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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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25 mai 2018 5 25 /05 /mai /2018 10:11

Voilà un film qui tranche non seulement sur les autres productions Keystone, mais plus encore sur l'ensemble de la carrière de Chaplin: c'est le seul de ses muets dans lesquels le comédien apparaît, du début à la fin, ou presque, au naturel: maquillé, certes, habillé bien sûr, mais surtout sans moustache. Et il n'est pas le seul du reste: Ford Sterling et Roscoe Arbuckle ont droit aussi d'abandonner les costumes ou postiches. Et ironiquement, l'essentiel de ce court métrage d'une bobine se situe sur le lieu d'un bal... costumé, où l'on remarquera que Chester Conklin est venu déguisé en Keystone cop!

Justifiant le titre, le tango était la danse scandaleuse à la mode, soit quelques années après l'Europe, quand même; mais il n'y a pas de tango dans la salle de bal qui est le lieu de l'action; juste un petit orchestre de danse dont Ford Sterling, cornettiste, est le chef, et Roscoe Arbuckle le clarinettiste. Et Chaplin, lui, est un danseur bien habillé, mais... saoul. Voilà pourquoi je disais plus haut qu'il apparaissait presque au naturel, car l'un des secrets de Chaplin a toujours été de fusionner costume et jeu d'acteur. Ainsi, en apparaissant en costume de ville mais feignant l'ébriété il est déguisé. On peut appliquer cette idée à l'apparition de Chaplin en Hitler dans The great dictator, ou à son interprétation fabuleuse d'un poulet plus vrai que nature dans The gold rush...

Le film ne nous laisse pourtant que peu de chances d'apprécier la subtilité du jeu de l'acteur, car le sujet de l'intrigue ne le permettra pas: le chef d'orchestre, le clarinettiste et le poivrot de la haute société ont tous en commun de trouver la même femme (Probablement interprétée par Sadie Lampe) à leur goût; étant des personnages d'un court métrage Keystone ils vont se résoudre à traiter l'affaire en se battant d'une manière particulièrement agressive (Ford Sterling, qui donne toujours l'impression d'improviser la sauvagerie, mord le nez de Chaplin à un moment): pas un concours de subtilité, vous vous en doutez. Néanmoins, à ce petit jeu, c'est quand même Chaplin qui gagne, et sur plusieurs niveaux: d'une part il est vraiment meilleur que Sterling, c'est évident. Mais surtout il est désormais amené à jouer aux côtés des vétérans, ceux qui attirent les foules, foules qui ne vont pas tarder à se mobiliser pour venir voir les films du nouveau comédien de la Keystone, en masse.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin Mack Sennett Roscoe Arbuckle
24 mai 2018 4 24 /05 /mai /2018 18:34

Ceci est le premier de quatre films dans lesquels Chaplin est mis en scène par le vétéran de la Keystone George Nichols; les deux hommes, pour résumer, ne se sont pas du tout entendus... Mais on reconnaîtra à ce film, au moins, de varier les péripéties au lieu de faire comme dans Between showers, d'improviser des gags miteux dans un parc!

Et le film traite d'un sujet qui reviendra encore et encore: le cinéma. Il reviendra un peu chez Chaplin, mais surtout chez Sennett. Chaplin y interprète un vagabond qui se rend au cinéma, et y apprécie tant le court métrage Keystone interprété par une belle jeune femme (Peggy Pearce), tant et si bien qu'il se met à traîner aux alentours du studio, et s'y introduit en douce, afin de voir la jeune femme. Mais il va surtout mettre la pagaille au studio...

Dans le positif, on peut noter le jeu sur tous les aspects du cinéma: le spectacle cinématographique dans la première partie, avec la réaction des spectateurs; les tournages (et une incursion dans le mode de fonctionnement de la Keystone, un studio dans lequel on peut tout arrêter pour se rendre dare-dare avant les pompiers sur un lieu d'incendie, et filmer des images sublimes pour pas un rond!), mais aussi les coulisses: Chaplin en arrivant au studio voit aussi arriver les acteurs qui se rendent à leur lieu de travail: Ford Sterling et Roscoe Arbuckle ont en particulier une courte interaction avec le comédien.

