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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 20:52

Un petit théâtre un brin miteux, qui présente un spectacle de music-hall classique, fait de numéros sensationnels, de numéros musicaux, et autres dresseurs de singe. Buster en est l'accessoiriste-machiniste-homme à tout faire, maltraité par tous, y compris Joe Roberts, qui est son supérieur, mais met aussi les pieds sur scène quand il le faut. Et ce personnage de rien du tout, qui bien sur a une vie des plus tristes, rêve... Les six premières minutes de ce film sont en fait le rêve du machiniste, qui se voit sur les planches, lui aussi, mais aussi dans le public: 28 Keaton sont donc dans un théâtre. La scène est célèbre, et est un tour de force parfaitement amené: Keaton entre dans le théâtre après avoir payé sa place, et... voyez le film.

 

Ce rêve, sinon, serait un peu gratuit s'il n'était prolongé par une scène durant laquelle Buster, encore dans son rêve, ne voyait des jumelles (l'une d'entre elles, toujours filmée de loin, était Virginia Fox), mais chacune à son tour. Puis, il les voit toutes deux ensembles, face à un miroir chacune... Désespéré par ce qu'il croit être le début de la folie, il aperçoit son triple reflet dans les trois miroirs d'une loge, et comprend finalement qu'il n'a pas la berlue. Le thème de la multiplication des Busters y trouve un bel écho, mais les jumelles, si elles justifient a posteriori la cohésion de la présence du rêve, disparaissent du film avant de revenir sans crier gare à la fin. Cette enfilade bon enfant de gags liés aux planches, dans lesquels Buster fait montre de son talent et de son savoir-faire en absolument tout (Y compris quand il faut être un singe, il pousse la logique jusqu'au bout), reste un film certes spectaculaire, mais qui manque de substance. Sauf, sans doute, pour les hallucinantes premières minutes, techniquement superbes, et dont les images, comme souvent avec Keaton, vont vous hanter toute votre vie.

Et c'est aussi un film très privé, dans lequel Buster Keaton, enfant de la balle parfois littéralement torturé sur scène par un père indigne, semble régler ses comptes, non seulement avec le milieu, ses exigences et sa cruauté, mais aussi dans une scène de déluge inattendu, avec le public consentant de ces spectacles d'enchaînements surréalistes dans lesquels les artistes laissaient parfois des plumes...

The playhouse (Buster Keaton & Eddie Cline, 1921)
The playhouse (Buster Keaton & Eddie Cline, 1921)
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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet Comédie
28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 17:47

Merveilleux! ce court métrage souligne a posteriori le fait que durant deux films, ses derniers courts métrages coréalisés avec Eddie Cline, Keaton tatonnait. Le défaut de ces deux films erratiques et souvent très hétérogènes, le manque de cohésion, est ici passé à la trappe, au profit d'un scénario basé sur un Buster affligé de la même condition qu'ont affrontée beaucoup de ses collègues comédiens: il a faim, comme Chaplin, Langdon ou Laurel et Hardy dans de si nombreux films. La motivation est donc là dès le départ, mais c'est une fausse piste: le principal moteur de son personnage qui va bientôt se débattre avec la justice, c'est surtout d'échapper à la police... A la faveur d'une tentative désespérée d'imiter un passant qui a jeté un fer à cheval en arrière et immédiatement trouvé un portefeuille plein, Buster fait de même, et le fer atterrit, bien sur, sur la tête d'un policeman. Il n'en faut pas plus pour faire du héros un fugitif, et la tentation d'accumuler les policiers, qui ira très loin avec Cops en 1922, est déja là. Néanmoins, le film suit un cheminement autre que le simple enfilage de poursuite. Une séquence voit en effet un bandit faire une photo anthropométrique en prison, alors que Buster passe dans la rue. Par curiosité, il jette un regard discret, et le bandit se baisse à ce moment précis, puis sévade dans une scène hallucinante par son économie: le bandit passe devant une fenètre grillagée, éteint la lumière. On voit alors son ombre passer devant le jour projeté par la fenètre, puis on rallume: il n'est plus là. Un plan-séquence de quinze secondes, d'une clarté absolue, et un sacré sac d'embrouilles pour Buster, puisque c'est sa photo qui va être placardée partout...

 

La paranoia et la poisse, ce sont bien les deux moteurs de ce film, mais il y en a un autre, c'est le mouvement: courir pour échapper aux policiers, utiliser les voitures, trams ou  trains pour se déplacer et aller toujours plus vite, et à l'intérieur des trains, courir pour échapper à se poursuivants. Les variations ici sont nombreuses, j'en retiens deux: d'une part, Buster échappe à des flics en s'accrochant à l'arrière d'une voiture en marche, ce qui a du être assez douloureux; d'autre part, dans un plan célèbre, un train,  dans le lointain, s'approche de la caméra. Au fur et à mesure on commence à voir une silhouette à l'avant. Buster, impassible, est assis, et le train ne s'arrête qu'au plus près de la caméra: un plan spectaculaire, inoubliable, qui met en avant le caractère particulier, qui se joue des distances, mais aussi de la profondeur de champ, du style de Keaton, qui ne considère jamais le champ de la caméra comme une scène de théâtre, mais qui utilise toutes les ressources spatiales du cinématographe. Un génie génial, donc, dans un excellent film...

 

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet Comédie
24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 18:04

Paradoxal, Hard luck est à la fois la confirmation de cette impression de stagnation de la part de Keaton, et une série de promesses, disjointes et pas vraiment mises au service de la cohésion d'un scénario. Mais le film est fascinant pour trois raisons: d'une part, l'humour volontiers noir s'y trouve, et il n'y a pas grand chose pour le tempérer; ensuite, l'absurde n'est ici pas contredit par le moindre rêve, contrairement à ce qui se passait dans Convict 13 et The haunted house. Enfin, le film a été longtemps perdu, et a fait l'objet d'une reconstitution qui se voit, ajoutant probablement à l'impression de bric à brac. Quoi qu'il en soit, le film est miraculé...

Buster a faim, et malgré ses essais (affligeants et infructueux) pour se sortir de la pauvreté, il n'a d'autre ressource que d'en fenir. comme dit un intertitre, "the day was coming to en end, and so was Buster": le jour finissait, et Buster voulait en finir. Il essaie donc de se faire écraser par un tramway, percuter par une voiture, de se pendre et de s'empoisonner. Il va ensuite (voyez l'enchainement dans le film) se faire engager en qualité de chasseur pour une expérience scientifique, et pêcher des poissons plus gros que lui, avant de se faire pêcher lui-même. Enfin, il croise une jolie cavalière (Virginia Fox), qu'il va sauver d'une destin pire que la mort entre les bras du menaçant Joe Roberts. Pour en finir avec le film, sa dernière tentative de suicide l'emmênera au moins plus loin que les autres....

Comme avec le précédent film, on peut râler devant le n'importe quoi un peu trop facilement assumé du film, mais il y a suffisamment ici à prendre, de gags en gags, d'inventions en trompe l'oeil, pour au moins prendre du plaisir. Le film n'a pas été considéré comme un classique, et ne l'est d'ailleurs toujours pas. Son inaccessibilité y est sans doute pour une part, mais sa bizarrerie y est pour beaucoup, comme sa fin étrange, qui fut longtemps perdue, et dont la photo ci-dessous vous donne la teneur.

 

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 17:41

 

Bon, voilà, après la salve de films réjouissants et formellement très élaborés qu'il vient de faire, Buster Keaton, tout en continuant à proposer des films qui ne ressemblent à ce qu'aucun autre comédien ne pouvait faire, semble marquer un temps d'arrêt. D'ailleurs, il a gardé The high sign sous le coude, et ne va pas tarder à le ressortir du placard comme pour signifier qu'il est un peu en panne.

