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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 20:51

En réussissant à convaincre la famille Chaplin, Oona O'Neill Chaplin en tête, de les laisser exploiter les chutes des films du grand homme, il y a fort à parier que Brownlow et Gill, déjà responsables du documentaire Hollywood en treize parties, consacré au cinéma muet Américain, ont réussi un coup fumant, et ce en trois points:

D'une part, ils donnent à voir la méthode de Chaplin, de quelle manière il investissait le studio à 100%, et raffinait prise après prise  ses films, avant même d'avoir un scénario; il commençait par un décor, des personnages, du mouvement, et au final obtenait un film...

Ensuite, ils lèvent le voile sur les mystères de la création en montrant de quelle manière Chaplin gardait des idées sous le coude, parfois durant 25 ans, pour les resservir au bon moment: des gags inusités dans ses films, ou tirés de films inachevés, venaient avec bonheur se placer dans d'autres films, montrant que l'esprit de cet homme fonctionnait toujours et avait des capacités à stocker beaucoup d'informations...

Enfin, ils ont redéfini la connaissance de Chaplin qu'ont ses fans, et ont permis l'émergence d'une nouvelle cinéphilie, plus exigeante, qui a appris avec ces documentaires à ne pas se contenter d'insupportables copies délavées et de seconde zone, et à exiger l'excellence. De même, ils ont permis la ressortie et la réhabilitation de la version d'origine de The gold rush, et ça, ce n'est pas rien...

Le tout, bien sûr, a été fait dans un documentaire en trois parties, qui fait quasiment trois heures, et qui se regarde comme un thriller...

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 17:16

Tourné après l'échec commercial de A woman of Paris, ce nouveau film aurait pu n'être qu'un film par dépit, dans lequel pour satisfaire le public Chaplin revenait à son personnage, et pourtant il n'en est rien; c'est un film majeur, un paradoxe aussi; rarement revu autrement que dans une version massacrée, il a acquis un statut de chef d'oeuvre, d'ailleurs pleinement mérité. Il va de soi qu'il ne sera pas question ici de cette affreuse version de 1942 dans laquelle Chaplin transformait les images en une illustration pour son monologue, mais que cette critique est entièrement basée sur la version d'origine, telle qu'elle a été restaurée et éditée en supplément d'un DVD MK2 en 2003, puis en Blu-ray sur un magnifique Criterion en ce printemps 2012. Il faut noter que dans cette dernière parution, tous les participants insistent: la version de 1942, disent-ils, est le chef d'oeuvre de Chaplin... Contentons-nous de dire notre désaccord, et passons au film.

L'Alaska, pendant la ruée vers l'or. Un chercheur d'or en rencontre un autre, et ils vont s'épauler dans l'adversité, et être séparés, réunis... parallèlement, le plus petit, et le plus vagabond des deux va rencontrer une femme dans une ville minière,et tomber désespérément amoureux, ne se rendant pas compte qu'elle n'a d'yeux que pour un autre...

Si A woman of Paris ressemblait à une comédie déguisée en drame, on peut dire que The gold rush est le contraire: regardez les séquences durant lesquelles Chaplin est absent, et vous verrez un film qui n'a rien de drôle, un de ces films sur les conditions difficiles des pionniers,The trail of '98 (Clarence Brown, 1928) par exemple. Tout appelait un tournage épique, et le seul fait que le film a été motivé par l'anecdote de cannibalisme a sans doute poussé Chaplin a insérer son personnage afin d'atténuer l'horreur... Après avoir été un temps attiré par un tournage entièrement en extérieurs (Dont il reste un prologue, et quelques plans çà et là), Chaplin a finalement choisi de retourner vers son cher studio, où il pouvait à loisir contrôler chaque aspect de la production; cette maniaquerie s'en ressent notamment dans les scènes de tempête, pour lesquelles il se permet quelques effets spéciaux. 

Chercher de l'or? Big Jim Mc Kay (Mack Swain) le fait effectivement, il en trouve d'ailleurs dès la première bobine. Mais Chaplin, lui, semble abandonner l'idée lorsqu'il vend sa pelle, au bout d'une demi-heure de film. Je pense qu'il a abandonné en fait dès le début, lorsqu'il voit une stèle de bois marquant la tombe d'un mineur mort de faim. Cet abandon fait de lui un témoin de l'histoire jusqu'au moment ou il rencontre Georgia (Hale). Je reviendrai sur cette histoire d'amour un peu spéciale plus tard, en attendant, je voudrais quand même mentionner l'étrange position de son "petit homme" ici: à la fois partie intégrante de l'action (Il est venu chercher de l'or, comme le vagabond de The idle class était venu jouer au golf) et témoin des turpitudes des autres (Quel poids a-t-il réellement dans la cabane entre le chercheur d'or fréquentable et l'aventurier peu recommandable? Celui de choisir son camp, c'est tout), il est malgré tout intégré au même monde que les autres. a ce titre, il est moins transparent, et Chaplin fait de nombreuses allusions à une certaine forme de solidarité (Big Jim aime vraiment son copain, et Hank Curtis -Henry Bergman- partage vraiment sa maison avec lui.) parfois démentie par la dureté des circonstances: la fameuse scène du délire cannibale, avec Chaplin en poulet, un gag qui vaut à lui seul de voir le film! En tout cas, pour une fois, Chaplin est intégré à quelque chose. On objectera que sans Big Jim, sans Curtis, le héros est fichu. C'est vrai, mais cela sert le propos de solidarité devant les conditions, qui est relayé, une fois n'est pas coutume, par "les autres": Comme toujours, Chaplin se plait à imaginer une société dont notre héros serait naturellement écarté, mais cette fois ce sont les mineurs venus chercher l'oubli dans le saloon. Une scène de St-Sylvestre les montre enchaînés dans une de ces interprétations ivres de Auld Lang Syne, les yeux humides de larmes. Cette solidarité affichée est malgré tout montée en parallèle de la fameuse scène de rêverie durant laquelle Chaplin seul, attendant ses invitées, rêve qu'il leur interprète la danse des petits pains. Pour en finir avec ce thème de partage et de solidarité, dans ce qui aurait pu être une ode au rêve Américain dans toute son égoïste splendeur, on constatera que la façon dont Chaplin et Big Jim se partagent le gâteau est encore une fois une division intéressante des profits: ils ont conclu un pacte, mais Big Jim aurait eu le droit de tout garder pour lui. Dans ce film, à part le méchant "Black Larsen" (éliminé au bout de 30 minutes), tout le monde semble jouer le jeu de la coopération. Une coopération mise en valeur dans la scène fameuse de la cabane en équilibre instable sur une falaise, durant laquelle Chaplin et Mack Swain doivent d'abord maintenir l'équilibre de la cabane, puis surmonter leur panique pour se sauver mutuellement. 

Chaplin, d'ailleurs, est probablement encore plus sérieux qu'il n'y paraît avec cette comédie épique. En effet, la trajectoire du personnage, dans la version initiale en tout cas, est bien plus positive qu'il ne l'a jamais représenté, avant ou après. A bien des égards, on peut lire dans ce film une métaphore de sa carrière, de sa chance, des opportunités, et de ses rapprts fantasmés avec les femmes... Mais à lexception de Charlie et Georgia, peu d'affection dans ce film où les gens survivent plus qu'ils ne s'épaulent. Certes, Big Jim est l'associé et l'ami du "prospecteur solitaire", mais il aurait tout aussi bien pu... le manger. Et quand Hank Curtis laisse sa cabane à Chaplin, il le présente comme "quelqu'un qui va s'occuper de sa cabane en son absence", et non comme d'un ami. La transaction, toujours...

L'amour, Chaplin le trouve enfin. est-ce que la mise hors-jeu d'Edna Purviance l'a libéré, ou est-ce que le fait que l'héroïne devait un temps être interprétée par son épouse, Lita Grey, l'a influencé? ou est-ce que le rapport très proche avec la jolie Georgia Hale qui reprendra finalement le rôle a eu raison de lui? quoi qu'il en soit, pour une fois, ça marche! Si pendant longtemps le film est une fois de plus l'histoire du ver de terre amoureux d'une étoile, la fin inverse subtilement les rôles: sur le bateau, Chaplin devenu riche est déguisé en chercheur d'or minable afin de prendre une photo commémorative, et Georgia qui est sur le même bateau le voit et croit qu'il est le passager clandestin que tout le monde recherche. Il se rend compte qu'elle est plus proche de lui qu'elle n'a jamais été, et ce sans même savoir qu'il a décroché le gros lot. Ils s'embrassent goulûment, et à pleine bouche. Il est à noter que Chaplin, dans ces séquences, interprète un personnage en contrôle de la situation, aux antipodes de son alter ego en haillons... A woman of Paris est passé par là.

Parlons une fois de plus de mise en scène: voilà pourquoi il est important de voir le film dans on montage de 1925: l'auteur est au somment de son génie, et son efficacité lui permet de réaliser des scènes à la narration directe et claire, en particulier devant le défi que constitue l'enveloppe du film, ces scènes sans son personnage, totalement dénuées de gags. Qu'on pense au long plan qui nous montre les clients du bar chantant ensemble, par exemple. Les trois plans d'ouverture, qui ont été tournés au Nord de la Californie, dans la montagne, et qui ont du être un cauchemar à tourner (on y voit une file de prospecteurs s'engager dans une passe abrupte, dans la neige, pour de vrai!). Et puis il y a la séquence durant laquelle Black Larsen tente de voler son or à Big Jim: comme toujours, Chaplin choisit une position de caméra immuable pour ancrer sa séquence, et le montage est ensuite une série de plans admirablement enchaînés:

1. Sur la gauche, Big Jim arrive à sa mine. un attelage prouve que quelqu'un est déjà là.

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2. "Black Larsen" remonte de la mine avec de l'or

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3. Big Jim découvre son or dans les affaires de "Black Larsen"

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4. Larsen finit de monter; il a vu le danger.

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5. Big Jim a vu Larsen lui aussi et a tout compris.

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6. Retour à l'ancrage du plan large: Big Jim va demander des comptes.

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7. Gros plan intense, d'un Mack Swain qui ne rigole absolument pas...

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8. Gros plan d'un Tom Murray tout aussi menaçant.

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9. Big Jim attaque le premier.

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10. Reprise du plan large, avec les deux hommes qui poursuivent leur bagarre.

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11. Larsen assène un coup de pelle à Big Jim

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12. Jim tombe, assommé.

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13. Retour au plan large: Larsen prend ses affaires et s'en va, laissant Jim seul dans la neige.

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14. Intertitre: La loi du Nord

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15. Larsen arrive sur une corniche, dont la neige commence à montrer de sérieuses vélléités de tomber...

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16. Larsen, en pleine panique

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17. Retour au plan 15, l'accident se précise

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18. L'avalanche

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19. Jim se réveille

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20. encore un gros plan dramatique du visage de Mack Swain. Son visage hagard anticipa sur l'amnésie qui nous sera révélée plus tard.

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21. Il se lève, et part, en titubant vers la caméra puis à gauche.

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Voilà, cette séquence, fameuse, est l'un des moments les plus dramatiques du film. C'est un modèle d'économie narrative, et de direction des comédiens. Ni Murray ni Swain n'en font des tonnes, et l'un et l'autre jouent beaucoup de leur physique. Chaplin joue à fond sur le coté naturaliste de l'absence de maquillage, et laisse beaucoup les yeux de Mack Swain exprimer toute l'émotion requise: indignation, colère, abasourdissement... lui qui parfois en fait des tonnes (Lorsqu'il trouve de l'or, ses gestes sont trop exagérés, par exemple) est absolument parfait dans cette scène. Elle est d'une grande efficacité dramatique, et franchement mémorable... Voilà, donc, un film indispensable, on n'a plus besoin de le dire. Mais contrairement à la croyance populaire, il ne se réduit pas à une scène durant laquelle Chaplin joue un poulet, une scène de dégustation de chaussures, une scène de danse avec des petits pains, et une scène inoubliable dans laquelle une cabane tient en équilibre instable sur une corniche. Non, c'est un film épique sur la survie, la réussite paradoxale et autobiographique d'un cinéaste qui a réalisé son rêve Américain, et une certaine forme de solidarité typiquement Américaine, devant l'adversité des éléments. C'est aussi un chef d'oeuvre.

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1925 Criterion **
28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 08:48

Grâce à l'arrangement trouvé par Chaplin et la First National autour de ce film, il a pu enfin profiter de la United Artists, le dernier de ses fondateurs à tourner pour le distributeur. L'arrangement était simple: au lieu de deux courts métrages, Chaplin a proposé de livrer un film de quatre bobines, ce qui fait quand même une bonne comédie de luxe, qui peut générer des revenus. Comme en prime le film est très soigné, tout le monde a été content... Chaplin ne bâcle en aucune façon ce dernier film (relativement) court, et convoque une certaine quantité de thèmes et de figures déjà évoquées. Il le fait avec son sens fabuleux de l'économie visuelle, et dans un cadre westernien, la seule et unique fois...

Un bagnard évadé a volé les vêtements d'un pasteur, et se retrouve à prendre sa place auprès d'une petite communauté du sud du Texas. Avant d'être repéré pour ce qu'il est, il a le temps de faire un office religieux, de participer à un thé auprès de certaines personnages du village, et de tomber amoureux d'une jeune fille (Edna Purviance); mais surtout il tombe par hasard sur un ancien 'camarade de l'université', un pickpocket (Chuck Reisner) qui comprend vite le parti qu'il peut tirer du costume et de la supercherie de son copain. Il va donc falloir l'empêcher d'escroquer toutes ces petites gens, sans se faire pincer...

Le costume sied bien à Chaplin, qui a toujours défendu l'idée qu'un habit ne fait pas le moine, mais que l'apparence est une illusion qui trompe forcément les autres. C'est ce qui arrive, avec cet étrange pasteur, et ce dès le début du film. Quatre plans suffisent à tout expliquer: 1 - Un gardien de prison colle une affiche à l'entrée de la bâtisse. 2 - Gros plan de cette affiche, un avis de recherche d'un bagnard évadé, il a une moustache, et un uniforme rayé. 3 - Un homme en maillot de bain sort d'une rivière, prend des vêtements, et constate qu'ils ne sont pas les siens: c'est un uniforme de bagnard. 4 - Notre héros, en habit de pasteur, et avec la mine compassée qui va avec, marche tranquillement vers une gare. Après, ça se gâte: un couple qui vient de fuir pour se marier lui demande de l'aide, et il est bien incapable de pourvoir leur prêter assistance, mais ça y est, aux yeux du spectateur, nous savons que cet homme est un bagnard, et le reste de l'humanité le prend pour un prêtre.

L'interprétation de ce film est marquée par les apparitions de fidèles acteurs, qui reviennent de ses derniers films. Henry Bergman, de moins en moins présent (Il avait un restaurant à gérer), apparaît dans deux courtes scènes au début, Albert Austin n'est nulle part, ou je l'ai manqué; par contre, Edna Purviance joue pour la dernière fois à ses côtés, et on voit aussi Sydney Chaplin dans deux rôles, Loyal Underwood en doyen à barbe, Chuck Reisner en exccroc (Quelle trogne!), et surtout le grand Mack Swain. Chaplin employait ses acteurs comme des pantins parfois, les laissant réagir de façon neutre à son jeu, comme Edna Purviance va souvent devoir jouer le témoin inactif dans certaines scènes. Mais quand il reconnaissait un grand acteur, il pouvait lui donner une place importante, c'est ce qui arrive avec Swain ici, qui du reste reviendra dans The gold rush. Dans le rôle du chef spirituel de cette petite communauté, il est merveilleux: alcoolique, mais en secret, qui désapprouve des agissements pour le moins étranges de ce pasteur bizarre, mais qui sait si bien se parer du masque de l'impénétrabilité lorsqu'il y en a besoin. La scène qui les voit tous deux marcher de dos, l'un et l'autre persuadé que la bouteille d'alcool qui vient de se briser par terre provient de sa poche, est un grand moment de collaboration burlesque.

Parce que ce ne sont pas tant les corps constitués qui sont la cible de Chaplin. non, ce serait plutôt les comportements des individus qui les composent: ici, il nous montre l'intolérance des braves gens devant l'excentricité de ce jeune pasteur (le fameux sermon de David contre Goliath, qui donne lieu à une pantomime parfaite, sera applaudi par un gamin qui auparavant s'ennuyait à l'église, alors que tous les braves gens sont indignés), avec une justesse étonnante. Et puis il y a Sidney, et sa tête d'hypocrite, derrière sa grosse moustache. C'est étonnant aussi de voir à quel point il pouvait s'enlaidir: quand on le voit dans sa première apparition, il est un jeune homme assez corpulent, mais pas vilain, qui fuit avec une jeune femme pour se marier... Le même, trois bobines plus loin, est un morse à moustache, les cheveux luisants et bien peignés, qui reste bouche ouverte d'indignation devant le fait que les invités du thé allaient... manger son chapeau.

Non, le seul qui soit épargné, à part Edna et sa mère dans le film, c'est le shérif (Tom Murray), qui voit à la fois en Chaplin un bagnard évadé, et un brave homme qui s'est conduit avec honneur. Hésitant à faire son devoir, il le conduit à la frontière, ou Chaplin fera l'amère expérience du fait qu'il ne sera tranquille nulle part. le final, qui le voit cavaler symboliquement une jambe aux Etats-Unis et l'autre au Mexique est après tout un reflet de toute sa vie. Une fois de plus, après The adventurer, Chaplin quitte un studio sur une fuite.

Le western est esquissé dans ce film, mais sans trop d'insistance. On constatera un hold up et une fusillade finale... On retrouve par contre une fois de plus (Après Police et The adventurer la dynamique de l'ancien prisonnier. Dans The adventurer, il était aux prises avec la société seule, mais dans Police et celui-ci, il est soumis çà la tentation de replonger par l'intermédiaire d'un autre malfrat, un vrai! Lloyd Bacon et Chuck Reisner sont donc les méchantes fées de ces deux films, qui invitent Chaplin à s'interroger sur sa loyauté. Quand il s'agit de rester fidèle à Edna Purviance, le choix est vite fait...

Bref, un film riche, drôle, qui apporte encore du nouveau tout en recyclant avantageusement des idées qui marchent bien, et qui montre aussi au public, une fois de plus, qu'il n'y avait pas besoin de vagabond: les costumes dans ce film sont totalement éloignés des habitudes, et Chaplin se contente finalement de sa moustache, ses cheveux frisés toujours aussi indomptables, et de sa démarche pour affirmer la présence de son personnage... Peut-être dans ce qu'il croyait être la dernière fois.mais le sort et le public en ont décidé autrement. Au fait, ce film a eu un gros succès.

...Pas le suivant.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1922 **
25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 11:08

Donc, en 1922, Chaplin veut profiter de la liberté qu'il entrevoit dans la possibilité de travailler pour la United Artists. Il ne peut se libérer, car il doit encore des films à la First National. Pay day, d'une certaine façon, fait partie de l'arrangement trouvé, un court métrage de deux bobines et un moyen métrage de quatre, afin de s'acquitter de ses obligations, et si on peut considérer l'autre film qui suivra, The pilgrim, comme un Chaplin majeur, ce n'est pas le cas de celui-ci. La structure est artificielle, et ressemble à un catalogue de situations. Chaplin étant Chaplin, il a soigné son film, mais il peut faire bien mieux...

 

Un ouvrier du bâtiment travaille, se fait payer, tente de vivre des moments d'intense camaraderie (Et de beuverie) avec ses copains, et doit répondre de ses actes à son épouse, abominable mégère... Par ailleurs, il est parmi les ouvriers le plus mal loti, exploité par un contremaitre brutal, et doit se débrouiller le midi sans nourriture. Enfin, il est amoureux de la fille du patron, jouée par Edna Purviance bien entendu.

 

Inégal, cette suite de situations prétextes à gags renvoie à l'évocation de nombreux courts métrages. Il ajoute une mise en scène très bien troussée, avec des effets spéciaux (Le lancer de briques, filmé à l'envers) et des gags mécaniques, basés sur les ascensions et descentes permanentes d'un monte-charge. Il filme l'après-beuverie, en gros plan, avec les yeux vitreux et la lenteur du geste, il se préoccupe surtout de montrer un mariage infernal... est-ce un hasard? Chaplin en est, à ce stade, à son premier divorce, et le regard de Mildred Harris sur les frasques extra-conjugales de Chaplin a sans doute pesé lourd dans la représentation (absolument déloyale, du reste) de l'épouse en dragon...

 

On ne peut qu'aimer le gag des briques, l'exposé de la camaraderie masculine, les frasques nocturnes des poivrots (Bergman, Sydney Chaplin, Loyal Underwood, etc...), le contremaitre joué par un Mack Swain inspiré. On constate que la situation finale rejoint un peu le type d'observation de One A. M., avec un ingrédient supplémentaire: chaplin ne vit pas seul, il rentre saoul mais doit en plus ne pas réveiller son épouse. Mais aussi soigné soit le film il n'apporte pas grand chose, il faut bien le dire... Si! un film de moins à tourner.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 17:54

Dur de succéder à The kid, à plus forte raison lorsqu'un film a la réputation de n'être qu'une honnête tâche visant à remplir les obligations vis-à-vis d'un studio avant de filer à l'Anglaise. Et pourtant, je m'en voudrais d'expédier ainsi un film qui vaut mieux que ce coté accessoire, et je reste persuadé que Chaplin a lui-même réévalué ce film, qu'il a choisi pour accompagner The Kid dans sa ressortie en salles dans les années 70, les deux étant souvent sélectionnés ensemble pour des sorties en vidéo dans les années 80, et pour des soirées à la télévision. Cette réévaluation ne tient pas qu'à un facteur chronologique, il y a une continuité de thème entre les deux. Le film est un autre fragment du grand puzzle de Chaplin, qui recycle l'idée du golf tentée pour un court inachevé et re-essayée dans How to make movies...

Un vagabond arrive dans une petite ville riche pour y passer des vacances à pratiquer son sport favori, le golf. Il va croiser la route d'une jeune femme riche et malheureuse, mariée à un homme riche et alcoolique qui n'est autre que son sosie. A la faveur d'un bal masqué, le quiproquo atteint des proportions impressionnantes, et bien sûr le vagabond est pris pour le mari déguisé...

L'ouverture de ce film est virtuose, pleine de signes adroitement utilisés: d'une part, c'est l'été, et les premiers plans nous montrent des chauffeurs attendant un train. L'un d'entre eux baille. Est-on chez Chaplin? Oui: le train s'arrête et laisse descendre des riches golfeurs, dont Loyal Underwood, puis une dame élégante, mais au visage sombre: Edna Purviance, vue d'abord par ses jambes. Enfin, un vagabond sort de sous le train, et porte lui aussi des affaires de golf. Dès le départ, Chaplin joue à la fois sur la dichotomie et sur la paradoxale appartenance de ce vagabond à un même monde que es autres. Il va de fait dans la même ville, faire le même sport, et possède un certain nombre de petites manies singées des gens de la bourgeoisie: un geste avec sa montre, notamment.

On quitte ensuite le vagabond pour s'intéresser au mari, également interprété par Chaplin. C'est la première fois qu'il joue deux rôles. il avait maladroitement inséré dans The floorwalker l'idée d'une ressemblance entre lui et Lloyd Bacon, mais là, il utilise les grands moyens. Un intertitre nous renseigne sur le fait que l'homme est marié, et distrait: an absent-minded husband. On ne comprend qu'à la fin de la séquence, qui détaille le personnage dans un certain nombre de rituels: il est dans sa chambre d'hôtel, se prépare à sortir, se parfume, prépare son chapeau haut-de-forme, et lit un télégramme de son épouse (Signé "Edna", bien sur), qui se réjouit d'apprendre qu'il a arrêté de boire. Puis il sort... en caleçon. Chaplin a défini en quelques traits les contours de la bourgeoisie, sa richesse, ses rites, et oppose les allées et venues tout autant codées mais franchement burlesques de son vagabond. L'avantage du montage parallèle est de rendre lisible la ressemblance entre les deux et d'empêcher toute confusion, parfois même trop, comme on le verra tout à l'heure... Quant au ballet du caleçon, il est fort bien réglé, très drôle, mais c'est sans doute ce qui vaudra au film d'être souvent mal vu par les historiens. De son côté, Keaton jouera une anecdote comparable, dans un piscine, pour The cameraman, en 1928. la scène selon Chaplin est intéressante par la façon qu'il a d'amener le mari au-delà de l'embarras, avec un déchaînement du gag, lorsque Chaplin quitte un cabine téléphonique accroupi et caché derrière un journal.

Une autre scène présente le mari seul: un mot de son épouse nous montre qu'elle en sait plus sur lui, et souhaite, à nouveau, qu'il arrête de boire. Il se retourne, et joue de son dos: il semble sangloter en regardant le portrait d'Edna, mais en fait son tremblement est du au fait qu'il est tranquillement en train de secouer un cocktail. Boire: habituellement, Chaplin nous en montre surtout les conséquences (A night at the show, One A.M., The cure), mais ici il met l'activité elle-même à contribution: il ne joue plus sur un stéréotype, il construit un personnage.

Le choix du golf est parfait pour ce film qui joue sur la notion de classes, afin d'intégrer de force, le temps d'un film, son vagabond à un monde qui ne peut que l'exclure, et il permet des ballets méthodiques : avec John Rand, il reprend les échanges de balles déjà définis pour le fameux court métrage inachevé, et ajoute à l'étrange rite physique du golfeur les gestes Chaplinens, exagérés juste ce qu'il faut, un peu comme Tati réinventera le tennis dans Les vacances de M. Hulot. Mack Swain (qu'on n'a pas vu chez Chaplin depuis les années Keystone et qui va revenir dans deux autres films consécutifs), apporte sa rotondité à la scène, et les scènes de golf se vautrent avec plaisir dans le burlesque, voir à ce sujet Henry Bergman, endormi par terre, et qui a avalé cinq ou six balles de golf...les scènes sur le green permettent aussi la rencontre avec Edna, sise dans un sous-bois ou elle se promène avec son cheval. L'idéal onirique de Chaplin, son choix de se représenter en ver de terre amoureux d'une étoile s'accompagne ici d'un rêve ironique, il se voit la sauver, puis se marier avec elle. Ca n'arrivera pas. Chaplin, en tout cas, s'approprie le sentimentalisme, de façon de plus en plus marquée.

La fin, avec le bal masqué, est conventionnelle, et un peu courte; tout se met en place, les gens se retrouvent tous au même endroit, et un temps, Chaplin croit au père noël: la femme de ses rêves lui donne sa main, et il est pour deux minutes au paradis. L'autre homme est joué par un autre, en armure, pas le meilleur choix pour danser dans un bal masqué, mais idéal pour le metteur en scène qui est aussi un acteur jouant deux personnages. Mais il se passe quelque chose; on est persuadé, finalement, que le vagabond et Edna sont faits l'un pour l'autre, même si la jeune femme semble préférer dans ces scènes boulevardières la solution de convenances. Mais l'autre l'emporte, et pourtant il ne nous est pas sympathique du tout. a tel point, je crois, qu'on l'identifie malgré tout les efforts de l'acteur comme quelqu'un qui ne serait pas Chaplin: désormais, dans notre esprit, Chaplin, c'est le vagabond. ici, les efforts pour les différencier ont été si fructueux que le moustachu riche, finalement, est quelqu'un d'autre... Un problème qui sera évité dans The great Dictator, seule autre tentative pour Chaplin d'un rôle double.

Les deux mondes ne peuvent pas se mélanger, et pourtant, ce sont les mêmes gens, nous dit en substance Chaplin. Ici, il va jusqu'à jouer lui-même les deux extrêmes, en brouillant convenablement les pistes, mais le message, finalement, est le même que pour The Kid, en plus noir cependant: s'il s'efface avec élégance, le vagabond à la fin est condamné à quitter cette illusion. Il choisit de le faire comme Chaplin sait faire, en donnant un coup de pied au fondement du pauvre Mack Swain, représentant à son corps défendant de la bourgeoisie. Cette tendance à choisir son camp est désormais bien ancrée chez Chaplin, et elle ne le quittera plus. Autant de facteurs qui font de ce court métrage de deux bobines bien plus qu'un simple remplissage pour contrat à finir...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 09:50

Le premier long métrage (6 bobines) de Chaplin est l'un de ses plus célèbres films, un joyau souvent vu, fêté, célébré, indéboulonnable, et c'est tant mieux. A l'époque, le film avait frappé par son sentimentalisme. En France, les surréalistes qui admiraient Chaplin s'en sont d'ailleurs plaint. La vision de la version intégrale, rare, renforce cette impression, sans qu'on songe à s'en plaindre... L'histoire est connue, je vais donc éviter de m'étaler: un vitrier qui vit dans un taudis recueille un bébé, l'élève, mais doit se battre littéralement pour empêcher les services sociaux de venir fouiner dans son histoire. Parallèlement, la mère du petit qui l'a abandonné dans un geste qu'elle a ensuite regretté croise leur route, sans pour autant savoir qui est ce petit jeune homme de 5 ans.

Les lieux renvoient autant à l'Amérique qu'à l'Angleterre Dickensienne, et le fait que la plupart des scènes aient lieu dans la zone permet à chaplin de maintenir un certain flou, mais il faut pour cela faire un voyage en voiture: le film commence en effet dans un autre monde, à la porte d'un hôpital dont Edna Purviance sort, un bébé dans les bras. Un intertitre (The woman whose sin was motherhood), une vision d'un chemin de croix, on est en plein mélodrame. Puis, on voit le père, rattrapé par son indifférence, et on retourne à la misère de la mère, qui dans un premier temps dépose son bébé dans une belle voiture, on est dans les beaux quartier, puis va se suicider; mais elle est empêchée de se jeter du haut d'un pont, par la vision d'un enfant. Elle comprend l'erreur qu'elle a commise, veut retourner en arrière, mais la voiture a disparu. En larmes, elle est recueillie par une famille riche. La voiture, pendant ce temps, a été volée par des malfrats qui abandonnent le bébé dans les quartiers mal famés, c'est là qu'à 6 mn 30, intervient le héros. La suite est connue, inévitable.

La complicité avec Jackie Coogan est bien sûr la première des qualités de ce film, et on ne se lasse pas de voir d'une part le stratagème du vitrier, qui demande à Jackie de casser les vitres du quartier, puis arrive innocemment avec son matériel sur les lieux du crime. L'ajout du policier joué à la perfection (sans aucune exagération comique, ce qui est un atout supplémentaire) par Tom Wilson achève de donner à ces scènes leur hilarante saveur, tout en prolongeant admirablement le thème de la pauvreté et de la débrouille. Parce que si on cherche du pathos dans le film, on le trouvera, mais pas dans la façon dont ces deux là vivent: ils sont, de fait, parfaitement satisfaits de leur sort, et se débrouillent, de toute évidence...

La version intégrale renforce cette impression de deux mondes, en proposant d'abord dès la première bobine deux séquences de plus qui montrent le destin tragique d'Edna, et en montrant que le temps va lui permettre d'atteindre au succès en tant que chanteuse, mais que la blessure est toujours là, incarnée par une conversation entre les anciens amants (Edna et Carl Miller, le futur héros de A woman of Paris), tous deux devenus riches et célèbres, mais rongés par la blessure du passé: lui a du remords, elle ne se remet pas d'avoir abandonné son enfant. Chaplin et Jackie, eux, s'en sortent finalement bien, et le contraste entre la party dans une vaste demeure où les deux parents se retrouvent, et gardent leur distance, et la masure délabrée dans laquelle les deux héros mangent une quantité impressionnante de crêpes, en dit long sur une certaine idée du bonheur. Donc, on est bien loin d'un apitoiement quelconque... Par ailleurs, la peinture des quartier pauvres, renforce l'idée que c'est, pour le personnage principal, le centre du monde. Après tout, s'il est peu logique qu'il vienne, après ses mésaventures avec la loi et les services sociaux, se réfugier dans un asile de nuit de son quartier (on en voit distinctement l'enseigne dans la scène de la bagarre avec le "grand frère" brutal), cela renforce l'idée de cohésion pour le personnage, qui ne souhaite pas quitter ce qui est, après tout, son univers.

La tentation du mélodrame est la plus forte dans certaines scènes; l'une d'entre elles a été mise de côté: la jeune femme et son bébé passent près d'un mariage, et elle assiste à une scène tragique: la mariée a l'air d'aller à l'exécution, et le marié est un vieux barbu, qui en partant écrase une rose blanche qui vient de tomber du bouquet de la mariée. en assistant à la scène, on remarque autour de la tête d'Edna ce qui ressemble à une auréole, c'est en fait sur un vitrail un motif circulaire, autour d'une croix. Plus tard, une jolie scène montre la chanteuse, venue dispenser la charité, qui s'assoit mélancolique sur le perron d'un immeuble dans le quartier ou habitent les deux héros. Son regard dans le vide nous renseigne qu'elle se laisse aller à sa grande tristesse, et pense à son enfant. La porte s'ouvre, et Jackie Coogan apparaît, et s'assoit, à bonne distance d'elle, mais sans pour autant la quitter des yeux...

Une autre scène montre Edna devenue si riche qu'elle en fait profiter tout le quartier pauvre, et elle va aussi prêcher la bonne parole. Ca sert bien l'histoire, mais Chaplin qui n'aimait pas les réformateurs et autres prêcheurs, va équilibrer son film en la montrant tentant de raisonner Chaplin et une grosse brute, jouant autour de la notion dure à avaler de "tendre l'autre joue". Le plus vindicatif reste Chaplin, qui assène à Charles Reisner une raclée mémorable. D'ailleurs, dans ce film, Chaplin frappe par son volontarisme: la scène la plus frappante commence par une visite des services sociaux, auxquels un docteur a lâché le morceau: c'est un enfant trouvé, il faut donc le récupérer. La façon dont Chaplin se bat, dans une scène où l'utilisation de gros plans de Jackie Coogan en pleurs, est très impressionnante. C'est principalement de drame qu'il s'agit, mais à aucun moment le vitrier ne sort de son personnage, et c'est un grand moment de cinéma physique, qui rappelle s'il en était besoin à quel point le cinéaste et l'acteur sont grands.

Endormi à la porte de chez lui, le vitrier seul rêve qu'il arrive au paradis, ou Jackie en angelot l'accueille: la scène du rêve est célèbre, et apporte deux chose: d'une part, un peu d'onirisme comique (On se rappelle le rêve de Sunnyside), et des gags plus légers, axés autour de la redistribution des rôles dans le "paradis" qui est montré. Mais aussi, Chaplin enfonce le clou: même au paradis, tout finit mal, et d'une part il se représente en ange mort alors que tout semblait aller au mieux, et ensuite, il donne au policier de Tom Wilson le mauvais rôle: c'est lui qui le tue. Tué en rêve par les forces de l'ordre, mais aussi réveillé par les forces de l'ordre, dans un final ambigu, c'est le même Tom Wilson, en policier bourru, qui le ramène chez Edna, où il est accueilli sur une fin ouverte. Le film se termine bien, on sait que Chaplin aura sans doute le droit de voir "son" John, qu'il a très bien élevé du reste. Pour le reste, le public ne verra rien de ces retrouvailles, le cinéaste ayant l'élégance de les laisser hors champ. Mais le rêve l'a montré abandonner l'enfant en mourant symboliquement, ne l'oublions pas.

On mentionnera au passage Lita Grey, qui joue ici les tentatrices (Satan étant interprété par John Coogan, tout comme le pickpocket de la scène d'asile de nuit, et un invité de la party dans la dernière des scènes coupées). On sait que Chaplin a fricoté durant le tournage avec cette (très) jeune femme, qu'il y a eu des suites, légales notamment. dans l'affaire crapuleuse qui a suivi, Chaplin a failli perdre The Kid, dont le montage a été effectué dans la crainte que des avocats ne débarquent, ou que des bandits viennent lui voler son film, afin de faire pression sur lui. Je ne mentionne cette anecdote que parce que je crois, si on se réfère à ce qui est arrivé quelques années plus tard à The sea gull, film de Josef Von Sternberg produit par Chaplin et détruit sur une décision de justice, qu'on l'a échappé belle...

Pourquoi couper? C'est la question qu'on se pose devant tous ces films que Chaplin a charcutés lui-même: A woman of Paris, The gold rush, ou encore Modern times. Ici, il souhaitait en 1971 enlever les scènes de mélo, afin de rendre le film plus proche de l'impression que le public moderne se faisait de son cinéma. Même s'il est moins percutant, plus long, c'est rappelons-le un crime de revenir sur un film, à plus forte raison 50 ans plus tard. le fait que ce soit SON film n'excuse rien.

Pour finir, je m'en voudrais de ne pas le mentionner: il y a un acteur de génie dans ce film, il s'appelle Jackie Coogan.

Il y a un avant et un après The Kid, aussi bien pour Chaplin que pour les autres... C'est un film surprenant, dans une industrie burlesque dominée par le film court, et il va faire des petits. Mais on le sait moins, il y a des précédents à cette histoire d'enfant trouvé et de héros dans la misère: Harold Lloyd a sorti le court de deux bobines From hand to mouth en 1919. Le film est sympathique, et repose sur la complicité de Lloyd avec une petite fille de la rue. Laurel et Hardy se retrouveront dans Pack up your troubles (1932) flanqués d'une autre petite fille, et bien sur Langdon tournera en 1927 un long métrage inspiré de The kid, mais en plus noir: Three's a crowd. Plus près de nous, un film muet, en noir et blanc, aujourd'hui introuvable, est sorti en 1989: Sidewalk stories, du cinéaste Afro-Américain Charles Lane. L'influence de The Kid y était évidente... Une autre trace du legs intemporel de ce chef d'oeuvre.

 

The kid (Charles Chaplin, 1921)
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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1921 Comédie **
21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 09:30

Retour au court métrage de deux bobines, retour à la farce, retour à la case départ? Pas tout à fait: l'observation à la base de ce film, des us et coutumes de la vie courante, a bien évolué depuis les années Keystone. Mais le fait est que dans ce film, Chaplin et Edna sont mariés, ont des enfants, une maison et une voiture. Un rappel, s'il en était besoin, que si le maquillage ne varie pas (A l'exception de tentatives comme The professor, qui sont de toute façon sans lendemain), les personnages eux sont multiples. et pour la troisième fois consécutive, Chaplin quitte la défroque du vagabond, auquel il reviendra comme chacun sait de façon spectaculaire avec The Kid.

Il ne se passe pas grand chose dans ce film par ailleurs très court, puisqu'à 25 images par secondes, on arrive à 17 minutes. Il est tentant de parler de panne d'inspiration, avec ce petit tour sur l'eau, suivi d'un détour par la ville, les deux parties n'étant liées entre elles que par la présence de la famille en voiture. Le père emmène toute la petite famille en vadrouille, mais ni Edna ni les enfants (Dont un tout petit Jackie Coogan) n'ont quoi que ce soit à faire dans ce film, à l'exception de la toute première scène, durant laquelle tout le monde fait manifestement bouger la voiture, pour en suggérer le hoquetage. Une scène tournée en un plan unique, voir la photo ci-dessus: on y aperçoit les constructions d'un faux village qui ont probablement servi à figurer la petite localité de Sunnyside...

La dernière partie reste la meilleure du film, qui montre un Chaplin vindicatif aux prises avec un policier et des passants qui empêchent sa voiture d'avancer. C'est, bien sûr, troublant: il est ici un bourgeois immobilisé par les autres et leur manque totale de réalisation de sa présence. Cette inversion des rôles cesse lorsqu'un peu de goudron permet à la comédie physique de s'installer. Un petit ballet comique se joue entre la voiture et ses occupants, le goudron frais qui retient les pieds des uns et des autres prisonniers, les policiers, une plaque d'égout, le tout sous les yeux de passants qui sont authentiques, la scène ayant été tournée en pleine rue.

Cette fois, c'est clair: Chaplin était heureux à la First National, au début. Puis les ennuis ont commencé, et la compagnie n'a en particulier pas voulu que Chaplin brise son contrat pour aller réaliser des films pour la United Artists, qu'il vient de créer, il lui faut en effet terminer le nombre de films dans ses obligations. Avec A day's pleasure, il a un film de plus à son actif.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet Comédie
20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 17:25

Sunnyside est, dans la continuation de A dog's life et Shoulder arms, un film de trois bobines. Ce serait le dernier, puisque après ce film Chaplin allait consacrer du temps à un court métrage (deux bobines) puis une année à un long métrage, un vrai. Mais ce que trahit ce film, dont le titre est à peine ironique, c'est le bonheur dans lequel Chaplin libre se trouve, à une époque décidément apparement libre de soucis. Le film est d'ailleurs contemporain du tournage des séquences documentaires de How to make movies, qui voient un Chaplin facétieux se laisser aller à la joie d'avoir son propre studio. Cet esprit de parfait bonheur tranquille a envahi le film.

Non que le personnage qu'il incarne ait une vie facile: dans ce village rural, situé comme il se doit en pleine vallée Californienne, Chaplin est l'homme à tout faire: garçon de ferme, barbier, réceptionniste de l'hôtel... l'homme qui l'exploite est interprété avec autorité par Tom Wilson. La première bobine plante le décor, et montre l'exploitation du héros, ainsi que son fatalisme tranquille, avec un petit passage onirique durant lequel Chaplin interprète en rêve un ballet avec quatre bacchantes à peine vêtues. Puis, nous dit un titre, il est temps de passer à la romance: Chaplin aime en effet une jeune femme locale, interprétée par Edna Purviance, et celle-ci le lui rend bien. La séquence durant laquelle Charlie rend visite à sa bien-aimée est gentille comme tout mais aussi très drôle. Puis un homme de la ville apparaît, et là, les choses se gâtent...

Si Chaplin imagine un suicide ici, il ne faut pas y voir pour autant une quelconque noirceur, le film reste une parenthèse bucolique dans l'oeuvre de Chaplin. C'est, bien sûr, beaucoup plus soigné que Work, et d'ailleurs le film profite bien d'avoir été tourné pour une large part en plein air. Les acteurs jouent à fond la gentille moquerie, et on n'est pas loin avec ce film du cycle de comédies rurales de Griffith. il y a un peu, mais pas trop, d'opposition entre la ville corruptrice et la campagne saine, à travers ce personnage, principalement rêvé, d'étranger, mais il est frappant de constater que celui-ci est à peu près aussi élégant que Chaplin dans la vraie vie, lui ressemble un peu, et semble même porter ses vêtements. N'y cherchons pas de message, Sunnyside est un film qui ne porte pas à conséquence, qui nous permet de rire avec tendresse. Une scène coupée de ce film circule généralement, celle durant laquelle le garçon de ferme improvisé barbier improvise une coupe à ce pauvre Albert Austin. Une fois de plus, la scène est longue, minutieuse, et il a sans doute fallu du courage pour la couper... Elle anticipe, mais juste un peu, sur The great dictator, ce qui confirme le cheminement des idées chez Chaplin, qui engrange, préserve, et finalement ressort ses idées au moment opportun, 20 ou 25 ans plus tard.

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Published by Allen john - dans Charles Chaplin Muet 1919 **
15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 19:01

Il aura cette fois fallu 5 mois (De mai à  septembre 1918) pour réaliser ce film de trois bobines, qui permet une deuxième fois à Chaplin d'étendre son registre, dans tous les domaines après la réussite de A dog's life. Ce film frappe fort, très fort, mais pas forcément dans le sens où on l'entend d'habitude, plutôt par sa rigueur et sa construction: malgré les nombreux écrits de George Sadoul, un inconditionnel du cinéaste, et un farouche défenseur d'un Chaplin "révolutionnaire", ce film n'est pas la charge violente, anti-guerrière qu'on voulait parfois décrire. Une explication, du reste, s'impose afin de dédouaner le grand historien: celui-ci a vu les films de Chaplin dans sa jeunesse, et ils ne sont ressortis des placards que longtemps avant: nous avons, nous, la chance de pouvoir y accéder tous les jours...

3 bobines, donc, c'est un format idéal, pour l'instant, qui permet à Chaplin une fois de plus d'étendre son propos et l'univers qu'il dépeint. Les premiers plans forment une scène d'exposition qui est un régal d'économie, et du pur Chaplin: les soldats à l'exercice, permettent en un seul plan d'établir une bonne fois pour toutes son personnage, sa différence et son rapport aux autres mâtiné de maladresse comique: on voit le bataillon au garde à vous, et la caméra glisse lentement vers la gauche, montrant un soldat qui décidément n'est pas comme les autres. A coté de lui, Albert Austin va souffrir de la très personnelle façon qu'a son voisin de tenir son fusil. L'officier, qui comme tout bon officier aboie sur ses hommes, est interprété par Tom Wilson, préposé aux rôles autoritaires. A la fin de la séquence, les soldats sont au repos, et Chaplin s'endort...

Les tranchées sont sans doute le décor le plus spectaculaire du film. Elles sont particulièrement réalistes, fonctionnelles, en même temps permettent une série de gags, comme la grenade au Limburger (un fromage qui sent épouvantablement... Un fromage, donc), ou encore la façon dont Chaplin utilise les tirs ennemis pour allumer ses cigarettes. et puis les logis souterrains vont être pour lui un moyen sûr de décrire les conditions de vie atroces de ses soldats (un passage obligé chez lui, ne l'oublions pas), en montrant la faculté tranquille d'adaptation des troufions, notamment à une inondation. Le jeu de Chaplin avec son demi-frère Sid, qui a rarement été aussi présent que dans ce film, est dans toutes les mémoires, et il est hallucinant de voir le metteur en scène Chaplin jouer aussi adroitement sur le fil du rasoir, constamment entre drame et comédie, entre justesse et excès, sans tomber jamais d'un côté ou de l'autre.

Dans ce film, Chaplin est donc un héros! On n'y croit que dans la mesure ou on connait la fin du film, mais c'est un premier indice qui nous prouve que si Chaplin s'amuse à un moment de l'héroïsme de son héros, qui se porte volontaire mais se dégonfle en apprenant qu'il s'agit d'une mission suicide, il y abat consciencieusement de nombreux ennemis, se bat clairement pour l'Oncle Sam (Ce qu'il revendique dans une scène superbe de fraternisation avec une jeune femme Française interprétée par Edna Purviance, qui est un prétexte à pantomime: ils ne se comprennent pas), et il va jusqu'à "encercler" 13 soldats Allemands, pour les faire prisonniers. On est loin du délire évoqué par les historiens, dans un film ou on est supposé attendre de notre héros qu'il distribue les coups de pieds au président Wilson, Poincaré autant qu'au Kaiser. Le film ne nous montre Chaplin utiliser ses pieds que sur l'arrière-train d'un officier minuscule interprété par Loyal Underwood, et sur le Kaiser, une fois de plus son frère. Chaplin n'était pas franchement un pacifiste en 1918, du reste il participait à la propagande activement comme chacun sait. Son film est une comédie, irrévérencieuse juste ce qu'il faut, et c'est déjà un grand pas dans la représentation de la guerre: je trouve le film d'ailleurs plus réaliste que d'autres, dans des genres différents: Hearts of humanity, ou même The four horsemen of the Apocalypse...

Pour finir, je m'en voudrais de ne pas évoquer une scène qui me touche particulièrement: je parle de celle durant laquelle Chaplin est déguisé en arbre pour infiltrer les lignes ennemies. L'arbre en question, un costume en caoutchouc, est une image qui me hante, depuis la première vision du film, sans que je puisse expliquer pourquoi. Chaplin est un immense acteur, on sait qu'il se déguisera un jour en poulet, et de façon probante. Ici, il est un arbre, et caché dans une forêt, recherché par un Henry Bergman en uniforme Prussien, le plan durant lequel cet arbre s'anime a un pouvoir onirique qui a peut-être échappé à son créateur...

Pourtant celui-ci a tout prévu: il a même pour son film, résolu de couper une bobine entière qui montrait la vie de son héros avant l'armée, et qui était composée de gags parfois très drôles, avec un Albert Austin en médecin militaire, et une scène d'ombres chinoises. Le film avait tout pour être un ambitieux projet qui aurait approché une heure de comédie. Le résultat aurait sans doute été un peu moins bon, mais non: le film tel qu'on peut le voir est franchement supérieur. Chaplin cinéaste savait parfois faire des choix hallucinants, et souvent justes, la preuve!

Une fois sorti ce film, c'en est fini de l'année 1918. si on excepte The Bond, qui reste un effort mineur de propagande avant tout, à part dans l'oeuvre, Chaplin est passé de 14 films en 1915, puis 8 sortis en 1916 (Easy Street est sorti en janvier 1917), puis 4 en 1917, à seulement 2 en 1918. Il impose son rythme, prend son temps. Le résultat lui donne raison.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet Première guerre mondiale 1918 **
13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 17:56

A nouveau contrat, nouveau studio: Chaplin est encore mieux loti à la First National qu'à la Mutual, et a obtenu la construction d'un studio. Nouvelles résolutions aussi: désormais il n'en fait qu'à sa tête, et la compagnie va relativement laisser faire dans un premier temps, engrangeant des revenus substantiels de ces films qui seront tous des succès... A dog's life montre une nouvelle direction, marquée en particulier par l'allongement du film (trois bobines) et une utilisation de l'espace qui prend désormais ses aises, la consécration d'un travail d'équipe, la plupart des collaborateurs importants des films de la Mutual étant confirmés dans leur fonction, et complétés par de nouveaux acteurs. Tout va bien donc...

A dog's life est justement célèbre, et retourne dans la veine sociale qui a fait la réussite de nombreux films, de The tramp à The Vagabond. Alors que le vagabondage de Easy street s'arrêtait dès le premier plan, ici, Chaplin habite dans la misère: il dort à même le sol d'un terrain vague. Le décor de taudis du film est impressionnant par son étendue, et sa cohérence à défaut de réalisme. Chaplin se réveille, et commence une journée de débrouille, qui va le voir voler un marchand ambulant (Sidney Chaplin), trouver l'amour (Edna Purviance) dans un bouge dont il va se faire vider parce qu'il n'a pas de quoi se payer à boire, échapper à un flic (Tom Wilson), et voler des voleurs, trouvant ainsi de quoi alimenter ses rêves domestiques avec Edna... Et surtout il va trouver un compagnon canin aussi mal loti que lui, le "bâtard pur race" Scraps!

Le film ose beaucoup plus qu'avant développer les scènes, certains réglées comme des ballets: la recherche de travail passe par une compétition marquée par un jeu physique de chaises musicales qui est à la fois tragique (Charlie se fait avoir) et terriblement drôle. La notion de ballet s'applique aussi au jeu particulièrement précis entre Sidney et son frère, lors de la séquence ou Chaplin mange tout ce qui dépasse dès que le commerçant a le dos tourné. une large part du film se passe dans le restaurant-bar, dont Chaplin s'attarde à nous montrer le fonctionnement: le patron engage des filles pour faire boire et danser les clients, et Edna, la chanteuse, est mise à contribution, carrément exploitée. Chaplin montre une fois de plus ses sympathies, en se référant toutefois plus à Dickens qu'à Marx... Le maître-mot de ce film qui prend donc son temps, c'est la survie, le lutte pour travailler, manger, protéger ceux qu'on aime, avancer, et à la fin, planter quelque chose pour laisser fonctionner le cycle de la vie. Le film ne se terminera d'ailleurs pas sur une poursuite, même s'il y a une pagaille du tonnerre de Dieu dans le restaurant, entre Chaplin, Edna d'un coté, et les deux voleurs menaçants incarnés par Albert Austin et un homme qu'un jour nous identifierons un jour... Non, le film va plus loin que le simple énoncé nihiliste qui clot le chapitre urbain du film, par la destruction et la bagarre: Edna et Charlie ont droit au bonheur... il y aura dans Modern Times un retour en arrière, comme chacun sait, et des réminiscences de ce film.

La construction du film profite donc pleinement de l'espace permis par les trois bobines de ce film, qui dépasse largement la demi-heure, ce que Chaplin voulait faire on s'en rappelle depuis 1915 et le projet Life. Finies aussi les années Mutual, avec les deux bobines aux titres génériques, on entre définitivement dans une nouvelle période, dont les films vont continuer à creuser les thèmes définis par ses douze précédents courts métrages, tout en diversifiant la longueur, et même la forme. A dog's life n'est pas qu'une étape brillante qui prouve à quel point Chaplin avait raison de vouloir étendre son champ d'action, c'est aussi un classique! ...un de plus.

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1918 **