Ce film produit par Pandro S. Berman pour la RKO était un projet très cher au coeur de Cukor, et en dépit de l'implication forte (et souvent constructive) de Berman, il y a contrôlé l'essentiel. C'est un classique, mais il n'en a pas toujours été ainsi, puisque ce fut aussi le plus grand désastre de la carrière de sa star principale, et que le film a failli faire beaucoup de mal non seulement à Kate Hepburn, mais aussi à Cary Grant et à Cukor lui-même, qui a ensuite eu une assez longue période à réaliser des films en exclusivité pour la MGM, sans doute pour expier sa faute!
Henry Scarlett et sa fille Sylvia, deux Anglais bohèmes (Edmund Gwenn et Katharine Hepburn) qui vivent à Marseille doivent rentrer en Angleterre pour vivre, car si la maman de Sylvia récemment décédée les faisait vivre, Henry et ses combines ont plutôt tendance à n'amener que des ennuis. Pour brouiller les pistes (Henry doit de l'argent, et risque la prison), Sylvia se déguise en homme, et sera désormais Sylvester. Sur le bateau, Henry se vante auprès d'un passager cockney un brin envahissant mais amical, Jimmy Monkley (Cary Grant), de passer de la dentelle en douce: il est dénoncé par Monkley, une combine qui lui permet de passer de la marchandise en contrebande sans se faire attraper puisqu'il collabore avec la police. Néanmoins, Henry et "Sylvester" vont quand même faire affaire avec lui, et les trois se lancent dans une série d'escroqueries minables...
Cukor, après tout, sortait d'une adaptation plus que réussie de Dickens, et l'esprit de l'écrivain Anglais ne l'avait pas tout à fait quitté! Il s'est lancé avec passion dans cette étrange comédie, à nulle autre pareille... Le ton est souvent léger, énergique même grâce à l'alchimie entre Cary Grant (dont c'est à mon avis le premier vrai rôle de comédie, et il s'en satisfait très bien!) et Katharine Hepburn. Le décor (les routes de campagne d'une Angleterre de pacotille, principalement, et ses bords de mer filmés sur le Pacifique) est inhabituel, les personnages (ces escrocs à la petite semaine qui s'amusent à devenir de pires comédiens) tout est différent... mais évidemment, ce qui l'emporte aujourd'hui, ce sont les lectures qu'on peut faire de ce qui arrive à Sylvia-Sylvester, de ce costume qui va finalement lui faire prendre conscience de sa féminité, et de la façon dont les hommes qui l'entourent accepteront au final son changement de sexe sans sourciller.
Un petit frisson d'interdit, léger mais tenace, flotte sur ce film, aux changements de ton particulièrement notables: commençant comme un mélodrame à la limite de la parodie (Patrick Brion avance l'hypothèse que le prologue qui parle de la mort de Mrs Scarlett ait été imposé par la production, et Cukor n'était pas content), le film se mue en comédie picaresque, avant de bifurquer, après un passage dramatique, vers un marivaudage salutaire qui n'est pas sans annoncer le genre balbutiant de la screwball comedy...
Helen Faraday a rencontré son mari alors qu'elle se baignait dans une rivière en compagnie d'autres danseuses; il était en vacances en Allemagne et elle faisait partie des curiosités locales... devenue mère de famille aimante aux Etats-Unis, il va falloir qu'elle redevienne une artiste car Ned Faraday est malade: exposé au radium, il risque même la mort; il faut financer un séjour à l'étranger pour le guérir... Elle retourne sur scène, et va rafler la mise en un soir: en effet, un playboy, Nick, est fasciné par l'artiste et lui donne un très gros chèque. Dès le lendemain, Ned part pour une cure, mais Nick est toujours là...
Un mélodrame, donc, mais un gros, un qui n'hésite absolument pas à faire dans l'excessif, le kitsch voire le franchement invraisemblable... Avec Herbert Marshall dans le rôle de son mari et un tout jeune Cary Grant dans celui de l'amant, Marlene Dietrich est encouragée à en rajouter dans les grandes largeurs. Il est évident que c'est un film pour la galerie, une sorte d'expérience qui multiplie les figures du style: ne serait-ce que pour passer de la ménagère Dietrich à la meneuse de revue Marlene, Sternberg fait en permanence le grand écart, et son film essaie de faire concurrence à tout ce qui se pratique à l'époque: Baby face, d'Alfred Green avec Barbara Stanwyck, Susan Lennox de Robert Z. Leonard avec Greta Garbo pour la fuite en avant, et Three on a match de Mervyn Le Roy pour la déchéance fulgurante de Ann Dvorak...
Tout y passe dans ce film dont une fois de plus l"esthétique prime fermement sur l'intrigue, et dont les scènes mémorables s'enchaînent sans vergogne: la scène inaugurale où Sternberg joue avec la nudité (et donc la censure) en montrant des Américains tout émoustillés devant des naïades en tenue d'Eve, mais aussi la célèbre danse avec Marlene Dietrich en orang-outang (mais oui!!!) qui joue d'ailleurs sur les pires clichés coloniaux, et d'autres: une scène nous rappelle le pouvoir de la mise en scène d'un auteur qui avait déjà un talent fou à l'époque du muet: le mari vient de reprendre son enfant à son épouse en fuite, et elle regarde partir le train en silence, mais en un ou deux gestes, l'immense douleur se fait sentir...
Ce n'est pas un grand film, c'est presque un état des lieux,une déclaration d'intentions, ou un catalogue. Mais la photographie est soignée à l'extrême comme de juste, les excès sont tellement voyants qu'ils en deviennent des prouesses, et de toute façon, dans ce monument de kitsch, personne n'est dupe: comment s'étonner qu'à sa façon ce film soit devenu un classique?
Hélas: elle chante, trois fois. Trois fois de trop.
Il va falloir s'habituer à dire "feu Stanley Donen", mais il reste ses films. Et quels films! Et au sommet, si on s'en tient bien sûr aux oeuvres qu'il a réalisées tout seul, se trouve Charade, le "meilleur film d'Hitchcock qui n'ait pas été réalisé par Hitchcock", comme on dit... Pourtant Charade n'est pas qu'un pastiche formidable, c'est une leçon de style, un plaisir jamais coupable et pour finir cet encapsulage rapide d'un classique, une sorte de film définitif, oeuvre parfaite en tous points...
L'intrigue, adaptée par Peter Stone de son roman, concerne Regina Lampert (Audrey Hepburn): cette jeune Américaine est mariée depis quelques temps à Charles, un homme dont elle souhaite divorcer, ce qu'elle exprime lors d'une de ces très longues vacances dans lesquelles elle se trouve seule. Ou du moins, sans un mari parti en vadrouille on ne sait pas trop où, pour ses affaires... mais Charles est mort: nous l'avons vu dans la très économique scène d'ouverture, jeté d'un train, en pyjama. Regina ne le saura qu'en arrivant à Paris, où elle commence à constater qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond...
En effet, son mari est mort en tentant de disparaître, après avoir mis à sac leur propre appartement Parisien, dans lequel il ne reste plus rien... Il a tout vendu, et en a tiré $250 000, dont personne ne trouve la moindre trace. Plus grave encore: Regina apprend que Charles, de son vrai nom Voss, était un aventurier, qui a participé durant la guerre à une mission avec d'autres mercenaires, et pas des tendres. Ils en avaient tiré une somme d'argent colossale, appartenant de droit aux Etats-Unis, mais Voss s'est volatilisé dans la nature en compagnie de l'argent... De plus, lors des funérailles, Regina Lampert voir débarquer trois personnages très louches, qui s'avèrent mes anciens "compagnons" de Charles: Ned Glass, George Kennedy et James Coburn composent des fripouilles formidables, menaçants, mais pas sans ressource comique.
Et pour compléter la galerie de personnages, il faut compter sur le fonctionnaire des services secrets qui "convoque" Regina: Bartholomew, interprété par Walter Matthau, est un père tranquille qui ne mâche pas ses mots, et qui va assister à sa façon la veuve. Comment oublier le personnage le plus mystérieux de tous, l'homme séduisant qui approche Regina dans les alpes lors des scènes d'ouverture, puis la retrouve à Paris en changeant de nom à chaque nouvelle scène? Ami, ennemi, ou... amant? En tout cas, Cary Grant.
C'est formidable: bien sûr, la référence du pastiche est évidente: Donen ne s'est sans doute pas remis de North By Northwest, dont il prétend adopter le style. Mais d'une certaine façon, cette imitation débouche justement sur un style profondément naturel: jamais le jeu des acteurs n'est forcé jamais la mise en scène ne prend le pas sur l'action, l'intrigue linéaire, ou le plaisir et l'humour. Tout se fond dans une cohérence rare... Et pourtant le metteur en scène a réalisé son film loin du confort des studios, le plus souvent dans Paris même...
Et sous cette élégante chasse au trésor disparu Donen reprend à son compte l'idée d'Hitchcock d'organiser son personnage principal autour du vide: un trésor mythique détenu par un homme sans nom qui a cherché à disparaître et vient de perdre la vie en emportant une partie de ses secrets, cherchés par des êtres plus ou moins apatrides, et un inconnu séduisant, mais incapable de garder le même nom et la même profession... Mais dans North by northwest, c'est Roger O. Thornhill ("O stands for nothing"), le héros publicitaire, qui n'était rien ni personne avant d'assumer par erreur l'identité d'un homme qui n'existe pas, et se mettre à exister. Regina, elle a une vie, bien définie, des amis, et sans doute un gros manque affectif... Elle se confie dès sa première apparition, et toutes ses confrontations avec Cary Grant vont déboucher sur un flirt d'une fraîcheur et d'une franchise désarmante. Donen et ses acteurs réussissent à acquérir une liberté de ton qui permet aux personnages de jouer un marivaudage qui n'est jamais une digression, et avec la complicité de Henry Mancini, ils vont même parfois faire passer l'enquête au second plan.
Sans jamais dévier, sans aucun moment faible, et avec le sourire. Sauf... dans une scène de suspense formidable dans le métro, où Donen montre que le film noir était un style avec lequel il savait jouer sans aucun problème, même si on était loin de l'attendre sur ce terrain. Mais film noir, comédie ou pastiche, rien n'y fait: ce film, comme tant d'autres de Donen, parle de la même chose: le mariage, au rayon "raté" du magasin. Catégorie "seconde chance"... fouillez un peu dans la filmographie et vous verrez que Donen, soit franchement, soit métaphoriquement (Gregory Peck et son métier dans Arabesque, et Gene Kelly et sa partenaire dans Singing in the rain), tournait toujours autour de ce thème...
Mais jamais avec une aussi époustouflante réussite.
Tracy Samantha Lord (Katharine Hepburn) s'apprête à convoler pour la deuxième fois en justes noces, cette fois avec un homme du peuple (John Howard), en quelque sorte: élevé à la force du poignet. Son précédent mari, C.K. Dexter Haven (Cary Grant) n'était pas un homme du peuple, mais il avait le défaut de la décevoir. Etait-ce sa faute à lui, ou, comme Dexter le suppose, à cause de l'intransigeance hautaine de la jeune femme? Afin de répondre à cette question, Dexter débarque la veille du mariage avec deux journalistes qu'il fait passer pour des amis du frère de Tracy: l'écrivain bougon (car pas reconnu à ce qu'il estime être sa juste valeur) Macaulay Connor (James Stewart), et la photographe maussade (d'être constamment flanqué d'un homme qu'elle aime et qui n'a pas fait le moindre commencement de geste en sa direction, en dépit de leur authentique amitié) Liz Imbrie (Ruth Hussey). En quelques heures, la vie de ces gens, de la famille Lord, mais aussi le mariage vont être secoués, pour ne pas dire bouleversés...
Tout tourne autour de Tracy, tout revient à Tracy. Elle est le fil rouge, mais n'est pas non plus la seule femme à donner du sel à cette intrigue: fidèle à son habitude, Cukor a su donner en peu de scènes un caractère inoubliable à Liz Imbrie, et n'a pas raté non plus les personnages de Dinah (Virginia Weidler), la petite soeur Lord (un peu un ange gardien pour Dexter), et de la mère de Tracy (Mary Nash). Mais le principal intérêt pour le spectateur d'aujourd'hui reste la mécanique combinatoire: Hepburn + Grant; Grant + Stewart; Stewart + Hepburn; et bien sûr, Hepburn + Grant + Stewart.
Le film est adapté d'une pièce de Philip Barry, qui a eu un énorme succès, et dont le rôle principal était écrit dans le but d'être interprété par Hepburn, justement; celle qui était devenue "Box office poison" selon l'expression consacrée fait donc un remarquable retour à l'écran après quelques années sur les planches, avec ce film qui va enfin changer son image auprès du grand public. On peut émettre l'hypothèse que Kate Hepburn, dans ce film, joue son propre rôle tant la jeune femme de la bonne société du Connecticut se retrouve dans le rôle de Tracy. Il a donc fallu une bonne dose d'auto-pastiche pour interpréter le rôle, dans une intrigue dont tout repose sur un certain nombre d'échanges, et sur le fait qu'en dépit de sa tentative de contrôler toute la situation, Tracy reste évidemment le jouet de Dexter jusqu'au bout.
Le parcours de la jeune 'socialite', ce terme désignant une femme de la bonne société, passe par une interrogation: doit-elle se marier avec l'homme du peuple, bien sous tous rapports, mais qui a tendance à être ennuyeux? le jeune journaliste pourrait-il être le bon? après tout, il a écrit un livre qu'elle trouve fascinant, et il est pétri de caractère, c'est le moins qu'on puisse dire... Ou une troisième solution: même si leurs rapports conjugaux ont fini sur une notoire fausse note (Une séquence entièrement muette nous la présente au tout début du film), elle reste attachée à Dexter, comme le reste de la famille d'ailleurs. Ca fait un paquet de dilemmes, à la veille d'un mariage qui par dessus le marché convoque toute la bonne société de Pennsylvanie.
Cukor y raffine son style: de la comédie qui ne craint pas de laisser les acteurs se débrouiller par eux-mêmes, le réalisateur croyait en leur compétence, et il avait raison; mais le metteur en scène, qui suit de très près ses interprètes, sait aussi dévier en toutes circonstances vers le drame, sans en avoir l'air. C'est comme ça qu'il a réalisé tant de classiques, dont celui-ci est l'un des plus importants. Mais je reste persuadé que la vraie cerise sur le gros gâteau, ici, c'est James Stewart: il est hallucinant.
Le film commence par une plongée dans l'univers qu'on ne quittera jamais vraiment: un port d'Amérique centrale, Barranca, où deux hommes sont venus voir les femmes de passage qui sortent du bateau pour une escale. Ils s'attendent à voir débarquer des danseuses de revues, proies faciles, et se retrouvent flanqués d'une pianiste, Bonnie Lee (Jean Arthur). Elle accepte de venir prendre un whisky avec eux, et se retrouve dans un établissement qui est également le QG d'une petite compagnie de transport aérien. L'un des deux hommes est rappelé à l'ordre par son patron, Geoff Carter (Cary Grant): il doit partir aussitôt pour une mission de transport dangereuse. Il prend un avion, et quelques minutes après se tue. Bonnie, fascinée, regarde sans comprendre les camarades du défunt se murer dans une ambiance bon enfant, comme s'il ne s'était rien passé... Elle ne le sait pas encore, mais elle n'est pas prête de partir...
Ce n'est pas le premier film de Hawks sur l'aviation, et ce n'est pas non plus son dernier film dans lequel il montre tous les aspects de l'homme au travail... Mais c'est l'un des plus beaux, et des meilleurs! La façon dont l'histoire nous agrippe, lors de cette scène d'ouverture qui nous donne l'impression d'assister à une comédie, et dont tout à coup, à la faveur d'un départ, la tension monte brusquement, jusqu'à un point dramatique exceptionnel, lui appartient totalement. Le script de Jules Furthman est lui aussi fantastique, avec sa galerie de personnages et des scènes qui s'enchaînent avec brio. On rêverait d'une telle rigueur pour Hatari!
Et puis il y les codes masculins, les étranges rituels auxquels Bonnie Lee ne comprend au départ rien du tout avant de déceler, derrière ces apparents manque de tact face à la mort, une immense pudeur née d'une non moins immense douleur. Le fait est que ces aviateurs qui risquent leur peau à passer dans des montagnes pourraient tous faire autre chose, autre part. Le fait est aussi que beaucoup sont arrivés au bout du voyage, et ont fait autre chose autre part déjà, ils n'ont finalement rien d'autre que l'aviation. Mais surtout, à l'image du fascinant personnage de Geoff, du Kid interprété par Thomas Mitchell, ou du héros déchu, marqué à vie par une indélicatesse qu'il ne tente même pas de faire oublier jusqu'à ce qu'il s'impose aux autres par son héroïsme, aucun de ces gars ne pourraient faire autre chose que de voler, parce qu'ils aiment ça. C'est ce pour quoi ils sont doués...
Bref: script majeur, interprétation parfaite, timing exceptionnel, suspense radical, dialogues enlevés, photographie superbe de out en bout, et mise en scène à l'unisson. On appelle ça un chef d'oeuvre.
Jerry Warriner (Cary Grant) et son épouse Lucy (Irene Dunne) s'entendent bien, mais sont-ils encore amoureux? La question ne se pose pas, en fait, ils se sont tellement éloignés l'un de l'autre qu'ils n'ont même plus le temps de se la poser: quand le film commence, l'un et l'autre sont de retour d'un week-end douteux, et se mentent mutuellement comme des arracheurs de dents... le divorce est donc inévitable. Le film va nous raconter comment, durant les six mois de la période légale qui précède la finalisation de la séparation, ils vont essayer de se remettre ensemble, tout en sauvant la face, l'un avec une chanteuse-danseuse de cabaret d'abord puis une riche héritière d'une part, et l'autre avec un richissime magnat du pétrole, en provenance de l'Oklahoma (Ralph Bellamy, décidément destiné à jouer les rivaux de Cary Grant, comme dans His girl friday). Mais le rapprochement, on le comprend très vite, est inéluctable...
Leo McCarey était un touche-à-tout de la comédie, qui n'aimait rien plus que d'explorer la veine la plus sentimentale de son art, comme le prouvent à leurs façons respectives des films aussi divers que Make way for tomorrow, The bells of St-Mary, ou même An affair to remember, qui est d'ailleurs plus un film sentimental qu'une comédie. Mais j'ai toujours trouvé qu'il était plus à son aise dans cette veine, la "screwball comedy", un genre dont ce film est un des fleurons. Il prend un plaisir communicatif à diriger ces grands acteurs dans une intrigue qui joue toujours autour de thèmes risqués, sans jamais se vautrer dans la vulgarité. Après tout, il est évident même si ce n'est jamais dit qu'aussi bien Irene Dunne que Cary Grant se sont trompés mutuellement, et il est beaucoup question de sexe dans le film... Mais rompu 'exercice par son passage chez Hal Roach, à diriger Charley Chase (Dont les courts métrages sont un peu la matrice du genre tout entier du reste), Max Davidson, Anita Garvin ou Laurel et Hardy, McCarey sait triompher de la censure. Il le démontre dans ce film brillant, aux dialogues enlevés, au rythme soutenu, et... aux sous-entendu bien épicés. Servez chaud.
Dans ce qui est depuis sa sortie considéré comme l'un des films majeurs de la comédie Américaine (Essentiellement dans le genre qu'on a baptisé screwball comedy, mais le film déborde sur le territoire de plusieurs genres et ne saurait être réduit à quelque chose d'aussi simple), on assiste héberlués à un match de haute volée entre deux comédiens au sommet de leur art: Cary Grant y interprète Walter Burns, le cynique patron de presse qui cherche à ne surtout pas laisser filer une journaliste qui lui est chère, et Rosalind Russel est la journaliste en question, désireuse de se marier avec un homme étranger au monde la presse (Ralph Bellamy) afin d'échapper à un univers dans lequel elle s'est brulé les ailes, à force de tout mélanger: son métier, pour lequel elle est sacrément douée, et sa vie sentimentale... En effet, elle a commis une erreur: elle a laissé son patron la demander en mariage, s'est laissée dire oui, et a vécu dès le départ un enfer domestique, dont elle a réussi à sortir par un divorce désormais consommé... Mais elle n'a pas choisi le bon jour pour venir dire adieu à son patron, puisque c'est la veille de l'exécution d'Earl Williams (John Qualen), un homme dont le monde entier est persuadé qu'il a tué un policier par folie plus que par anarchisme, et Burns a besoin d'un journaliste pour couvrir l'événement. Les autorités sont plutôt chatouilleuses sur le sujet puisque le maire de la ville compte sur l'exécution pour redorer son blason auprès des électeurs. Et de ce côté, les choses vont se précipiter, tandis que Burns va tout faire, mais alors tout, pour retenir Hildy Johnson, la femme qu'il aime, et qui est sa meilleure journaliste. D'ailleurs, celle-ci veut-elle vraiment partir?
La première version du film, réalisée par Lewis Milestone en 1931, était titrée The front page, du nom de la pièce adaptée. Howard Hughes et Lewis Milestone sont entrés dans l'histoire en créant le prototype du film de journalistes, grâce au texte de Ben Hecht et Charles McArthur, qui jetait les bases d'un univers de journalistes fait de verbe haut, rapide, et propice aux échanges savoureux... On notera qu'un carton d'introduction dans le film de Hawks rend indirectement hommage à la pièce et au film initial en parlant d'une éautre époque, avant de situer le film fermement dans la fin des années 30. Mais ce qui vient différencier la version de Hawks de la version de Milestone, ainsi que de celle de Wilder (1974), c'est bien sur l'idée de génie (Le script est du à Charles Lederer), qui consiste à faire de Burns et Johnson un couple: dans la pièce et les deux autres films, Hildy est un homme, et la relation fusionnelle entre rédacteur et journaliste est strictement professionnelle... Le match fabuleux entre Russell et Grant, joué au détriment de Bellamy essentiellement (Il fallait un certain sens du sacrifice pour jouer Bruce Baldwin!) électrise le film un peu plus, allant au-delà même des hauteurs atteintes par l'intrigue liée à l'interview, puis l'évasion d'un condamné à mort. La réflexion perpétuelle sur le travail pris sous son aspect quotidien, inhérente à la thématique personnelle de Hawks, s'effectue ici dans un univers qui marche quatre fois plus vite que d'habitude, ce dont le montage ultra-serré rend compte de façon impressionnante, et seule une scène échappe à la comédie franche, mettant en scène une jeune femme un peu folle elle aussi, qui a décidé de tout faire pour sauver Earl Williams, et se jette d'une fenêtre de la salle de presse afin de détourner l'attention d'un meuble dans lequel le condamné à mort s'est caché. L'espace d'un instant, le film s'arrête, la comédie se calme... avant de reprendre ses droits. Mais c'est ça la grande force de ce film justement: le monde parfois hilarant, parfois odieux, constamment électrique qu'il dépeint, c'est la vie d'un métier, l'essence de la presse Américaine. Un métier qui colle aux semelles de ceux qui le pratiquent, et ils ne le quitteront jamais, pas plus Hildy que n'importe lequel de ses collègues, quelles que soient les manoeuvres les plus lamentables d'un Burns. Et le film se dépare de la comédie Américaine, notamment du style de Bringing up baby (Dont la situation du personnage interprété par Grant est d'ailleurs inversée dans ce film, puisqu'il assume le pouvoir de nuisance en pilotage automatique qui était l'apanage de Katharine Hepburn): si la folie est parfois de la partie (Notamment à travers ce pauvre earl Williams et sa petite amie Molly), le monde des journalistes qui nous est montré est faut de gens qui ont, quoi qu'il arrive, les pieds sur terre...
Un dernier mot, au sujet de ce titre étrange qui a l'air de tant coincer l'imagination des traducteurs Français: en Anglais, le compagnon-esclave-homme à tout faire de Robinson Crusoë est nommé Man-Friday, ce que nos compatriotes ont traduit en Vendredi. Hildy Johnson, compagne éternelle de son patron Walter Burns, est quant à elle sa Girl-Friday, son alter ego oui, mais taillable et corvéable à merci, qui donc se doit de rester dans son giron s'il veut continuer à fonctionner. Et nos traducteurs, perplexes, ont traduit celà par La dame du vendredi. C'est merveilleux...
La biographie ultra-fantaisiste de Cole Porter (1891-1964) par Michael Curtiz est en soit un "véhicule" pour Cary Grant, qui
n'avait pas encore totalement établi son style Hitchcockien, entre comédie délurée et charme fatal d'espion dangereux... Alors on a droit a des scènes édifiantes, entre répétitions et
représentations, évènements de l'histoire (Le Lusitania coulé, la nouvelle tombe en pleine premiière triomphale d'une revue qui va souffrir des suites de l'incident, l'engagement de Porter dans
les forces Françaises sans attendre la déclaration de guerre en 1917, etc)... Son idylle tumultueuse avec son épouse (Alexis Smith), présentée ici d'une façon acceptable, quasi-familiale, alors
que le principal problème entre eux, c'était bien sur l'homosexualité du compositeur. Le tout est émaillé de chansons de Cole Porter (Begin the beguine, Let's do it, Just
one of those things...) , chantées ou jouées de façon teriblement académiques...
Michael
Curtiz, qui ne se privait en rien de morceaux de bravoure de mises en scènes (Ces longs travellings d'exposition, ces ombres de danseuses, etc), tuait le temps en reluquant les danseuses, et
faisait strictement son travail sans rien ajouter à sa gloire. mais ce film, dont les numéros musicaux sont signées d'un réalisateur/chorégraphe de la Warner, Leroy Prinz, se situe exactement au
confluent de deux genres illustrés par Curtiz, qui sont parmi les moins intéressants de son impressionnante carrière: les "musicals" (Mammy, This is the army) et
les biographies de grands hommes (Yankee Doodle Dandy, The Will Rogers Story); de plus, Night and day nous permet une fois pour toutes de
montrer ce qui n'allait pas chez Curtiz dès qu'il s'attaquait à un musical: là ou avant lui Busby Berkeley, et après lui Vincente Minnelli ou Gene Kelly faisaient exploser les lmites du studio
pour donner à voir du rève, Curtiz soulignait à gros traits le carton-pâte, maintenait en évidence le fait que tout ce spectacle était un travestissement de la vérité: une constante dans son
oeuvre, et une sérieuse limite dans l'art escapiste et basé sur le merveilleux d'un genre aimé entre tous...
Il n' y a pas de léopard dans le Connecticut? Tant pis. Quoi qu'il en soit, ce film célèbre l'hypothèse qu'il y en ait un, même si la présence de "Baby", le gentil félin moucheté, qui semble-t-il adore les chiens et la chanson I can't give you anything but love, baby, ne soit pas finalement l'argument principal de cette comédie qu'il me semble sans aucune exagération possible de qualifier de parfaite. Et pourtant elle avait commencé son existence dans de bien médiocres conditions, puisque Hawks, à la fin des années 30, n'est pas encore le réalisateur-monstre sacré qu"il deviendra, et que la présence de Cary Grant et Katharine Hepburn est surtout motivée par le flop monumental auquel ils ont tous deux participé pour la RKO, Sylvia Scarlett. A cette époque, Hepburn est considérée comme, en Anglais dans le texte, Box office Poison, et les deux acteurs se sont engagés à apparaître gratuitement dans une comédie pour la firme, afin de la dédommager de l'échec du film de Cukor, trop en avance sur son temps. Voilà les bases de cette nouvelle comédie, qui contrairement à Sylvia Scarlett est une "Screwball comedy", plus dans la ligne du genre... C'est même, à mon humble avis, la meilleure de ces comédies sentimentales menées tambour battant.
David Huxley est un paléontologue entièrement dédié à son métier. A la veille de se marier avec Alice Swallow, sa collaboratrice (Pour des raisons purement professionnelles, semble-t-il), il doit rencontrer l'avocat d'une riche mécène, Mrs Carleton-Random, afin de le persuader d'interférer auprès de sa cliente dans le but que celle-ci fasse au musée un don d'un million de Dollars. Durant la partie de golf qui tient lieu de rendez-vous, David fait la rencontre d'une jeune femme fofolle, Susan Vance, qui fait une entrée tonitruante dans sa vie. Une clavicule intercostale, un chien, deux léopards, un chasseur de gros gibier, un psychanalyste interlope, un shérif plus tard, la vie de David est définitivement chamboulée...
La mise en scène de Hawks est réputée pour sa simplicité, son absence de frime, et son coté définitif, c'est particulièrement vrai ici. Mais avec ses comédiens, il s'est manifestement livré à de l'improvisation, lâchant le plus souvent Hepburn contre Grant: la première incarne la folie destructrice et incontrôlable, le deuxième sensé être la raison ferme, victime des attaques de la première... et ça fonctionne bien sûr à merveille. Pour le personnage de David Huxley, "egghead", c'est à dire savant intellectuel et pompeux, décalé des réalités matérielles, et de la vraie vie, Hawks et Grant se sont inspirés de deux sources évidentes: Charley Chase, d'une part, le comédien de l'embarras, parfaitement en phase avec son monde jusqu'à ce qu'un grain de sable ne se mette en travers de son chemin, et Harold Lloyd, dont l'influence est d'autant plus perspectible que Grant porte des lunettes. Comme eux, Grant est un "straight man", lâché dans une comédie qui les plonge dans l'embarras. Mais l'influence du muet ne s'arrête pas là, avec de nombreux gags qui renvoient directement à d'autres vedettes de Hal Roach: Hawks reprend le gag du trou d'eau de profondeur inattendue, cher à Laurel et surtout Hardy qui en est systématiquement la victime, et un gag de robe déchirée reprend un motif visuel, deux personnes qui marchent collés l'un à l'autre pour cacher une ouverture embarrassante, qui est là encore tiré de Laurel et Hardy, mais qui se trouve aussi chez Arbuckle et Keaton: on peut donc suivre Patrick Brion (Qui sait quand même de quoi il parle) lorsqu'il avance que Bringing up baby est la passerelle entre la burlesque muet et la comédie des années 40, beaucoup plus bavarde. Et au-delà du registre de la comédie burlesque, puisque les gags autour du dinosaure sont un emprunt (quand même bien voyant!) à Adam's rib de Cecil B. DeMille...
Dans ce film, qui nous conte les mésaventures d'un intellectuel avec une boule d'énergie, qui a un moment décide qu'elle est tombée amoureuse de celui qu'elle persécute, Hawks se débrouille pour alourdir considérablement le cahier des charges: il affûte ses piques aux intellectuels, montrés du doigt pour ne pas assez profiter de la vie, et s'intéresser à des choses dont tout le monde se fout éperdument (Un brontosaure en l'occurrence). Alice précise bien à Huxley: "Notre mariage sera strictement dédié à votre travail, David"... A l'opposé, Susan Vance est certes incontrôlable, mais elle est capable d'aimer. Il se moque des psychanalyste, faisant de son docteur à accent Allemand un homme sans doute très savant, mais au tic discret qui suffit à le rendre suspect de folie furieuse... Et puis il y a le douloureux motif de la masculinité, répété à l'envi dans le film, depuis le risque de se trouver dans les griffes d'Alice Swallow (Swallow, Hirondelle, mais aussi To swallow, avaler) et de s'y perdre, jusqu'à la recherche douteuse d'un os (Objet phallique, donc. D'ailleurs, ce pénis de substitution est directement assimilé à David Huxley, affublé du surnom de Bone dans plusieurs scènes par Susan) en passant par les vêtements de rechange donnés par Susan à David lorsqu'elle souhaite retenir celui-ci à son domicile: un peignoir à frou-frous, qu'on imagine rose. et bien sur, lorsque Mrs Carleton-Random lui demande d'expliquer son accoutrement, il se contente d'un "I just went gay all of a sudden", une réplique qui donne encore lieu à des débats sur ses implications; certains avançant qu'il s'agit d'une trop belle allusion à l'homosexualité pour être ignorée, d'autres qu'il ne pourrait que s'agir d'une coïncidence, le terme étant probablement peu usité sous ce sens à l'époque. Mais sur la confusion des genres, Hawks la réutilisera de façon moins exubérante dans I was a male war bride, avec un Grant encore plus impassible.
Il faut voir ce film, ne serait-ce qu'une fois par an; il est drôle, irrésistible, même, et si parfait qu'il fait partie de ces films de Hawks qui se laissent voir deux jours de suite sans aucun souci... Il faut se méfier des réputations dans l'histoire du cinéma: on dit souvent qu'il fut un échec, c'est faux. Seulement dans une Amérique ou seuls les triomphes ont droit de cité, il détonne: le film a été un modeste succès, remportant la mise, sans beaucoup plus. En tout cas, il est devenu un passage incontournable, l'un des meilleurs films des années 30, et l'un des chefs d'oeuvre de son auteur, qui tentera d'ailleurs de s'auto-plagier avec le peu glorieux Man's favorite sport en 1962.
Des hauts, des bas: Joseph L. Mankiewicz est sous contrat, et doit continuer à mettre en scène après le triomphe de son dernier film, à tous points de
vue. Il est inutile d'attendre de ce dixième film le même feu d'artifices que le précédent, bien sur, mais s'il est incontestablement mineur, il n'en est pas moins passionnant, renvoyant malgré
son origine théâtrale à de nombreuses touches et de nombreux thèmes de l'auteur, qui n'a pas laissé de façon stérile la pièce se dérouler sous nos yeux: il se l'est appropriée. Bien sur, le
casting recèle des problèmes pour le metteur en scène: ainsi, si Cary Grant est fidèle à lui-même, on imagine qu'il a surtout été amené à faire du cary Grant, pour le meilleur heureusement. Mais
Mankiewicz n'aimait pas Jeanne Crain et estimait avoir complètement échoué à en tirer quelque chose pour ce film; je trouve pour ma part ce jugement bien sévère. Pour le reste, les acteurs
convoqués sont pour notre plus grand bonheur Walter Slezak, Le grand Finlay Currie dans le rôle de l'énigmatique et bien silencieux Shunderson, Margaret Hamilton, la sorcière d'Oz, revient en
femme de ménage renfrognée, qui compose une énième figure ancillaire dans une oeuvre déja marquée par la Sadie de Thema Ritter (A letter to three wives) ou plus lointainement, la
Peggy de Jessica Tandy (Dragonwyck). Et puisqu'on parle de Jessica Tandy, Mankiewicz avec ce film travaille enfin avec le mari de cette dernière, son ami, le grand Hume
Cronyn, qui domine le film avec son médecin universitaire en croisade contre des ombres...
Dans un hôpital universitaire, le Dr Noah Praetorius (Cary
Grant) est un médecin spécialiste en gynécologie, aimé de la plupart de ses collègues et des étudiants, mais sur lequel une enquête est ouverte afin de déterminer si il a oui ou non pratiqué
la médecine d'une façon extravagante en se faisant passer pour un guérisseur d'une part, et afin de déterminer qui est l'énigmatique vieil homme silencieux qui l'accompagne en toutes
circonstances d'autre part, Mr Shunderson. Parallèlement, Noah soigne dans sa clinique une jeune étudiante désespérée d'être enceinte (Elle n'est pas mariée, le père est décédé), et qui tente de
se suicider. Afin d'empêcher une récidive, il choisit de lui faire croire qu'elle n'est finalement pas enceinte, mais le jour ou il se rend chez elle pour lui annoncer la vérité, il la
demande en mariage à la place...
Le film, d'une certaine manière, est un peu All about Noah; le fait est qu'il commence par une mystérieuse
rencontre entre le Docteur Elwell, le principal accusateur de Praetorius, et une femme qui l'a connu dans le passé et qui va apporter de l'eau au moulin de l'accusation. Et le choix d'entamer le
film ainsi permet à Mankiewicz de commencer le film sur l'impression d'un nouveau puzzle, qui sera toutefois moins voyant que les autres, et dont la plupart des résolutions (le passé de
Praetorius, sa rencontre avec Shunderson) seront uniquement dévoilées à la fin, mais la philosophie de Praetorius apparait quant à elle du début à la fin du film; Jeane Crain-Deborah aime à faire
remarquer à Praetorius qu'il est un homme sentencieux et bavard, je dois admettre que c'est vrai... Il se lance parfois dans des diatribes qui font passer de façon un peu lourde tout l'humanisme
du personnage. C'est heureusement partiellement désamorcé par sa complicité avec Deborah, son épouse, son ami le professeur Barker (Walter Slezak), et aussi sa position de chef de clinique, qui
l'autorise à se montrer un peu professoral parfois... Le film fait reposer le suspense sur l'approche d'une réunion durant laquelle la faculté va explorer le dossier accumulé par Elwell, en
présence de Praetorius...
Le mystère Shunderson occupe l'esprit de chacun, grâce à plusieurs pistes: d'une part, les personnages sont tous plus ou moins
de l'avis du professur Elwell, qui est obsédé par la silhouette étrange du bonhomme; même Barker fait comprendre à Praetorius que son étrange ami est parfois une présence embarrassante, et que le
surnom de Chauve-souris lui colle à la peau. Pour couronner le tout, le vieil homme réussit à apprivoiser un chien présenté comme un vrai sauvage, sans aucun problème (le chien s'apelle
Belzébuth, rapport à son caractère...), un petit mystère de plus; seuls Déborah, son père et Noah semblent trouver du plaisir à la compagnie de Shunderson, le questionnement sur sa nature restant
trop fort pour les autres... Tout cela est renforcé par la seule présence de Finlay Currie, qui use de sa silouette raide, et parle peu, avec son accent Ecossais si touchant. Bien sur le mystère
Shunderson est résolu à la fin et finit d'ajouter une touche d'humour légèrement absurde au film...
Après la figure envahissante du père (House of strangers), Mankiewicz profite de ce film pour dreser un petit portrait de deux frères, les Higgins, qui sont le père
de Deborah, et son oncle. Ce dernier possède une exploitation agricole, et passe la journée à se plaindre du haut de son rocking-chair, pendant que l'autre frère semble assumer de façon plus
adulte la responsabilité de la ferme. Le père de Deborah est aussi un esthète, qui propose à M. Shunderson d'écouter de la musique en sa compagnie, un homme philosophe et tranquille, qui fume la
pipe: un double de l'auteur, discrètement caché dans le script. L'oncle, ce serait donc une pique à Herman, le très mondain scénariste, celui dans l'ombre duquel il a fallu passer tant
d'années...
Au final, ce petit film se pose un peu comme un petit précis d'humanisme tranquille; a la figure du Dr Elwell, mesquin, qui se
vante de n'avoir aucune qualité humaine, aucun goût pour quoi que ce soit, vient s'opposer le pragmatique Dr Praetorius, homme de goût versé sur la musique, fidèle en amitié, qui a su garder une
âme d'enfant (La séquence du train électrique est un intéressant mélange de cmoédie et de tension drmatique) et qui agit toutjours au regard de la personne qu'il a en face de lui, ainsi peut-on
justifier son étrange mais efficae décisionde cacher sa grossesse à la jeune femme afin de l'empêcher de se tuer. Le film finit sur une note musicale qui tend à agir sur le spectateur, pour peu
qu'il se laisse faire, et le fera se sentir bien... un film qui laisse Mankiewicz exposer un versant plus solaire de la comédie.