 

Le premier symptôme c'est cette histoire de maison hantée, qui bien qu'elle propose un film d'une bonne tenue, en apparence logique, reste quand même marquée par un manque certain de cohésion: Buster y joue l'employé d'une banque dont un autre caissier (Joe Roberts) est faux-monnayeur; il se sert de la banque pour écouler les billets, et d'une maison hantée (Par divers dispositifs mécaniques, et autres illusions) pour tenir les curieux à l'écart du trafic. Après un prologue au cours duquel le caissier (forcément inepte) mélange billets de banques, glu et eau bouillante au grand dam des clients, un quiproquo mène à ce que le président de la banque croie que Buster est un cambrioleur (!), et celui-ci n'a d'autre ressource que de s'enfuir... Au même moment, une troupe de théâtre "exécute" Faust, et doit fuir le lieu de spectacle sous la menace hostile d'une foule... Les acteurs, grimés en Faust, Méphisto et Marguerite, Buster, mais aussi la fille (Virginia Fox) du président de la banque se retrouvent tous dans la maison hantée, ou les gags les plus idiots pleuvent...

 

On appréciera l'humour noir, bien sur (en particulier lorsque Keaton s'envoie au paradis), l'ingéniosité et les cascades. Le moment ou Buster fait un écart dans sa course pour éviter la caméra, ses efforts impressionnants pour jouer l'émotion en restant impassibles, il y beaucoup de choses qui méritent d'être vues. Mais on est en droit d'attendre mieux, et on aura mieux de la part de Keaton...

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:57

 

La perfection aussi bien technique qu'artistique de Neighbors est une source de pur bonheur: Keaton a mis au point un film qui tourne autour d'une situation géographique particulière, un peu de la même manière que Rear window  est conditionné par son décor. La cour partagée par deux familles de voisins dans ce film est un superbe lieu cinématographique, propice à toutes les acrobaties et les installations géniales dont Keaton avait le secret.

 

L'histoire est assez simple: deux familles vivent les uns à coté des autres, ne s'aiment pas, à l'image des deux pères, interprétés par Joe Keaton et Joe Roberts. Et comme ces deux-là sont tout sauf tendres, ça donne rapidement le ton. D'autre part, leurs enfants, Buster et Virginia Fox (La future Mrs Zanuck), s'aiment d'un amour pur et naïf, se passant des mots doux par un trou dans la palissade qui les sépare. Après diverses disputes, les deux tourtereaux réussissent à persuader leurs familles respectives de'accepter le mariage, mais c'est un désir mis à mal par les circonstances...

 

C'est un festival de gags physiques et acrobatiques, avec dès les premières 5 minutes une série de cascades de Buster causées par le jusqu'au-boutisme sadique de son père: c'est difficilement racontable, mais je pense que Keaton a risqué gros, et on mesure l'implication de l'acteur-metteur en scène dans ses films, tout comme on mesure à quel point son enfance, avec un père pareil, a du être terrifiante... Notons que l'acteur sur la photo du haut est Roberts, afin que les choses soient claires. Ne manquez pas non plus les interventions spectaculaires (et très minutées) des copains acrobates de l'acteur, qui le tirent d'un mauvais pas vers la fin du film...

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 17:08

Keaton aime a encadrer ses films d'une manière unique et a souvent cherché des débuts ou des fins qui marquent, sans pour autant qu'ils aient un rapport évident avec le reste du film. ici, c'est un intertitre bateau, nous annonçant la lente montée du soleil au matin, suivi d'un plan animé nous montrant un soleil extrêmement pressé. La séquence qui suit est étrange, et totalement détachée du reste du film, à part pour un détail: dans ce film, Joe Roberts et Buster Keaton vivent ensemble, n'étant antagonistes que sur un seul point, qu'on verra plus tard. C'est à ma connaissance le seul cas de film dans lequel ils ne soient pas des ennemis (si on s'en tient aux courts métrages qui permettent à Roberts de développer un personnage, par opposition à One week, ou l'acteur n'a qu'une apparition), et le lien entre les deux est mal défini. Un plan nous permet d'établir une hypothèse: il se peut, tout simplement, qu'ils soient frères.

 

Ils habitent dans une maison ou tout est rationnalisé, automatisé, avec une ingénierie compliquée mais fonctionnelle, dont ils usent calmement, surement et sans heurts. Ils en sont probablement les co-inventeurs, mais la vision de ces cinq minutes est hallucinante: chaque objet a deux ou trois utilités, tel le fourneau-gramophone, ou la table qui une fois retournée debient un cadre attaché au mur. un ensemble de cables accrochés au plafond leur permet d'avoir accès durant le repas au poivre, sel, etc... C'est le Buster ingénieur que l'on retrouve, celui qui ne cherche pas à nous faire rire aux larmes, mais bien à nous épater. D'ailleurs, une fois quittée la maison, les deux hommes se sretrouvent dans un film bien plus traditionnel: ils sont tous les deux employés dans une ferme, et courtisent la même jeune femme (Sybil Seely), dont le père, un vieux bougon brutal, est joué par un vieux bougon brutal: Joe Keaton.

 

Le reste du film conte donc la rivalité pas trop agressive entre les deux hommes pour gagner le coeur de la belle. Celle-ci est mise à contribution en particulier pour improviser un pas de danse qui va conduire à une série de quiproquos. Alors qu'elle danse, elle tombe nez à nez avec Roberts, un peu embarrassé. Elle lui demande assistance sur son ballet, et Buster arrive et les trouve enlacés. Il se lance dans une lamentable grande scène de jalousie ultra mal jouée, prouvant que le propos de ce film est surtout de s'amuser un peu... j'en retiens pourtant des gags étranges et attachants, tel cette course-poursuite entre Buster et le chien Luke (De Roscoe Arbuckle) ou ce beau plan qui voit la jeune fille faire son choix, et enlacer enfin Buster. Celui-ci, totalement immobile et apparemment impassible, manifeste son émotion en fermant les yeux quelques secondes... Sinon, le final voit le jeune couple dans une moto avec side-car, embarquer un prêtre, qui les marie, mais l'équipage se retrouve dans une rivière, donc dans l'eau, élément Keatonien par excellence (TOUS SES FILMS!!!!). La mariage, oui, mais une fois marié, semble-t-il nous dire, tout tombe à l'eau!!

 

Voilà, c'est le 4e film de Buster Keaton, sorti en 1921, et l'équipe est en place. De grandes choses vont bientôt pouvoir à nouveau se jouer après ces aimables mais un peu maigres amusements... Pour finir, le titre est du au déguisement d'épouvantail que Keaton est à un moment amené à utiliser pour échapper à son poursuivant canin.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet Comédie
9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 16:39

Après la réussite de One week, tout s'est passé comme si Buster Keaton avait été débarrassé d'un poids impressionnant, et le film suivant est beaucoup moins rigoureux, à tous les niveaux. mais il recèle quand même de solides moments de Keatonerie, et grâce au bon vieux truc du rêve, il nous permet d'avoir accès à ce fameux sens de l'absurde sans limite qui a fait une bonne part de sa réputation, et qu'il doit en partie à ses années de formation auprès de Roscoe Arbuckle...

 

Donc, Convict 13 s'appelle en Français Malec champion de golf, et si le stupide titre Français rend bien compte de l'essentiel de la première bobine, même si Buster n'est en aucun cas un champion, le titre original quant à lui se concentre plus sur la deuxième partie: Buster y joue un golfeur, venu pratiquer son sport favori sur un terrain situé pas trop loin d'une prison. Un détenu s'évade, et échange ses vêtements avec lui. Lorsque les gardes à la poursuite de l'évadé interviennent, ils emportent donc notre héros, bien sur.

 

Sur ce canevas, viennent se greffer un certain nombre de situations. Bien sur, Buster est amoureux, d'une jeune femme jouée par Sybil Seely (qu'il cherche à épater en jouant au golf), et celle-ci se révèle dans la seconde partie être la fille du directeur de la prison... Sinon, alors que le héros a échangé son uniforme de détenu contre celui d'un garde évanoui, un autre détenu (Joe Roberts) commence une mutinerie impressionnante, et Buster va jouer un grand rôle dans sa capture, mais la mutinerie va s'étendre à tous les autres prisonniers malgré tout....

 

C'est du grand n'importe quoi, donc, et non seulement une scène finale va révéler que tout cela n'est qu'un rêve, mais la logique de l'ensemble est celle du délire des rêves, le principal vecteur étant ici celui de l'échange de vêtement. Buster déguisé en golfeur agit comme un golfeur, en détenu comme un détenu, et en gardien, comme un représentant de la loi. le film est dominé par l'humour physique et sportif, avec des gags joyeusement idiots (la fessée administrée au poisson après lui avoir fait restituer une balle de golf qu'il avait avalé, la corde pour pendre le condamné, remplacée par un élastique), et des prouesses: le plus impressionnant serait selon toute vraisemblance une trouvaille de Joe Keaton, le père (d'ailleurs présent parmi les prisonniers ici): Keaton assomme les mutins les uns à la suite des autres en faisant tournoyer une corde au bout de laquelle un boulet est attaché: un ballet à la précision redoutable...

 

L'humour noir est déjà présent, avec une scène au cours de laquelle, venu se réfugier dans la prison pour échapper aux gardiens, Buster apprend qu'étant le numéro 13, il va être exécuté le jour même. S'ensuivent diverses mesures, et en particulier l'exécuteur (Eddie Cline) lui trouve le cou parfait pour être pendu... Les scènes de la poursuite entre les gardiens et le faux détenu sont une prémonition de Cops (1922) et Seven chances (1925) dans lesquels Buster sera aussi poursuivi, respectivement par des policiers, et des femmes en colère. Mais ici, les gardiens ne sont qu'une dizaine. Toutefois, on trouve ici un gag qui sera absent des deux films en question: rejoint par la troupe de gardiens disciplinés, et se trouvant de fait à leur tête, Buster change de direction comme à la parade, immédiatement imité par tous les hommes en uniforme...

 

 

Bon, voilà, Buster Keaton rode son style, et s'essaie à diverses expériences. Ce film loufoque n'a pas la maîtrise des deux précédents, mais il porte en lui des promesses, qui en plus seront tenues par les films qui suivront, et c'est déjà beaucoup. On voit en plus avec plaisir l'équipe se compléter et revenir pour notre plus grand plaisir: outre Joe Keaton, il y a aussi Joe Roberts dans un rôle spectaculaire, la jolie Sybil Seely, et l'apparition d'Eddie Cline. On est bien dans l'univers de Buster Keaton, c'est sûr.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 16:12

Donc, pas content de son premier court métrage personnel The high sign, qu'il juge imparfait, Keaton réussit à obtenir de son ami et producteur Joe Schenck de retourner au charbon, pour faire un film qu'il sortira en premier: il veut marquer le coup, et promettre au public du solide. Il obtient, avec One week, du TRES solide. C'est même parfait: sorti en France sous le nom un  peu impropre de La maison démontable, One week ne fait pas mentir son titre original, et utilise pour structurer le film un calendrier qu'on effeuille, et dont la première image est justement le premier plan du film. Cet accessoire temporel et chronologique s'avère aussi être un symbole de domesticité, et ça tombe bien, puisque la suite nous conte les aventures de deux jeunes mariés, Keaton et Sybil Seely, qui se voient offrir à l'issue de la cérémonie un cadeau très pratique: une maison préfabriquée. Mais l'ancien petit ami éconduit de la jeune femme se venge en intervertissant les numéros des caisses qui contiennent les éléments de la maison afin d'en rendre la construction  hasardeuse... 

 

Le film n'a pas la moindre graisse, et Keaton utilise la maison pourtant difforme et biscornue au grand bénéfice d'un film qui avance logiquement sur ses 22 minutes, truffé de gags sans qu'aucune scène soit indigeste, et le tout joué avec précision par les acteurs. La maison fournit un grand nombre d'occasions pour les gagmen de s'en donner à coeur joie: On sait que l'équipe de Keaton était composée de fameux virtuoses, Keaton, Eddie Cline et Clyde Bruckman en tête, mais l'occasion de se laisser aller tout en restant logique et réaliste, avec un sujet pareil, était trop belle: la maison a donc, à l'étage, des portes qui s'ouvrent sur l'extérieur, les accessoires de cuisine sont aussi à l'extérieur, les fenêtres semblent tout droit sorties d'un film expressioniste Allemand, etc... Chaque séquence exploite une pièce ou une particularité de la maison qui rend fou, et on appréciera l'ingéniosité de Keaton, qui trouve des solutions quelquefois inattendues, toujours excentriques mais aussi toujours géniales...

 

Les actrices des films de Keaton sont généralement oubliées, parlons donc de Sybil Seely, celle qui a à mon sens le mieux réussi à incarner la partenaire de Buster dans certains de ses films. Ce n'est sans doute pas une grande actrice, mais elle est physiquement une réponse idéale à Keaton, petite, aux traits simples, et aux gestes sans exagération. Keaton et son partenaire Eddie Cline la dirigent à la perfection, elle partage le temps de pellicule avec Buster, et le couple est plausible du début à la fin. Bien sur, c'est au mieux une ravissante idiote, mais le film offrant l'image physique de la désagrégation littérale du confort marital, sous le couvert de cette maison sans queue ni tête, c'est d'autant plus approprié... D'ailleurs, la plupart des films de Keaton s'intéresseront plus à la séduction avant le mariage qu'à la vie commune. Le couple, toutefois, fait front, et j'aime particulièrement le plan qui voit les deux jeunes mariés se réveiller au lendemain de la tempête, après avoir passé la nuit dehors, dans l'impossibilité de rentrer dans cette maison-derviche... nous voyons l'effet de la tempête sur la maison, encore plus biscornue qu'avant, mais eux vont se retourner pour la voir, et tombent dans les bras l'un de l'autre. Durant ce film, Sybil fait donc comme son mari, elle construit cette maison sans trop se poser de questions sur le résultat obtenu, commettant parfois des digressions en dessinant des petits coeurs sur le mur de la maison. Elle offre même à Keaton un gag lié à la nudité, le seul passage franchement absurde du film, puisqu'elle demande littéralement au caméraman de cacher l'objectif pendant qu'elle sort nue de la baignoire afin de rattraper le savon... De son coté, Keaton prouve à quel point il sait habiter ses films physiquement, payant de sa personne avec la précision qu'on lui connait. chaque séquence recèle une trouvaille dans ce sens, et on verra avec plaisir la progression des tâches physiques à accomplir, de plus en plus difficiles, de plus en plus drôles aussi. Le point culminant est sans doute le moment ou cette maison tourne sur son axe à la faveur d'une tempête, et Keaton cherche à y entrer, en visant la porte, mais ratant son coup un certain nombre de fois; parmi les autres gags les plus notables, on remarque une préfiguration du plus fameux moment de Steamboat Bill Junior (1928): un pan de mur tombe sur Keaton imperturbable: la fenêtre lui permet d'être indemne. Dans un ordre d'idées équivalent, Joe Roberts arrive à la maison avec un piano, et le jette littéralement sur Buster, qui reste coincé pendant quelques instants. Ca a l'air très réel, et ça l'est probablement.

 

Le film est aussi célèbre pour une fin très accomplie (Et qui reviendra plus d'une fois tant elle impressionnera), dans laquelle Keaton montre son talent pour l'accumulation de situations: une fois qu'ils ont appris que la maison est construite au mauvais emplacement, le couple tente de la déplacer, et la maison se retrouve coincée sur les rails. A l'horizon, un train se profile... jetez-vous sur le film, je n'en dirai pas plus.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 10:24
Bien qu'il soit sorti en avril 1921 après d'autres deux-bobines, c'est le premier film de Buster (Et Eddie Cline, son alter ego-assistant-coréalisaeur), qu'il a trouvé suffisamment insatisfaisant pour le mettre de coté pendant un an. On sait qu'avec son passage à la réalisation Keaton reprenait en fait le flambeau de Roscoe Arbuckle, qui était parti pour tourner des longs métrages. Ce passage de témoin était naturel, puisque Arbuckle a toujours laissé ses partenaires mettre la main à la pâte dans ses courts, mais Keaton a d'emblée choisi un sentier moins franchement chaotique que son mentor et ce petit film est un début plus qu'encourageant. Bien qu'il se cherche encore, et n'a pas encore fixé sa "troupe" (L'actrice Barkine Burkett, par exemple, ne retournera pas avec lui, et l'imposant Joe Roberts, qui reviendra souvent pour jouer les "heavies", jusqu'à 1923, avec un rôle aussi important que, disons, l'immense Eric Campbell dans la série des films Mutual de Chaplin, n'est pas encore là), le film est nettement plus cohérent que pouvaient l'être la plupart des 2 bobines de Roscoe. 
High sign tourne autour d'une intrigue délirante basée sur le quiproquo suivant: Buster est engagé à la fois par une "mafia" (Les Blinking Buzzards) qui envisage la suppression du riche Nickelnurser qui les a déçus en refusant de payer un tribut, et par la victime potentielle elle-même, les deux parties étant persuadées d'avoir affaire à un tireur d'élite. Aux sempiternelles deux parties des courts d'Arbuckle, Keaton oppose un film construit à la façon d'un mini-long métrage, dans lequel les digressions surréalistes (Y compris des jeux langagiers, dans les intertitres: les "Blinking buzzards" sont un prétexte à un festival de mots en B, qui trouve un écho dans le nom de l'homme riche qui est leur cible, avec son évidente alitération en N.) s'intègrent bien mieux.
 Keaton est déja parfaitement à son aise en matière de mise en scène: pour lui, tourner un film, c'est utiliser l'écran en pliant le cadre à ses exigences; il pense ses séquences autour d'un décor, et dans ce film il intègre la profondeur de champ à ses gags, lorsqu'il fait courir un personnage vers le fond du champ par exemple. Chaplin en 1920/21 pensait encore en terme de déplacements horizontaux, mais Keaton utilisait tout l'espace, et se libérait des entraves du studio en baladant ses acteurs de terrain vague en fête foraine: il en résulte le sentiment d'une grande liberté dans ce film (pourtant encore sage): on voit de plus ses singuliers talents d'ingénieur déjà à l'oeuvre lors du final de ce film, une bagarre généralisée entre les bandits et la famille de la victime dans une maison entièrement truquée, truffée de trappes et de pièges divers. Un ballet magnifiquement réglé. Mais Keaton n'était pas content, estimant avoir abusé de gags faciles, alors il a tourné One Week pour qu'on voie de quoi il était capable. Si One week sera en effet un grand film, celui-ci vaut bien mieux que l'auteur voulait nous faire croire. Son principal problème, avec ce film, tenait dans son impression d'avoir escroqué le spectateur en lui faisant croire qu'il allait glisser sur une peau de banane, la scène se concluant sur un pied de nez de l'acteur à son public. Pour moi le gag non seulement fonctionne, mais est aussi très Keatonien, relayé dans ce film par les nombreuses occurences du signe cabalistique enfantin, par lequel les Blinking Buzzards se reconnaissent (et à en croire le film, les trois quarts de Los Angeles faisaient partie du groupe!), mais aussi dans ses autres films par diverses private jokes, tel le retour du chapeau porté par Keaton en 1920-23, dans une scène de Steamboat Bill Junior en 1928... Donc en mettant ce film de coté, l'auteur-acteur a probablement pêché, comme d'habitude, par excès de perfectionnisme...
Pour finir, une scène établit un lien, quasi ombilical, avec la série des courts de Roscoe Arbuckle par le biais d'un "cameo" (apparition non créditée): lorsqu'il s'entraine au tir, Keaton blesse accidentellement Al St-John, l'autre "poulain" d'Arbuckle, en fait son neveu, qui trainait avec son oncle sur les tournages depuis 1914, et qui se lançait dans une carrière solo lui aussi. Bien sur, il n'y a pas lieu de comparer les deux comédiens, mais ce genre de petit clin d'oeil amical nous rappelle qu'en plus d'être un cinéaste, Keaton était, aussi, un type formidable.
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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet