Donc, pour finir, il convient d'abord de passer par ce mauvais film, une comédie romantique qu'il a cru bon de réaliser afin de reprendre pied dans le cinéma mondial, avec des stars pour changer... La médiocrité du film est un fait assez facile à remarquer, je dirais qu'il suffit de le voir pour s'en rendre compte; le cinéaste abandonne la rigueur sèche de son style pour meubler son film(Qui réussit le tour de force d'être supposé se passer sur un bateau, mais qui est à 95% situé dans d'hermétiques cabines sans âme qui pourraient aussi bien être d'hypothétiques chambres d'hôtel) en multipliant les angles de prise de vue d'une façon inattendue et assez gauche. D'autre part le dialogue prend de la place, et si le metteur en scène a choisi des acteurs de renom pour peupler son film, il n'en a pas moins dirigé chaque geste, chaque virgule, et si dans le cas de Sophia Loren elle ne s'en sort pas trop mal, c'est franchement gênant en ce qui concerne Brando, et pire encore avec Tippi Hedren, qui est un glaçon sans vie. Enfin, le scénario n'a pas grand intérêt:
Un diplomate Américain quitte Hong Kong et rentre chez lui, vers sa carrière prometteuse et son mariage détruit. Durant la croisière, il se lie avec une passagère clandestine, une Russe Blanche réduite à la semi-prostitution. il faut la cacher, puis réussir à la faire paser aux Etats-unis, au nez et à la barbe de la douane, des services d'immigration et de l'épouse légitime.
Chaplin, je pense, a survécu au muet; s'il a fait du cinéma dans les années qui ont suivi l'arrêt de ce style dont il était l'un des plus brillants représentants, force est de constater qu'il a perdu beaucoup. Mais passé Limelight, il a aussi du composer avec des circonstances qui ne lui convenaient pas: au lieu de tourner dans ses studios, à son rythme, il a du se compromettre en tournant plus vite dans des lieux pas toujours appropriés, deux films. A king in New York passait encore, et la satire qu'il proposait montrait qu'il n'avait pas perdu sa rancoeur à l'égard des Etats-Unis, mais ce nouveau film en forme d'exil perpétuel montre que les sentiments ont évolué. Bien sur, il s'en prend au culte de la richesse, mais tape aussi bien sur les Britanniques, par le biais de riches désoeuvrées qui sont bien idiotes, que sur les américains via l'épouse de Ogden, le personnage de Brando. Et tous ces personnages en quête d'un nouveau souffle nous rappellent que tous sont des ex: Ogden Mears, le diplomate, n'y croit plus, et Natascha est une comtesse d'un pays qui ne veut plus d'elle et de ses semblables. Après tout tous ces gens rentrent aux Etats-Unis, un message subliminal de la part de l'ex-roi d'Hollywood?
Celui-ci apparait dans on film, mais il est clair que la vieillesse est là. De même, il a perdu son oeil exceptionnel pour le placement de la caméra, et c'est un crève-coeur que de le voir essayer de rendre drôle ce qui ne l'est pas, en demandant à Brando de roter aussi souvent que possible, en jouant le jeu d'une comédie de boulevard à coup de sonnettes intempestives et de portes qui claquent. Sans oublier l'humour autour de la saoulographie d'un personnage de majordome (Patrick cargill, qui sauve pourtant quelques scènes du film). Bref: Chaplin a réussi à exercer son métier durant 52 années, il faut forcément s'en réjouir. Que son dernier film soit médiocre, c'est une évidence, mais tant pis, au moins, il pu essayer de se maintenir à flot jusqu'au bout. Après ce film, il n'a plus rien fait de nouveau, a essayé de réexploiter certains de ses films, avec succès, a taillé dedans, ce qu'on est en droit de désapprouver, a recueilli enfin l'admiration de ses pairs à hollywood, dans une cérémonie émouvante, et nous a fait en 1975 le pire cadeau de Noêl de tous les temps... Oubliez ce film, mais quoi qu'il arrive, Chaplin est un génie, un mythe, un géant.