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31 mai 2022 2 31 /05 /mai /2022 19:04

Ayant reçu la mission de réaliser un film illustrant la nécessité pour les éventuels malades d’agir à temps, et de consulter avant qu’il ne soit trop tard, Dreyer prend le problème frontalement, et réalise ce qui est peut-être son fil le plus impersonnel, inintéressant, bateau et insipide… Une saynète interprétée par des acteurs qui n’en sont sans doute pas, mais des médecins et infirmières, et pourquoi pas d’authentiques pensionnaires d’hôpitaux pour jouer les patients !

Une façon comme une autre de s’acquitter de la tâche, tout en démontrant pour les générations futures de ses fans que les courts métrages qu’on lui demandait de réaliser étaient bien souvent indignes de lui. Ce qui confirme, après la débâcle du film Suédois Tva Manniskor (1945), qu’il a désavoué, que le metteur en scène était quand même dans une bien mauvaise passe…

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
29 mai 2022 7 29 /05 /mai /2022 09:38

Retrouvant plus ou moins le thème de son court métrage consacré aux églises Danoises, dans ce film, Dreyer s'intéresse au château de Kronborg, près d'Elseneur: construit pendant la Renaissance, il a la particularité d'avoir été érigé autour d'un autre château, la forteresse de Krogen construite 150 ans avant l'actuelle bâtisse. 

Le film, tourné dans les années 40, mais monté et fini plus tard (sans que Dreyer ait pu s'y intéresser, il était en pleine préparation d'Ordet) est essentiellement consacré à cette particularité, et aux traces de l'ancien château qui sont aujourd'hui encore palpables...

 

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
29 mai 2022 7 29 /05 /mai /2022 09:27

Réalisé entre 1946 et 1947, et fini plus tard, ce film est une fois de plus une commande, un documentaire culturel réalisé par Dreyer pour continuer à exercer son métier. Il a donc reçu la mission de tourner ces dix minutes consacrées au pont de Storstrøm, un important ouvrage Danois qui connectait deux îles entre elles, et était à l'époque le plus long pont d'Europe avec près de 3 kilomètres 200.

Le film est tout entier dédié à l'impression de grandeur, de majesté presque, de l'ouvrage, vu sous tous les angles d'approche. On notera que le film attend avant de nous montrer les gens qui l'empruntent, qu'ils soient automobilistes, cyclistes ou simples piétons, et du reste ce n'est pas la partie principale: car ici, c'est de beauté et d'esthétique qu'il est question... avant une fin étonnante, en forme de crescendo, lorsqu'une caméra embarquée sur un bateau qui va passer sous le pont ne crée une sorte de suspense assez curieux: le bateau va-t-il passer sous le tablier du pont?

Puis un mouvement vers le haut confirme ce que nous pensons: Dreyer a toujours, en toute circonstance, trouvé le moyen de parler de la foi dans ses films, y compris les plus inattendus.

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
28 mai 2022 6 28 /05 /mai /2022 11:50

Ce court métrage est une exploration de la carrière d'un sculpteur Danois, Bertel Thorvaldsen (1768 - 1844), strictement cantonnée à ses oeuvres: une exploration académique des grandes figures mythologiques, puis sur la fin de sa vie, une mystique de plus en plus prononcée. Le film, qui présente les oeuvres en ordre chronologique, finit sur une imposante statue du Christ.

C'est un tour de force, dans lequel on n'attendait sans doute pas le rigoriste Dreyer. car il filme les statues, souvent d'un blanc laiteux, comme si c'était d'authentiques corps, souvent nus. La plastique très maniaque de Thorvaldsen, combinée à une utilisation impressionnante et dynamique de l'éclairage, donne littéralement vie à ces oeuvres troublantes.

 

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
28 mai 2022 6 28 /05 /mai /2022 11:36

C'est un documentaire de 13 minutes, l'un de ces films commandités à Dreyer pendant ses années de vache enragée... Si le meilleur reste évidemment le très étonnant Ils attrapèrent le bac, celui-ci et d'autres présentent de nombreuses qualités.

