlov (Nicholas Cage) est le fils d'un immigré Ukrainien, c'est lui qui nous raconte son histoire par le menu, et on assiste à tout son parcours: les jeunes années de débrouille, puis la décision de devenir marchands d'armes, puis sa spécialisation, et son évolution professionnelle vers les quantités industrielles. Vers une certaine forme de légitimité aussi: vis-à-vis du droit, son statut est flou. Vis-à-vis du fait qu'il est devenu pratiquement un intime de certains grands de ce monde (Et pas des moins croquignolets bien entendu), ça lui tient lieu de légitimité. Maintenant, Youri lui-même ne se fait pas la moindre illusion; pour se construire une vie de famille avec les millions qu'il amasse en armant toutes les armées de la planète et en rendant possible un certain nombre de massacres, il va lui falloir mentir... Car son rêve Américain à lui, en particulier, c'est une femme, la belle Ava Fontaine (Bridget Moynahan), native du même quartier que lui, et qui est devenu un top model. Mais elle sera sa perte, aussi. A moins que...

Niccol, dès le départ, semble hésiter entre montrer comme il le fait d'habitude un monde en entier, sans aucune restriction de point de vue, et la narration certes omnisciente à la première personne, mais qui va conduire le spectateur vers une certaine forme de complicité avec le salopard qui nous raconte son histoire: l'ombre de Martin Scorsese plane sur le film, avec cette voix-off tranquille qui nous conte les pires horreurs... Pourtant l'indignation de Niccol passe par des voies différentes: il évite de laisser trop de flou dans la dimension des choix moraux du narrateur, qui sont de toute façon intenables! Et il garde sa capacité d'indignation en donnant à voir au spectateur le résultat des ventes de Youri: d'où la présence occasionnelle dans l'ombre de ce dernier de son frère Vitaly (Jared Leto) qui lui n'a pas l'estomac suffisamment armé pour ce qu'il voit! 

Un sentiment vague mais certain, non pas de ratage loin de là, mais de trop peu, s'installe assez vite... C'est qu'en choisissant de faire à la Goodfellas dès le début, on place la barre haut. Et peut-être Nicholas Cage n'était-il pas la meilleure des idées, pas plus, bien sûr, que ce pauvre Jared Leto en petit frère cocaïnomane qui vit ses crises de conscience morale avec de la poudre au nez et une Kalashnikov à la main... Le cinéaste a eu une excellente idée en revanche en plaçant dans le dispositif un "ennemi" à Youri, l'agent incorruptible d'Interpol Ethan Hawke, qui avec ses moyens (certes avancés, mais que sont-ils face à l'amitié de dix dictateurs?), tente de garder la morale sauve. C'est de lui, et de son refus d'abandonner sa capacité d'indignation (En écho évident à celle du réalisateur) que viendra la moralité de l'histoire. Elle est rude, sans appel, sans pitié. Elle rend aussi le film nécessaire avec ses qualités comme avec ses défauts.

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Published by François Massarelli - dans Andrew NIccol
22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 11:40

"Attaque de drones", la formule est magique: il suffit de le dire dans un journal télévisé, et le tour est joué, on comprend instantanément sans avoir besoin d'entrer dans les détails, et le fait que les "frappes chirurgicales" (Autre formule très pratique) aient eu lieu sans la laideur d'un affrontement physique, donne une impression de sécurité qui ajoute à l'efficacité. Oui, mais qui opère une attaque de drone, et comment, à partir de quel poste, de quels ordres, dans quelles circonstances, quelles sont les marges de manoeuvre, et surtout les risques d'erreur? Le film tente de répondre à ces questions, et l'expression "Good Kill" est la conclusion tranquille apportée par le major Thomas Egan (Ethan Hawke) après une mission réussie.

Il y a un aspect documentaire dans ce film, la moindre des choses bien sur. On y voit que les militaires pilotant une attaque de drone sont deux plus un officier supérieur chargé de superviser l'opération; l'un des soldats localise les cibles et supervise le déplacement des drones, l'autre a la difficile part: il ou elle doit faire le travail de précision, cadrer la cible, viser, choisir le bon moment, obtenir l'autorisation et tirer. Thomas Egan, ancien pilote d'avion qui a du se reconvertir à cette nouvelle façon de faire la guerre, fait précisément ce travail, et en souffre. Pourtant, il y a des avantages certains, comme le fait de pouvoir rester sur le territoire Américain, et ne pas risquer de se faire descendre durant une mission, et de rentrer à la maison dans une boîte en bois. Egan rentre chez lui tous les soirs, sauf quand il a des missions de nuit. Mais la vie de famille n'est hélas plus ce qu'elle était, Thomas Egan ayant du mal à avaler le bilan de chaque mission: comme le dit un officier, quel que soit la façon qu'on ait de couvrir les faits par des mots, un pilote de drone n'en reste pas moins un tueur, et c'est ce qui ronge Egan... Alors quand d'une part son mariage finit de s'effriter à force de trop de silence et de vodka, et que d'autre part la CIA commandite une série d'attaques qui sortent de l'ordinaire et ressemblent encore plus à des assassinats, il souffre encore plus et remet tout en question...

Le lieu ou se passe l'essentiel de l'action est une base, dans le Nevada, à quelques encablures de Las Vegas. Les soldats se rendent donc le matin à a base et leur mission est effectuée dans des petits containers aménagés, toute la journée. Les éléments de langage ne ma naquent pas mais on constate que l'essentiel des conversations des hommes et des femmes sert essentiellement à justifier leur travail, ou sa moralité (Soit "Si on ne les tue pas, il vont nous attaquer", soit "au moins je vois mon épouse et mes enfants"). Mais comme le dit un protagoniste à un moment, la plupart des experts qui pilotent les drones sont recrutés à partir de leurs capacités à jouer à des jeux vidéo. On en revient donc à une situation dans laquelle tout repose sur la capacité à faire totalement abstraction de l'humanité et de la réalité des victimes. Ce qui différencie bien sur Egan de ces jeunes loups, c'est le fat d'avoir au moins connu la réalité physique des missions de combat. Ses scrupules ne sont pas d'ordre pacifiste, il ne critique pas la validité de la guerre ou des engagements de l'armée, il en valide la moralité, et souffre tot simplement d'avoir du sang sur les mains.

Et l'essentiel du film montre que même avec la technologie la plus perfectionnée, l'homme tue quand même à tort et à travers, et que les morts innocentes font toujours partie intégrante du décor. Et plus la chaîne de commandement est longue, plus les doutes quant à la moralité de l'action deviennent importants: lors de l'épisode du film consacré à la façon dont la CIA s'impose aux experts de la base pour ordonner des attaques toujours plus douteuses, des enfants, des médecins arrivés sur les lieux d'un bombardement, des passants sont abattus à tout hasard, mais les soldats obéissent à un officier supérieur, qui obéit à un agent de la CIA, qui obéit à ses supérieurs, qui obéissent à... à qui? Le metteur en scène choisit de cadrer aussi souvent que possible les Américains vaquant à leurs occupations, dans leurs villes et leurs banlieues, d'en haut: point de vue de Dieu, ou point de vue de pilote de drones?

Derrière le questionnement de la morale, qui aboutit prudemment à une conclusion ambiguë, mais rigoureuse et largement justifiée, le film en profite pour poursuivre les thèmes de prédilection de Niccol: comme dans ses films de science-fiction "légère" (Gattaca, SimOne et In Time, sans oublier son scénario pour The Truman Show de Peter Weir), il fait reposer son intrigue sur un fait technologique parfaitement clair, cette fois la capacité à frapper à distance sans aucun engagement humain de la part de l'attaquant, et donne parfois l'impression d'assister à un film d'anticipation. Pourtant tout y est rigoureusement authentique... Le réalisateur-scénariste a su poser les bonnes questions, et son film est hautement moral, sans jamais sombrer comme peut le faire par exemple American Sniper de Clint Eastwood dans la moindre tentation patriotique. La réflexion de Niccol porte ici sur l'humanité, non pas sur l'Américain, ou la nation Américaine. Ce n'en est que plus effrayant...

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Published by François Massarelli - dans Andrew Niccol Guerre
15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 16:49

Le scénariste génial de The Truman Show (Peter Weir, 1998), et réalisateur célébré de Gattaca (1997) a bien grandi, et il continue à explorer des voies inédites de la science-fiction, tout en décrivant avec un certain talent notre monde dans toute sa splendeur... Voulez-vous savoir pourquoi vous n'êtes pas riches? Parce qu'il faut bien que certains le soient à votre place. Et si le temps était de l'argent, ce ne serait que bien plus vrai encore. Avec deux nouveaux Bonnie and Clyde qui n'auraient pas besoin de mourir, Niccol renouvelle le cinéma à vocation sociale, et le fait avec des poursuites en voiture! Bien sur il sera assez facile de déceler ce que son cinéma a de fabriqué tant le metteur en scène aime à se reposer sur des gimmicks, et le fait d'ailleurs avec une certaine constance de film en film. Mais lui, contrairement à Nolan, ne se prend pas pour un génie, et utilise un concept simple (Comme le principe du héros de série inconscient de ce qui se passe autour de lui) comme point de départ, sans jamais perdre son public. Sa mise en scène s'attache à des personnages dont le but es clairement identifié, et comme on est dans un cinéma de genre par excellence, le film présente son lot de scènes gratifiantes...

Le concept de In time (Time out selon le titre Français...) est une fois de plus simple et respecté à la lettre dans tous ses développements: dans un futur proche et hypothétique, l'argent a été remplacé par du temps: le corps s'arrête de vieillir à 25 ans, mais une pendule se met en route, qu'il fait alimenter au fur et à mesure, mais si on ne fait rien, l'arrivée à 0 tue immédiatement l'humain... Et certains ont eu les moyens d'accumuler une fortune (Et donc d 'être virtuellement immortels), alors que d'autres vivent le plus souvent avec un crédit d'une heure, et sont habitués à croiser les cadavres de ceux dont l'horloge a fini sa course... Le système est savamment entretenu par les puissants de façon à ce que les zones soient aussi hermétiques que possible, et qu'ils soit toujours lus difficile de changer de classe sociale, pardon, de zone temporelle. C'est ce que va vérifier Will Salas, un jeune homme qui un jour sauve la mise d'un riche oisif qui se promène dans la zone avec une centaine d'années de crédit au compteur, et une folle envie de se suicider: Will se réveille avec une fortune au compteur et les policiers aux trousses, il va alors tenter de passer de l'autre côté.

Le darwinisme est ici repensé en fonction de cette notion de temps, mais le réalisateur dénonce, naïvement ne manqueront pas de dire les uns et les autres mais c'est un conte après tout, une société qui fonctionne selon des règles établies par ceux qui en profiteront le plus... son film peut être vu, bien sur, comme un divertissement, ce qu'il est sans aucun doute, mais il est satisfaisant de voir qu'un cinéaste parle, à sa façon, et avec humour en plus, d'une situation d'inégalité établie, pensée et en apparence immuable, et balance là-dedans deux robins de bois beaux comme des dieux, irréels, et soyons francs, qu'on suivrait jusqu'au bout du monde: Justin Timberlake et Amanda Seyfried. On peut adhérer à ce film rafraîchissant qui nous rappelle que le monde est malade de ses inégalités, ou... aller se faire voir chez les Grecs.

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Published by François Massarelli - dans Andrew Niccol Science-fiction
14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 11:04

Il y a un je-ne-sais quoi d'intrigant, de foncièrement excentrique à tous les films de Niccol, y compris à son très conventionnel réquisitoire-coup de poing Lord of war. Mais ce sont bien sûr ses films de science-Fiction qui retiennent l'attention (Et j'y inclus un film dont il a écrit le scénario, le magistral The Truman Show, de Peter Weir). Forcément, un film comme Gattaca ne peut que se prêter avantageusement à toute analyse des spécificités de cet auteur, tellement fasciné par les possibilités (Surtout négatives) de la science et de la technologie actuelle qu'il aime à imaginer des mondes dans lesquels nos possibilités théoriques deviennent des réalités par lesquelles la civilisation est régie. SimOne et son producteur lessivé qui se saisit des possibilités infinies occasionnées par la création d'une actrice virtuelle, ou In time et ses êtres humains qui ont remplacé l'argent par le temps qui leur reste sur terre, augmentable ou réductible, ces deux films ne sont pas autre chose que des variantes sur le type de monde offert dans Gattaca...

Jerome Morrow est un imposteur. De son vrai nom Vincent Anton Freeman (Ethan Hawke), il est un être conçu sans triche, imparfait (Le terme est "in-valide") et destiné à rester un subalterne dans une société décidément élitiste dont les élites sont conçues dans la sécurité grâce aux grands moyens dont dispose la génétique... Mais Vincent a décidé de tout mettre de son côté pour accomplir son rêve: entrer à Gattaca, centre spatial de pointe qui n'emploie que des êtres parfaits, des "valides", puis devenir un membre d'une expédition spatiale. Pour parvenir à ses fins et tromper la vigilance d'une société dont l'obsession est de contrôler en permanence les traces d'ADN que tout un chacun laisse derrière soi, il va s'attacher les services de Jerome Morrow (Jude Law), le vrai, un athlète qui a eu un accident et dont la vie est ruinée, mais dont l'ADN est de toute beauté. Reposant sur le sang, l'urine, les cheveux, la peau de Morrow, le héros trouve des stratagèmes pour tromper encore et encore sa hiérarchie, mais aussi ses pareils, dont la très jolie Irene (Uma Thurman); jusqu'à ce qu'un crime soit commis, et que le seul indice probant soit un cil, celui d'un 'in-valide' disparu, un certain Vincent Freeman...

La création fascinée d'une société valide dans ses moindres détails, c'est l'apanage de grands films de Kubrick ou Scott. Il fallait un certain culot à Niccol pour s'attaquer à un film comme celui-ci, et heureusement qu'il n'est pas Michael bay, dont le film The island reste probablement l'un des plus hilarants films d'humour potache involontaire de toute l'histoire de l'humanité. Niccol a laissé à Vincent narrateur le soin de faire les présentations, et le film commence de façon dynamique, tout y est en place et le stratagème (Certes ô combien tiré par les cheveux, si j'ose dire vu les circonstances, mais on veut bien y croire le temps d'un film, c'est la magie de l'art) fonctionne à plein. On se doute qu'un grain de sable va précipiter les choses dans le mauvais sens, mais peu importe: la peinture subtile d'une société tellement enferrée dans ses certitudes élitistes qu'un homme jugé imparfait n'a aucune chance est l'essentiel du film, dans lequel Niccol adopte avec efficacité le ton d'un film de science-fiction léger, au suspense bien assumé. La dénonciation des excès vers lesquels la science ne peut que nous entrainer est saine, et proche des réalités du possible. Et le message du film est aussi tourné vers les êtres imparfaits, dont le très ambitieux Vincent est un héros très ambigu, et l'athlète qui a tout perdu un symbole. La direction d'acteurs repose sur la nuance et une sobriété de tous les instants, car comme le fait remarquer Irene à Vincent, ici si on est enthousiaste on se fait remarquer... Mais Niccol, lui, a su justement s'investir avec enthousiasme derrière son film, qu'il saupoudre en permanence de poésie cinématographique bienvenue, et si les ficelles du scénario tendent à se voir sur la fin (Réapparition inattendue - et inévitable - d'un frère perdu), on l'accepte de bonne grâce, parce que le film en vaut sacrément la peine. Déplorons juste légèrement que Niccol ne soit pas allé plus loin dans la fable, mais après tout c'est exactement ce que Weir fera avec The Truman Show, et Niccol lui emboîtera le pas avec humour dans SimOne.

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Published by François Massarelli - dans Andrew Niccol Science-fiction
25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 08:10

La notion d'acteur virtuel ne fait plus débat, et n'a d'ailleurs jamais posé de problème majeur. Les films en images de synthèse on depuis longtemps fait plus que prolonger le travail des animateurs (Disney, Pixar ou autres) en fournissant des êtres complexes, acceptables, et souvent ornés de caractéristiques si humaines. Les cascades virtuelles existent bien sur, et tout ça passe d'autant mieux que quoi qu'on fasse, ça sera toujours repérable... Le propos de Simone est ailleurs: un réalisateur au bout du rouleau -Al Pacino) contourne le fait d'avoir été rejeté par la dernière des dernières actrices caractérielles (Winona Ryder) en utilisant un logiciel dément inventé par un scienifique un peu fou, et décédé, pour créer une actrice parfaite qui se pliera à ses quatre volontés, et se retrouve avec un phénomène médiatique sans précédent. L'idée de Niccol, déjà heureux scénariste de The Truman Show (Peter Weir, 1998), est beaucoup plus de tourner une nouvelle fable, en sondant le désir de réalité bien plus que les enjeux posés par la création d'un être virtuel. Durant le film, seul le metteur en scène Viktor Taransky sait que Simone (Rachel Roberts) est virtuelle, et toutes ses tentatives pour dire la vérité, ou pour atténuer la portée ou la popularié de sa création, seront vaines...

Cet état de fait débouche sur deux choses: d'une part le film devient assez rapidement une comédie absurde dans laquelle l'humanité entière semble destinée à choisir de suivre le vide le plus intégral (Surtout que Simone n'a pas son pareil pour débiter dans ses "interviews" des platitudes toutes plus vomitives les unes que les autres, qui feraient passer un entretien avec le premier footballeur venu pour une discussion philosophique...). Et lorsque Simone est vue dans un film ( "I am pig"!), mangeant avec les cochons, parce que Viktor cherche à la détruire, les gens sont aux anges, prèts à tout accepter de leur star, y compris des interviews immondes dans lesquelles elle rote entre deux diatribes pro-NRA... On obtient ainsi un assez bon portrait de notre société hantée par le cercle vicieux de la célébrité pour rien, ce qui renvoie donc à The Truman Show et au concept décidément détestable de la télé-réalité. Et l'ensemble des acteurs, dont Winona Ryder déjà citée, ou Catherine Keener en productrice dépassée par les évènements, ou même Pruitt Taylor Vince et Jason Schwartzmann en journalistes obsédés par Simone et totalement menés en bateau par Taransky, jouent le jeu brillant de la comédie loufoque.

Mais d'autre part, Simone est aussi un pamphlet contre le formatage, la déshumanisation d'un cinéma dans lequel plus rien n'échapperait à une volonté, que ce soit celle du réalisateur, des producteurs, des studios, des stars elles-mêmes, voire du public. Simone devient assez vite une actrice sans enjeu, condamnée au succès parce qu'elle a été programmée ainsi. Et dans ce film à la mise en scène maline parce que discrète, un fantôme semble tirer les ficelles: celui de Hank Aleno (Elias Koteas), le créateur du logiciel secret utilisé par Tarasnky pour créer Simone (Dont le nom provient au passage de l'agrégation de Simulation et One). Aperçu au début du film lorsqu'il propose son invention à Viktor, il porte un pansement sur son oeil droit: il a une tumeur inopérable. Derrière lui, dans un plan, des petites mains transportent un panneau publicitaire, contenant un oeil géant. Après ce passage de témoin, on retrouvera bien sur le motif de l'oeil chez Simone, qui lorsque Viktor tente de se débarrasser de sa créature virtuelle, disparait en perdant pixel apès pixel sur un écran d'ordinateur. Le dernier élément à s'auto-détruire sera bien sur l'oeil. Hank Aleno, en mourant, a légué à Vktor Taransky une nouvelle façon de faire du cinéma, il a aussi transformé l'art cinématographique pour toujours, et en filigrane, le monde entier. Donc le film est plus noir qu'il n'y parait.

...Virtuellement, bien sur.

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Andrew Niccol
26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 18:29

On peut se demander, dès le début extrêmement déstabilisant de ce film, qui est qui: Hannah McGill, l'actrice sensée interpréter le rôle de Meryl Burbank, par exemple, n'est autre que Laura Linney. Ou encore, Christof, le créateur du show de télé-réalité dont le film adopte sans problème le titre, n'est autre que Ed Harris; c'est ainsi: Peter Weir commence par déstabiliser le spectateur, en le confrontant plus qu'à l'émission de télévision, à son univers dès le départ, à travers des tranches promotionnelles d'interview des acteurs et protagonistes. La déstabilisation du spectateur se prolonge lorsque on assiste à un début de journée pour Truman (Qui est-il, que fait-il là, quel est son rôle?), qui va vite nous révéler le principe de cette émission: The Truman show est le premier soap-réalité, un feuilleton qui organise autour d'un homme filmé depuis sa naissance un univers totalement factice, mais lui est le seul à l'ignorer. Ses parents ne sont pas ses parents, ils en jouent le rôle; son meilleur ami est payé depuis la maternelle pour être là dans les cas de coups durs, mais aussi pour lui servir de faire-valoir (Marlon n'est pas à proprement parler Einstein...), chaque personne de son environnement est placée là à dessein par le créateur Christof, et son épouse Meryl n'est qu'une actrice payée pour être son épouse. on évite à ce sujet les questions gênantes, et le fait que Truman vive dans un univers aseptisé et très années 50 permet d'éviter le sujet, mais une photo prouve bien que Meryl ne souhaitait pas se marier avec Truman: elle croise les doigts... Quant à leur vie conjugale, elle laisse carrément Truman dubitatif: il rêve de Lauren ou Sylvia, cette étrange jeune femme aux deux noms dans les yeux de laquelle il se serait bien noyé, mais qui est partie, dit-on, pour Fidji...

Durant 55 minutes, Weir maintient la pression, montrant in vivo le début de la réalisation pour Truman, qui commence à comprendre, peu de temps après le spectateur, de quoi il retourne. Comme le dit Christof, justifiant ainsi de fait toute la série (Qui en est bientôt à son 11 000e jour), on accepte la réalité à laquelle on est confronté, il suffit de ne laisser à Truman aucune chance de voir l'extérieur: ainsi, le show est filmé en cercle fermé dans un gigantesque studio qui recrée tout une région, côtière de surcroît. De plus, on a forgé avec talent des phobies irrémédiables pour le clouer au sol: aqua-phobie, peur des chiens, etc. on notera sur les médias locaux (exclusifs à l'île, bien sur), l'insistance sur le fait que voyager, c'est s'exposer à tous les dangers... Les seules incursions à l'extérieur du monde du show, ce sont les visions souvent satiriques des spectateurs accros de The Truman show, un panel de fanatiques venus de tous les coins du monde... ainsi, la récapitulation offerte par Weir aux spectateurs du film est-elle surtout la réponse à des questions qui ne pouvaient être résolues avant: comment la production peut faire face aux imprévus, comment Truman a commencé sa carrière involontaire... Ces questions sont évoquées dans un faux programme qui voit un journaliste interviewer Christof. Mais le plus important, c'est bien sûr que nous intervenions en tant que spectateur dans la partie de l'émission durant laquelle Truman est enfin confronté à la vérité, si aberrante soit-elle...

On imagine bien que des cas aigus de paranoïa existent, qui voient les sujets aux prises avec l'illusion d'être le jouet de manipulation à grande échelle. De même, beaucoup d'enfants un peu couvés doivent concevoir le monde comme tournant autour d'eux... Pas Truman, aussi normal, bien qu'un peu excentrique, qu'il puisse être: c'est sans doute la dernière pensée qui lui serait venue naturellement. Weir et son scénariste Andrew Niccol ont donc adroitement inversé cette notion de paranoïa: la réalisation d'un univers qui tourne autour de Truman, le fait qu'il est bien le jouet d'un complot sont sans doute pour lui les derniers recours en matière d'explication de tous ces petits détails hallucinants qui lui posent problème... Pourquoi son épouse se met-elle à vanter des produits en pleine discussion, pourquoi son père disparu en mer réapparaît-il sous une autre identité, pourquoi surtout cette jeune femme, Lauren (une militante d'une association visant à faire libérer Truman, qui a réussi à se faire engager comme figurante) lui dit-elle qu'il est le jouet de tous, qu'il n'existe pas? Truman va comprendre, et se jouer à son tour de la production, de ses "amis" et "famille", et fuir... A ce titre, la fin est forte, symbolique et ironique: enfin libéré de cette angoisse de la mer une fois qu'il a compris qu'on la lui avait imposé, il tente de fuir l'univers clôt de Seahaven, et va voir dans une scène très forte la preuve de ses soupçons: son bateau se heurte littéralement aux murs du studios... Ensuite, défait, le producteur tente une dernière carte, en parlant à Truman au moyen d'un système de sonorisation: sa phrase "je suis le créateur (Pause) d'une émission de télévision...", la réverbération, la présence d'un soleil artificiel qu'il commande à volonté, et son refus de laisser à Truman le libre-arbitre depuis le début sont à mon sens un commentaire fabuleux sur le pouvoir de nuisance de la religion; la réaction de Truman, de refuser justement cette présence divine qui se veut rassurante, est un confort rare en ces temps de retour à l'obscurantisme...

Qui est Truman, dont le nom a été imposé là encore par la production, qui vit comme dans les années 50 (Vêtements, philosophie assez conservatrice, musique, conformisme petit-bourgeois, on sent que Christof a sciemment créé un monde rassurant pour l'Américain moyen)? Le problème, c'est qu'on ne lui a pas laissé la chance de l'exprimer, mais comme il le dit enfin à Christof: "vous n'avez pas de caméra dans ma tête". On lui a non seulement tout volé, à commencer par une chance d'être heureux (Il voulait faire le tour du monde, et est tombé fou amoureux de Lauren-Sylvia), on lui a même empêché d'exister... A la fin de ce film, il vient non seulement de voir toutes ses pires craintes se réaliser, son monde s'écrouler, il a aussi rencontré son Dieu, l'a tout bonnement envoyé paître, et en prime, il fait une révérence d'une superbe élégance avant de quitter à tout jamais son public pour enfin affronter son destin. Joué par un Jim Carrey génial de bout en bout, Truman, enfin, est un héros, un vrai, un grand, un beau. Et le monde jusqu'au-boutiste de la télévision présenté dans ce film futuriste est sans doute exagéré, mais après tout, The Truman Show est une fable.

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Published by François Massarelli - dans Peter Weir Science-fiction Andrew Niccol