Mais ça reste quand même un peu trop porté sur les coups de pied au derrière, tout ça...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin
23 mai 2018 3 23 /05 /mai /2018 19:01

C'est le quatrième film de Chaplin pour la Keystone, le cinquième si on considère les quelques secondes durant lesquelles il apparaît dans A thief catcher de Ford Sterling, mais l'acteur avait déjà des motifs sérieux d'insatisfaction... Notamment le manque total d'inventivité des metteurs en scène, Lehrman en tête (mais Sterling, Nichols, ou Sennett lui même, ne font pas mieux), et ce film en est un exemple particulièrement éprouvant: Sterling en est la vedette, et il joue un homme qui convoite un parapluie et une jeune femme, entre deux averses (d'où le titre), mais le policier Chester Conklin souhaite justement garder son uniforme, et le vagabond Chaplin quant à lui aimerait bien mettre la main sur l'ustensile et la jeune femme. Le tout improvisé dans les rues de Los Angeles après une averse, et dans les paysages de Griffith park.

C'est en effet très pénible à regarder, le script est inexistant, et la psychologue plus sommaire que celle d'une rencontre entre un footballeur, Nadine Morano et Donald Trump... Bref, ce serait à fuir, si Chaplin n'y développait pas sa gestuelle, qu'il est à ce moment en train de raffiner: il est vrai qu'il a eu la chance de tourner sous la direction de Mabel Normand, qui elle en revanche avait tout compris, et planifiait et raffinait ses films. Chaplin voulait aller dans cette direction... ce qui ne l'empêcherait pas, à son tour de tourner ça ou là, vite fait mal fait, quelques courts métrages improvisés dans des parcs, avec des briques à lancer sur ses camarades...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin
23 mai 2018 3 23 /05 /mai /2018 18:26

Ce qui est sans doute le troisième film interprété par Chaplin à la Keystone, après Making a living et Kid auto races at Venice est un film de l'actrice Mabel Normand: une excellente occasion de rappeler l'importance de celle qui, non contente d'être la star féminine numéro un du studio de Mack Sennett, avait aussi pris en charge la réalisation de certains de ses films. Plus que Henry Lehrman, metteur en scène des deux premiers, c'est finalement à elle qu'on doit la vraie apparition du personnage de Chaplin, même si il ne faut pas se leurrer: elle lui a certainement attribué un rôle, mais la gestuelle, l'incroyable contrôle, et cette vie intérieure trahie par le moindre mouvement de canne, c'est du Charles Chaplin à 100%! De là à faire comme tous les premiers historiens du cinéma, qui ont directement imputé à Chaplin seul la création de tous ces films de jeunesse, il y a un pas qu'on ne peut pas franchir... La preuve en images.

D'ailleurs, dans Mabel's strange predicament, Chaplin est la valeur ajoutée: il est un client saoul dans un hôtel, qui vient ajouter un grain de sel rigolo dans la routine d'un lieu de villégiature qui se transforme aisément en une mine d'embarras. Mabel est, avec son chien, cliente de l'hôtel; elle y reçoit (en tout bien tout honneur) son petit ami, et elle a des voisins qui sont un vieux couple dot l'épouse ressemble à une définition vivante du mot "irascible". Suite à un incident, Mabel et son chien se retrouvent coincées dans le couloir, la jeune femme étant en déshabillé... Elle se réfugie dans la chambre d'en face, sous le lit en attendant d'y voir plus clair. Mais le voisin revient, suivi par son petit ami à elle, puis l'épouse... et enfin Chaplin, toujours aussi saoul.

Dans cette usine de saucisses filmiques qu'était la compagnie de Sennett, Mabel Normand est celle qui la première a ralenti l'action, afin de donner corps aux personnages, mais aussi afin de laisser son charme mutin agir... Cette situation ne serait pas aussi embarrassante si Mabel Normand n'était pas une jeune et jolie demoiselle, bien sur. Mais que de chemin parcouru entre les films tournés-montés improvisés dans la rue (Kid auto races) et ce petit mélodrame rigolo de la non-infidélité...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin
21 mai 2018 1 21 /05 /mai /2018 10:01

Dans la compagnie de Mack Sennett, il y a toujours eu un goût de l'improvisation, qui se manifestait en particulier dans la possibilité offerte par la tolérance des autorités Californiennes à l'égard des tournages sauvages. Le nombre de films tournés par les équipes de la Keystone en contrebande dans les rues de la ville, et surtout dans les manifestations publiques, est impressionnant. Mieux encore, le public avait noté, et accueillait avec une joie non feinte ce type de perturbation...

