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25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 19:17

Après le triangle, le rectangle: Shooting stars racontait une intrigue amoureuse qui tournait mal, sans doute essentiellement à cause de la nature capricieuse d'une actrice trop gâtée... Et située dans le milieu du cinéma, l'histoire racontait des événements situés sur les lieux de travail des protagonistes: cette dimension est non seulement présente à nouveau dans Underground, elle est essentielle au film (Et on la retrouvera aussi dans A cottage on Dartmoor, le dernier film muet d'Asquith): les quatre personnages principaux de ce film très Londonien sont, en effet, identifiés dans le générique non seulement par leur nom, mais aussi leur métier. Kate et Nell sont respectivement couturière et vendeuse, Bill est contrôleur dans le métro, et Bert travaille à la fameuse centrale de Battersea.

Le film repose sur deux rencontres dans le métro: une jeune femme, Nell (Elissa Landi) se fait successivement importuner par un sale type, Bert (Cyril McLaglen) puis rencontre un employé du métro, BIll (Brian Aherne) qui va la séduire par sa gentillesse. Le problème, c'est que le premier a décidé qu'elle lui appartiendrait coûte que coûte, et va mêler à son corps défendant sa maîtresse, Kate (Norah Baring) à laquelle il a promis la lune...

Le Londres de la fin des années 20 compose un théâtre parfait pour le mélo: moderne, industriel et terriblement urbain. Mais ce n'est pas que du mélo, et il y a un sens de la comédie chez Asquith (C'était déjà la cas dans Shooting stars qui dans le genre peut largement rivaliser avec des Keaton et des Lloyd, tout en étant une tragédie!): le metteur en scène sait à la fois user de son don d'observation, et profiter des ses décors pour installer une ambiance d'un réalisme saisissant. Et il aime les gens, ça se voit tout de suite: la scène d'ouverture dans le métro fait beaucoup penser à Lloyd (Speedy, bien sur), mais il y a peu de méchanceté dans l'étalage de ces vies volées, qu'on jurerait toutes vraies.

Asquith, un socialiste déclaré à l'époque, s'efforce de nous montrer ce que le cinéma a rarement montré alors: des gens qui travaillent, qui vivent et qui tentent de faire attention à leurs fins de mois, comme dans les meilleurs Hitchcock Anglais... Lorsqu'on aperçoit un chapeau haut de forme, c'est presque un accident, tant les protagonistes portent plutôt la casquette! Si Underground est moins démonstratif que Shooting stars, c'est sans doute parce qu'il a fallu tourner dans des lieux authentiques, dont le métro Londonien. N'empêche, c'est là encore un tour de force! Et puis le film prend son temps avant d'asséner un suspense fantastique dans une série de scènes qui n'ont que peu d'équivalent... Mais l'ombre de Metropolis plane avec insistance sur Underground: ce qui rappelle à toutes fins utiles que François Truffaut qui a un jour dit qu'il était absurde de parler de cinéma Anglais tant ça lui semblait antinomique d'associer ce nom et cet adjectif, se fourrait le doigt dans l'oeil...

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Published by François Massarelli - dans Anthony Asquith Muet 1928 **
24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 11:40

Le film commence par une scène de tournage, un procédé qui ne donne pas tant lieu à des images trompeuses, qu'on aurait pu le croire. L'essentiel de l'action du film a lieu sur un studio, ou sur des plateaux de tournage. Comme tant d'oeuvres de la même époque, donc de 1927 ou 1928, le scénario suit de très près une forme très proche du mélodrame, simplifiée autour des quelques personnages (En l'occurrence un triangle amoureux assez classique), mais la mise en scène elle est d'une invention de tous les instants. Commençons par dissiper le doute: le film est crédité comme 'Un film d'Anthony Asquith' (C'est son premier effort), "mis en scène par E. V. Bramble". Mais la présence du vétéran est sans doute surtout faite pour rassurer la production, car le film porte, comme Underground et A cottage in Dartmoor, la patte de la mise en scène d'Asquith, encore un jeune loup qui s'est volontiers laissé séduire par le style de cinéma hérité des grands maîtres Allemands...

Mae Feather (Annette Benson) et Julian Gordon (Brian Aherne) sont deux acteurs et partenaires, mariés. Leur spécialité, c'est le thriller et l'aventure, avec une prédilection pour les scripts qui permettent à l'héroïne de faire face à un danger sérieux (Torture, viol, etc...), puis d'être secourue par son héros valeureux... Les deux stars sont bien différents l'une de l'autre: lui est finalement assez "premier degré", on le voit d'ailleurs à un moment assister à la projection d'un de ses films, il réagit aussi naïvement que les enfants du public! Elle, par contre, se comporte comme une star, comprendre par là qu'elle est tyrannique et capricieuse... Une autre différence soulignée par le film, c'est que lui ne se maquille pas, alors que Mae passe l'essentiel des tournages dissimulées sous les fards et une (atroce) perruque. Mais tout n'est pas rose: on assiste aussi à des tournages de comédie au studio, dont la star est Andy Wilks (Donald Calthrop), un acteur lui aussi grimé, un peu à la façon dont les acteurs se maquillaient chez Sennett: en plus de vêtements ridicules, ils portent d'improbables moustaches qui les rendent furieusement grotesques, et prêts à participer à des actions généralement délirantes, avec courses poursuites et coups de pied au derrière. Mais Andy Wilks a un secret, du moins le croit-il (Tout le studio a l'air au courant, sauf sans doute ce pauvre Julian): il est amoureux de Mae, et elle le lui rend bien. Un soir, ils sautent le pas, et après cet adultère, le drame va se nouer. En effet, Mae sait qu'un scandale ruinerait sa carrière. Il va donc falloir être discrets... Et bien sur, ça sera impossible.

C'est formidable, décidément cette période est une mine d'or: le film est d'une invention visuelle constante, et la caméra est partout. La vivacité de la mise en scène, l'invention visuelle, la façon dont les éclairages sont disposés, tout identifie ce film au brillant sursaut formel de 1927/1928! Et le fait qu'il se déroule sur des tournages a stimulé la mise en scène encore plus (Rien que pour cette période, il me vient au moins deux titres à l'esprit, dans le monde, pour des films situés dans le milieu du cinéma: Filmens Helte, de Lau Lauritzen au Danemark, et Show People de King Vidor à la MGM), en donnant à voir l'envers du décor sous un angle souvent dramatique ou caustique. Ca donne lieu à des scènes finement observées par les auteurs, et on a l'impression d'assister à une certaine vérité. Maintenant, on admettra que le film ne donne pas à proprement parler une image très positive de sa protagoniste principale, vue généralement en train de se remaquiller toutes les cinq minutes, et dont les motivations restent profondément égoïstes. Mais il faut voir la façon dont Asquith (Et Bramble) amène (nt) la scène dramatique la plus importante de la fin, dans laquelle un petit objet ressemblant à un bâton de rouge à lèvres joue un rôle primordial...

Pour un premier film, c'est un beau, un très beau début, maintenant restauré de façon glorieuse par le BFI.

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Published by François Massarelli - dans Anthony Asquith Muet 1927 **
8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 11:04

Pour François Truffaut, le fait d'associer "cinéma" et "Grande-Bretagne" était impossible. le bonhomme mobilisait généralement toute sa mauvaise foi (et il en était franchement bien pourvu) pour dénigrer aussi souvent que possible le cinéma Britannique, à l'exception bien sûr des films d'Hitchcock...

 

Sans être nécessairement de la même importance que les films d'Alfred H., A cottage on Dartmoor est pourtant un bien bel essai, relativement typique de la fin du muet dans ses recherches (Montage "à la Russe", lumières, caméra très mobile...) et la dilatation du temps qui doit beaucoup au cinéma Allemand, puisque finalement au bout de 90 minutes, il y a eu relativement peu de scènes à voir, mais certaines sont gonflées pour épouser le point de vue du personnage principal et de sa souffrance. Le plus remarquable tient selon moi dans les efforts déployés aussi bien par le réalisateur que par les acteurs pour donner à voir des sentiments, des pensées, sans avoir recours à un arsenal de jeu académique, sans non plus tomber dans l'excès Veidtien: à ce titre, la participation de Hans Schlettow (Qui sous un nom plus aristocratique a participé à plusieurs Lang) est remarquable, puisqu'il incarne avec une certaine retenue le personnage principal, celui dont on apprendra assez vite qu'il est dangereux: il vient de s'évader, avec la seule motivation d'achever l'homme à la vie duquel il avait attenté, ainsi que de tuer la compagne de celui-ci, dont il croit qu'elle l'a trahi. Malgré le poids de toutes ces données, il parvient à rendre le personnage sympathique et humain. Norah Baring, qui tournera l'année suivante dans Murder de Hitchcock, est également remarquable, prenant en charge les ruptures de ton avec un visage mobile et très inhabituel: une scène, au début du film, la voit filmée dans une relative obscurité, recevant la lumière de coté. Lorsqu'elle entend un bruit, son visage s'immobilise, et on passe en une fraction de seconde d'une émotion à l'autre: l'éclairage a été choisi en fonction des deux expressions de l'actrice, et l'effet dramatique est saisissant. Norah Baring incarne l'objet du désir, sans jamais tomber dans le jeu de la femme fatale: c'est juste une brave fille de la classe ouvrière, cette classe que décidément le cinéma Anglais n'a jamais cessé de nous montrer à cette époque, chez Hitchcock, Elvey, ou chez Dupont. 

Le film tire également sa force d'une construction en flash-back des plus dynamiques: Lorsqu'il arrive à la maison ou se trouve la jeune femme et son enfant, seuls, celle-ci voit l'évadé, et un mouvement de caméra soudain sert de transition vers une scène qui s'est déroulée dans le passé, et qui va tout expliquer. Le doute sur ce qui va réellement se passer, aussi bien dans le flash-back que dans l'ensemble du film, sert de fil rouge et de fil conducteur à un suspense bien mené.


Petit plus, certainement très remarqué à l'époque, ou on appréciait les montage à la Eisenstein, Asquith se paie la fiole du cinéma parlant, en nous montrant une séance, au cours de laquelle Joe (Schlettow) épie les deux autres personnages à leur insu; Asquith nous montre le public conquis par l'orchestre qui accompagne la projection d'un Harold Lloyd, leur enthousiasme (Schlettow, lui, ne regarde que les deux autres, il ne regarde pas les films), et leur dispersion lorsque les musiciens s'arrêtent de jouer, pour boire de bières et attendre: on n'a plus besoin d'eux, le film est parlant: le public est divisé, plus personne ne réagit comme son voisin, une dame sourde ennuie sérieusement sa voisine en lui demandant constamment de lui expliquer le film, un amateur enthousiaste applaudit et se fait rabrouer, certains pleurent, d'autres rient... l'étape suivante dans cette direction, c'est bien sur la fameuse scène d'ouverture de City Lights... Et à propos de son, je n'en fais pas une habitude, mais la partition (exécutée au piano) est un modèle du genre dans ce film qui, s'il n'est pas forcément indispensable, est malgré tout une belle révélation, et il enfonce le clou: oui, il y a des choses à prendre chez les Anglais, y compris en matière de cinéma...

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Published by François Massarelli - dans Muet Anthony Asquith 1929 *