Après le triangle, le rectangle: Shooting stars racontait une intrigue amoureuse qui tournait mal, sans doute essentiellement à cause de la nature capricieuse d'une actrice trop gâtée... Et située dans le milieu du cinéma, l'histoire racontait des événements situés sur les lieux de travail des protagonistes: cette dimension est non seulement présente à nouveau dans Underground, elle est essentielle au film (Et on la retrouvera aussi dans A cottage on Dartmoor, le dernier film muet d'Asquith): les quatre personnages principaux de ce film très Londonien sont, en effet, identifiés dans le générique non seulement par leur nom, mais aussi leur métier. Kate et Nell sont respectivement couturière et vendeuse, Bill est contrôleur dans le métro, et Bert travaille à la fameuse centrale de Battersea.
Le film repose sur deux rencontres dans le métro: une jeune femme, Nell (Elissa Landi) se fait successivement importuner par un sale type, Bert (Cyril McLaglen) puis rencontre un employé du métro, BIll (Brian Aherne) qui va la séduire par sa gentillesse. Le problème, c'est que le premier a décidé qu'elle lui appartiendrait coûte que coûte, et va mêler à son corps défendant sa maîtresse, Kate (Norah Baring) à laquelle il a promis la lune...
Le Londres de la fin des années 20 compose un théâtre parfait pour le mélo: moderne, industriel et terriblement urbain. Mais ce n'est pas que du mélo, et il y a un sens de la comédie chez Asquith (C'était déjà la cas dans Shooting stars qui dans le genre peut largement rivaliser avec des Keaton et des Lloyd, tout en étant une tragédie!): le metteur en scène sait à la fois user de son don d'observation, et profiter des ses décors pour installer une ambiance d'un réalisme saisissant. Et il aime les gens, ça se voit tout de suite: la scène d'ouverture dans le métro fait beaucoup penser à Lloyd (Speedy, bien sur), mais il y a peu de méchanceté dans l'étalage de ces vies volées, qu'on jurerait toutes vraies.
Asquith, un socialiste déclaré à l'époque, s'efforce de nous montrer ce que le cinéma a rarement montré alors: des gens qui travaillent, qui vivent et qui tentent de faire attention à leurs fins de mois, comme dans les meilleurs Hitchcock Anglais... Lorsqu'on aperçoit un chapeau haut de forme, c'est presque un accident, tant les protagonistes portent plutôt la casquette! Si Underground est moins démonstratif que Shooting stars, c'est sans doute parce qu'il a fallu tourner dans des lieux authentiques, dont le métro Londonien. N'empêche, c'est là encore un tour de force! Et puis le film prend son temps avant d'asséner un suspense fantastique dans une série de scènes qui n'ont que peu d'équivalent... Mais l'ombre de Metropolis plane avec insistance sur Underground: ce qui rappelle à toutes fins utiles que François Truffaut qui a un jour dit qu'il était absurde de parler de cinéma Anglais tant ça lui semblait antinomique d'associer ce nom et cet adjectif, se fourrait le doigt dans l'oeil...