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Confronté au dur travail dans une carrière, dans l'Ain, un ouvrier (Charles Vanel) se marie, et file le parfait amour avec sa tendre épouse (Sandra Milowanoff). Mais il a un accident qui le défigure... Il doit porter un msque, et la jeune femme veut le soutenir, mais elle est vite rattrapée par le dégoût... D'autant qu'un autre homme s'est présenté, qui l'attire...
C'est un film d'une grande noirceur, qui tenait énormément au coeur du comédien. Celui-ci n'est pas n'importe qui, déjà: il est en passe de devenir le monstre sacré qu'il deviendra bientôt, même si ce n'est pas encore dans ses préoccupations. Il est en attendant devenu un spécialiste d'un certain type de rôle: La femme rêvée, de Jean Durand, nous le montre en parvenu profiteur qui trahit presque malgré lui sa jeune épousée; La maison du mystère de Volkoff nous le présentait en traître parfait, vil et corrompu... Il y avait pourtant aussi une dimension romanesque voire romantique, chez l'acteur, qui avait apprécié de jouer les Pêcheurs d'Islande pour Baroncelli, ou l'aviateur de La Proie du vent pour René Clair. Ces deux aspects se combinent dans ce film dont il est le metteur en scène, comme ils se combineront dans son Javert de 1933 pour Raymond Bernard...
Le comédien avait sans doute très envie de devenir metteur en scène, et son film, unique en son genre, participe du style atteint par le meilleur du cinéma muet en ces dernières années... Dès l départ, on est frappé par la puissance de l'évocation des hommes au travail dans la carrière, avec un naturalisme qui en rappelle un autre, et renvoie à la mine d'or du début de Greed de Stroheim. Le contraste pourtant avec la scène du mariage est étonnant, Vanel ayant recours à une caméra mobile pour montrer la façon dont la joie, le vin, la fête tournent la tête des convives et des deux jeunes mariés... La fin du mariage, une scène nocturne délicate, semble pourtant indiquer comme un avant-goût de cauchemar...
Même si le sujet n'en est pas forcément en soi d'une grande nouveauté, Vanel transcende le mélodrame par l'intensité du jeu, le sens impressionnant du détail, et la force de son rythme. Il évite les intertitres, parfois remplacés par l'intrusion dynamique de mots ou de phrases dans les plans même... Des choix de mise en scène qui renvoient à Murnau et Sunrise, qui me semble cité à travers le recours à des intérieurs criants de vérité (même si on sait que chez Murnau ils faisaient d'autant plus vrai qu'ils étaient faux!), et aussi à travers une vision idyllique d'un bonheur illusoire qui reprend les scènes du bonheur conjugal aperçue au début du film Américain...
Vanel joue aussi avec adresse de sa complicité avec Sandra Milowanoff (qui a joué auprès de lui dans Pêcheurs d'Islande, et dans La Proie du vent), et les deux acteurs sont épatants qu'ils soient ensemble, ou seuls à l'écran... Et sinon, il utilise magnifiquement la caméra pour jouer avec les acteurs, en particulier en usant de mouvements d'appareils pour souligner ou changer les points de vue. L'utilisation du masque du personnage, pour éloigner la perspective de montrer le vrai visage de l'accidenté, tout en le rendant plus différent encore, est une idée fabuleuse... Mais de toute façon, le réalisateur s'est de suite situé au côté des plus grands en faisant de chaque plan un modèle de cinéma inventif, comme Stroheim, Murnau, Borzage, Wellman ou Sternberg à cette même époque. Parmi les plus grands...
Ce qui n'empêche pas ce film admirable, mais réalisé en 1929 et sorti un an plus tard, soit trop tard (on n'allait voir à l'époque que les crétineries bêlantes), de devenir un flop monumental, qui en dépit de deux autres essais plus modestes (un court et un moyen métrage), a eu définitvement raison de la carrière de metteur en scène de l'acteur Charles Vanel.
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