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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 16:35

Avec son troisième film pour la Mutual, Chaplin quitte le domaine bourbeux du slapstick grossier de son précédent film, heureusement; il se paie même le luxe d'une entrée en matière très soignée, qui nous fait nous poser la question: cette introduction est-elle la trace d'un film inachevé de Chaplin? On constate que la plupart des films Mutual tournent autour d'un décor, d'un objet souvent (l'escalier roulant et la rampe de la caserne des deux films précédents sont deux exemples), et dans les quatre premières minutes de ce film, Chaplin se lance dans des variations autour des battants de porte du saloon: il est un musicien itinérant, et il fait la manche. Ces quatre minutes se concluent par une bagarre généralisée, due au mécontentement d'un orchestre de musiciens qui estiment que Chaplin leur pique leurs sous quand il fait la quête. Chaplin s'amuse à créer un ballet avec ses portes à battants, puis quitte le décor de saloon, qu'on ne verra plus de tout le film...

http://photo.charliechaplin.com/images/photos/0000/0730/The_Vagabond_1916_Mutual_big.jpg?1238419337

L'étape suivante, c'est l'irruption du mélodrame. avec son introduction, le metteur en scène a déjà établi que le héros est un très modeste musicien de rue, et a défini un contexte on ne peut plus populaire. la séquence suivante voit donc un intérieur bourgeois, dans lequel une dame d'âge moyen (Charlotte Mineau) se lamente sur la photo de son enfant disparue... Le plan suivant nous montre Edna Purviance, en souillon, présentée en "Cendrillon", qui est exploitée par des gitans. Du mélodrame, on retourne vers le grotesque, sans quitter une certaine gravité pour autant: le couple de gitans qui ont "recueilli" Edna sont caricaturaux, pires que ceux de Griffith en 1908 dans Adventures of Dollie... Lui, c'est Eric Campbell, donc il est TRES menaçant. L'arrivée de Chaplin dans ce petit monde va déclencher une tempête de gags, et l'évolution de l'intrigue: le vagabond sauve la jeune femme maltraitée par les gitans et la prend sous son aile. ils vont, pour toute la seconde bobine, cohabiter, et de fait le film se pose en précurseur de The kid.

La jonction du mélo et de la comédie Dickensienne s'effectue donc dans cette deuxième partie, plutôt avare en gags, mais fascinante par la façon dont Chaplin montre la cohabitation entre les deux exclus: lui dort dehors, mais donne des leçons tendres de propreté à la jeune femme. Il prend le temps des gestes du quotidien, et le film est, comme d'habitude, une leçon de pantomime. Un peintre va précipiter l'inévitable dernière partie: se promenant dans la campagne, il voit la jeune femme, décide de la peindre. Elle a un faible pour lui, ce qui est très embêtant pour le héros. Après le départ du jeune homme, il s'essaie à la peinture... en vain. De son coté, le jeune homme présente son tableau dans une grande galerie; la mère y reconnaît, sur le bras de la jeune femme, une tache de naissance, et elle vient avec le peintre pour récupérer sa fille. le film aurait pu se terminer sur les adieux, comme ce sera la cas dans The circus par exemple. D'ailleurs, même s'il le fait bien ostensiblement, le vagabond prend le départ de la jeune femme avec grandeur d'âme... Mais elle revient le chercher, pour un très rare Very happy ending.

Ce film marque donc le retour de Chaplin à la tentation du mélo, du film classique. Il le joue avec beaucoup d'énergie, mais son personnage est doté cette fois non seulement de sentiments, mais aussi d'une dignité qui est assez nouvelle. Le cinéaste Chaplin continue ainsi à raffiner son univers, tout en maintenant son légendaire sens de l'économie de l'espace cinématographique. On notera par contre un travelling arrière, centré sur le portrait exposé dans la galerie: la caméra s'éloigne pour nous laisser découvrir le beau monde qui se presse à l'exposition: un plan relativement sophistiqué pour contraster avec le décor rustique de la roulotte en pleine campagne que nous venons de quitter. Le film est l'un des meilleurs Mutual, un film tendre et riche, dans lequel certes Chaplin paie sa dette, aussi bien à Griffith qu'à Dickens, mais il en profite aussi pour faire du cinéma comme il l'entend, entrant ainsi en interaction avec Edna purviance et Eric Campbell dans des scènes à l'énergie burlesque communicative.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin
9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 10:42

http://movieart.net/wp-content/uploads/wpsc/product_images/full.thefireman-sc-20181.JPGLe second des films de Chaplin réalisés pour la Mutual est un retour en arrière, sans doute son film le plus grossier depuis longtemps. Et pourtant, il a fait l'objet d'une préparation minutieuse, Chaplin ayant utilisé la même idée de départ que pour The floorwalker: prendre un lieu symbolique (Ici une caserne de pompiers), un objet ou deux (La charette des pompiers, le tuyau et bien sur la rampe), et construire son film avec un semblant d'intrigue, dans lequel ses acteurs sont des types plus qu'autre chose. chaplin y est une fois de plus un outsider, le pompier qui ne se comporte pas comme tous les autres, et il a à se battre contre un officier particulièrement brutal (Eric Campbell, avec le pire maquillage de toute sa carrière). Le traitement du corps des pompiers comme une seule entité, grotesques pantins agités, renvoie à Sennett et aux Cops, et l'intrigue aménage une escroquerie à l'assurance, un comte à moustaches, et une jolie fille: Leo White et Edna Purviance ont donc un rôle à jouer. Quant à Albert Austin, il a une moustache de morse, et il se prend des coups de pied au derrière... La conclusion s'impose d'elle-même: Chaplin est en panne d'inspiration, et ce film est de loin le plus mauvais de cette période: il ne peut faire que mieux...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin
4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 09:49

Après le contrat Essanay, l'offre juteuse de Mutual a permis à Chaplin, non seulement de toucher de gros sous (mais alors vraiment de très gros sous), mais aussi de devenir un peu plus indépendant encore. Une garantie qui a du peser, tant il a mal supporté l'ingérence de l'Essanay sur ses deux derniers films. Il a donc droit à un studio construit par Mutual exprès pour lui, le Lone Star studio; il a la totale liberté de choisir ses sujets, décors, personnages sur 12 films de deux bobines qui seront produits. le contrat spécifiait sur 12 mois, mais ce ne sera pas le cas. N'anticipons pas...

The floorwalker est donc un retour de Chaplin à ses petits films situés dans un lieu dont il va pouvoir extirper tous les gags possibles, et à une histoire relativement complexe, avec plusieurs fils narratifs: dans un grand magasin, un vagabond fauteur de troubles (Malgré lui bien entendu) est de trop, des policiers viennent enquêter sur des malversations, et le gérant et son assistant, qui ont trempé dans les magouilles louches, cherchent à s'enfuir avant qu'il ne soit trop tard, mais chacun des deux essaie de doubler l'autre. lorsque l'assistant tombe sur Chaplin, il a  la surprise de se retrouver face à un sosie, et cherche à en tirer partie.

Le principal atout de ce film, qui se déroule uniquement dans le magasin, est l'escalier roulant dont Chaplin tirera partie, mais surtout qu'il utilisera comme accessoire numéro un dans des gags répétés et des poursuites improvisées devant la caméra avec ses acteurs, comme en témoigne l'indispensable documentaire Unknown Chaplin, de Kevin Brownlow et David Gill. Si l'escalator en question est bien sur présent dès le premier plan du film, le résultat final ne s'en contente pas, et Chaplin a su donner à ses différentes parties narratives l'importance qu'elles méritaient. D'autant qu'il a fait des ajouts à sa troupe: si Edna Purviance, quoique peu employée dans le film en secrétaire, Lloyd Bacon en sosie, Charlote Mineau en inspectrice et Leo White qui fait une apparition éclair en comte à moustache, sont de retour, on verra ici Eric Campbell en gérant, et Albert Austin en vendeur contrarié. Les deux vont devenir des recrues de choix, le premier pour jouer les méchants mythologiques (avec barbe, moustache, et maquillage conséquent...) le second pour donner à Chaplin un faire-valoir qui soit à la fois d'une nervosité excessive, mais aussi un brave type, victime malgré lui des agissements de notre héros. Austin, acteur Anglais pêché chez Karno, sera aussi un collaborateur créatif, qui agissait parfois en qualité d'assistant, et mettra d'ailleurs en scène des films, dans les années 20.

