Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 septembre 2023 4 07 /09 /septembre /2023 08:08

Dans un immeuble de Séoul, vivent plusieurs personnages: Ko Yun-ju (Lee Sung-jae), un professeur sans emploi, trompe plus ou moins son ennui en essayant mollement de trouver un travail et en attrapant les chiens des voisins et voisines, d'une part parce qu'il n'en supporte pas les aboiements, d'autre part, parce qu'ils sont interdits sur la cité... Par ailleurs, il est dominé par son épouse (Kim Ho-jung), enceinte, qui lui reproche de ne pas gagner d'argent pour le foyer... Et cette épouse, un soir, revient avec un chien!

Park Hyun-nam (Bae Doo-na), une jeune femme, vivote de petits travaux mais n'a qu'une obsession, devenir célèbre, de n'importe quelle façon. Avec un modèle, une jeune femme qui s'est illustrée en résistant à un cambrioleur et en lui mettant une bonne dérouillée. Pour commencer, elle va essayer de résoudre le mystère des chiens qui disparaissent...

Le concierge (Byun Hee-bong) de l'immeuble, un brave homme, avec un péché mignon... Il mange les chiens, un comportement que par prudence il préfère ne pas afficher trop ostensiblement...

Enfin, un "passager clandestin" (Kim Roi-ha), ou faut-il l'appeler un "parasite", vit dans le sous-sol de la résidence, un homme qui lui aussi partage les penchants coupables du cynophage...

C'est le premier film de Bong Joon-ho, dans lequel il expérimente une sorte de puzzle de destins, sachant que tous les gens qu'il nous donne à voir sont bien différents les uns des autres, mais aussi tous un peu frappés sur les bords. On pense parfois à une sorte de Décalogue en mode satirique et en peut-être plus méchant encore, dans lequel l'immobilisme de toute cette cité dortoir est d'ailleurs fort bien représentée par la correspondance entre la première séquence (Le personnage principal, à sa fenêtre, se laisse aller à la contemplation de la nature et ne sera dérangé que par un aboiement intempestif) et les dernières (Le même, désormais professeur en exercice, doit fermer les rideaux de sa salle de classe et n'a donc plus accès à la rêverie, pendant qu'au contraire la jeune femme qu'il a rencontrée, virée de son emploi, peut pour sa part s'adonner à la randonnée dans les mêmes bois qu'il regardait avec envie)... 

Le film tisse sans effort apparent des liens souvent burlesques entre les personnages, et certaines séquences vont loin dans la méchanceté. Comme d'autres films, Bong Joon-ho joue de l'humour en passant avec adresse de l'humour de situation à l'humour visuel pur. Une tendance chez lui qu'il illustre d'ailleurs bien au-delà de la comédie...

Un dernier point, important: pour voir le film, il faut aussi avoir un degré de tolérance élevé pour les scènes qui font intervenir de la violence physique vis-à-vis des animaux: lorsque le film commence, une phrase apparaît à l'écran: "aucun animal n'a été maltraité durant le tournage". Mais le réalisme du film, beaucoup plus cru que, au hasard A fish called Wanda (qui n'y allait pourtant pas de main-morte), vous fera peut-être douter...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Comédie Bong Joon-Ho
28 avril 2023 5 28 /04 /avril /2023 19:11

Trois films en un, une anthologie confiée à trois cinéastes de premier plan, qui ont eu carte blanche, chacun ayant réalisé son film à sa guise dans son coin. Gondry, qui ouvre le bal, a choisi de conter avec Interior design l'histoire d'un couple qui ne sait pas qu'il est arrivé au bout de sa course; un petit conte (flippant, c'est du Gondry) comique qui vire à la poésie pure quand une jeune femme qui se rend compte qu'elle n'existe plus pour l'artiste qu'elle aime, va se transformer... en chaise.

Leos Carax, dont je ne cache pas, jamais, l'aversion que je lui porte, choisit lui de traiter d'un sujet comique, mais assez punk, sous le nom provocant (baillement) de Merde. C'est lui qui le dit, ce n'est pas moi... M. Merde (Denis Lavant) est une sorte d'anarchiste radical qui commence à décimer la population Japonaise parce qu'il ne les aime tout simplement pas. Hormis un moment rare de déglingue totale avec Jean-François Balmer en avocat d'importation, qui parle le même langage que son client (borborygmes et baffes incluses), on s'ennuie ou on a envie de vomir. 

Ou les deux.

Enfin, Bong Joon-ho, avec Shaking Tokyo, s'intéresse à un reclus, un Hikikomori, une personne qui a choisi de ne plus quitter son chez lui... Il reçoit un jour une commande de pizza, et c'est une jeune et jolie livreuse qui lui apporte la chose, du coup il tombe amoureux. Mais au moment de la livraison un tremblement de terre se produit, qui aura des conséquences dramatiques, précipitant de nombreu Tokyoïtes dans la psychose, dont la jeune femme: ils deviennent hikikomori à leur tour...

Etonnant portrait d'une ville en dehors des sentiers battus, avec deux réussites, et un vilain petit canard. L'univers de Gondry et celui de Bong s'adaptent bien de la commande, et on reverra leurs films, qui méritent de tenir debout tout seuls.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Michel Gondry Bong Joon-Ho
11 novembre 2022 5 11 /11 /novembre /2022 23:31

Dans un futur plus que proche, une corporation Américaine géante, Mirando, est le théâtre d'une lutte sans merci entre les deux héritières de l'empire. Ayant évincé sa jumelle (considérée comme une psychopathe, le mot n'est pas de moi), Lucy Mirando lance un programme délirant: ils vont générer des super-cochons qui vont être élevés un peu partout sur la planète, durant dix années, puis rapatriés afin de les revendre sous la forme de snacks... Okja 'est l'une de ces animaux et elle a grandi en paix dans une montagne en Corée auprès de la jeune Mija et de son grand-père. Mija (Ahn Seo-hyeon) a demandé à ce qu'Okja soit achetée à la Mirando Corp, mais ne sait pas qu'en réalité ils ont refusé l'argent. Quand ils viennent chercher l'animal, Mija voit rouge et prend une décision radicale: partir et récupérer sa compagne géante, à n'importe quel prix... Il lui faudra, aussi bien à Séoul qu'à New York, se battre contre la corporation, les deux jumelles (Tilda Swinton et Tilda Swinton), un zoologue complètement cinglé (Jake Gyllenhall), mais elle pourra compter sur le soutien parfois encombrant d'un groupe d'amis des animaux mené par un idéaliste un poil extrémiste (Paul Dano)...

C'est un conte, comme avant lui le magnifique La forme de l'eau de Guillermo del Toro. La principale différence, c'est que dans ce film l'horreur nait de la fable et de la comédie qui prend parfois (même souvent) tournure sans crier gare, comme dans tout film de Bong qui se respecte... L'histoire de Mija et Okja, les improbables copines, est extrêmement emballante, et passionnante même; elle promet du mouvement, des gags et des rebondissements, mais soyons clairs: ce n'est pas un film pour enfants... Les enjeu, ici, sont, en vrac, l'écologie, et l'extrémisme, la peinture d'un monde global qui ne tourne pas rond et dans lequel le capitalisme prime sur absolument tout, un portrait aussi en creux d'un monde surmédiatisé... 

L'habitude de Bong, de dépeindre des groupes humains (les habitants de Barking dogs never bite, les familles dysfonctionnelles de The host et Parasite, les rebelles de Snowpiercer et les policiers de Memories of murder) est ici laissée de côté au profit d'une héroïne décidée, admirable et magnifiquement campé par un petit bout d'actrice qui nous rappelle l'aisance du metteur en scène avec ses acteurs, quel que soit leur âge (dans The host, c'était déjà très frappant)... Mais l'enjeu, pour Mija, c'est de choisir sur quelle planète elle a envie de vivre, et l'environnement qui est le sien, avec son grand-père cachottier, et son cochon géant, ressemble fort à un paradis terrestre. Voilà pour elle, et pour nous du même coup, le monde à préserver. 

C'est donc bien d'un conte philosophique qu'il s'agit, mais un conte à la Chaplin, qui va au bout du drame, tout en préservant la comédie, qui exploite avec bonheur toutes les moindres parcelles de l'écran pour y placer un fourmillement de gags, comme le faisait Jacques Tati; c'est un film supérieur, premier choix, comme les snacks qui semblent si bons à la fin, en dépit de ce qu'ils ont coûté. Et tout ça pour sauver un cochon géant qui n'existe pas... Mais cet animal en images de synthèse, vous ne mettrez pas trente secondes avant de craquer pour elle... 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Criterion
2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 10:59

Suite à une idée scientifique à côté de la plaque (un émission de gaz pour prévenir le réchauffement climatique, ayant résulté en une glaciation complètement hors de proportion), ce qui reste de l'humanité vit en permanence dans un train qui ne s'arrête jamais, car l'arrêt provoquerait une congélation immédiate... Le train est dominé par l'ingénieur Wilford, à la tête d'une organisation qui tente de maintenir l'ordre, et surtout, la démographie! Mais les wagons sont aussi organisés en couches sociales: en tête, les puissants, et Wilford est le premier d'entre eux; en queue de train, les plus pauvres, qui ont tous une volonté de changer les choses, surtout Gilliam, un ancien ami de Wilford, et Curtis, un grand gaillard déterminé à tenter le tout pour le tout... le jour venu.

La bande dessinée de Rochette, Lob et Legrand, Le Transperceneige, parue dans les années 80, faisait la part belle à la création d'un monde post-apocalyptique, qui appelait le cinéma. Mais c'est à l'initiative de Bong Joon-ho que le film s'est fait, le réalisateur étant plus ou moins déterminé... à tout tenter! Il a donc choisi une distribution internationale, mais principalement Anglo-saxonne (Chris Evans, Jamie Bell, John Hurt, Ed Harris, Octavia Spencer ou encore Tilda Swinton) avec deux acteurs qui reviennent de sa filmographie: Song Kang-ho, déjà présent dans Memories of muder et The host, interprète ici un agent de sécurité enfermé pour sa réputation de toxicomane, et que la "résistance" aimerait embaucher pour sa connaissance des systèmes de sécurité qui séparent les strates sociales, et donc les wagons du train immense...  l'autre est une actrice, la jeune Go Ah-sung, qui interprétait la jeune captive de The Host... Elle est la fille du précédent, un personnage lunaire qui en rappelle d'autres (The host, Barking dogs never bite, Mother, Memories of murder...).

C'est donc, on l'aura compris, un film entièrement situé dans l'espace clos d'un train. On a vu The lady vanishes, de Hitchcock, et Murder on the Orient-Express, de Lumet, et on ne s'étonnera donc pas que ce soit finalement aussi facile pour le spectateur de se glisser dans la narration; Lumet avait bien montré la notion de cohabitation des strates de la société dans un train, ce que ce film étend de manière considérable puisque le train EST la société... Et Hitchcock soulignait en permanence et avec génie (dans ce qui reste un de ses meilleurs films) la difficulté physique amenée par le fait d'être, justement, dans un train!

Bong Joon-ho nous met constamment en tête cette idée: nous sommes dans un train, donc il y a des contraintes, d'espace, de confort principalement... Il y a aussi un dehors, qui est dans un premier temps un univers nocturne et hostile, réservé uniquement aux spectateurs dans des plans (en 3D infographique) qui situent le train roulant à tombeau ouvert dans la nuit extrêmement froide; mais les personnages auront une révélation quand les "résistants" s'avanceront dans le train, vers l'avant, et de retrouveront face à des fenêtres... Un moment d'une grande beauté. Mais, cible de toutes les peurs (il fait très, très froid dehors, nous dit-on), et de toutes les convoitises (oui, mais... on irait bien quand même), le "dehors" devient en fait la clé du film...

Le réalisateur fait feu de tout bois: il utilise son environnement avec génie, se joue des contraintes linguistiques pour créer parfois des gags avec le personnage plus que bourru, mais pas exempt de mystères, joué par Song Kang-ho; il a réussi quelque chose ici d'impressionnant avec la création de toutes pièces d'un mode graphique, qui est tangible, et qui débouche sur du baroque absolu... D'ailleurs plus proche de l'univers de la SF des années 80, que des styles plus contemporains. Mais surtout il reste un maître de la précision extrême, que ce soit pour des scènes de bagarre ou de chaos, sans jamais se départir d'une impressionnante ironie mordante voire burlesque: Tilda Swinton, en exécutrice zélée et maniaque des basses besognes (elle est ministre...) l'a parfaitement compris, et Ed Harris joue la partition d'une manière impressionnante.

Sans être une réussite au même titre que ses films précédents (le film reste bavard et basé sur une mythologie dans laquelle il faut un moment pour entrer), c'est une nouvelle preuve de son aisance à se glisser dans un univers, que ce soit pour un drame, un film de monstres, une comédie ou un film policier, sans jamais y perdre son style ou son ton très particulier. Un film empreint aussi bien de son humour que de sa gravité, une prouesse graphique et un film au suspense très présent, véhiculant un univers très, très noir... Décidément, un auteur à suivre...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Science-fiction
26 octobre 2022 3 26 /10 /octobre /2022 16:52

Des scientifiques jettent des produits toxiques dans une quantité alarmante dans la rivière Han, qui quelques années plus tard voit une chute de la population piscicole... Puis une créature apparaît un après-midi, sous un pont de Séoul; la famille Park va être bouleversée: car la bestiole, qui est féroce, est aussi vorace, et elle se sert sur les berges dans la population humaine! Et parmi les victimes (mangées? enlevées? le doute subsistera longtemps!), il y a Hyun-seo, la petite fille de Park Hee-bong, qui tient une baraque de snack sur les bords de la rivière. Le père, Park Gang-du, est un bon à rien dont la vie va être particulièrement chamboulée: il décide vite de tenter le tout pour le tout pour sauver sa fille... D'autant que celle-ci le contacte depuis l'antre du monstre avec un téléphone portable.

Le film accumule les situations limites, et fidèle à son style, Bong accumule pour sa part les couches de genre! Au film de monstre (appelez ça comme vous voudrez, thriller, film d'horreur, etc) il ajoute une forte dose de comédie ironique et de satire sociale féroce, et traite malgré tout cette intrigue comme elle doit l'être: avec sérieux, et comme un drame humain. La famille Park, unie dans l'adversité, ne l'est pas sans heurts: le père n'a pas vraiment réussi, mais ses enfants non plus: l'un des fils est donc un bon à rien officiel (qui regarde la télévision au lieu de travailler en donnant des bières à sa fille de 12 ans, qui vole les clients de la baraque de son père...) et est totalement méprisé par ses frères et soeurs; l'autre fils est sur-diplômé, avec l'attitude hautaine qui va avec; mais il n'a pas trouvé d'emploi pour autant, et son passé de militant syndical lui colle à la peau! Enfin la fille est une sportive reconnue, mais... elle ne recevra qu'une médaille de bronze à l'épreuve de tir à l'arc à laquelle elle participe.

Le héros/anti-héros est finalement une énigme, un personnage sur lequel la vie semble avoir glissé: son existence est centrée sur sa fainéantise et il semble avoir décidé une bonne fois pour toutes, que ça n'avait pas d'importance. ...Jusqu'à ce qu'un monstre ne croise son chemin! A partir de là, l'obsession du personnage, son acharnement, vont le transformer... On retrouve une caractéristique des personnages de Bong Joon-ho, un certain jusqu'au-boutisme qui confine finalement au burlesque! Mais dans ce monde qui tourne à l'envers, où les médias du monde entier se tournent vers la Corée du Sud, que l'état-major Américain comme les autorités Sud-Coréennes se mettent à chercher une contamination par un virus inconnu, qui en fait n'existe pas, que les personnages n'assument rien, et que la responsabilité passe par la fenêtre, tout à coup, un moins-que-rien se lève et décide enfin d'assumer la sienne! Pendant ce temps, la petite fille aussi prend ses responsabilités et tente de trouver des solutions, à son niveau, pour s'en sortir et rejoindre sa famille: elle se vante même auprès d'un camarade d'infortune: elle a la chance de vivre dans la baraque d'un vendeur minable, c'est un luxe!

Le film, navigant en permanence entre drame, suspense et horreur, comédie et satire très méchante, permet aussi à son auteur de jongler avec les thèmes: celui de la famille qui va être si important, dans Mother ou Parasite; celui de l'obsession déjà mentionnée, qui était le lot des personnages de Memories of murder, mais aussi dans une certaine mesure de Barking dogs never bite. Il raille aussi un état perdu dans ses contradictions, et prompt à suivre les Américains dans une quête absurde d'un virus qui dédouanerait les scientifiques (des coréens et des Américains, qui travaillent main dans la main): la science, aussi, en prend pour son grade, et le film décrit un chaos social avec une fronde populaire monumentale (des scènes hallucinantes d'émeute au bord du fleuve ont été filmées de loin, depuis l'autre rive, ce qui leur donne une impressionnante vérité), qui est motivée par le héros le plus paradoxal qui soit: un minable officiel...

Tout cela serait fabuleux, s'il n'y avait le monstre; il ne me convainc pas, d'abord parce qu'il est tellement générique, tellement comme les autres monstres, qu'il n'a aucune sorte de caractère vraiment fascinant. Hitchcock l'a toujours dit, le mal doit être réussi dans un film. Ici, il ne l'est pas, il est même l'intrus dans un film par ailleurs impeccable... Et les gens de Weta (la boîte de Peter Jackson) ont du recycler un design déjà existant, c'est d'une laideur absolue, mais il y a pire: la HD a ceci d'impitoyable que les effets numériques doivent vraiment être réussis si on veut y croire. Pas là... Mais ce monstre, aussi raté soit-il, n'est pas le plus important du film: ce qui compte, c'est l'urgence, l'extrême de la situation, la peur, la soudaine intrusion d'un élément imprévu dans ce qui aurait pu être une journée sans histoire, filmée d'un point de vue humain... la violence aussi, captée avec une ironie constante dans des séquences magistrales. Même avec les réserves que j'ai émises, nous sommes devant un grand film, d'un très grand metteur en scène.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Boo!!
14 juillet 2022 4 14 /07 /juillet /2022 10:06

Une mère (Kim Hye-ja) vit seule avec Do-joon (Won Bin), son grand fils, handicapé mental très timide et effacé, sauf quand on e provoque: il n'aime pas du tout se faire traiter d'idiot. La mère vit dans l'espoir absurde qu'un jour son grand fils se fasse accepter et pourquoi pas avoir une vraie histoire d'amour. Par contre, pour l'instant, le jeune homme est surtout occupé à faire des bêtises avec son copain Jin-tae (Jin Goo)

Mais tout le monde est catégorique: quand on retrouve le cadavre d'une jeune femme, exposé en haut d'une terrasse à la vue de tous, la présence sur les lieux d'une balle de golf sur laquelle il avait signé son nom (il voulait "l'offrir à une fille") accuse Do-joon, et le fait qu'il n'ait aucun souvenir que ce soit pour confirmer ou démentir l'accusation le met dans une position délicate. La mère, pour sa part, refuse en bloc et parallèlement aux efforts assez mous de la police, pas dégoûtée par le peu d'intérêt manifesté par l'avocat qu'elle a engagé, elle mène l'enquête à sa façon.

C'est un film aux inspirations riches et variées: alors qu'on attendrait une enquête policière, un climat sombre, le réalisateur choisit de passer par l'apparence de la comédie et de suivre les divers personnages dans leur quête de la vérité: les policiers, qui gardent une forte sympathie pour Do-joon, sont de plus en plus embarrassés par les preuves qui s'accumulent et l'absence de quelque indice que ce soit; Do-joon lui même qui par une stimulation mentale, réussit à réveiller sa mémoire défaillante, et surtout la mère qui va trouver de l'aide pour remonter la piste, ,et aboutir à la vérité... Une vérité qui passe par la vie peu reluisante d'Ah-jun, la victime, une fille qui toute sa vie et jusqu'au bout, aura été abusée par les hommes. Une vérité qui ne sera plaisante pour personne...

Mais aussi, on voit à travers le film le portrait sans concession d'un amour maternel assez malsain, malgré des intentions très louables. Un amour maternel qui prend d'ailleurs des formes inattendues, et il y a une bonne dose de non-dit (une question revient comme un gag récurrent, mais aucune réponse ne sera jamais totalement satisfaisante: as-tu couché avec ta mère? ...ce qu'une séquence semblerait confirmer!). Surtout, on apprend par un flash-back soudain, qui réveille les souvenirs embrumés du garçon, que la mère a tenté un double suicide quand Do-joon avait 5 ans. 

Jusqu'où une mère peut-elle aller dans son amour absolu, délirant et grotesque pour son grand fils? derrière le vitriol, il y a malgré tout une tendresse pour les personnages, et Bong Joon-ho va nous fournir des réponses dures à cette question. Mais sachez-le: elles ne font pas plaisir...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho
11 juillet 2022 1 11 /07 /juillet /2022 16:07

La famille Kim (le père, la mère, la fille, une jeune adulte et le fils, un adolescent, vient dans un sous-sol miteux du pire quartier de la ville. Tous chômeurs, ils survivent en pliant des boîtes de pizza, et avec un minimum de débrouille, quand une opportunité se présente: un copain de Ki-woo, le fils, donne des cours d'Anglais à une jeune fille de la bourgeoisie, et comme il doit s'absenter, il lui confie son remplacement... Ki-woo, sous le pseudonyme de Kevin, vient avec un faux diplôme concocté par sa soeur grâce au système D sur internet (dont ils profitent grâce à la wi-fi de leurs voisins); puis il présente sa soeur comme une amie qui fait de l'art-thérapie quand Mme Park, son employeuse, désire donner des cours de dessin à son fils traumatisé. Le troisième membre de la famille à s'infiltrer sera le père, qui remplacera le chauffeur que la fille réussit à faire renvoyer, et enfin les trois Kim se débarrassent de la gouvernante quand ils découvrent son allergie aux pêches... La mère peut donc à son tour faire son entrée dans le personnel de maison. Mais quand on est un parasite, il y a une règle du jeu à bien comprendre: tout le monde a des parasites, y compris... les parasites eux-mêmes. A la faveur d'un départ de la famille Park pour faire du camping, les Kim vont faire une découverte effarante et qui va tout bouleverser dans leur plan un peu trop optimiste...

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce film n'est pas passé inaperçu, ayant été fêté et multi-fêté, au point de décocher non seulement la Palme d'Or en 2019, et le trophée du meilleur film étranger (c'est-à-dire non anglophone) à la cérémonie des Oscars, mais surtout, ce qui n'est pas banal, il  obtenu par dessus le marché l'Oscar du meilleur film, une première pour un film Coréen... Ou non-anglophone.

C'est que cette comédie très méchante au vitriol premier choix frappe fort et juste, dans sa peinture d'un monde à deux vitesses où les parasites sont, au choix, les pauvres de la famille Kim, qui s'invitent frauduleusement, par des manipulations honteuses et se rendent indispensables par tricherie auprès des Park... Ou les riches de la famille Park, qui considèrent qu'à partir du moment où on les paie, les employés de maison sont taillables et corvéables à merci, et d'ailleurs, pour tout leur argent, de fait, les Park ne travaillent pas (à la maison en tout cas). Du coup, leur fils couvé à l'extrême fait des maladies de riche: il a un traumatisme, qui lui vient d'une nuit où il a vu un fantôme... Ce qui aura une explication, car en effet il a bien vu quelque chose! 

Et ce monde à deux vitesses, c'est bien sûr le notre, dans un récit hilarant et à la verve particulièrement acérée, où une gouvernante ivre de pouvoir se retrouve à prodiguer des massages à son mari en imitant les actualités Nord-Coréenne tout en tenant une famille en joue, où M. Park, le richissime et par ailleurs totalement inutile propriétaire d'une villa tellement moderne qu'elle en devient ridicule, passe son temps à deviser sur l'odeur des gens et en particulier celle de son chauffeur: il dit à son épouse que M. Kim "sent le métro". Ce à quoi elle répond qu'elle n'a pas pris le métro depuis bien longtemps...

Donc dans ce jeu de massacre qui débouchera sur une étrange mais bien agréable mélancolie quand même (et franchement, il fallait le faire), il y a énormément de plaisir à prendre. On sait que Bong Joon-ho (The host, Memories of murder) excelle à se glisser dans la peau de metteur en scène de tous les genres, ici il combine la satire sociale grinçante, le film criminel et la fable, pour une réussite exceptionnelle, qui a bien mérité tous les prix qu'il a raflés. Pour une fois, je suis bien content de l'admettre!

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Comédie Bong Joon-Ho Criterion
29 avril 2021 4 29 /04 /avril /2021 09:50

Un inspecteur de police, Park Doo-man (Song Kang-ho) mène une enquête compliquée et qui ne mène à rien, autour des meurtres de plusieurs femmes, tous liés par les circonstances: toutes jeunes, violées et étranglées, et tuées durant une averse carabinée. Il est rejoint par un inspecteur de Séoul, Seo Tae-yoon (Kim Sang-kyeong), qui va sérieusement remettre en cause et bouleverser ses "méthodes"...

Les guillemets s'imposent: confrontés à un serial killer en pleine cambrousse, Park et ses collègues sont bien incapables de quoi que ce soit, si ce n'est harceler la population jusqu'à trouver un coupable... Torturer? Pourquoi pas! D'ailleurs ils sont tellement désespérés qu'ils sont prêts à tout, y compris à "inventer" un coupable en désignant à la justice un gamin avec des problèmes mentaux, proie facile et qu'ils manipulent afin de lui faire dire tout et n'importe quoi...

Le film est âpre, violent, tourné dans des couleurs trafiquées pour être toutes plus moches que les autres, avec une teinte générale entre le brun et le verdâtre... Sauf deux nuances: les crimes ont souvent lieu dans un champ de céréales dont la blondeur tranche avec le reste. Et les victimes (pas toutes) ont en commun de porter des vêtements rouges... On oscille entre des scènes à la limite du burlesque, avec les pieds nickelés du poste de police qui se comportent comme des gosses ou des voyous, et le professionnel de Séoul qui n'en peut plus de leur immaturité... Mais le rire s'étrangle très vite, car si les méthodes changent vers plus de logique et d'efficacité, les résultats, eux manquent à l'appel.

Au final, le film nous offre une vision de la façon dont le crime et le mal finissent par tout corrompre, avec la rigueur d'une mise en scène qui choisi de s'arrêter aux faits, saisissant dans l'urgence uniquement les comportements des inspecteurs. La caméra se met presque à les suivre y compris dans leurs égarements, comme pour en suivre la véracité... ca en est même dérangeant, mais c'est voulu: voilà une approche fascinante du film de serial killer, qui semble prendre le genre là où il était, pour le bouleverser totalement.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Noir Criterion