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20 août 2018 1 20 /08 /août /2018 17:03

Réalisé durant le printemps 1934, mais sorti en septembre, soit après le retour du Code de production qui limitait sérieusement la liberté (et donc les côtés subversifs) des films produits dans les studios Hollywoodiens, Dames est la dernière grande comédie musicale de la Warner, cette fameuse série dont les ciné-chorégraphies assurées et filmées par Busby Berkeley étaient le centre d'attention. C'est aussi un cas d'école, car il me semble que c'est le premier de ces films dans lesquels les fameuses séquences musicales se font, mais oui, voler la vedette par la comédie !

La faute au casting, à n'en pas douter... Horace P. Hemingway (Guy Kibbee) se rend chez son cousin par alliance, le richissime et excentrique philantrope et père la pudeur Ezra Ounce (Hugh Herbert). Celui-ci lui promet de lui doner, en avance sur son testament, dix millions de dollars, à condition que ce brave Horace, bon père de famille, mari sans histoire (De Mathilda interprétée âr Zasu Pitts), et emballeur de saucisses de son état, mène une vie irréprochable. Facile, pense Horace... Mais deux éléments vont lui mettre des bâtons dans les roues : d'une part, sa fille Barbara (Ruby Keeler) est amoureuse du lointain cousin Jimmy (Dick Powell), un acteur (!!!), donc la brebis galeuse de la famille aux yeux d'Ezra ; d'autre part, sur le chemin qui le ramène en comagnie d'Ezra, Horace tombe entre les mains expertes d'une showgirl, Mabel (Joan Blondell)... Qui une fois en ville saura le faire chanter pour le pousser à financer pour Jimmy un show du genre qu'Ezra déteste : il y a des filles (« dames ») dedans...

La formule habituelle des films Warner se double ici d'une solide comédie de mœurs avec quiproquos et portes qui claquent, dans laquelle Guy Kibbee excelle. Ajoutez à ça Zasu Pitts et Hugh Herbert, et dès le départ, on a une promesse de comédie bien charpentée. Dans la lutte désespérée du cousin Ezra pour rester du côté de la probité, on notera un gag récurrent : à chaque fois qu'il est pris de hoquet, le bon Ezra se sert une goulée d'un élixir dont il est absolument persuadé qu'il va le guérir, sans jamais s'percevoir qu'il s'agit probablement de la gnôle frelatée de la pire espèce... Il est contagieux en plus, et Mathilda et Horace le rejoignent dans une scène de saoulôgraphie particulièrement appuyée.

Et puis il y a le code... Donc Busby Berkeley se retient beaucoup, notamment dans un numéro charmant et collet monté, qui plus est chanté par Joan Blondell : pas une bonne idée, maintenant on sait pourquoi Busby Berkeley avait souhaité ne proposer u'un numéro « parlé » à l'actrice dans le ballet Remember my forgotten man, dans Gold Diggers of 1933! Sinon, le ciné-chorégraphe laisse libre cours à son génie délirant dans I've only got eyes for you, où il démultiplie Ruby Keeler d'une façon très extravagante. Enfin, avec Dames, il se lâche un peu, ose nous convier dans la salle de bains des « filles » célébrées dans la chanson.

Mais tout en ayant leurs mérites, ces numéros ne possèdent pas la vitalité, la nouveauté, le mordant des splendeurs passées telles qu'elles sont apparues dans 42nd street, Footlight parade et Gold Diggers of 1933. Le film avec lequel Busby Berkeley commencera à son tour à mettre en scène non seulement les numéros musicaux mais aussi toute l'intrigue, sera d'ailleurs le moins bon de tout le cycle : bien fait, oui, mais terriblement fade... Ce qu'on ne peut pas dire de celui-ci, dans lequel pour la dernière fois, l'intrigue et les personnages jouent à cache-cache (ou à cache-sexe ? Je sors?) avec la censure : Joan Blondell, attendant Horace dans sa cabine en nuisette, les Dames dans leur baignoire sous une couche abondante de mousse, et les très efféminé Ezra qui proclame fièrement qu'il « Disapproves of females »... La friponnerie faisait encore un peu de résistance, mais ça n'allait pas durer.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Musical Busby Berkeley Danse
14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 17:55

 

Un show en pleine dépression? Un show sur la dépression, plutôt!  Et pour le monter, les bonnes volontés sont les bienvenues. On suit les aventures de Carol, Trixie, Polly, et de leur voisin le mystérieux compositeur Brad, qui chante si bien mais se fait prier pour venir sur scène. Et lorsqu'il se laisse enfin faire, les ennuis commencent, puisque le jeune homme est l'héritier d'une puissante famille de financiers de l'est qui prennent assez mal son intronisation dans le milieu du show business...

Bien sur, il y a plus de chances de voir ce film rangé sous une bannière "Busby Berkeley" que Le Roy. Pourtant, tout en venant après deux films formidables également dus à la patte Berkeley, mais signés par Lloyd Bacon, en charge des scènes jouées (Footlight Parade et 42nd Street), cette comédie se prète assez bien à la comparaison avec les autres films majeurs de Le Roy. D'une part parce que contrairement aux deux films de Bacon qui obéissent à la même règle fondamentale (faisons un show, mettons des bâtons dans les roues du producteur, et attendons la fin pour lâcher les gros numéros de Busby berkeley), celui-ci tourne autour d'un prétexte de comédie plus traditionnel, et permet aux comédiennes et aux comédiens de développer une histoire pas entièrement dissoute dans le spectacle. Ensuite, en faisant intervenir Warren William et Guy Kibbee en hommes du monde qui tombents amoureux de deux showgirls, la vraie comédie de moeurs est plus encore de la partie. Et on retrouve la mise en scène discrète de Le Roy, son talent pour limiter le passage du temps en quelques mètres de pellicule, et son ton direct, quasi journalistique, à mille lieues du baroque des autres metteurs en scènes-artistes de la WB.

Quant à Berkeley, eh bien, ses scènes sont parfaitement intégrées, et vont encore plus loin que dans les films précédents, en particulier le grand final, Remember my forgotten man, qui prend le parti de montrer la crise et l'un de ses effets pervers de façon brutale et noire. Curieuse façon de terminer ce qui reste une vraie, une authentique "comédie" musicale, et décidément l'un des fleurons du genre. Et tant qu'à faire, rappel: il y a Joan Blondell et Warren William, et les petites manies de Berkeley en matière de numéros musicaux hallucinogènes. Donc c'est rigoureusement indispensable! Sans parler du fait que les films dans lesquels le jeune premier s'attelle à dépiauter les vêtements de sa petite amie avec un ouvre-boîte, ça ne court pas les rues...

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Musical Busby Berkeley Mervyn Le Roy Danse
21 février 2017 2 21 /02 /février /2017 10:25

Sherwood Nash (William Powell) est un homme d'affaires, polyvalent, mais qui n'a pas encore trouvé son créneau... Ce qui l'encourage à tout essayer! Après avoir raté son entrée dans la finance, il rencontre une jeune femme au talent certain, Lynn (Bette Davis), qui dessine à la perfection des costumes. Il a l'idée de lui faire plagier les robes importées de Paris par les trois principales maisons de couture de New York, ce qui va évidemment lui rapporter des ennuis... mais s'il joue ses cartes de façon appropriée, ça va aussi lui rapporter tout court, avec un voyage à Paris à la clé, et bien sur, une question qui va le hanter, aussi bien que Lynn: sont-ils, ou ne sont-ils pas, faits l'un pour l'autre?

Voilà le type de film que Dieterle pouvait tourner en trois semaines sans avoir l'air de se fatiguer... Pur produit de la Warner de ce début d'années 30, avec la star William Powell qui s'apprêtait à passer à la concurrence (MGM) avec armes et bagages, Fashions of 1934 (Parfois appelé seulement Fashions) est aussi un film aux frontières mal définies entre comédie et comédie musicale, grâce à l'apparition d'un numéro de music-hall dont le maître d'oeuvre est bien sur Busby Berkeley. Et Bette Davis, qui a détesté le film et la direction que souhaitait lui voir prendre le studio, est adorable, comme toujours dans les films de cette période... Si le plaisir qu'on prend à suivre ces immorales aventures d'un escroc au capital de sympathie indéniable est très palpable, on s'autorisera quand même une réserve: tout ça ne vole pas très haut, et derrière l'intrigue gentiment immorale et l'élégance efficace habituelle de la réalisation de Dieterle, on a beaucoup de grivoiserie, incarnée en particulier par l'homme de main de Nash, Surnommé Snap (Frank McHugh), qui est un obsédé sexuel d'un niveau très avancé. Bref, cette histoire de mode et de plumes d'autruche est légère, légère, et pas très conséquente.

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Published by François Massarelli - dans William Dieterle Busby Berkeley Comédie Pre-code William Powell
31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 09:32

On réduit un peu souvent ce film à une réplique, en l'occurrence "Boys will be boys!", prononcée par Al Jolson, alors qu'il vient de voir deux hommes commencer à danser ensemble dans son club, le subtilement nommé Wonder bar. Al "Wonder" est donc une sorte de pré-Rick: Américain, il vit à Paris, et tient un night-club de luxe, essentiellement visité par des Américains, ce qui est une bonne chose, car on n'y parle manifestement pas un gramme de Français. L'intrigue principale est un pentagone amoureux: deux hommes, le patron Al Wonder et le chef d'orchestre-crooner (Dick Powell) aiment la même femme, la plantureuse Inez (Dolores Del Rio). Mais celle-ci est amoureuse de son partenaire (Ricardo Cortez), un goujat qui la trompe avec des bourgeoises auxquelles il donne des... leçons de danse. La dernière en date s'appelle Mme Renaud (Kay Francis). Durant une soirée typique au club, les rivalités vont culminer en coulisses, pendant que se succèdent les numéros mis en images par rien moins que Busby Berkeley...

Ce 'est pas un chef d'oeuvre: Lloyd Bacon a eu la chance d'être le maître d'oeuvre principal de deux autres films avec Berkeley, 42nd street et Footlight parade, mais autant ces deux-là étaient fantastique, autant Wonder bar déçoit par son côté poussif et téléphoné, et le manque de numéros musicaux d'intérêt. Par moments, on n'est pas très éloigné d'un Hollywood party avec ses numéros de stars enchaînés sans génie, alors qu'on serait en droit d'attendre un Grand hotel à la façon Warner... Et Al Jolson, après sept années au cinéma, n'a toujours pas un gramme de talent.

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Musical Busby Berkeley Lloyd Bacon
15 mai 2015 5 15 /05 /mai /2015 16:56

Il y a trois films en un dans le superbe 42nd street, qui est au passage le premier musical de la Warner dont on a confié les scènes de spectacle à Berkeley: d'abord un film "de spectacle", qui déroule l'argument numéro un de tant de comédies musicales de toutes les époques; on prépare un show, et il est vu sous les angles combinés des répétitions, de la vie des protagonistes, les obscurs et les sans-grade comme les vedettes, dans les joies comme dans les galères. Le personnage qui sert de fil rouge est le metteur en scène/producteur Julian Marsh, interprété par Warner Baxter. Lorsque le film commence, il est au bout du rouleau et a besoin d'argent. Ensuite, il est tyrannique, mais juste, dur mais efficace durant tout le film, et on a l'impression qu'il est sur les genoux... Autour de lui, on assiste aux ballets des chorus girls Ruby Keeler, Ginger Rogers, Una Merkel, des vedettes Bebe Daniels et Dick Powell, ainsi qu'à des histoires impliquant tout un panel de personnages typiques du cinéma de l'époque: un quasi-gigolo (George Brent), un millionnaire-mécène (Guy Kibbee), des hommes de spectacle de toutes obédiences (Ned Sparks, Allen Jenkins)... L'argument a tellement été utilisé, qu'on croirait s'en lasser, mais il n'y arien à faire, la direction d'acteurs nerveuse, le ton résolument à cheval entre un certain réalisme et la comédie, font merveille.

Ensuite, c'est une impressionnante métaphore qu'il nous est donné de voir, d'une Amérique à la recherche d'un certain volontarisme, et dans laquelle un spectacle se crée grâce à tous ceux qui se retroussent les manches. Cette Amérique ne se sortira de la crise que par un effort commun, et Julian Marsh est l'incarnation de cette nécessité. Il est malade, le sait très bien, mais ne peut vivre qu'en accomplissant son art. Et il ne peut absolument pas le faire à moitié. La société qui nous est présentée, symbolisée par la compagnie de Marsh, est égalitaire: lorsque Dorothy (Bebe Daniels) ne peut assurer son rôle, elle est immédiatement remplacée par une novice (Ruby Keeler) qui va porter le show sur ses épaules... grâce à l'effort de chacun. Et lors du finale, le portrait de l'amérique passe par une représentation de la vie urbaine (Un numéro intitulé, justement, 42nd Street), un véritable portrait d'une Amérique qui bouge, faite d'une multitude d'êtres humains de toutes tailles, de toutes origines, lâchés dans une rue reconstruite pour le théâtre. Chacun y jour un rôle, mais la cohésion y est parfaite... un message à peine voilé, qui sera relayé dans les films suivants de la compagnie qui avait pris le train Rooseveltien en marche, mais ne pas le quitter avant longtemps.

Enfin, le plus célébré sans doute des aspects de ce film, 42nd street est typique de cette vague de films WB co-réalisés par Berkeley, dans lesquels la dernière demi-heure laisse la créativité exploser dans tous les coins, en dynamitant les limites du théâtre filmé: si le premier des trois numéros présentés nous est brièvement présenté dans le cadre d'une représentation théâtrale, les deux suivants sont impossibles à réaliser sur scène, et Berkeley, aidé de ses compagnies de chorus girls (Qu'on reconnait d'ailleurs d'un film à l'autre), s'amuse avec la chorégraphie et la géométrie, dans un jeu permanent sur le point de vue et la forme. Et bien sur, le numéro 42nd street est fait de longs plans virtuoses, et possède tellement de figurants, et un tel décor, qu'il est infaisable! Mais c'est un tel bonheur... Le public ne s'y est pas trompé, et le metteur en scène-chorégraphe a mis de la cohérence dans son projet, obtenant la même cohésion pour ses séquences que celle demandée par marsh à sa petite troupe indisciplinée...

Première pierre d'un cinéma Rooseveltien, première oeuvre majeure d'un cinéaste important (Je ne parle pas de Bacon), premier chef d'oeuvre de la comédie musicale qui sortait enfin des carcans médiocres imposés depuis The singing Fool (De... Lloyd Bacon), première pierre donc d'un chemin qui mène à Singing in the rain, excusez du peu... 42nd street est un peu tout ça, en plus d'un spectacle totalement satisfaisant: bref, un film majeur et significatif.

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Published by François Massarelli - dans Comédie musicale Pre-code Busby Berkeley Lloyd Bacon
12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 10:28

Des numéros musicaux, justifiés par une intrigue située dans le milieu du spectacle, des femmes filmées sous tous les angles, des hordes de danseurs et danseuses amoureusement tricotés les uns aux autres, et des sujets de ballets qui sont tous plus fripons les uns que les autres, le tout sous la bienveillante surveillance du président Roosevelt... Oui, ceci est bien une comédie musicale pré-Code de Warner avec Busby Berkeley à la réalisation des séquences chorégraphiées... Certes, officiellement, le film n'est que de Lloyd Bacon, mais comment tiendrait-il debout sans l'incroyable invention de Berkeley? Comme avant lui 42nd Street, et Gold diggers of 1933, ce film est entièrement dévolu à la création par Bacon des conditions qui vont permettre à Berkeley de dégainer ses incroyables numéros...

Dans ce film, qui retourne à l'inévitable intrigue urgente de 42nd street (Lancer un show dans des conditions difficiles, comme si sa vie en dépendait), nous avons une compagnie dont le gagne-pain est de réaliser des prologues dansés pour les cinéma des grands boulevards, mais dopée par la concurrence avec un autre studio. L'énergie déployée par les artistes est phénoménale, et le résultat doit être à la hauteur... Il le sera, aucun doute là-dessus. Mais la supériorité de ce film sur les autres tient à une alchimie particulière... qui tient en deux mots: James Cagney. Parce que tout le reste de l'équipe est bien là, mais ce film est le seul des films musicaux de ces années glorieuses dans lequel l'acteur joue, et imprime son style (En concurrence avec Joan Blondell, qui est comme d'habitude parfaite...). et Footlight parade tient aussi sur un petit suspense: Cagney dansera-t-il?

 

...Oui, il dansera, et c'est l'un des ingrédients qui donnent force et cohésion au film: le rythme est soutenu, mais entièrement basé sur la montée de l'adrénaline tant pour les artistes que pour les spectateurs. Mais la façon dont le personnage de Cagney s'implique lui permet de s'insérer dans un numéro, et de l'habiter sans jamais démériter. Oh, bien sur, il ne chante pas bien, mais sa partenaire Ruby Keeler, qui avait toujours deux ou trois chansons pour elle dans ses films, est pire. Mais l'intrusion de Cagney dans les ballets est ce qui permet au film de lier les deux styles sans couture apparente.

 

Et puis il y a les numéros, qui à part pour l'un d'entre eux, d'ailleurs le plus faible, sont enchaînés dans les 37 dernières minutes. Que du bonheur, avec les épices secrètes: corps féminins alanguis, rassemblés dans l'eau pour dessiner d'improbables corolles, puis montés les uns à coté des autres dans une fontaine humaine (By a waterfall). Les situations graveleuses de The Honeymoon Hotel sont suivies d'un final patriotique un peu fripon dans lequel les marins américains trouvent le repos du guerrier dans une fumerie d'opium... C'est incroyable, filmé au plus près des corps, avec d'impossibles costumes et tellement de sous-entendus qu'on en remplirait un dictionnaire... 104 minutes à l'écart du monde.

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Published by Allen john - dans Pre-code Musical Busby Berkeley Lloyd Bacon