Le film est un condensé de slapstick, avec une histoire qui se tient. Chaplin ne révolutionnait pas le cinéma à chaque film, mais la qualité est, déjà, au rendez-vous. Les films suivants confirmeront cet état de fait...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 13:57

Il y a de quoi en perdre son calme: après avoir reçu de la firme qui l'emploie l'ordre de torcher une comédie (Police) plutôt que de se lancer dans un film de long métrage à caractère social (Life), Chaplin a donc réalisé vite fait bien fait une parodie de Carmen (Très en vogue en 1915-1916), le réalisateur a la désagréable surprise de se voir retirer son montage, au profit d'une version longue, complétée par des chutes et de nouvelles séquences. Bref, on ne veut pas qu'il fasse un long métrage, sauf lorsqu'il ne souhaite pas en faire... et A burlesque on Carmen est donc le premier long métrage de Chaplin, à son corps défendant!

Le film suit de façon très directe l'intrigue classique, et aligne les passages obligés, avec Chaplin en Don José (Darn Hosiery, littéralement 'saleté de tuyauterie'), Leo White en officier de carabinier, et bien sur Edna Purviance en Carmen. Le plus intéressant de ce film tout en gags , et pas des plus fins, est de constater d'une part la complicité de Chaplin avec sa comédienne, à laquelle un grand rôle, fut-il parodique, est enfin dévolu. celle-ci, qu'on le veuille ou non, irradie l'écran: faut-il le rappeler? en ces temps ou les mannequins filiformes font la loi, on a oublié qu'une femme même un peu ronde pouvait être belle; Edna Purviance était très belle. Et rarement autant qu'ici. De plus, le film nous propose occasionnellement des bribes de jeu dramatique, par Chaplin. Au moment d'avoir tué son rival, il regarde dans le vide, une seconde ou deux, avant de reprendre le sens de la parodie et de se remettre à faire l'andouille: y compris dans ce film à ne surtout pas prendre au sérieux, Chaplin possède manifestement une vie intérieure hallucinante...

Vu dans une version supposée proche des volontés de Chaplin, ce film se voir avec plaisir, mais force est de constater que l'esprit du metteur en scène est déjà tourné vers l'avenir, et les douze films qui suivront, tournés pour la compagnie Mutual, vont inaugurer de façon spectaculaire un nouvel âge classique, et disons le tout net, une nouvelle ère pour la comédie cinématographique.... pas ce Carmen, parodie des films contemporains de DeMille et Walsh, qui aura l'honneur d'inaugurer les démêlés de Chaplin avec la justice: il va intenter un procès à la Essanay, qui a rajouté deux bobines de matériel dans son dos à ce film.

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin ** 1916
10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 17:44

Les racines: voilà le sujet de ce film, à la fois très personnel et un peu dispensable, qui permet à Chaplin de battre le rappel d'un certain nombre de thèmes de prédilection, de routins et de gags de ses années du Music Hall. La référence est, bien sur, le music hall Anglais, là ou le comédien a fait ses premières armes, et la cible de ses observations, n'est ni le public huppé, ni le public populaire: les deux sont ici représentés, avec plus de temps de parole aux bourgeois sans doute, mais c'est la classe pouvrière qui a le dernier mot...

Une soirée dans un music hall, avec vue sur le public: un bouregois éméché et un homme aussi saoul qui évolue dans les galeries, réservées à un public populaire, perturbent les numéros des artistes...

Pas d'histoire, donc, juste des gags d'observation, avec une prédilection pour le plan-séquence. la source éminemment théâtrale de ces gags se voit tout de suite, et donne ici un intéressant effet de mise en abyme. Le cinéma représente ici le théâtre qui représente lui-même le théâtre... Chaplin se donne à fond dans deux rôles qu'il a sans doute interprété un nombre incalculable de fois, mais l'impression est surtout qu'il a divisé son personnage en deux, en les différenciant. Le résultat, c'ets bien évidemment que l'une des deux moitiés, celle qu'il joue avec un maquillage différent de l'habitude, en pâtit considérablement... S'il répètera l'expérience de faire plusieurs rôles (The Idle Class, 1918, The great Dictator, 1940), ce sera désormais sous le même maquillage...

Le théâtre, grand unificateur? Oui et non. s'il montre que deux hommes venus de deux classes différentes de la population peuvent se comporter de façon aussi déplorable et enfantine devant un spectacle, il laisse le dernier mot au monde dont il est issu, histoire de rappeler que les autres, ceux qui sont confortablement assis en bas, restent sa cible privilégiée. Chaplin, par ailleurs, aime à montrer les convenances mises à mal par un personnage saoul, qui ne recueille aucune sympathie, à part celle d'edna Purviance. Mais on peut quand même trouver qu'il avait sans doute mieux à afire que de consacrer deux bobines à ce film accessoire, aussi important soit-il de rendre hommage au style de spectacle qui avait nourri sa jeunesse.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 17:41

Shangaied, ça veut donc dire "embarqué de force sur un bateau". Et ma foi, ça résume assez bien l'argument principal de l'intrigue: un capitaine de bateau (Bud Jamison) reçoit de l'armateur (Wesley Ruggles) l'ordre de naufrager son vaisseau pour toucher la prime. mais au préalable, il faut trouver des hommes: il enrôle donc le premier vagabond venu (...) pour assommer trois matelots potentiels, et bien sur, le vagabond finit par être ajouté à la liste. parallèlement, la fille de l'armateur (Edna Purviance), amoureuse du vagabond, a fui, et s'est cachée sur le bateau, afin d'échapper à la tyrrannie de son père: lorsque celui-ci l'apprend, son sang ne fait qu'un tour...

Les trois principaux éléments de l'intrigue, à savoir la réquisition des quatre hommes dont Chaplin, la fuite d'Edna et l'arrivée du père alors qu'un tonneau de dynamite menace de faire sauter le bateau, sont trois jalons situés au début, au milieu et à la fin du film, lui permettant de tenir debout. Sinon, il faut bien reconnaitre que ça ressemble beaucoup à de l'improvisation avec force gags liés au mal de mer, à la brutalité du capitaine, et à l'ineptie du héros quand on lui confie quelque tâche que ce soit.

C'est donc un petit film, pour Chaplin qui commence à trouver le temps long à l'Essanay. On sait que le contrat ne s'est pas très bien terminé, avec des conflits autour de plusieurs films: A burlesque on Carmen, dont la firme fera un long métrage derrière le dos de Chaplin parti à la Mutual, Police, qui avait commencé sous un autre titre et constituait en fait un film qui était la première tentative de Chaplin pour réaliser un film de longue haleine, le désormais inachevé Life, et Triple trouble, constitué de chutes de films (Dont Life) et que la Essanay a assemblé là encore derrière le dos du metteur en scène. Le fait que Shangaied ait l'air si vite fait mal fait est peut-être exliqué par ces tensions.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin
2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 08:46

Perdu dans la vague soudaine, et très fournie en cette année 1915, de films de gangsters, le court métrage d'une bobine de "Broncho Billy Anderson" vaut surtout pour un figurant qui vole quelques instants la vedette à la star-metteur en scène. L'histoire concerne bien sur un bandit qui va être amené à un moment crucial de sa vie à faire le choix du droit chemin, suite à une rencontre avec une femme. Le synopsis ci-dessus pourrait aussi bien correspondre à Regeneration, de Walsh, Alias Jimmy Valentine de Tourneur ou The mother and the law (Intolerance)de Griffith, mais tous sont des longs métrages. C'est dommage que ce film s'arrête au moment ou il devient intéressant, lorsque le bandit en plein cambriolage nocturne reconnait la femme chez qui il est en train d'opérer, et change d'avis, puis supprime son partenaire...

 

Mais bon, honnêtement, la principale raison qui fait que ce film est dans l'histoire, c'est que Chaplin, qui avait bénéficié d'une apparition d'Anderson dans The champion, lui rend la politesse ici, dans les scènes de cabaret. on ne voit d'ailleurs que lui...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 10:20

Le dixième film Essanay de Chaplin le voit, et ce dès le départ, installer une ambiance bien particulière par la seule grâce de la présence de son personnage. On sait dès les premières minutes qui le voient tranquillement arriver sur son lieu de travail, la banque du titre, en se livrant à un petit nombre de gestes idiosyncratiques qui ne le quitteront plus, quelque soit la raison sociale de son personnage. Et il se paie le luxe d'un petit gag gentiment absurde, sorte de petit trait d'esprit plus que gros gag qui tâche: le moustachu qu'on est tant habitué à voir en clochard entre dans la banque, va dans la salle des coffres, en ouvre un... et en sort son costume de concierge (trop grand bien sûr) et son nécessaire de nettoyage.

Il y a un autre concierge (Billy Armstrong), qui développe un peu, mais pas trop longtemps, une interaction avec Chaplin. La première bobine permet à Chaplin de faire ses gammes et le voit semer la panique dans la banque en utilisant son balai comme un manche. Mais l'essentiel du film concerne une bluette, ou plutôt deux. d'une part, Edna, la secrétaire, est amoureuse de Charles (Carl Stockdale), le caissier, qui le lui rend bien. d'autre part, Charlie n'est pas indifférent à la belle... Pour l'anniversaire du caissier, Edna lui a acheté une cravate, et va la lui offrir avec un petit mot dans lequel elle insiste bien que c'est offert "avec amour". Le concierge voit la cravate et le mot, et les croit destinés à lui, développant ainsi de faux espoirs. Le jeu de Chaplin est ici divisé en deux parties: d'une part, il a cette façon de sous-jouer, la timidité, l'incrédulité, en posant ses doigts sur sa bouche, trahissant un trouble profond, et laissant ses yeux seuls faire tout le travail. Après, il sur-joue, en rajoute des tonnes, et se moque de lui-même, ici en s'envoyant contre une porte, terminant les quatre fers en l'air...

La résolution du quiproquo arrive finalement assez vite, permettant d'ailleurs à Chaplin d'éviter de se complaire dans une certaine cruauté; celle-ci est malgré tout esquissée dans le comportement d'Edna. Chaplin, qui était Anglais, savait montrer que derrière le rêve Américain de s'élever, les origines sociales vous reviennent toujours en pleine figure, et ici c'est le rôle de la pourtant si douce Edna Purviance de le lui rappeler en se moquant de lui. La dernière partie du film voit Chaplin s'endormir, puis être réveillé par d'étrange bruits: des bandits se sont introduits dans la banque, et Charles le caissier s'est comporté comme un lâche. Comme le nouveau concierge du film Keystone The new Janitor, Chaplin règle le problème d'une façon claire et nette, et devenu le héros d'Edna... se réveille à nouveau.

La référence à The new janitor (dont une bonne part de l'intrigue est reprise) peut bien sûr être complétée par divers aspects retenus de A woman (la mise en scène du personnage, pas seulement jeté dans l'action, mais amené par un cheminement complexe, et une série de notations originales), Work (Le mélange entre sentiments et comédie, la fin en demi-teintes)... The bank est un classique, une des meilleurs comédies de la période.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 17:28

Troisième incursion, de loin la plus complexe, de Chaplin dans le genre travesti, A woman possède un coté expérimental assez fascinant. Si le début situé dans un parc fait craindre qu'on retombe dans les vieux travers de l'improvisation scabreuse, et si une bonne part du film tient précisément à une trame à la Sennett, avec quiproquos, pantalons qui tombent, poursuite et autres, c'est sans doute parce que Chaplin savait que par ailleurs le film allait par ailleurs plus loin dans bien des domaines...

Le premier plan est, de façon inhabituelle, un travelling latéral, qui nous présente, assis sur un banc d'un parc et en gros plan, "a happy family", comme dit l'intertitre: de gauche à droite, le père (Charles Inslee), un vieux bougon, la mère (Marta Golden), endormie et qui ronfle, et enfin la fille (Edna Purviance), qui jette des regards irrités vers ses deux géniteurs en se bouchant les oreilles. Tanty qu'à faire de la comédie burlesque, autant le faire bien, semble nous dire Chaplin... Et c'est ce qui arrive: la mise en scène de Chaplin est plus raffinée qu'à l'habitude, dans ces scènes en apparence improvisées. L'arrivée de Chaplin, par exemple, qui vient du fond du cadre, alors que l'avant-scène est occupée par des arroseurs automatiques:

CAW1

L'auteur-acteur, ici, fait une entrée remarquable. De fait, il va être le centre des débats dans la deuxième partie. alors que le père est parti, profitant de la sieste de madame pour aller courir les filles, Edna et sa mère rencontrent le vagabond, qui les séduit, et elles l'invitent à se joindre à elles, pour prendre le thé. Il flirte de façon effrontée, en particulier avec la fille, mais lorsque le père revient, avec uin homme rencontré dans le parc, Chaplin doit se cacher: il a rencontré les deux hommes, et en a, entre autres tous pendables, flanqué un à l'eau... Il se réfugie donc à l'étage, où un mannequin l'attendait. L'idée inévitable lui vient: il va s'habiller en femme:

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Chaplin ne pouvait pas déshabiller un mannequin aussi simplement, et il va donc en rajouter, notamment dans cette image où on le voit clairement et consciemment mettre la main sur le sein de l'objet... Quoi qu'il en soit, le déguisement est vite enfilé, et Chaplin sort de la pièce, marche dans le couloir, et rencontre Edna qui hurle de rire. Elle lui suggère de raser sa moustache, et d'enfiler des chaussures de femme afin de parfaire l'illusion.

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La séquence qui suit éclaire la rigueur de Chaplin, qui n'a pas son pareil pour camper une maison dans ses films, et pour cause: les espaces délimités par chaque pièce sont une fois pour toutes établis par une position de caméra qui ne bougera plus. Ainsi, Edna file chercher des chaussures à droite, et Chaplin à gauche, va se raser. On va ensuite évoluer entre les deux espaces, par un montage alterné assez rapide, qui commence à établir un rythme assez soutenu, dont le final en forme de poursuite tous azimuts va pouvoir profiter.

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La jeune femme marque un temps d'arrêt, et semble s'adresser au public, comme pour nous dire: Vous vous rendez compte? sa moustache!! Le montage nous permet même d'imaginer qu'elle visualise elle-même la scène... Après bien sûr, le jeune homme va déclencher une série de méprises comiques, déchainées, mais tellement bien amenées, et basées sur une construction telle que l'on ne peut qu'applaudir. Avec un film comme celui-ci, Chaplin prouve que même en comédie de moeurs, avec un sujet graveleux, on peut, et on doit faire les choses avec rigueur. Sa suprématie évidente est désormais établie...Comment s'étonner après cela que Chaplin ait tant soigné son entrée dans ce film? D'autant que tout en soignat sa mise en scène, Chaplin y va à fond: la complicité entre Chaplin et Edna est évidente, et une fois Charlie déguisé, Edna lui donne un baiser fripon qui, étant donné la façon dont il est habillé, ne peut que posséder des sous-entendus... Chaplin est celui qui baisse le plus souvent le pantalon, lui qui s'abstenait en général, en témoin plus qu'en acteur des turpitudes au milieu desquelles il évoluait.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 19:03

Avec un titre pareil, on attendrait de Chaplin qu'il se lance dans une vaste fresque sociale engagée... Mais non. Il est effectivement un ouvrier exploité dans ce film, ce qui deviendra une habitude à chaque fois qu'il se représentera en employé. Ici, il faut dire qu'il y met le paquet: d'une part, il est à la fois l'homme à tout faire et la bête de somme, tirant une carriole réfractaire à la force des poignets, et c'est assurément lui qui fait l'esentiel du travail, son patron, ayant l'habitude de laisser faire... Mais le propos réel est surtout d'amuser.

La famille Ford (Billy Armstrong et Marta Golden) font appel à des ouvriers pour refaire les papiers peints. Ceux-ci (Chaplin, Chales Inslee) arrivent, et à partir de là la spirale de destruction systématique commence.... de plus, Chaplin profite d'être dans la place pour faire du gringue à la jolie bonne (Edna Purviance), pendant que Mrs Ford tente de dissimuler avec peine les avances de Leo White, qui joue son amant qui passait par là.

On le voit, Chaplin se ressert des bonne vieilles ficelles de la farce, en y ajoutant une pincée bienvenue de comentaire social: Les propriétaires veulent bien faire travailler des gens chez eux, mais en planquant ouvertement l'argenterie. En voyant ça, Chaplin et Inslee cachent leurs montres! Sinon, les habitudes perdurent: comme à chaque fois qu'il a un emploi stable, Chaplin se dote d'une pipe. Il est aussi, comme je le disais, sévèrement exploité: les rapports avec son employeur tiennent du dialogue de sourd, mais il fait subir à son patron un traitement que subiront souvent Albert Austin, Sydney Chaplin ou Chester Conklin: il est ici couvert de peinture. Par contre, si la tentation existe, Edna échappe plutôt au massacre...

Récupérer la farce, la doter de sa rigueur en matuère de représentation des lieux, avec la sacro-sainte possition immobile de la caméra, y ajouter un soupçon de caricature sociale en jouant sur l'accumulation de gags de situation: les enjeux clairement énoncés de ce film en font, sinon un grand Chaplin, en tout cas une étape pleinement satisfaisante de son passage à l'Essanay.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet