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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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6 août 2021 5 06 /08 /août /2021 06:41

Gregory Larkin (Jeff Bridges) et Rose Morgan (Barbra Streisand) sont deux professeurs de l'université de Columbia, qui ne se connaissent pas. Le premier est un mathématicien, doué mais pas pour la communication et encore moins pour la pédagogie; la deuxième en revanche est une spécialiste de la littérature Britannique, dont l'aura auprès des élèves est impressionnante: ses cours ne désemplissent pas... Gregory est timide, Rose complexée par son physique... Ils ne se connaissent pas.

Sous l'influence de ses propres théories selon lesquelles l'amour idéal serait une forme de compagnonnage dont on aurait banni les rapports sexuels, Gregory passe une petite annonce pour trouver l'âme soeur, "physique indifférent". La soeur de Rose (Mimi Rogers), qui est inquiète pour elle, décide d'envoyer une réponse pour elle, et bientôt Gregory la fréquente, puis ils se marient... Mais...

Plutôt qu'un remake strict, le film est inspiré du scénario de André Cayatte et Gérard Oury pour Le miroir à deux faces, le film de 1958 de Cayatte avec Bourvil et Michèle Morgan. Quiconque l'a vu verra tout de suite les différences: pas de chirurgie esthétique, mais du maquillage; le professeur n'est ni antipathique, ni affublé d'une mère envahissante; et l'intrigue ne part pas vers le noir sardonique de l'original, mais reste fermement ancré dans la comédie romantique...

Et c'est là qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Et ce qui ne va pas c'est cette situation arbitraire qui voit d'une part Larkin devenir obsédé par l'impossibilité du rapport sexuel et le fait que ça devienne mesquin. C'est comme si le remake avait importé tout le sous-texte sur l'impuissance liée à la mère castratrice du film original, pour n'en faire malgré tout qu'un élément décoratif. En lieu et place, Lauren Bacall incarne une mère réjouissante et envahissante, celle de Barbra Streisand, et leurs joutes verbales sont toujours pertinentes...

Mais elles mettent surtout en valeur le fait que le film est dominé par sa star-metteur en scène, qui est certes excellente, mais qui en fait un peu trop. Elle vampirise l'écran, et à l'extrême. Et le cocktail comédie-drame ne fonctionne pas aussi bien que dans ses deux précédents films... Elle a choisi de rester prudemment dans le giron de la comédie, mais souvent on a envie de demander à ses personnages "A quoi bon?" comme souvent dans les comédies de cette époque. On peut noter pour finir qu'après ce film qui a eu du succès, Streisand s'est tenue à l'écart de la réalisation... Au vu de ses deux premiers films et des côtés attachants de celui-ci, c'est dommage...

 

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Published by François Massarelli - dans Barbra Streisand Comédie
8 juillet 2021 4 08 /07 /juillet /2021 18:18

Un homme du Sud (Nick Nolte), dont la vie est en pleine déconfiture, apprend a tentative de suicide de sa soeur jumelle... Ce n'est pas la première fois, et dans une famille meurtrie, ce n'est pas non plus le premier drame. Il doit se rendre à new York où elle vit, afin de rencontrer le Dr Lowenstein (Barbra Streisand), la psy de Savannah, car cette dernière fait un blocage sur tous ses souvenirs. Tom sera donc la mémoire de sa soeur, et va du même coup vivre deux expériences inattendues: d'une part, il va subir une thérapie imprévue, et d'autre part, il va tomber amoureux...

S'il fallait définir un genre pour ce film (drame sentimentale psychanalytique à révélations dosées?) ce serait une catastrophe, car personne n'aurait envie de le voir! Or c'est une merveille de délicatesse, avec quelques défauts, on ne demande pas la lune et c'est aussi le deuxième film d'une relative novice, après tout... Novice? Voire! Barbra Streisand, qui a produit et réalisé en plus d'interpréter, sait parfaitement ce qu'elle veux, donc si parfois l'impétuosité rocailleuse de Nolte nous énerve (un peu) c'est qu'il est comme ça. La réalisatrice a repris à son compte la méthode d'un Wyler, dont elle a admiré le talent quand ils ont tourné Funny girl ensembles, en la mâtinant de sa propre démarche: des séquences construites autour des personnages, des personnages construits autour des acteurs, et avec une préparation par des semaines intenses de répétition...

Et la réalisatrice, mine de rien, aborde des sujets qu'on n'attendait pas y compris de ces "thrillers psychanalytiques", qui sont souvent plus vides qu'autre chose. Ici, c'est par hasard qu'on découvrira les secrets de la famille Wingo, des secrets enfouis dans la vase des marécages de Caroline du Nord...

Le résultat est là, comme dans Yentl, qui il faut le reconnaître partait de bien plus loi, étant à la fois une comédie musicale ET reconstitution réaliste! On s'attache fortement à ces personnages, et on fermera les yeux sur l'avalanche occasionnelle de bons sentiments. Et le fait est que le film nous montre, sans crier gare, un parcours psychologique qui prend un tournant inattendu et qui passe par l'un des univers les plus absents de toute l'histoire du cinéma! la fragilité masculine... L'approche de la mise en scène nous laisse assez convenablement baba, bien plus que la détestable mode vestimentaire de l'époque...

 

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Published by François Massarelli - dans Barbra Streisand Criterion
2 mai 2021 7 02 /05 /mai /2021 08:56

"Suspension of disbelief": c'est ainsi qu'on caractérise en Anglais la magie du cinéma: on sait que ce qu'on regarde est faux, mais on décide de suspendre notre incrédulité le temps de se faire prendre dans l'action et d'en récolter le plaisir d'évasion qu'on recherche. C'est la base, depuis Méliès, du cinéma narratif... Si cette suspension est facile, alors le film marche. Si elle ne s'effectue pas, c'est raté. Simple, non? Sauf qu'après c'est selon: croit-on que Yentl est un homme, sous prétexte qu'on l'a vue se couper les cheveux? Non. Mais justement: nous l'avons précisément vue se déguiser en homme, donc ce qui compte ce n'est pas que nous y croyions, mais que les personnages du film, eux, y croient...

1904, en Pologne: Yentl (Barbra Streisand) est la fille d'un homme qui, en cachette, lui a appris le Talmud. Dans une communauté Juive orthodoxe où la seule préoccupation reconnue comme utile pour une femme, aux yeux de tous, est la recherche d'un mari et donc les accomplissements domestiques qui y mèneront, il vaut mieux étudier les volets fermés, car "si Dieu comprend, les voisins, eux, ne comprendront pas"... A la mort de son père, Yentl fuit de peur d'être forcée à un mariage, et se déguise en homme. Elle se rend en ville, pour y entrer à l'université... Sous le nom d'Anshel, elle devient l'ami (e) d'Avigdor (Mandy Patinkin), un fringant étudiant dont elle tombe amoureuse... Mais Avigdor, qui ignore son identité, va introduire "Anshel" dans le cercle de sa future belle-famille, auprès d'Hadass (Amy Irving) sa fiancée...

L'enjeu va se déplacer, et devenir intime: déjà, Yentl vit dans la dissimulation de crainte qu'on ne découvre qu'elle est une femme; mais Avigdor vit lui aussi avec un secret: son frère, décédé un mois auparavant, n'est pas mort de pneumonie, comme il le prétend, mais il est suicidé: un péché mortel, et un stigmate pour toute la famille. Quand ils l'apprennent, les parents de Hadass décident de rompre les fiançailles. Avigdor demande à Anshel, par amitié, de devenir le fiancé à sa place afin que la jeune femme reste proche de lui...

C'est la partie la plus difficile à accepter, sur le papier, que le fiancé éconduit confie celle qui est supposée être l'amour de sa vie à son meilleur ami, mais pour toute personne qui a vu le film, il sera clair qu'on est ici devant un conte, qui aurait pu (s'il n'avait été situé dans la sphère du judaïsme bien sûr...) traité par le studio Disney! Mais il est aussi beaucoup question de sexualité dans le film, et sous plusieurs formes. D'une part, Yentl doit partager la chambre et l'intimité de son copain, une scène qui mise sur l'embarras de la jeune femme et qui est très drôle; ensuite il y a la fameuse scène du bain (là, je retire ce que j'ai dit sur Disney: ça, ils l'ont fait dans Mulan, mais avec beaucoup moins de précision graphique); mais surtout une bonne part de l'enjeu du film repose, dans sa dernière demi-heure, sur le fait que par la force des choses, Yentl-Anshel se marie avec Hadass et le risque que son secret soit découvert est à son maximum. La façon dont il/elle va s'en tirer fait le sel du film, d'autant que, pour détourner les attentions d'Hadass, "Anshel" prend sur lui d'éduquer son épouse qui, disposant de nouvelles ressources intellectuelles, va à son tour revendiquer une sexualité épanouie!

Mais bien sûr, au-delà du portrait intime d'une communauté Juive orthodoxe d'Europe centrale, qui est assez rarement représentée au cinéma, hélas, le film est la revendication d'une féminité accomplie, d'un progrès dans le traitement des sexes, avec en prime des éléments de réflexion sur le genre qui sont passionnants, et qui ne nous avaient peut-être pas sauté aux yeux en 1983: maintenant, ils apparaissent clairement, et la réalisatrice avait décidément des révolutions à mener: elle joue sur l'ambiguité des sentiments dans l'étrange triangle qui se dessine sous nos yeux, et dans la très belle scène de confrontation durant laquelle Yentl avoue sa condition à Avigdor, les sentiments qui vont s'exprimer sont nombreux, et parfois contradictoire. Avigdor aime Yentl, mais il aime aussi Anshel. Il ne peut concilier les deux car Anshel étant un homme, est un intellectuel alors que Yentl à ses yeux va devoir arrêter d'étudier, étant découverte. Yentl aime Avigdor, passionnément, mais "Anshel" avoue aussi à Hadass qu'il l'aime, et dans l'intimité du couple encore bien. Est-ce pour se sauver ou pour sauver la jeune femme d'un rapprochement futur qu'elle croit inévitable, que Yentl met les pendules à l'heure, à la fin du film?

Les revendications féminines du film sont le principal thème, et donnent vraiment le ton du film (mi-chronique amusée, mi-drame). Dès le départ, Streisand met l'accent sur le destin des femmes, priées d'être de ravissantes idiotes et surtout de bonnes cuisinières, pour leurs maris. Un bouquiniste vend des livres (philosophiques et religieux) pour les hommes et de jolis livres illustrés pour les femmes, et Yentl doit mentir pour s'acheter des ouvrages. Cette position inférieure et attentiste de la femme est répétée du début à la fin du film, et au vu de la dernière scène avec Avigdor, n'est pas résolue pour autant! Mais dans le bateau qui la conduit vers les Etats-Unis, Yentl croise beaucoup de monde, de toutes origines probablement, et l'une des petites filles qu'on nous montre est en train d'étudier des textes en hébreux...

Pour finir, ça a beau être le premier film d'une actrice-chanteuse, on sent ici une maîtrise, à côté sans doute de maladresses occasionnelles, qui force le respect. Car elle a voulu le faire son film, c'est évident! du choix des lieux où planter l'action (comme souvent, c'est dans ce qu'on appelait à l'époque la Tchécoslovaquie que Streisand a choisi ses décors), des costumes et de la recherche de ce qu'était sans doute vraiment l'environnement de cette communauté orthodoxe, en passant par le choix des acteurs et des figurants, tout fonctionne à merveille. Il y a un plaisir esthétique évident, qui passe aussi par une envie de faire des plans qui aillent bien au-delà du fonctionnel: certes, le plan de la pluie sur les vitres est un cliché avec des heures de vol, mais la façon constante dont elle place ses personnages dans les décors, dont elle recrée la vie d'un petit marché ou d'un restaurant, ou de l'université... C'est en plus une grosse production, à plus forte raison pour un premier film. Ajoutons à cela la bande-son de ce qui est, aussi un "musical", et pas une comédie musicale, la nuance est importante. Streisand, unique chanteuse du film, a intégré les chansons comme autant de monologues intérieurs, et à une exception près ne donne jamais au chant une fonction qui déteint sur les autres personnages. A la fin, elle se rappelle de sa belle carrière et sur le bateau qui la mène aux Etats-Unis, Barbra Streisand donne sa version d'une séquence célèbre du Funny girl de William Wyler (dont elle était l'héroïne), en la complexifiant avec, mais oui, virtuosité... Bref: une surprise venue de nulle part, un petit chef d'oeuvre.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Barbra Streisand