Une oiselle qui en a plus qu'assez de couver son unique oeuf le confie au gentil éléphant Horton, qui est un peu simplet... Mais il n'a qu'une parole, y compris quand la corvée va durer 51 semaines...
On n'attendait pas l'excentrique sauvage Clampett aux commandes d'une adaptation assez respectueuse d'un conte. Mais il a totalement fait sien le coté délirant et l'arrière-plan ironique de l'histoire du Dr Seuss, qui fustige les hypocrites. Et il l'a fait en beauté, avec son équipe rodée et des animateurs tous plus fous furieux qu'il ne l'était lui-même...
Ce film assez étrange, dont l'introduction laisse penser qu'il va s'agir d'un reportage consacré aux Oscars avant de bifurquer vers l'animation, est une pause: un dessin animé de recyclage concocté vite fait par l'équipe de Bob Clampett pour boucher un trou, et c'est quasiment un solo.
Sauf que 2 minutes de Hiawatha's rabbit hunt, réalisé en 1941 par Friz Freleng, y sont recyclées! C'est que le thème est donc la cérémonie des Oscars, et Bugs, sûr de triompher de son rival James Cagney, y montre un extrait de son oeuvre afin d'influencer le public et le jury...
Rod Scribner gagne pour sa part l'oscar de l'animation-réaction la plus ahurissante avec une réaction de Bugs Bunny à l'annonce des résultats... Voir photo.
A vrai dire, je ne sais pas trop qui est Bernard Brown, obscur contributeur au cinéma des années glorieuses, et dont aucune filmographie ne mentionne sa "supervision" de ce film, comme on disait alors. Il est certainement plus sage de le créditer aux animateurs Jack King et Bob Clampett. Le deuxième était tout jeunot à cette époque, mais on retrouve son absence totale d'inhibition et sa tendance au grand n'importe quoi sans limite. Le premier était déjà un vétéran de l'animation qui avait travaillé avec Ub Iwerks chez Disney...
Quant à la chanson, elle est le prétexte: les Merrie Melodies reprenaient toujours des chansons des films WB, cette fois c'est un classique tiré de Gold Diggers of 1933 (La chanson des ombres chinoises, si vous connaissez le film vous saurez de quoi je parle...) qui sert de base. Le cartoon fait quelques efforts pour faire allusion au film avant que le grand n'importe quoi ne s'installe...
Un jeune buzzard particulièrement crétin (sa mère l'appelle pourtant "Killer"! incidemment son nom au studio sera "Beaky") reçoit de sa maman la mission de ramener de la viande fraîche. Dommage pour lui: il a décidé de ramener un lapin!!
C'est la première contribution majeure de Clampett à l'univers de Bugs Bunny, et le personnage qu'il y crée reviendra par la suite sous la responsabilité de Freleng ou Avery. C'est un excellent film, où la galerie d'expressions toujours plus folles des films de Clampett s'enrichit des contributions d'un génie, l'animateur Rod Scribner, qui se surpasse ici. Sachant que le reste de l'animation est confiée au sage Bob McKimson, ça donne une impression de passer par des montagnes russes... Et à un moment, cet éternel cabotin qu'est Bugs Bunny passe par les affres de l'angoisse: Clampett était quasiment le seul à le mettre vraiment en mauvaise posture.
Un chat affamé s'approche d'un canari vaguement endormi... Et ce pour la première fois. On oublie que c'est Clampett qui a inventé cette situation et ce personnage de petit oiseau en apparence famélique, mais qui dispose de ressources insoupçonnées tellement il est inventif, odieux, méchant et sans pitié. car vous n'allez pas me dire que Tweety est le héros des films qu'il a ensuite gratifié de sa présence?
En revanche, si par hasard (dans Kitty kornered) Clampett a effectivement inventé le design d'un chat proche de Sylvester, qui parlait avec un sérieux cheveu sur la langue par la voix de Mel Blanc, ici, c'est un gros matou doté d'un bide conséquent. C'st donc la deuxième fois (Après A tale of two kitties) que Clampett anime Tweety, et c'est aussi la dernière... Je me demande ce qu'il a bien pu penser de la suite des aventures de son canari.
Sorti en 1946, donc à la toute fin de la période Warner de Clampett, ce film est un remake de A coy decoy, dans lequel le metteur en scène montrait la vitrine d'une librairie dont les couvertures des ouvrages s'animaient en fonction de leur titre, sur le même principe que les films à vignettes de Tex Avery (A gander at mother goose); mais Clampett modernise la chose en utilisant en virtuose la musique, et en saupoudrant le film d'allusions à Artie Shaw, Frank Sinatra, Gene Krupa, Benny Goodman et Glenn Miller. En prime, un Daffy duck transfiguré, déguisé en Danny Kaye, joue les maîtres de cérémonie survoltés...
En 1946, Clampett devait être sur le départ, car il s'accommodait mal de la supervision de Leon Schlesinger: celui-ci avait beau ne pas être très envahissant, au point de laisser les coudées franches à "ses" réalisateurs, mais contrairement à Jones et Freleng (et McKimson, celui qui n'avait pas un gramme de talent), Clampett était décidément trop extrême dans ses films...
Et celui-ci, qui part pourtant d'une situation inoffensive (Porky souhaite faire comme ses voisins, et sortir les chats avant de se coucher, mais il rencontre une résistance inattendue), est parmi les plus extrêmes... Il est intéressant de constater que Sylvester, le chat bafouilleur qui sera à l'affiche de tant de dessins animés des plus présentables, a en fait commencé sa carrière dans ce court métrage d'une grande sauvagerie, où l'animation extrême vous donnera soit des fous rires incontrôlables, soit des maux de tête assortis d'une forte fièvre...
Daffy Duck, obsédé par la bande dessinée Dick Tracy, attend comme le gamin Américain moyen des années 40 sa parution mensuelle du comic... Et finit par en rêver: il devient Duck Twacy, détective à la recherche de la tirelire volée...
C'est un tour de force, l'un de ces dessins animés de Bob Clampett qui vont tellement loin à l'écart des entiers battus des Merrie Melodies et des Looney Tunes, qu'il y a un certain nombre de personnes pour lesquelles ça ne passe tout simplement pas! Daffy Duck, livré par Clampett aux animateurs qui disposent d'une immense liberté créative (Rod Scribner, Bob Melendez et d'autres) attendait d'eux qu'ils s'en donnent à coeur joie. Il n'a sans doute jamais été déçu.
Si le point de fort des films de Clampett est l'émotion, alors il faut considérer ce film, qui projette Daffy en quasi solo dans une sombre affaire au milieu des étranges créatures du dessinateur Chester Gould, comme un sommet. ...On est loin, très loin, du Daffy Duck affadi des années 50...
Ce film offre une variation sur le thème de la chasse car cette fois (Comme dans The Heckling harede Tex Avery) c'est un chien qui poursuit Bugs Bunny de ses assiduités. Un chien d'ailleurs vaguement efféminé, totalement façonné comme seul Clampett pouvait le faire, avec une très improbable houppette rousse, et une queue ornée façon caniche de la même couleur...
C'est donc cet animal foncièrement marqué du saut de la crétinerie dès le départ qui va suivre Bunny dans l'eau (Une bonne partie du cartoon est en fait purement sub-aquatique... ce qui a tendance à en ruiner l'effet) et succomber à ses charmes comme à ceux d'une sirène. Si McKimson est à son aise comme à chaque fois qu'il doit animer une bestiole de taille conséquente, Scribner s'en donne à coeur joie avec les changements d'expression du molosse.
Il existe deux versions du film: dans la plus courante, à la fin, Bunny entend le chien se plaindre et souhaiter mourir, il lui offre un revolver avec lequel l'animal se suicide... Il s'agit en effet de la version atténuée, puisque dans l'original il tirait lui-même...
Après le départ de Tex Avery, Bob Clampett a "hérité" de son unité, pour ses bons et loyaux services en tant qu'animateur sous les ordres de Tex, puis en tant que réalisateur des Looney Tunes, les dessins animés "économiques" en noir et blanc; ce qui veut dire qu'il allait pouvoir lui aussi réaliser des "Merrie melodies" (soit des films plus ambitieux, en couleurs, qui portaient en eux le prestige du label WB...
Sauf que Clampett étant Clampett, il a probablement fait plus fort encore que Tex Avery en matière de délire et d'affranchissement des limites. Ce film, qui raconte l'histoire rythmée dans le jazz le plus swing, d'un chat dragueur et assez clairement obsédé sexuel, en est une illustration parfaite: l'animation n'y est pas confortable et rassurante, mais frénétique et excessive, une marque de fabrique des films de Clampett, qui va profiter des moyens qui lui sont donnés pour pousser le bouchon de l'animation très loin: c'est à partir de cette époque en particulier qu'avec Manny Gould et Rod Scribner, il va prendre l'habitude de multiplier les dessins extrêmes dans les mouvements rapides, ajoutant à l'impression de folie furieuse de ses séquences animées...
Bref, on en prend plein la figure, et les Merrie Melodies, vitrine huppée du département animation de la Warner, qui souhaitait faire concurrence aux Silly Symphonies, ne survivra pas longtemps: pour preuve, ce film est sorti sous étiquette Looney Tunes...