Pour commencer, il n'y a ici ni message apparent, ni campagne d'information drastique. C'est un petit voyage dans l'architecture, l'histoire et la religion en même temps qu'un document sur les églises préservées du Danemark. On remarquera très vite que ces monuments, qui bien souvent sont les points de départ de villages puis de villes, ont connu un développement sur plusieurs siècles, et ont été les témoins d'une grade révolution: l'arrivée du protestantisme. Chaque église, à l'intérieur (ses décorations) comme à l'extérieur (ses ajouts, l'arrivée de sacristies, la construction d'extensions, qu'elles soient pratiques ou opulentes) porte ainsi la marque de deux religions et du passage des siècles...

Dreyer s'est plu à mélanger à des données architecturales, artistiques et et historiques, la présence des prêtres et des fidèles, utilisant d'ailleurs des costumes qu'il a empruntés à la firme Palladium, qui les avait utilisés pour... Jour de colère, son propre long métrage de 1943. On retrouve deux motifs qi sont courants dans son oeuvre, celui de la foi, et de la vision fascinée de ces grandes structures austères, dirigées vers le haut, une vision qui nous intrigue tant dans La passion de Jeanne d'Arc.

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
22 mars 2021 1 22 /03 /mars /2021 18:17

Un ferry qui fait la liaison entre deux îles (un "bac", donc) accoste, et un couple à moto se renseigne: ont ils le temps d'attraper un autre ferry à l'autre bout de l'île? On leur répond qu'ils se mettront en danger s'ils envisagent de l'attraper. Ils partent quand même...

C'est une commande du ministère des transports de Copenhague, et ça ne se sent pas vraiment. Disons que le message, au moins, est clair, et qu'on n'est pas forcément tonné que la finalité soit didactique. Mais c'est si rigoureux et si réussi que pas un seul instant ça ne ressemble à un travail e commande. Comme dans ses meilleurs films, qu'ils soient muets ou très peu parlant, Dreyer raconte tout avec l'image et installe avec maestria une tension formidable.

Il est évident que ces deux personnes qui ont cru être plus malins que tout le monde vont avoir un accident, mais le cinéaste ne dit pas quand. Ils jouent même sur un double suspense: d'une part, vont-ils échapper à leur destin malgré tout, et d'autre part quand vont ils rencontrer la mort? ...Histoire de nous donner un petit signe avant d'asséner le coup de grâce, Dreyer a convoqué un homme, un chauffeur comme les autres... Mais l'éclairage, le regard équivoque et un maquillage effrayant le rendent tout de suite bien plus menaçant, comme cet inconnu à la faux rencontré au hasard d'un plan dans Vampyr: on ne le savait pas, mais c'était littéralement une course contre la mort.. Et la mort n'aime pas perdre.

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
22 mars 2021 1 22 /03 /mars /2021 18:06

Le Danemark est occupé quand ce film a été tourné, et le propos de la Palladium était simple : il n’y a plus de films ou presque au Danemark, les gens ont besoin de se changer les idées, faisons donc appel au vétéran Dreyer, il a besoin de tourner et tout le monde sera content…

A ce niveau c’est raté. Certes, le film raconte une histoire humaine en pleine renaissance protestante, dans un Danemark rigoriste, avec des procès en sorcellerie et des exécutions sur le bûcher, mais comment dire ? …ce n’est pas un film d’aventures, ni une comédie loin de là. Dreyer a ni plus ni moins fait du Dreyer, et c’est l’un de ses films les plus noirs. par dessus le marché, le public visé et la critique contemporaine n'ont pas, mais alors pas du tout apprécié.

Dans une petite bourgade, un pasteur d’un certain âge, Absalon, s’est remarié avec Anne, une jeune femme, que sa belle-mère déteste. Martin, le grand fils du pasteur, est sur le point de revenir. Absalon a hâte de retrouver son fils, ce qui lui permettra de se sortir l’esprit, car il est très impliqué dans la chasse aux sorcières. Le conseil s’apprête à condamner et exécuter une vieille dame, Herlofs Marte, pour sorcellerie, mais celle-ci dénonce la mère de la jeune Anne… Absalon essaie d’étouffer l’affaire… Par-dessus le marché, Martin et Anne tombent dans les bras l’un de l’autre, et bientôt Anne parle ouvertement de son souhait de voir mourir Absalon…

Le film est très ambigu, ne donnant jamais la clé de ce qui s’y passe : Marte et les autres sont-elles effectivement des sorcières, ou pas ? Anne est-elle oui ou non douée des mêmes pouvoirs maléfiques que ceux, supposés, de sa mère ? La mise en scène nous laisse activement dans l’ambiguité, du début à la fin, mais je pense que Dreyer voulait tout simplement rendre palpable la croyance de tout une communauté, afin d’opposer le libre arbitre de l’amour exclusif de Martin et Anne. C’est ici que le pire moment du drame va se jouer, vers la fin du film, quand le jeune homme, sous haute influence de la communauté, va la trahir.

Du même coup, des voix se sont élevées à la libération pour célébrer un esprit de résistance qui aurait été représenté dans ce film, une résistance face à la fatalité de l’occupation, symbolisée par les deux jeunes gens et leur tentation d’amour en toute liberté. Une interprétation réfutée par Dreyer, qui lui affirmait vouloir juste y opposer, dans un équilibre instable, l’amour des uns et le fanatisme des autres, sans y apposer de lecture contemporaine. Il en profitait aussi pour prolonger l'angoisse face à la mort de Jeanne d'Arc dans son film le plus célèbre. Quelle interprétation alors? Aucune: dans son mystère, le film demeure…

 

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
21 mars 2021 7 21 /03 /mars /2021 09:04

Dreyer a été éloigné des studios de cinéma durant 10 ans, à la suite de l'échec de Vampyr, son premier film sonore... Toutes ses tentatives ont échoué: un projet de film documentaire, une commande du gouvernement nazi qu'il a refusé d'honorer, et même un désir de s'installer en Angleterre pour y tourner un film, ce qui ne se fera pas. C'est donc le gouvernement Danois (sous l'influence d'une occupation des nazis, quand même) qui va le tirer de ce mauvais pas en lui confiant la réalisation d'un court métrage qui lui remettra le pied à l'étrier et lui permettra d'entre prendre Jour de Colère.

Cette Aide aux mères est un intéressant exercice, dont le but est d'aborder la condition des femmes, par le biais de leur rôle de mère. Le film montre comment les jeunes femmes qui sont tentées d'avorter reçoivent l'aide d'organisme de santé, et sont accompagnées dans leur derniers mois de grossesse, jusqu'à la naissance, et au-delà. Avec des acteurs et actrices non professionnels, Dreyer recrée les situations, et c'est très soigné. A noter, que dans son film il attend environ deux minutes avant de représenter les hommes et les femmes, en se concentrant sur divers aspects matériels de la grossesse. A noter aussi, une certaine ambiguité quand au rôle des pères, qui en filigrane, semblent souvent être violent, mais à la fin tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes occupés...

 

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer
29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 15:10

En Norvège, il y a bien longtemps, Söfren et Mari sont deux jeunes fiancés, et lui, étudiant en théologie, est candidat pour le poste de pasteur d'un petit village... Il gagne haut la main,, face à deux concurrents qui ne font pas le poids, face aussi bien à la rigueur de ses vues théologiques, que face à son humanité chaleureuse... Mais ils ignoraient un détail: le job a pour coutume d'impliquer le mariage avec la veuve du prédécesseur, et celle-ci, Dame Margarethe, n'est plus de la dernière fraîcheur. Söfren et Mari vont donc devoir composer avec cette nouvelle inattendue, et bien sûr, avoir hâte que le temps fasse son travail et rende le jeune homme veuf à son tour... Mais c'est que Dame Margarethe a épuisé déjà trois maris...

Le troisième long métrage muet de Dreyer nous change de l'atmosphère de tous ces films, par un ton de comédie inattendu et qui reste après tout totalement dans l'esprit d'un conte médiéval: il n'en reste pas moins un film situé dans un cadre très religieux, qui nous raconte l'histoire d'une vocation et d'un passage inattendu, dans lequel la foi joue le premier rôle. Ce passage, c'est celui de la passion et de la rigueur du métier, que ne pratiquait certes pas la vieille dame, mais dont elle est elle aussi garante, par son infatigable règne sur le presbytère! Elle n'hésite d'ailleurs pas à montrer par la menace physique à Söfren qui est la patronne, dans une scène dont le comique cuisant est fortifié par le côté frontal de la mise en scène...

Car Dreyer a rendu compte de l'intrigue d'une façon aussi directe que possible, sans fioritures, ni aucun filtre... Il laisse la comédie jouer son rôle et ça lui va bien. Le film bénéficie aussi du naturel de tous ses interprètes; la mention spéciale va, c'est inévitable, à l'extraordinaire Hildurg Carlberg qui joue le difficile rôle de la Veuve; celle-ci doit passer du statut de quasi-sorcière à celui d'une aïeule chérie et respectée, et est la cible de toute l'invention de Söfren, qui passe par bien des stratagèmes pour tenter de se débarrasser d'elle...

Söfren est un personnage précurseur dans l'oeuvre de Dreyer, un jeune frimeur qui avait semble-t-il, avec à peine vingt ans d'âge. Dreyer se moque gentiment du jeune coq, très sûr de lui, qui va se déballonner quand il apprendra le prix de son poste... Il nous montre aussi l'importance de la femme dans le foyer, avec la séquence mentionnée plus haut... Un photo de publicité existe d'ailleurs, qui montre comment Söfren a eu symboliquement les bras sectionnés en arrivant au village et en acceptant d'épouser la vieille dame. Il va subit toute l'épreuve comme une initiation, et devenir sans doute un bien meilleur pasteur à l'issue de l'expérience.

Ce film Suédois, tourné en Norvège dans des décors formidables (un village-musée qui reconstitue un hameau à l'ancienne, donc des décors aussi authentiques que possible) permet à Dreyer de questionner la trace de la foi dans une certaine vision d'un quotidien rigoriste; il est une première incursion dans l'intimité d'un peuple, avant son incursion dans la famille Danoise en 1925 (Le maître du logis)... C'est aussi la première fois que Dreyer sort du Danemark pour participer à d'autres cinématographies: il y en aura d'autres, bien sûr, et non des moindres.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Carl Theodor Dreyer Comédie *
23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 17:17

On pourrait gloser sur le titre de ce film, qui est aussi l'appellation du roman de Hermann Bang adapté par Dreyer et la scénariste Thea Von Harbou: car si Michael est bien le titre du sixième film du metteur en scène, le personnage qui porte ce nom, interprété par Walter Slezak dans toute la séduction de sa jeunesse, n'est pas le héros. On aurait compris que le film s'appelle Claude Zoret.

Ce dernier (Benjamin Christensen) est peintre, et sculpteur, et il a réussi: une carrière entière, dont l'essentiel est déjà derrière lui, à rencontrer la gloire, mais jamais autant que depuis qu'il a rencontré Michael. C'était un jeune peintre qui venait pour montrer ses oeuvres, mais le maître n'a pas été convaincu. Par le métier du jeune homme, du moins, car il n'a pas été insensible à sa beauté, et à partir de cette rencontre, Michael est devenu le modèle quasi exclusif de Zoret. Tout en conservant un appartement, Michael est chez lui chez son ami, et la complicité qui les unit est évidente. Jusqu'au jour où Zoret reçoit la visite d'une femme noble au bout du rouleau qui lui commande un portrait... tenté de refuser, l'artiste s'exécute, mais s'avère vite incapable de travailler. Mais Michael lui vient en aide, et va même apposer le seul trait de génie du tableau, les yeux de la belle comtesse Zamikow (Nora Gregor)... Zoret a été incapable de sen inspirer, mais Michael n'arrivera pas à cacher qu'il est très attiré par le jeune femme...

Pour la deuxième fois, Dreyer tourne pour l'Allemagne. Mais contrairement à Aimez-vous les uns les autres (1922), tourné en décors naturels, celui-ci va être tourné dans le cadre rassurant et particulièrement professionnel de la Decla Bioscop: avec le concours de Thea Von Harbou, du chef-opérateur mythique Karl Freund (Qui interprète aussi un petit rôle dans le film), et avec une galerie d'acteurs impressionnants, le metteur en scène semble tout à coup échapper au cadre si austère de ses productions habituelles, mais on ne peut pas s'y tromper, Michael porte vraiment sa marque. N'oublions pas qu'à cette époque, il n'a pas son pareil pour adapter sa mise en scène et son cadre aux exigences ponctuelles de son oeuvre. Alors forcément, avec Karl Freund à la barre et un sujet qui tourne autour de l'art sous toutes ses formes, le style est apparemment opulent, riche et particulièrement soigné. 

"Apparemment" opulent, oui, car Dreyer réadapte les décors à sa guise, pousse les meubles et les objets qui encombrent la riche demeure de l'artiste, pour y ménager des espaces vides, et placer sa caméra le plus loin possible de l'action... Il fait réellement sienne cette histoire de possession artistique et amoureuse, au point qu'on en viendrait même à se demander qui, de la "muse" Von Harbou (Ancienne épouse d'un artiste délirant, Klein-Rogge, désormais mariée à un autre artiste plus énorme encore, Fritz Lang), ou de l'austère mais mystérieux Dreyer, a vécu une telle histoire d'amour.

Une histoire d'amour, donc, entre un peintre et son modèle. Malgré tous les efforts de circonstance pour faire dire aux intertitres que Michael est "le fils adoptif" de Zoret, le lien amoureux est évident entre eux. Et souligné, d'ailleurs, par une autre intrigue amoureuse, celle du Duc de Monthieu (Didier Aslan) pour la belle Alice (Grete Mosheim). celle-ci aussi se finira mal, du reste... Et l'amour de l'artiste pour le jeune homme va être particulièrement trahi par l'idylle qui va se nouer entre Michael et la Comtesse. Dans un premier temps, il va ressentir la trahison par à-coups, avant de voir Michael le déserter petit à petit, puis ne plus venir le voir que par intérêt, profitant de chacun de ses visites pour voler l'un ou l'autre objet. Pour les vendre, parfois, ou pour les posséder car ils font partie du standing qu'il entend acquérir, et puis... il y a aussi que Michael pense le moment venu d'afficher la sophistication apprise auprès de son maître. Et il est frappant de voir que la décoration de la maison de Zoret (entièrement dédiée à l'art, souligné, mis en valeur partout) trouve un écho déformé dans l'appartement en fouillis de Michael, dont les tableaux qui occupent l'espace sont mis en parallèle avec des objets plus hétéroclites (des marionnettes notamment). Tout en lui volant son argenterie, il ne cesse de s'éloigner de son mentor...

Mais Zoret ne cessera pas d'aimer son protégé, y compris lorsque celui-ci négligera de venir le visiter sur son lit de mort. La fin continue de souligner les différences entre Zoret (qui meurt littéralement au pied de sa dernière oeuvre, qui le représente souffrant abandonné de tous) et Michael qui prend du plaisir, au pied d'un portrait de lui gigantesque peint par Zoret bien sûr. le double cadeau du maître (Il l'a peint lui entre tous, et il lui a offert la monumentale toile) s'appelle Le vainqueur...

Là encore, Michael n'est pourtant pas suffisamment un salaud pour qu'on le déteste, et on est loin du mélodrame. Il représente juste le passage d'une muse, et la chance pour Zoret d'avoir aimé: il le dit lui même, car il sait quelle puissance avait sa passion pour son jeune modèle. A la fin, Zoret est moins un homme sacrifié à son art, qu'un artiste qui a été au bout de sa passion, et qui a inscrit à la fois la fin de son amour et la fin de sa vie, dans sa ligne de vie. Ce qui fait quand même, encore une fois bien plus qu'un film impersonnel tourné à Berlin, mais bien l'un des authentiques films majeurs d'un cinéaste décidément furieusement atypiques. Et cerise sur le gâteau, il est du début à la fin la chronique de l'amour d'un homme pour un autre, sans jamais la moindre diabolisation, ni le moindre remords. Belle prouesse, quand même...

 

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer Muet 1924 **