C'est ici que se situe ce petit film de 6 minutes environ: le format paraît boiteux, mais Sennett avait l'habitude de proposer des bobines de film (environ 13 minutes à 18 images / seconde) divisées en deux films différents, afin de donner aux exploitants des salles un petit bonus pour leurs sujets courts. Un grand nombre de ces "split-reels", comme on les appelait alors, ont été tournés. Celui-ci est situé sur une manifestation très particulière, une course d'auto-miniatures, des machins mécaniques conduits par des gosses, et dont le mode de propulsion est assez fruste: une grande rampe de bois... Il y a beaucoup de public, et l'équipe de Lehrman, visible à l'écran, joue avec un grand sérieux une équipe d'actualités qui vient filmer l'événement, mais doit composer avec un vagabond qui a vu la caméra et ne peut s'empêcher de chercher à tirer la couverture à lui, perturbant la prise de vues.

Le fait que ce soit Chaplin, que ceci soit la naissance du costume le plus célèbre de toute l'histoire de la comédie filmée, n'empêche pas qu'il ne se passe finalement pas grand chose dans une comédie dont l'intérêt est, bien sûr, 'historique' avant tout. Et Chaplin, en 1914, a encore beaucoup à faire pour raffiner son personnage. Mais si on apprend quelque chose sur lui avec ce film, c'est le don inné pour l'acteur d'habiter son personnage: on lui dit "sois odieux!", et... il l'est.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin
21 mai 2018 1 21 /05 /mai /2018 09:50

A la compagnie Keystone, menée par Mack Sennett, on tournait des films en deux jours, peu importe l'histoire pourvu qu'il y ait des gags. En voici un exemple de choix: deux hommes qui se disputent les faveurs d'une jeune femme en viennent à rivaliser professionnellement, lorsque le plus opportuniste des deux devient, comme l'autre, journaliste, afin de le contrer et d'emporter le morceau.

Bon, d'accord, ce n'est pas terrible, mais c'est un début: celui de Chaplin, 25 ans, dont c'est le premier film. Il y en aura d'autres... Plein d'autres! En attendant, il fait donc ses gammes auprès d'un metteur en scène et d'acteurs aguerris. Si le costume est loin d'être celui d'un vagabond, on peut en revanche voir que pour Chaplin, le jeu sur les apparences, passant par le contraste saisissant entre costume et comportement, est déjà là, mais presque en négatif de ce qu'il fera une fois qu'il aura trouvé les habits qui conviennent le mieux (certes, avec des variantes notables de film en film) à ses personnages: habillé en lord, avec monocle, haut-de-forme et moustache à la saxonne, il tente de faire illusion, mais ses manières opportunistes de traîne-savate prennent vite le dessus.

Toutefois, un détail a piqué mon attention, surtout maintenant qu'on peut enfin voir ce film dans des copies décentes: dans la majeure partie du film, Chaplin est le seul à porter un costume exagéré. Le reste des acteurs sont assez raisonnablement accoutrés, et du coup le comédien devient automatiquement le centre de l'attention, pour ne plus laisser l'opportunité à quiconque de se faire remarquer. Et comme l'ensemble du film a été tourné en pleine ville, parfois en contrebande absolue (regardez la tête des badauds quand ils voient les acteurs se battre!), on pourrait presque parler de... réalisme! Chez Sennett: le monde à l'envers...

Il n'était pas encore metteur en scène, mais il avait déjà compris beaucoup de choses...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin
21 juin 2017 3 21 /06 /juin /2017 18:32

S'il est un film qui est célèbre pour des raisons inattendues, c'est bien celui-ci: un acteur inconnu y faisait l'une de ses premières apparitions à l'écran, la plus courte et la plus obscure en réalité. Et c'est pour cette raison et cette raison seule que la découverte de ce film très moyen, dont l'intrigue est très très ténue, est en réalité un événement majeur!

Les policiers poursuivent une bande de malfrats, mais le pauvre Ford Sterling est pris entre deux feux: pris pour un bandit par les pandores, et poursuivi par les voleurs parce qu'il les a vus. Bref, c'est un peu David Vincent.

Allez, on va le dire quand même: c'est Chaplin, et il a beau n'être vraiment visible sur l'écran que durant 25 secondes en tout, il marque. Ce garçon avait du talent, quand même... Et bonne mémoire: il se rappelait en effet avoir participé à un film Sennett dans lequel il avait été un Keystone Cop: eh bien, la preuve est faite.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charles Chaplin
19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 16:55

Donc, pour finir, il convient d'abord de passer par ce mauvais film, une comédie romantique qu'il a cru bon de réaliser afin de reprendre pied dans le cinéma mondial, avec des stars pour changer... La médiocrité du film est un fait assez facile à remarquer, je dirais qu'il suffit de le voir pour s'en rendre compte; le cinéaste abandonne la rigueur sèche de son style pour meubler son film(Qui réussit le tour de force d'être supposé se passer sur un bateau, mais qui est à 95% situé dans d'hermétiques cabines sans âme qui pourraient aussi bien être d'hypothétiques chambres d'hôtel) en multipliant les angles de prise de vue d'une façon inattendue et assez gauche. D'autre part le dialogue prend de la place, et si le metteur en scène a choisi des acteurs de renom pour peupler son film, il n'en a pas moins dirigé chaque geste, chaque virgule, et si dans le cas de Sophia Loren elle ne s'en sort pas trop mal, c'est franchement gênant en ce qui concerne Brando, et pire encore avec Tippi Hedren, qui est un glaçon sans vie. Enfin, le scénario n'a pas grand intérêt:

Un diplomate Américain quitte Hong Kong et rentre chez lui, vers sa carrière prometteuse et son mariage détruit. Durant la croisière, il se lie avec une passagère clandestine, une Russe Blanche réduite à la semi-prostitution. il faut la cacher, puis réussir à la faire paser aux Etats-unis, au nez et à la barbe de la douane, des services d'immigration et de l'épouse légitime.

 

Chaplin, je pense, a survécu au muet; s'il a fait du cinéma dans les années qui ont suivi l'arrêt de ce style dont il était l'un des plus brillants représentants, force est de constater qu'il a perdu beaucoup. Mais passé Limelight, il a aussi du composer avec des circonstances qui ne lui convenaient pas: au lieu de tourner dans ses studios, à son rythme, il a du se compromettre en tournant plus vite dans des lieux pas toujours appropriés, deux films. A king in New York passait encore, et la satire qu'il proposait montrait qu'il n'avait pas perdu sa rancoeur à l'égard des Etats-Unis, mais ce nouveau film en forme d'exil perpétuel montre que les sentiments ont évolué. Bien sur, il s'en prend au culte de la richesse, mais tape aussi bien sur les Britanniques, par le biais de riches désoeuvrées qui sont bien idiotes, que sur les américains via l'épouse de Ogden, le personnage de Brando. Et tous ces personnages en quête d'un nouveau souffle nous rappellent que tous sont des ex: Ogden Mears, le diplomate, n'y croit plus, et Natascha est une comtesse d'un pays qui ne veut plus d'elle et de ses semblables. Après tout tous ces gens rentrent aux Etats-Unis, un message subliminal de la part de l'ex-roi d'Hollywood?

 

Celui-ci apparait dans on film, mais il est clair que la vieillesse est  là. De même, il a perdu son oeil exceptionnel pour le placement de la caméra, et c'est un crève-coeur que de le voir essayer de rendre drôle ce qui ne l'est pas, en demandant à Brando de roter aussi souvent que possible, en jouant le jeu d'une comédie de boulevard à coup de sonnettes intempestives et de portes qui claquent. Sans oublier l'humour autour de la saoulographie d'un personnage de majordome (Patrick cargill, qui sauve pourtant quelques scènes du film). Bref: Chaplin a réussi à exercer son métier durant 52 années, il faut forcément s'en réjouir. Que son dernier film soit médiocre, c'est une évidence, mais tant pis, au moins, il pu essayer de se maintenir à flot jusqu'au bout. Après ce film, il n'a plus rien fait de nouveau, a essayé de réexploiter certains de ses films, avec succès, a taillé dedans, ce qu'on est en droit de désapprouver, a recueilli enfin l'admiration de ses pairs à hollywood, dans une cérémonie émouvante, et nous a fait en 1975 le pire cadeau de Noêl de tous les temps... Oubliez ce film, mais quoi qu'il arrive, Chaplin est un génie, un mythe, un géant.

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Navets
30 décembre 2011 5 30 /12 /décembre /2011 18:44

Un roi en exil, chassé par une révolution, qui se retrouve coincé à New York entre deux mondes, et pris au piège d'une vie Américaine moderne, à lquelle il ne comprend rien: forcément, sur ces fondations, on s'attend à l'expression d'une vengeance de celui qui a été longtemps l'idole du public, le roi de Hollywood, et qui est un proscrit depuis quelques années: non seulement on ne veut plus de ses films, qui ont fini par révolter (M. Verdoux) puis par lasser (Limelight), mais on ne veut plus de lui, et dans la chasse au sorcières, Chaplin savait bien qu'il y avait une petite place pour lui... Après ce qui est bien un exil en Suisse, il a choisi d'en parler dans son premier film Anglais (Mais oui), mais ce n'est pas via son personnage que cette partie du règlement de comptes va avoir lieu... Ca restera du chaplin, toutefois.

 

Bon, soyons franc, ce film n'est pas bon. il est poussif, ennuyeux, trop démonstratif, et fait trop vite dans un contexte ou Chaplin n'était pas à l'aise. Pour s'en convaincre, regardons les scènes de comédie de la dernière partie, qui voient le roi Shadohv essayer d'achapper à un homme qu'il soupçonne de vouloir lui refiler une convocation au tribunal: c'est essentiellement de la comédie muette, mais tout se passe comme si le metteur en scène avait été incapable de trouver le bon angle; le résultat, c'est que la scène ne fonctionne que de façon lointaine, un peu comme ces recréations échappées de la télévision américaine des années 50, lorsque les comédiens de Sennett, de Roach, ou Buster Keaton étaient invités à recréer leurs gags... Un comble.

 

Le roi Shadohv d'Estrovia a fui la révolution pour aller à new York. Escroqué par un homme de confiance, il a du mal à joindre les deux bouts, et est plus ou moins recruté par une publicitaire, Ann Kay, pour faire de la réclame. Lors de ses activités protocolaires, il rencontre un jeune garçon, Rupert Macabbe, dans un foyer pour jeunes enfants doués. ses parents ont des ennuis avec la justice pour leurs opinions, et rupert, qui lit Marx, a des vues très arrêtées sur la politique de son pays...

 

D'une part, le metteur en scène règle donc ses comptes avec les Etats-Unis d'un point de vue général, la vie moderne, l'obsession du capital, l'escroquerie permanente des médias, et bien sur la méfiance à l'égard des étrangers, épinglée à travers l'une des premières scènes du film, lorsque Shadohv vante l'accueil des Américains tout en laissant un fonctionnaire lui prendre ses empreintes digitales. Le manque cruel de sophistication (le choix des accents est ici primordial), et un cinéma qui se mord la queue, tout y passe. C'est parfois drôle, surtout dans la première demi-heure, et Chaplin est à son aise dans le petit jeu du roi décalé lâché chez les lions tous plus ignares les uns que les autres. Mais on ne construit pas un film entier avec ça...

 

Donc, d'autre part, l'autre attaque du film, plus virulente et plus amère, vise l'obsession anti-communiste, encore virulente en cette fin d'années 50. Rupert, incarné par un Michael Chaplin assez franchement irritant avec son index sentencieux levé avec obstination, affirme haut et fort être communiste, non pas parce qu'il l'est, mais parce que dit-il, il en a marre de répondre aux mêmes questions sur ses parents. Autant l'être, puisque c'est ce que tout le monde veut, affirme-t-il... En représentant l'absurde soupçon qui a pesé sur tant de gens dont le simple souci était de construire un monde meilleur, semble dire Chaplin (qui sait de quoi il parle dans la mesure ou il a été aux premières loges), Michael Chaplin incarne non seulement son père, mais aussi tous les gens victimes du soupçon, et on peut aller jnusqu'à imaginer qu'à travers les maccabee, la famille de Rupert, le pas tendre Chaplin parle aussi des Rosenberg, les époux exécutés en 1953 pour espionnage. Si ici les deux époux échappent ne serait ce qu'à la prison, le traumatisme de l'enfant qu'on a forcé à parler est suffisant pour que le constat soit amer. Donc on est bien loin de la comédie burlesque, avec un Chaplin qui confirme sa dent dure...

 

Mais bon, tout cela fait un film qui a du mal à tenir debout. Ce qu'on a du mal à accepter de Chaplin, avouons le. En voulant rire de l'anachronisme qu'il est devenu, il montre aussi le fait qu'il ne comprend lui même as grand chose aussi bien au cinémascope qu'au rock 'n Roll (En avait-il déja entendu? on se posera la question...). Pourtant l'acteur est bien là, avec sa grâce naturelle pas trop contenue par l'age et un début d'embonpoint, si on a bien sur les inévitables références au corps et aux fonctions corporelles: l'odeur en particulier, à travers les deux publicités dites en direct par Ann Kay lors de la scène du dîner, ou encore l'utilisation du postérieur comme réceptacle de pâtisserie (Qui contient beaucoup de choses, puisque la pâtissier juvénile se met les doigts dans le nez), ou comme cible d'un jet d'eau. Mais tout ça, vite fait dans un studio ou il n'a pas la possibilité de reconstruire un New York à sa convenance, sans ses petites habitudes, sans la possibilité de faire son film deux ans durant s'il le faut, il peine. Et nous aussi.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin
29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 17:28

Voir Chaplin dans Limelight, après avoir revu au préalable tout ce qui a précédé, c'est être frappé par la nudité de son visage quand on le voit ici pour la première fois; d'ailleurs, c'est de dos qu'il fait sa première scène, en homme agé, de petite taille, à la silhouette encore bien fine pour son age, mais saoul; il monte avec peine un escalier, qui mène à une porte que l'alcool n'aidera pas à s'ouvrir; il ttitube, et sa gestuelle nous permet immédiatement de le reconnaitre. Mais sous son vrai visage, tel qu'en lui-même, sans aucune moustache lui, qui a toujours ou presque utilisé cet artifice, et a construit sa carrière, sa célébrité, sa fortune même sur un petit tas de poils qu'il se collait sous le nez...

 

Le film ne mettra pas longtemps à nous rassurer: si Chaplin a décidé d'apparaitre à visage découvert pour ce film, c'est sous un autre masque qu'il se dissimule, celui autour duquel il a tant tourné, depuis The bank ou The tramp en 1915: Limelight est un mélodrame, un film qui s'éloigne des leçons parfois embarrassantes que le metteur en scène et acteur a cru bon de vouloir donner dans les années 40. Et de fait, tout de suite devant cette histoire de vieux clown décati amoureux d'une jeune étoile, on ne peut s'empêcher de se demander: quelle part d'autobiographie contient ce film? une seule réponse s'impose: tout le film et rien, bien sur. Chaplin n'a finalement pas dérogé ici à ses vieux démons, et on se rappelle d'un autre clown, celui du Cirque, qui à la fin du film s'asseyait par terre avant de repartir vers de nouvelles aventures, pendant que le cirque pour lequel il avait travaillé partait dans une autre direction...

 

Calvero est un vieux clown lessivé et alcoolique, qui rentre chez lui un matin pour trouver une étrange odeur de gaz dans l'escalier: une voisine est en train de se suicider: il la sauve et appelle un médecin; elle s'uinstalle chez lui, et le vieil homme va patiemment lui redonner confiance en elle et en la vie, en son art aussi: elle est danseuse. Terry (Elle s'appelle Thereza) va en échange soutenir le vieil homme dans ses tentatives de retourner sur scène, en particulier lorsque la santé lui reviendra, et que sa nouvelle carrière de prima ballerina prendra son envol...

 

Rien de nouveau? Si, bien sur: d'une part, Chaplin situe son histoire dans le Londres de 1914, tout un symbole, et revit avec affection une nouvelle jeunesse par le biais de la peinture du monde du spectacle dans la capitale Anglaise, en cette année ou il l'a quittée pour devenir le phénomène que l'on sait... D'autre part, le dialogue aidant, Chaplin laisse à Terry (Claire Bloom, excellente) le soin de prononcer les mots d'amour qu'on attribuerait le plus souvent au vagabond, éternel ver de terre amoureux d'une étoile. Ici, c'est Terry qui se consume d'amour pour un homme trop vieux pour accepter cette offrande. c'ets là qu'il faut voir le principal thème entrepris par Chaplin: l'age. Celui qui, depuis qu'il vit le parfait amour avec Oona, a enfin paradoxalement admis son age, souhaite donc passer le relais, et ce passage de témoin doublé d'une mort en scène est relaté en deux bonnes heures, et parfaitement symbolisé par ce plan absolument sublime d'un Calvero mort, transporté sur un divan dans les coulisses immédiates de la scène ou se produit Terry. Sait-elle, alors qu'elle danse, que l'homme qu'elle aime est déja mort? Le film se clôt sur sa prestation, the show must go on, of course...

 

Il y a des défauts dans ce film, même si la plupart du temps, ce qui lui est reproché constitue en fait sa force: cette immersion dans le mélodrame, sans honte ni remords, est parfaitement assumée. Non, bien sur, le film possède déja le défaut d'être un film parlant; le metteur en scène, l'acteur sont des génies, c'est un fait, mais le dialoguiste ne peut s'empêcher d'en rajouter des tonnes... Sinon, la distance maintenue par la caméra de Karl Struss lors des scènes de danse, rendue indispensable par le fait que Claire Bloom était doublée, est gênante, nous empêchant de partager l'émotion resentie par Calvero par exemple lors de l'audition. Alors que Calvero, dans ses numéros, bénéficie d'une caméra virevoltante (Un exploit pour l'austère metteur en scène, on en conviendra, mais il n'a sans doute pas engagé le collaborateur de Murnau sur Sunrise pour lui faire clouer une caméra au sol...), on peine à voir autre chose dans ces scènes qu'une doublure brune del'actrice principale qui danse à la perfection: des plans purement génériques, en fait...

 

Mais on est heureux de retrouver plus d'une allusion au passé de Chaplin, son don pour le geste sur, et ce personnage de Calvero qui ressemble tant à notre vagabond favori; il a les mêmes obsessions aussi, une sorte de vague tendance artistique qui cache un insatiable désir de séduire (Le deuxième rêve de l'ivrogne, qui revoit ses succès passés en songe, le voit jouer la comédie avec Terry justement, et tenter de la séduire avec toute une batterie d'allusions parfois douteuses), avec cette gestuelle sensuelle (Toucher, gout et odeurs compris), et cette incroyable faculté à tout exprimer avec ses yeux. Mais plus encore, il rend un hommage appuyé à toute la profession, en invitant Snub Pollard (Figurant à ses côtés durant l'année 1914), Loyal Underwood (Un acteur minuscule, qui jouait dans ses films mutual) et bien sur le grand Buster Keaton a jouer à ses côtés. Les scènes qui immortalisent la collaboration des deux génies sont placées à la fin, un peu comme une apothéose de la partie "comédie" du film, même s'il convient d'être mesuré: ce n'est sans doute pas le feu d'artifice qu'on attendrait; il convient aussi de remettre les pendules à l'heure: contrairement à la légende, Keaton était très heureux de sa participation au film, et de fait, il est beaucoup plus qu'une silhouette, contrairement à son apparition dans Sunset Boulevard, par exemple... Chaplin envisageait un temps pour Limelight d'être son dernier film, il souhaitait donc ne pas partir sans rappeler d'ou il venait.

 

Voila qui clôt un nouveau chapitre de sa vie, sur une note une fois de plus triste: le film n'aura pas le succès escompté, et du coup le démon de tourner ressaisira Chaplin, qui tournera deux films encore, et je n'ai pas la moindre envie de les revoir, ni l'un, ni l'autre.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin