Nous assistons à la naissance du procédé Cinerama: un prologue (en format 1:33:1 standard) retrace l'évolution de la représentation du mouvement, principalement dans la photographie puis le cinéma, et aboutit à la création du nouveau procédé: l'écran s'élargit, le son se spatialise... S'ensuit une série de représentations: voyages, caméra embarquée sur des véhicules en mouvement, spectacles vus et entendus dans toute leur largeur, etc...
Le nom qui frappera le plus les esprits, au-delà par exemple de la famille Todd (dont le procédé Todd-Ao a été développé en parallèle) est Merian C. Cooper, ci-devant producteur et réalisateur à ses heures, notoirement en compagnie d'Ernest B. Shoedsack, et du coup heureux père d'un célèbre bambin bien poilu: avez-vous jamais entendu parler de... Kong?
Le film est une succession de démonstrations par l'image, avec des moments qui ont sérieusement perdu de leur charme, en particulier ces extraits de spectacles pré-péplum, ou cette longue séquence qui nous fait entendre un choeur de Salt Lake City interprétant des extraits du Messie de Haendel... Le plus intéressant (au-delà de l'intérêt sociologique des données ethniques assez embarrassantes, puisque ce tour des Etats-Unis est 100% blanc) est bien sûr l'extraordinaire final qui est un survol magnifique sur triple écran des Etats-Unis.
On en prend plein les yeux, c'est l'idée: on ne m'empêchera pas de penser que c'est aussi une mise en abyme vertigineuse: un film qui s'abstient de raconter une histoire, mais se présente au public pour démontrer ce qu'il est.
Curieux comme ce film pourtant situé fermement dans les milieux du cirque finit par épouser les contours reconnaissables du film musical... Mais c'est pourtant vrai que tout ici tourne autour d'un spectacle collectif à créer, des galères inévitables, des traîtrises, des alliances, des coups durs et des coups de théâtre, comme avant lui, disons, Footlight Parade, 42nd street ou The Bandwagon...
Au début du XXe siècle, Matt Masters (John Wayne) est l'heureux propriétaire d'un cirque western au succès phénoménal: il a décidé de tenter l'aventure d'une tournée Européenne, mais le bateau sombre à son arrivée à Barcelone. D'abord engagés dans une autre tournée, Masters et son équipe vont essayer de retourner à la base du cirque, en en créant un nouveau, spectaculaire, à la mode Européenne...
En même temps que ces péripéties, le film nous conte la difficile filiation d'une jeune enfant de la balle, Toni (Claudia Cardinale) dont le père serait mort, et la mère (Rita Hayworth) s'est enfuie. Matt, qui l'a élevée, en sait bien plus et cache des secrets...
C'est un film de pur plaisir, du plaisir familial de 1964, donc c'est d'une grande sagesse. Hathaway, qui a déjà dirigé les bagarres de John Wayne dans North to Alaska, se fait plaisir en remplissant très simplement son cahier des charges: du cirque, quelques larmes, des incidents et des numéros spectaculaires. Parmi les premiers on notera un naufrage inventif et un incendie gâché par des transparences coupables... Dire que ce film a eu une genèse troublée, avec Nicholas Ray, puis Frank Capra avant que Hathaway ne prenne le manche... Au final, un spectacle inoffensif, parfait pour les enfants... et le Cinerama.
Les deux frères Grimm sont des gratte-papiers, dont la mission est de rendre compte aussi "fidèlement" que possible, c'est-à-dire en étant assez flatteurs, de l'histoire familiale de leurs commanditaires. L'un d'entre eux (Karl Boehm) est tout à cette mission, mais l'autre (Lawrence Harvey), d'ailleurs marié et père de deux enfants, fait tout ce qu'il peut pour colporter des histoires fantastiques pour les raconter à sa progéniture. Mais son comportement fantasque met l'entreprise familiale en danger, surtout quand il se décide à coucher sur papier les contes délirants qu'il a entendus, afin de ne pas les voir mourir...
Après plusieurs années à montrer au public des travelogues délirants et spectaculaires, la compagnie Cinerama s'est alliée à d'autres studios pour produire des films narratifs qui puissent être efficaces dans le médium de l'écran hyper-large. Cette production de George Pal est donc la première des deux collaborations entre la compagnie Cinerama et la MGM, l'autre étant How the west was won.
Là où l'évocation de la conquête de l'Ouest permettra une structure épisodique en cinq segments, le film de Pal est concentré sur l'histoire des deux frères, en utilisant bien sûr le prétexte des histoires qui sont racontées pour dévier vers des intrigues fantastiques: dans The dancing princess, il nous décrit la rencontre entre une princesse (Yvette Mimieux) qui aime à danser en cachette, et un bûcheron (Russ Tamblyn); un interlude animé nous raconte l'histoire d'un cordonnier aidé par des elfes, avec Harvey en cordonnier; enfin, Terry Thomas et Buddy Hackett se lancent à l'assaut d'un dragon animé dans The singing bone... Les trois contes sont réalisés par Pal, ancien animateur, et il est le producteur de l'ensemble, mais c'est Henry Levin qui a pris en charge la mise en scène des segments consacrés aux frères Grimm.
C'est... sage, très sage. On sent bien ici l'envie de se faire plaisir en utilisant les ressources spectaculaires du triple écran et du son, en particulier dans toutes les séquences faisant intervenir des véhicules; mais comme la MGM entend bien faire venir toute la famille dans les salles, tellement l'investissement a du être couteux, le public visé est d'abord et avant tout celui des enfants... Donc ça limite quand même le film, narrativement parlant. On critique beaucoup How the west was won, mais j'ai bien peur que ce film musical (aux chansons très dispensables) ne lui soit bien inférieur... Tout en ayant été restauré avec un soin particulièrement notable... Disons que c'est un spectacle approprié pour les nostalgiques du filmouth des années 60, cette espèce disparue de pâtisserie cinématographique...