Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 mai 2025 4 08 /05 /mai /2025 15:15

Lors d'une opération critique en Ukraine pour un service secret Américain, le protagoniste (nous ne connaitrons jamais son nom, si ce n'est qu'il est inteprété par John David washington) se retrouve sous le feu d'étranges balles, auxquelles il échappe de justesse... Il se renseigne et une scentifique de la CIA lui explique qu'il a été la cible de balles "inversées", qui ont été trafiquées par une technologie future, et qui sont en fait quasi impossible à éviter. En effet, elles fonctionnent à l'envers de notre temporalité: on sait où elles finissent, mais on ne sait pas dans quel laps de temps on risque d'en recevoir une... Il est alors aiguillé vers une équipe qui travaille justement sur cette nouvelle technologie, dont certains membres sont en fait déjà passés par la nouvelle technologie et ont la faculté de naviguer d'une temporalité à l'autre...

J'ai fait ce que j'ai pu, car comment peut-on résumer un film qui est basé sur une technologie quasiment impossible à concevoir hors du film? ...d'ailleurs, beaucoup de commentaires sur internet prouvent qu'un grand nombre de spectateurs du film n'ont pas compris ce qu'on leur montrait, c'est en dire la complexité. Je dois le dire de suite: ce film d'espionnage d'un genre nouveau, clairement, ne sera pas possible à comprendre dans sa globalité. On le sait depuis le début (dès Doodlebug, en réalité), Nolan est un illusionniste. Son excellent film The Prestige était d'ailleurs un aveu tendre du metteur en scène, de sa fascination pour le fait de tromper le spectateur, essence non seulement de la prestidigitation, mais aussi bien sûr du cinéma.

On ne le comprendra pas, tout bonnement parce qu'on ne le peut pas, pas en tout cas à 100%. La logique de ce film, visionné dans notre monde avec sa temporalité linéaire, repose sur l'acceptation d'un truc impossible, une acceptation qui nous donne accès au reste de l'intrigue. Il nous suffit d'accepter que les héros et certains objets puissent marcher à l'envers, pour apprécier le tour de force. Mais ce n'est heureusement pas tout, car par tant de côté, s'il s'agissait juste de faire accepter (ou non) au public un retournement temporel, à quoi bon? Le "truc", est donc à accepter, et la complexité sert surtout à masquer les invitables failles. 

La vérité est que le film nous montre un nouvel aspect d'un thème de Nolan, qui est au coeur de bien des films, à commencer par Insomnia, en passant par les trois Batman, Interstellar, Dunkirk, et surtout Oppenheimer. La notion de service, liée à un sacrifice... Dès la première scène, John David Washington est clairement impliqué dans une démarche qui va le pousser, alors que ce n'est pas prévu par la mission, pour éviter un maximum les morts de civils présents malgré eux sur le théâtre des opérations...Sa lutte contre un terroriste du futur, qui a créé les conditions d'ne apocalypse ingénieuse et folle, lui donne une forte dimension morale, qu'on retrouve bien sûr dans Oppenheimer... Qui est cité en clin d'oeil: quoi de plus logique que de faire allusion au film qui suivra, dans une oeuvre ludique qui s'amuse de la manipulation du temps? Mais le fait est que les personnages, dans ce qui est une intrigue d'espionnage très élaborée, ont beaucoup à gagner et beaucoup à perdre, personnellement, dans chaque aspect du film. Comme si Nolan se refusait à se contenter d'un exercice de style jouissif, mais vide de sens. M'est avis qu'en cachant ces intentions, cette réflexion à la fois riche et subtile sur le fait de servir, de potentiellement donner sa vie pour les autres, derrière une complexité affichée (et comme d'habitude avec Nolan, hélas, cette complexité est devenue un argument de vente du film), fait plus que brouiller les cartes: elle dissimule un peu trop la préciosité du film, et sans doute son originalité. Mais une fois accepté ce prédicat, on peut s'extasier sur la structure suprenante du film, qui s'inverse par bien des côtés (à 1 heure et quinze minutes), et qui adopte une démarche de palindrome, comme son titre...

Et on peut s'extasier aussi sur le paradoxe potentiel du "protagoniste", dont il me semble que la raison précise de cet aninymat du personnage, est cachée de façon impressionnante au coeur, justement, de cette étonnante structure. Pour finir, on ne peut qu'applaudir la façon dont le film, en deux étapes, nous surprend de telle manière qu'on ne pourra que retourner vers lui: "à l'étape, épate-la", pourrait-on sans doute dire. 

(note: cet article a été rédigé après une unique vision du film)

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan Science-fiction
4 mai 2025 7 04 /05 /mai /2025 13:55

Huit ans après la disparition de Batman, qui s'était auto-accusé du meurtre de Harvey Dent, le monde de Gotham City se porte mieux... Mais des malfrats arrivent pour prendre la relève!

Quel ennui, mais quel ennui... Passé une ouverture sophistiquée, superbe et ouvragée, plus rien de surnage dans ce dédale d'informations vides de sens, qui exigent du spectateur de s'être intéressé à cette saga de gens qui passent leur temps à se manipuler les uns les autres, à faire des cachotteries, avec des tonnes de pognon, des dialogues vides et obsessionnellement cryptés, et des masques et des armes du dernier cri technologique...

Bruce Wayne n'en finit pas de ne pas revenir ou presque, et pour tout dire on s'intéresserait presque plus au parcours de Selina, la "Catwoman" de Anne Hathaway, avant qu'elle ne rejoigne la troupe des héros masqués qui pour passer inaperçus se couvrent de spandex noir. Rien de nouveau au monde des super-héros, le ridicule ne tue plus, par contre.... Quel ennui.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan
2 mai 2025 5 02 /05 /mai /2025 22:54

Dunkerque, mai 1940: cernés sur la terre, les combattants français et britanniques n'ont plus que deux options: la reddition ou l'évacuation. Repliés sur Dunkerque, les Britanniques sont sur la plage en attendant les moyens de partir, et c'est la confusion...

Les Stukas (bombardiers en piqué) les attaquent régulièrement avec gourmandise, et au sol, les soldats et marins s'impatientent... Un seul bateau est présent pour les recueillir...

Trois soldats réussissent à trouver une embarcation, et tentent la traversée.

Un anglais d'âge mûr, accompagné de son fils et d'un autre adolescent, met son navire à la disposition de l'armée et fonce vers Dunkerque; en chemin, il récupère des soldats naufragés, dont l'un d'entre eux est déterminé à ne pas retourner sur la côte française.

Des pilotes de Spitfire font route vers Dunkerque pour couvrir l'évacuation. Auront-ils assez de carburant?

Les choix de Nolan lui permettent de couvrir beaucoup de situations et évidemment de croiser les éléments des différentes composantes du film, traité de façon aussi chronologique que possible. La question de la collaboration entre les français et les anglais est au coeur du film, et donne lieu aux plus importantes incompréhensions de la part du public... Il convient de rappeler que Dunkerque, justement, a été longtemps la pomme de discorde entre une armée Française qui s'estimait trahie par les "Tommies" qui rentraient chez eux, et des Britanniques dont les ordres étaient assez contradictoires, ce que rappelle le film à travers un officier qui doit "interpréter" les ordres de Churchill, qui a aussi bien demandé qu'on rapatrie surtout les Anglais, que de laisser une chance équitable aux Français. 

Pourtant, c'est la confusion qui règne, et le système D pour tout le monde: ce soldat Britannique au début, seul survivant d'un bataillon, qui tente de s'insérer dans des files d'attente qui ne le concernent pas, ces Ecossais qui avisent un bateau isolé sur la côte, ou ce français qui réussit à se faire passer pour un britannique, mais ne parle pas la langue et provoque une émeute dans un des bateaux...

C'est souvent virtuose dans l'exécution, dans la gestion des moyens, et on applaudit la décision de tourner en 70mm, pourtant la sauce ne prend pas toujours. En choisissant de tourner un film aux dimensions modestes (1h46, c'est notable à l'heure où n'importe quel blockbuster assume des dimensions épiques pour un oui ou pour un non), tout en couvrant un maximum de terrain, Nolan survole un peu trop le drame humain, et semble presque retourner à The longest day... C'est donc un film qui a le mérite, au moins, de montrer une débâcle, ce qui n'est pas courant (Waterloo l'avait fait, et Blackhawk down aussi, mais peu de films sinon).

C'est aussi, au milieu d'une production riche et variée, un film qui s'attelle à raconter l'histoire et en donner un point de vue à hauteur d'hommes. Et il le fait d'une façon éminemment sensorielle, car il a compris le pouvoir du cinéma.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan
30 avril 2025 3 30 /04 /avril /2025 13:46

Le premier film de long métrage de Christopher Nolan est construit sur un certain nombre de principes, liés au budget (répéter le film de manière à éviter de multiplier les prises, le 16mm coûte cher; Nolan qui accumule les casquettes de manière à limiter les dépenses: mise en scène, caméra, montage...) ou à une envie furieuse de secouer le cocotier (la chronologie complètement chamboulée)... Il a coûté un prix dérisoire.

C'est pourtant un film noir dans lequel le metteur en scène (qui n'a pas eu la moindre envie de planifier un budget pour les éclairages et a donc toujours décidé de se baser sur la lumière ambiante, ce qui ne peut que se voir) a réussi à créer une atmosphère, en particulier à travers son intrigue et sa narration apparemment anarchique...

Un jeune homme est interrogé (par qui? On ne le saura que plus tard) au sujet d'une affaire, et raconte sa vie: il est un "suiveur"... Jeune auteur, il cherche, dit-il, l'inspiration en suivant des inconnus dans la rue. Alors qu'il nous explique que le plus compliqué est de se retrouvé embarqué dans la vie de ses "sujets", il nous montre que c'est exactement ce qui lui est arrivé...

Toute la panoplie du film noir est là, dans cette conversation-puzzle, dont l'absence de chronologie créé l'intérêt et les aspects les plus intrigants... Les questions, durant le film, abondent: on voit des flashes de moments dans la vie de l'individu qui donne son titre au film, avant d'avoir l'explication de ce qui lui est arrivé... Il croise des truands, une femme fatale, et un "ami" paradoxal. Le film fait mentir sa structure, en montrant que la conversation dont nous sommes témoins n'est pas la seule source de points de vue, puisque certains épisodes nous sont contés sans que le narrateur ait pu les connaître.

C'est probablement le principal atout de ce film, d'être si différent. N'empêche, derrière cette chronologie non-linéaire, il y a toute une route exigeante, faite de réussites et d'expériences, un cheminement qui mène à Oppenheimer.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Noir Christopher Nolan Criterion
29 avril 2025 2 29 /04 /avril /2025 18:07

Dans un noir et blanc assez poisseux, obtenu par la grâce du 16mm, un homme en bras de chemise, l’air stressé et épuisé, s’évertue à essayer de se débarrasser d’une créature sans succès, en donnant des coups de chaussure…

Nous aurons à la fin la révélation de l’identité de la «chose»: un double minuscule du personnage, qui lui-même est en train de faire exactement la même chose. De là à penser qu’il y a donc, quelque part, une autre version gigantesque de lui-même qui s’apprête à l’écrabouiller avec sa propre chaussure, il n’y a qu’un pas!

On n’est déjà pas très loin de Kafka, d’abord dans l’ironie existentielle, l’absurde inquiétant, mais aussi dans le fait de saisir un dysfonctionnement interne de l’humanité en pleine expression paradoxale. Histoire de voir que dès ses films d’étude (celui-ci a été conçu par Nolan en fin de parcours à l’université, dans le cadre de son cursus donc) le metteur en scène réfléchissait déjà à de nombreux aspects de son œuvre future : la multiplication paradoxale des plans dans des constructions visuelles impossibles, les mondes parallèles, et autres idées-gigognes...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan
26 avril 2025 6 26 /04 /avril /2025 15:06

Un meurtre a eu lieu à Nightmute, Alaska. La police locale a fait appel, sur conseil d'un supérieur local qui les connait bien, à deux cracks de la police de Los Angeles, les inspecteurs Dormer (Al Pacino) et Eckhart (Martin Donovan) pour aider à résoudre l'affaire. Dans un premier temps, les deux hommes sont un peu en territoire conquis, leur expéertise étant évidente, surtout Dormer, un policier à l'ancienne, persuadé de son intégrité, et agacé par les manigances des instances policières de contrôle. Mais le jour permanent de la saison ensoleillée de l'alaska le met très vite mal à l'aise, au point où, lors d'une conforontation avec le tueur au matin, dans la brume, Dormer tue son partenaire par erreur... Un seul témoin, le tueur (Robin Williams).

A l'origine de ce film, il y a un classique norvégien de ce qu'on appelle le Nordic noir... Insomnia de Erik Skoldbjaerg a fait l'effet d'un électro-choc, au point que plusieurs metteurs en scène se sont mis sur les rangs, dont Steven Soderbergh, pour en faire un remake. On peut toujours se poser la question de la pertinence d'un remake, à cinq années de distance, mais c'est ainsi... Et pour Nolan dont c'est le troisième film (après Following et Memento), le fait d'effectuer cet exercice double (d'une part un remake d'un film identifié à un genre bien précis, et d'autre part un film qu'il n'a pas écrit) lui permet sans doute d'ajouter un atout de prestige (si j'ose dire) à son Curriculum Vitae...

Dès le départ, le sens de la structure apparait de façon éclatante, dans un film qui annonce énormément de ce qui va faire le sel de l'intrigue. Car après tout, pour un film policier, il est avare en scènes de crimes, en meetings au commissariat, en indices et en avancées d'une enquête qui semble perdre en substance au fur et à mesure du déroulement du film. Et la façon dont dès le départ le flic prestigieux de Los Angeles perdpied à cause du manque de sommeil, de la fatigue et de son incapacaité à se faire à son environnement, est souligné par la façon dont tout le monde, finalement, manque systématiquement de précision sur tout: toute mention du temps, en particulier, est toujours floue... Ne sachant si c'est la nuit ou le jour en permanence, partagé entre ce qu'il perçoit et ce qu'il voit vraiment, Dormer perd pied dans l'enquête mais aussi dans sa vie. ...Quand il est contacté par le tueur, Walter Finch (Robin Williams), Dormer semble presque fraterniser: comme si ce qui s'est passé avait effacé toute différence entre eux.

Un grand film? Quelque part oui, même s'il faudrait, pour le juger honnêtement, voir le film original. D'ailleurs Nolan le tient pour un de ses films les plus personnels... Mais même s'il s'agit d'une histoire importée, le sens de la mise en scène de Nolan le met parfaitement à l'aise avec cette intrigue dans laquelle tout est affaire de ressenti, et de point de vue, dans une histoire de confrontation et de manipulation qui se joue entre deux protagonistes. Un domaine où, The Prestige le confirmera, il excelle.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Noir Christopher Nolan
21 avril 2025 1 21 /04 /avril /2025 09:21

Rêver, en film... Bon, ce n'est en aucun cas nouveau: les exemples sont nombreux, de Sherlock Jr à Brazil en passant par Ouvre les yeux, Rêves, et bien sûr tous les films qui sont bâtis sur une illusion imposée au spectateur ("Oh, alors c'était un rêve? Ca alors!"). Je mets de côté, volontairement, les films de Michel Gondry (Eternal sunshine of the spotless mind, La science des rêves), pour une raison que je garde pour plus tard, et les films de David Lynch parce que chez lui les rêves ne sont jamais une astuce de scénario, mais la matière première même de ses oeuvres...

Ce film est entièrement bâti sur une idée étrange, et particulièrement contraignante: dans un monde qui ressemble fort au notre (non, je n'écrirai pas "un futur proche". C'est quoi, cette obsession de refuser que la science-fiction puisse être contemporaine? Mais passons), des chercheurs et psychologues ont développé une méthode de partage de rêves, qui permet à une équipe de s'introduire dans le rêve d'une personne durant son sommeil, et d'y recueillir des informations. Cobb (Leonardo DiCaprio) est l'un des meilleurs truands/espions qui ont réussi à s'approprier cette méthode pour en faire un business, les informations qu'on cherche à extraire d'une victime désignée étant le plus souvent des secrets économiques ou des éléments liés au business ultra-sécurisé...

Le rôle d'extracteur doit se faire en équipe, afin de garanir de garder un minimum de contrôle sur l'univers des rêves ainsi provoqué: l'architecte est la personne qui génère l'environnement dans lequel le rêve est sensé se dérouler; d'autres personnes vont agir sur les personnages, et "incarner" ceux qui permettront au rêveur de croire en la réalité de ce qu'il ou elle expérimente. Enfin, les rêveurs doivent être monitorés afin de permettre un retour en cas de problème... 

Pour bien comprendre tout ce qui précède, je pense qu'il s'agit tout simplement de retourner au film The prestige: tout numér d'illusionnisme doit se doter de règles, d'un contexte qui sont autant de poudre aux yeux d'un côté, de distractions pour le spectateur de l'autre. Parce qu'Inception, comme The Prestige, n'est rien d'autre qu'un film d'illusionniste, qui est lui-même, par définition, une illusion. Les règles sont donc là pour donner au spectateur l'illusion de la logique, en sachant qu'on va le mettre à rude épreuve: à chaque fois qu'on pourra, on lui explique que les personnages rêvent, bien sûr, et qu'ils iront, pour parvenir à leurs fins, jusqu'à rêver qu'ils rêvent, voire à rêver qu'ils rêvent, qu'ils rêvent.

Dans ces conditions, tout est permis, et c'est là la limite du film, à mon humble avis. Car en imaginant un personnage (DiCaprio ne peut pas incarner quelqu'un qui n'est pas miné par des failles qui vont lui mener la peau dure, que voulez-vous) qui est lui-même passé par tous les stades du rêve au point d'y avoir perdu son épouse (Marion Cotillard), Nolan brouille un peu plus, un peu trop, les pistes. Cette irruption, le plus souvent avec son "air renfrogné numéro 12", de Marion Cotillard, ni moins bonne ni meilleure que d'habitude, c'est à dire assez atroce, devient l'inévitable obstacle, dans chaque rêve, et ça fatigue. 

Non, ce qui tient la route dans cet étrange film, c'est la faculté qu'a un cinéaste d'oser faire un film, encoreune fois, à partir de l'ultime objet du cinéma, qui est son ultime principe fondateur: la manipulation, la mise en scène, l'illusionnisme. Donc le film fonctionne clairement, avec ses incroyables moyens techniques, comme un compagnon valable, mais parfois un rien irritant, à The Prestige... Et par endroits, la poésie pure du cinéma vient prendre toute la place: la plus belle scène de ce film reste le moment où Cobb qui s'apprête à engager Ariadne (Elliot Page) comme architecte, lui fait comprendre par des visions extraordinaires qu'ils dorment tous deux, et que leur conversation est en fait purement effectuée dans le cadre d'un rêve partagé, est magique: la façon dont Ariadne fait ensuite ployer l'environnement, la ville se refermant sur eux, vient en droite ligne de Phantom (1922), de Murnau, un film qui d'une façon fort différente, explorait le subconscient. On pourrait citer de nombreuses autres scènes, dont ce moment qui renvoie cette fois à Ouvre les yeux (ou si vous avez envie de fouiller les poubelles, à son remake plan plan Vanilla Sky): toute l'équipe devisant dans le calme sur l'un des boulevards les plus passants de Los Angeles, où aucun véhicule ne vient troubler leur conversation...

Et pourtant pour tous les rêves les plus délirants, les plus élaborés, avec ou sans effets spéciaux, pour toute la poésie de ces mondes parallèles, le film ne parle finalement que de l'humain, de ses failles, de ses doutes et de ses frustrations: l'extracteur virtuose, qui vit boursouflé de regrets (pourquoi croyez-vous que la chanson par défaut qui permet aux "extracteurs" de reprendre pied dans la réalité est Je ne regrette rien?) au point de les laisser envahir ses rêves, le jeune héritier (Cillian Murphy) d'un empire d'affaires qui a toujours souffert de l'indifférence de son père qui vient juste de mourir... Tous les personnages ont choisi d'évoluer dans le milieu, les rêves, qui expose justement toutes leurs failles... Ces failles ce sont celles de l'humain, comme la peur (Dunkirk), comme l'ambition ou l'ego d'un prestidigitateur (The Prestige), ou la tentation de vengeance au-dela du raisonnable (Memento), ou bien sûr le doute pur (Oppenheimer).

Mais voilà: parmi les détails de trop, il y a cette utilisation horripilante des sourcils froncés de Marion Cotillard, dont je parlais plus haut, et cette obsession de vouloir perdre le spectateur: point trop n'en faut, c'est cette tendance à vouloir constamment prendre le dessus sur celui qui regarde le film qui restera toujours un peu irritante dans le film. C'est la raison pour laquelle je pense qu'en matière de film consacré au pouvoir du rêve et au pouvoir de l'humain sur le rêve, Eternal sunshine of the spotless mind reste le chef d'oeuvre indépassable, dont la poésie vénéneuse va tellement plus loin que ces constructions impressionnantes mais souvent trop flamboyantes. Pas ce film, qui possède d'immenses qualités, certes, mais à trop vouloir faire le malin, on perd son public...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Science-fiction Christopher Nolan
20 avril 2025 7 20 /04 /avril /2025 14:36

Ca commence de façon spectaculaire, par une scène de casse (organisé par le "joker", un personnage qu'on n'a pas encore vu ni dans le film, ni dans Batman begins, son prédecesseur...): une merveille de mise en scène, d'assemblage de surprises, d'attractions enchaînées avec maestria...

Et d'ailleurs s'il est un problème dans le film ce ne sera en aucun cas la mise en scène, car il faut le concéder, Nolan est diaboliquement doué. En terme de timing, de composition, d'utilisation du montage, et la structure de son film, constellé de surprises et de coups de théâtre, il me semble qu'il ne craint personne.

Alors où est le problème, pourquoi ce film me laisse-t-il froid? 

Je crois que le problème des films de super-héros, c'est le fait qu'ils parlent précisément de super-héros. Et depuis que le public est supposé (mais c'est largement un mythe) être devenu plus intelligent, il semble qu'il soit devenu impossible de faire des films de super-héros dans lesquels on ne questionne pas le fait d'être un super-héros. Si j'ai bien compris (car dès qu'il y a un super-héros, je peine à m'intéresser à l'histoire, c'est comme ça: c'est irrésistible, en quelque sorte), il est question de...

La lutte du bien et du mal. La belle affaire...

Mais je ne peux pas, ne pourrai jamais prendre au sérieux une intrigue dans laquelle le justicier qui souhaite faire profil bas se promène partout déguisé en chauve-souris. 

Bref, du goudron et des plumes, film suivant!

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan
16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 10:50

Le cinquième long métrage de Christopher Nolan est l'histoire de deux obsessions, apparemment similaires, mais pas vraiment: deux artistes qui se sont formés ensemble, en tant qu'assistants d'un prestidigitateur, tentent de créer le numéro ultime, tout en essayant de percer le secret de l'autre... Mais à l'origine de cette double quête obsessionnelle, une mort, celle de l'épouse de Robert Angier (Hugh Jackman): lors d'un numéro de leur employeur, Angier estime que c'est Alfred Borden (Christian Bale), avec ses noeuds très élaborés, qui a été responsable du ratage du dispositif grâce auquel la jeune femme pouvait se sortir de l'aquarium dans lequel elle finissait le numéro. Depuis ce jour, les deux aspirants magiciens se livrent une guerre sans merci, motivés l'un par la vengeance, l'autre par l'agacement, et les deux par une ambition de créer un numéro de disparition qui renouvelle totalement le spectacle de prestidigitation...

C'est une autre mort pourtant qui lance le film, celle d'Angier, sur scène, après ce qui ressemble à une tentative de sabotage par Borden. Celui-ci est arrêté, et va sans doute être condamné à mort, pendant que les témoignages affluent, lançant le flash-back. Une bonne part de ces réminiscences est dû à Cutter (Michael Caine), le grand acteur qui s'est semble-t-il acoquiné à Nolan de façon durable. Lui aussi est un prestidigitateur, plus âgé bien sûr, et qui a pris sous son aile les deux hommes avant de rester aux côté d'angier après son deuil. C'est lui qui nous explique les trois étapes d'un tour de magie: d'une part, faire attendre un acte de magie (disparition, transformation), puis l'acte en lui-même ou le tour, et enfin la restitution: on fait réapparaître l'animal disparu, on montre que l'assistante n'a pas été sciée en deux, ou le transformiste revient habillé comme au début de son numéro. Cette restitution, qui retourne à la réalité sans pour autant donner la solution, s'appelle le "prestige" car c'est le moment-clé pour l'égo du prestidigitateur...

Le fait de situer ce film en 1890, à Londres, en pleine ère Victorienne, n'est absolument pas un hasard: il s'agit de l'époque des grandes fictions du double, de Dorian Gray et du dr Jekyll... De fait, une bonne part du film tourne autour d'un numéro apparemment impossible, développé par Borden et convoité par Angier: un homme entre dans un placard à droite de la scène et en ressort à gauche... La perfection atteinte par Borden va pousser Angier à expérimenter plusieurs solutions, mais aucune ne sera totalement satisfaisante.

Pourtant, le film n'est pas limité à la fiction: après tout, on y trouve aussi Nikola Tesla (David Bowie), inventeur de génie qui aurait pu faire tant d'ombre à Edison. Il joue un rôle crucial, en offrant la possibilité à Angier d'utiliser des doubles artificiellement créés... Ce qui revient évidemment à la fiction... C'est la partie la plus hallucinante du film, qui est bâti pourtant sur un principe simple, celui des prestidigitateurs: si c'est extraordinaire en soi, alors on ne va pas pouvoir le vendre tel quel; le principe qui sera suivi par Angier sera d'utiliser cette machine à cloner, sans le dire, pour laisser au spectateur sans explication quant à son dédoublement... Nolan ne souligne pas trop cet aspect, et au contraire passe une bonne partie du film à nous montrer, d'un point de vue à l'autre, les étapes des deux hommes, sans jamais vraiment nous faire choisir lequel nous allons suivre...

C'est virtuose, dans un film qui agit comme un tour de prestidigitation: Nolan nous bluffe évidemment, sans qu'il soit facile de voir qu'est-ce qui tient de l'illusion secondaire (celles qu'on nous fait miroiter pour détourner l'attention) et ce qui est le vrai tour de magie... Et une fois que le film est fini, on a surtout eu face à nous deux parcours radicalement différents, minés dès le départ, parce que pour Borden ou pour Angier, on le verra très vite, la magie est une chose différente. L'un d'entre eux est un showman de génie, l'autre un artisan à la précision diabolique. L'un est dévoré d'ambition pour lui et lui seul (tant pis si son épouse est décédé dans l'histoire, et au pire ça lui donne un motif de vengeance), l'autre est un mystère...

Inutile de dire que ce film est un chef d'oeuvre gonflé et extrèmement attachant...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan
11 avril 2025 5 11 /04 /avril /2025 14:51

Bruce Wayne, héritier orphelin de la fortune et de l'entreprise de Thomas Wayne, a grandi dans la culpabilité d'avoir causé la mort de ses parents, et la colère de ne rien pouvoir y faire. Il est à la recherche désespérée d'un moyen d'expier, en se battant contre le crime. Grâce à l'intervention d'une société secrète, il trouve le moyen de se doter sinon de super-pouvoirs, en tout cas d'une impressionnante technique de combat, et revient à Gotham City pour affronter le crime, la corruption... et ses démons.

Christopher Nolan a réalisé trois films consacrés au super-héros créé par Bob Kane et Bill Finger en 1939, dans le cadre d'un projet global: une trilogie visant à remettre les pendules à l'heure, probablement, après quatre films Warner dont deux oeuvres majeures, mais qui avaient fini par éloigner toute possibilité de prendre le super-héros déguisé en chauve-souris au sérieux...

Je me rends bien compte à quel point la phrase que je viens d'écrire est involontairement ironique, mais justement, c'est toute l'histoire de cette décennie qui vit deux "studios" de cinéma (cette fois, les guillemets trahissent que mon ironie, pour ne pas dire mon mépris, est bien volontaire) se créer de toutes pièces autour d'une lubie étonnante: donner une légitmité cinématographique au film de super-héros... A ma droite, Marvel, à ma gauche, DC comics. Au milieu, un public qui allait se voir soumis à un déluge de productions... Les deux "studios", donc, des groupes de médias constitués autour des éditeurs originaux des franchises de comics, avaient les droits des créatures dessinées, et pouvaient à loisir les relancer.

On sait que Marvel a choisi la pléthore, en lançant plusieurs films par an, et en allant jusqu'à la nausée... DC a été, globalement, plus modeste. C'est dans ce cadre que s'inscrit le Batman de Nolan, qui a choisi de ne pas choisir entre sa carrière d'artiste "sérieux" (trois longs métrages avant celui-ci, et une réputation qui ne faisait que croître avantageusement après les coups d'éclat de Memento et Insomnia) et cette envie de se frotter à l'univers des comic books...  C'est pourquoi il attendra son sixième (The Dark Knight, 2008) et son huitième (The dark knight rises, 2012) films pour donner de suites à ce film, se permettant des films plus personnels entre temps: The prestige en 2006 et Inception en 2010... Ce qui nous autorise sans doute à compter ces trois films de super-héros dans son oeuvre au même titre que les autres.

Après le cirque souvent hilarant mais un rien trop camp de Tim Burton (je laisse volontiers de côté les deux films suivants, dobscurs tâcherons et qui resteront anonymes, ce sera plus simple), Nolan replace Batman dans sa noirceur fondamentale, réalisant un film d'action assez virtuose... Il a confié à Christian Bale la tâche impossible d'être convaincant en justicier déguisé en chauve-souris, et c'est pourtant presque réussi. Presque, parce que je ne parviendrai jamais à accepter à 100% cette gestuelle codifiée, ces mines patibulaires de rigueur, et ces poses absurdes (ce petit arrêt auto-satisfait que le super-héros qui vient de sauter dans le vide arbore en se retrouvant parfaitement accroup sans encombre, c'est d'un ridicule, avec ou sans petit marteau)... Mais probablement, Nolan qui a confié à Michael Caine le rôle du majordome Alfred, sait-il que tout ça ce n'est pas si sérieux que ça. Et après la vengeance hallucinatoire de Memento, la lutte inégale contre le mal d'Insomnia, sans doute avait-il besoin de se livrer à cet exercice. 

Long, sombre, clair dans son intrigue et virtuose dans son exécution, ce film est intéressant par le fait qu'il est dénué d ela moindre prétention autre que celle de proposer un spectacle qui évite les excès baroques. Ca le rend avantageusement regardable 20 ans plus tard... Et les personnages dans leur ensemble ont une vraie dimension, avecdes acteurs aussi intéressants que Cillian Murphy, Gary Oldman, Morgan Freeman, Brendan Gleeson ou Kate Holmes...

Une seule femme... Oui, au passage: tout ça reste quand même un univers bien masculin.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan