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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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15 janvier 2025 3 15 /01 /janvier /2025 22:25

C'est l'été, au Danemark sur les bords de la Mer du Nord, et deux vagabonds (Fy et Bi, ou Doublepatte et Patachon) ont trouvé une combine intéressante pour se faire de l'argent: ils "photographient" les gens avec une boîte en carton vide, et se font payer les clichés en avance, avant de disparaître. Pour commencer, ils escroquent quelques jeunes femmes sur la plage, en prenant une série de "photos", mais finissent par ne pas avoir assez pour régler la note de restaurant... La patronne (Stina Berg) prend alors une décision inattendue: elle les sépare, et garde le plus petit (Harald Madsen) en otage, à charge pour l'autre (Carl Scenström) de revenir et de trouver de quoi payer la note. Mais quand il revient, il a la surprise de constater que son copain va bien, très bien même. On ne peut pas en dire autant de lui...

Pendant ce temps, dans le restaurant, deux drames se jouent: d'une part le comte local (Viggo Wiehe) a perdu il y a des années toute trace de son fils, or celui-ci a séjourné dans la même pension de famille que nos amis, et il y a laissé des traces... d'autre part la patronne emploie une jeune femme, Grethe (Grethe Rutz-Nissen, future Greta Nissen), qui est convoitée par deux jeunes sympathiques motards. Sympathiques? Disons que l'un (Gorm schmidt) est très bien, mais l'autre (Victor Montell)... il tente de forcer la main de la jeune femme, et le deux hommes se battent... 

 

Avec ce film, plutôt réussi, Lauritzen casse le moule de ses films, sans toutefois totalement déroger à ses traditions. Pour commencer, il sépare les deux héros, et c'est étonnant de voir que le film devient presque une aventure en solo pour le petit Harald Madsen, qui retenu en otage, devient carrément l'amant de la patronne du restaurant! Il va même prendre les choses en main, et régler l'histoire d'amour quand elle dérape à cause du jeune félon! Ce qui n'enlève rien au sel des mésaventures hilarantes du contorsionniste de génie qu'était Schenström: il essaie de "prendre en photo" un boucher pendant qu'il dévalise sa camionnette, et quand celui-ci s'en aperçoit, il voit rouge: le plan durant lequel le vagabond se fait rouer de coups a été chorégraphié avec génie... Et plus tard, réduit à trouver les pires moyens de subsistance, il se retrouve à interpréter le chaînon manquant dans un cirque... Il est très convaincant.... dans une scène particulièrement raciste, n'ayons pas peur des mots!

Lauritzen fait comme il le faisait d'habitude pour ces premières comédies du duo vedette: tournage en été, le plus près possible de la mer, avec une prédilection pour les séquences en plein soleil. Parmi ses passages obligés, il se livre à l'inévitable débauche de jeunes femmes en maillot de bain, et à une poursuite entre les deux rivaux, en moto cette fois. Il se dégage de toute façon de ces films particulièrement bien éclairés et très soignés, une impression de bonheur inattendue pour un habitué du cinéma Danois des origines! Et Lauritzen se laisse volontiers aller à donner à la future Greta Nissen une séquence "petite sirène" d'une coquinerie très assumée, l'ayant déshabillée allègrement, ce que ses films Hollywoodiens ne se permettront pas.

Pour finir, il existe deux copies du film à peu près complètes qui ont circulé sur internet, l'une sur le site du cinéma muet danois (https://www.stumfilm.dk/stumfilm/streaming/film/16073) et l'autre qui a été brièvement disponible sur la page Vimeo du DFI. Cette dernière est sonorisée, et possède un montage différent, ainsi que des séquences exclusives (près d'une bobine entière au début du film). Elle est aussi plus éclairée. Ce remontage, à en juger par le son, a du être fait dans les années 30 ou 40...

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet 1923
6 janvier 2025 1 06 /01 /janvier /2025 06:53

Trois en un? Entre le mélodrame formidable Forbidden et le baroque et sublime The bitter tea of General Yen, Capra s'essaie en effet à un style qui combine tout ce qu'il sait faire, et qui pour la première fois délivre un message politico-économique certes naïf et idéaliste en diable, mais dont la générosité fait mouche. Et pour ce faire, il choisit non pas un, mais deux héros, deux braves types: Tom Dickson (Walter Huston) est le directeur d'une banque, un homme qui préfère faire son métier en rendant service aux gens car il pense que la banque se nourrit de la bonne santé financière des gens qu'elle aide. De la même façon, il traite ses salariés avec humanité, et refuse les affaires sur lesquelles il peut s'enrichir, mais qui lui donneront mauvaise conscience... Comment s'étonner que, bien qu'il aime tendrement sa femme (Kay Johnson), celle-ci ne se sente délaissée par son mari qui sacrifie tout à sa banque?

De son côté, Matt Brown (Pat O'Brien), bien qu'ancien voyou, est un employé modèle. Il sait qu'il doit tout à son patron, pour lequel il a plus que du respect. Il attend sagement une promotion, mais il aime de toute façon son métier, lui qui fait encore partie des petites mains. Il attend aussi le bon moment pour se marier avec Helen (Constance Cummings), la secrétaire de Dickson. Ils pensent avoir été discrets dans leur idylle, mais tout le monde est au courant à commencer bien sûr par ce brave M. Dickson...

 

Dans ce contexte propice à la comédie, Riskin et Capra se lancent dans trois intrigues dramatiques différentes, qui vont se télescoper dans une crise comme on en a rarement vues...

1:

La banque est certes en bonne santé mais le conseil d'administration, formé de Dickson et de messieurs nettement moins sympathiques que lui, souhaite faire évoluer la banque vers le gros business en poussant vers une fusion qui mettrait en danger le type de pratiques de bon voisinage souhaitées par Dickson. A la faveur d'un problème dans la vie de celui-ci, les affreux banquiers tentent de pousser leur avantage...

2: 

Cluett (Gavin Gordon), un employé, fringant jeune homme un peu séducteur et un peu dandy sur les bords, a tellement brûlé la chandelle par les deux bouts que la pègre le tient. Il accepte de leur donner accès aux coffres, mais lorsque le cambriolage tourne mal, un veilleur de nuit est abattu...

3:

Matt a surpris Mrs Dickson dans les bras de Cluett, et ça le mine. Doit-il intervenir, et leur rappeler que son patron est la crème des hommes, ou se mêler de ce qui le regarde, au risque d'avoir le sentiment de trahir son patron? 

Les trois intrigues, en un peu plus de 75 minutes, vont multiplier les passerelles entre elles, depuis l'adultère potentiel qui sera déjoué par Matt, mais qui résultera sur son impossibilité d'avoir un alibi, car bien sûr c'est lui qui sera soupçonné d'avoir ouvert le coffre pour les bandits. Et après le casse, les clients vont tous se précipiter les uns à la suite des autres pour retirer leur argent, mettant sérieusement en danger la position de Dickson, et l'avenir de ses "petits" clients.

Voilà, on y est: Capra nous parle des petits, des sans-grade, de ceux qui économisent sou après sou en ne demandant pas grand chose à personne, mais qui sauront se mobiliser pour leur bienfaiteur. La formule reviendra (on y reconnaît le gros de l'intrigue d'un futur classique, It's a wonderful life, qui sera pris sous un angle très différent malgré tout), et déjà le metteur en scène est galvanisé par ce défi qu'il s'est fixé. Il réussit un film-synthèse dense et énergique, servi par une interprétation en tous points excellente. Entre deux chefs d'oeuvre, cette comédie dynamique est une nouvelle preuve de la santé merveilleuse des films de celui qui reste l'un des plus importants cinéastes populaires de tous les temps. Voilà.

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Published by François Massarelli - dans Frank Capra Comédie Pre-code
3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 14:21

C'est le deuxième plus ancien film conservé de la petite entreprise de comédie de Lau Lauritzen avec Carl Schenström et Harald Madsen, et d'une certaine manière on a envie de dire: on prend les mêmes et on recommence! Les deux héros sont de nouveau des vagabonds, à nouveau c'est l'été, et les deux rigolos vont tourner autour du monde presque sans rien y changer... Le titre, conforme au précédent film, signifie en gros Le soleil, l'été, et les études. Il comporte évidemment trois noms.

Un film de trois bobines justifiant bien trois intrigues, il y a ici un père riche et ventripotent (Oscar Striboldt, une superstar à sa façon) qui essaie de reconquérir sa maisonnée et en particulier ses filles qui sont en âge de passer le baccalauréat; il y a aussi des soupirants qui sont prêts à tous les stratagèmes pour approcher les jeunes femmes en question; et bien sûr, deux vagabonds qui ont élu domicile sur un port, pas loin, mais la police les y cherche, il leur faut donc trouver un endroit où se cacher: comme la sainte famille est partie faire du camping sur une île, la maison est vide, donc...

...donc "Doublepatte et Patachon", comme on les appelait, vont s'installer et se comporter en sales gosses, allant jusqu'à enfermer la femme de chambre dans un placard! mais la scène est savoureuse, et servie par une gestuelle de grande précision, et grâce à Schenström et son corps souple de grand échalas, toujours profondément excentrique.

A propos, le film qui n'est disponible que dans une version probablement légèrement raccourcie, recèle un petit mystère: au départ, dès le premier plan, la caméra cadre une affiche placardée dans la rue, qui avertit du fait qu'on recherche les deux héros. Mais c'est rédigé dans un français plus qu'approximatif... Pourquoi cette langue? J'imagine que s'il s'agit d'une copie d'exportation, la syntaxe aurait pu être plus soignée... Et le site du DFI ne mentionne aucune sortie française.

Avec ses trois intrigues qui seront toutes résolues (plus ou moins en même temps), ce n'est peut-être pas le meilleur film du duo, mais il recèle de petits trésors d'humour. Bien sûr, ils seront plus souvent dus à l'impeccable timing des deux acteurs principaux, qu'à Striboldt et sa clique de bathing beauties...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Comédie Muet 1922 Schenström & Madsen
3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 14:19

C'est à la Palladium films que Lau Lauritzen va tourner avec Carl Schenstrom (Le grand échalas contorsionniste) et Harald Madsen (le petit râblé) des comédies, dont ceci est l'une des premières: si je ne suis pas tout à fait sûr de la chronologie, je sais qu'il y a eu d'abord un moyen métrage dans lequel Lauritzen expérimentait avec Schenström et un autre acteur... Par contre, on sait clairement qu'il s'agit de leur plus ancien film conservé. C'est un moyen métrage de trois bobines, et il établit de façon durable le caractère des deux principaux protagonistes.

Durant l'été, sur les bords de la mer du nord, on fait connaissance avec une famille très aisée (les parents: Oscar Tribolt et Olga Svendsen), dans laquelle un baron (Torben Meyer) a décidé de s'incruster en épousant la fille (Ingeborg Bertelsen) de la famille. Sauf que le type est un salopard de la pire espèce, qui est déjà fiancé, suivant les conventions habituelles du mélodrame... Et la fille est quand même toujours contente de voir le meilleur ami de son frère (Gorm schmidt), Peter Plum (Victor Montell), un brave garçon, lui. Et deux vagabonds, des rémouleurs miteux (devinez de qui il s'agit) qui traînent dans le coin, interceptent une lettre qui est destiné au traître, et qui prouve ses sombres agissements. Ils décident de s'en mêler...

Le titre signifie "Film, flirt et fiançailles", selon une tradition de comédie que beaucoup des films à venir de Lauritzen avec le duo vont s'efforcer de respecter: trois mots qui décrivent l'essentiel de l'intrigue, et ce en ajoutant une répétition d'un son précis. ...Ici, le son F. Pourquoi "Film"? parce que la fiancée du Baron est actrice, et tous les personnages vont se retrouver sur une plage, où un tournage a lieu, durant lequel le metteur en scène va inviter des locaux à figurer; un prétexte pour voir évoluer les deux acteurs au milieu de jolies filles en maillots de bain affriolants, ce qui là aussi va devenir une tradition de ces films. Et bien sûr nos deux amis vont, à leur corps défendant, contribuer au film avec le style qui les caractérise...

Le plus intéressant reste la façon dont évoluent nos deux anti-héros, la dynamique déjà bien ancrée de ces deux personnes qui pour l'instant restent volontairement à l'écart des gens auxquels ils viennent en aide. Ce ne sera pas toujours le cas. Mais l'ingéniosité aussi, dont ils font preuve en toute circonstance, ainsi que le contraste entre les deux, la réserve de Schenstrom, un adulte qui a trop grandi et ne sait pas trop quoi faire de lui-même, et le côté volontiers enfantin de Madsen, qui lui n'a pas encore trouvé l'occasion de grandir, les différencie de tous leurs homologues Américains. Ils sont, déjà, dès cette première trace de leur travail, extrêmement touchants. Et leur gestuelle nait littéralement sous nos yeux, les montrant pour toujours à l'écart, dans une galerie de mouvements qui n'appartiennent qu'à eux seuls: la façon dont pour se retirer, ils se tiennent la main; l'expression de la joie, qui passe chez Madsen par un étrange tournoiement; le sourire d'enfant de Schenström...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1921 Lau Lauritzen Schenström & Madsen
1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 09:27

L'un des plus fameux films de Capra pré-It happened one night, le serait-il tout autant si Jean Harlow n'y interprétait pas un rôle de garce? Au passage, toute comparaison entre la même Harlow en 1931 chez Wellman (The public enemy) et chez Browning (The iron man) permet de constater soit que la dame apprend très vite, soit que Capra était un fabuleux directeur d'acteurs! Car elle est ici excellente de bout en bout...

Donc, dans une rédaction si typique d'un film du début des années 30, la star des reporters Stewart "Stew" Smith (Robert Williams) se voit confier une mission importante: récolter des informations sur le dernier scandale de la très respectable famille Schuyler. Une fois arrivé chez eux, ils essaient de faire jouer leur atout principal, la séduction de la petite dernière, Anne (Jean Harlow) mais le plumitif intraitable ne fera rien pour leur faire plaisir, et le journal publiera bien les informations. Seulement, il revient à la charge et séduit Anne... et le couple convole en juste noces lors d'un mariage éclair! Deuxième scandale, mais pas seulement pour les Schuyler: la jeune collègue de Stew, sa meilleure amie Gallagher (Loretta Young) le prend particulièrement mal... Mais l'arrivée de l'électron libre Stew chez les Schuyler va provoquer quelques tempêtes cocasses.

Evacuons de suite ce qui dérange le plus: Robert Williams. Il joue ici un rôle assez proche du style de journalistes que pouvait jouer Lee Tracy, qui généralement n'en faisait qu'à sa tête, et le fait de plonger ce zozo chez les Schuyler tendrait presque à nous les rendre sympathiques! Avec Stew, on est bien loin des Deeds et des Smith, dont la candeur serait un bon vecteur pour s'attirer la sympathie du public. D'ailleurs, il est intéressant de constater un certain nombre des ingrédients qui feront justement le succès de Deeds: une presse aux aguets, une famille bourgeoise sous investigation, des personnages manipulateurs, et un éléphant dans un magasin de porcelaine...

Le film est plus qu'un brouillon, d'abord parce qu'il anticipe joyeusement, sans jamais céder la place au drame (Contrairement aux films plus baroques que sont Ladies of leisure, Forbidden, ou The miracle woman), sur l'oeuvre future de Capra et sur ses thèmes de prédilection. Le scénario dû pour une large part à l'ami Robert Riskin fait la part belle aux dialogues qui font mouche, et il est construit sur une progression limpide et étanche. Et le metteur en scène a su choisir son rythme avec une assurance rare, en se ménageant des petites haltes comiques ou même absurde qui font toujours respirer le film... enfin, le film, deux ou trois ans avant, anticipe aussi sur tout un style dont Capra sera brièvement un maître, le temps d'un film mémorable, It happened one night: la screwball comedy.

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Published by François Massarelli - dans Frank Capra Pre-code Comédie Screwball comedy
1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 10:29

Lors de ses débuts à la Columbia, le jeune Capra connaissait déjà furieusement son métier, et privilégiait la vitesse, avec une sûreté d'exécution qui laisse pantois. Cette histoire de reporter ambitieux est excellente: Clem Rogers, journaliste, est las de devoir faire les chiens écrasés (Ou la météo), et obtient une dernière chance de son patron. Il se retrouve dernier arrivé sur les lieux d'un crime mais le hasard fait bien les choses: il assiste à la fuite d'une jeune femme, et suite à un quiproquo, écrit un papier qui accuse la jeune femme, la fille d'un politicien en campagne... mais la jeune héritière victime de l'histoire en question se rebiffe, et les deux font alliance pour faire éclater la vérité.

Energique, élégant, et attendrissant. un film pré-Tintin qui a bien pu inspirer Hergé, qui était très fan du cinéma Américain (plus que des Etats-Unis eux-mêmes, d'ailleurs...). On y retrouve cette vitesse, cette atmosphère des salles de rédaction qui va envahir en quelques années les films des années pré-code, et Douglas Fairbanks Jr, dont le personnage est souvent considéré comme un ado capricieux par ses collègues, avance dans cette enquête cousue de fil blanc avec humour et charme. Et puisqu'on en parle, il y a aussi un atout fantastique: face à lui, la délicieuse Jobyna Ralston!

Pour vraiment anticiper sur les futures réussites de Capra, il aurait peut-être fallu développer une partie consacrée au doute, mais Clem Rogers, en route vers une carrière prestigieuse, n'a pas de temps à consacrer à une remise en question. Et puis... c'est une comédie.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Frank Capra Comédie *
1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 09:30

Don Wilson (Johnnie Walker) est une vedette de Broadway, à la carrière parfaitement placée sur ses rails, mais le succès lui pèse parfois... Il décide de s'octroyer un peu de repos et de s'aérer, et se rend dans la campagne... Où il tombe en panne avec son agent et des amis. Durant la réparation, les quatre hommes se rendent à un spectacle de théâtre itinérant donné par des saltimbanques, et reconnaissent que c'est "tellement mauvais que ça en devient bon". Don, sous un faux nom, participe même au spectacle et joue lamentablement un petit rôle dans la pièce (un abominable mélo de la guerre de Sécession). Mais il est intéressé par la personnalité de l'actrice principale, Ginger Bolivar (Bessie Love), la fille du directeur de la troupe: il décide demanoeuvrer pour faire venir la troupe à Broadway dans le but de les utiliser, en faisant rire les spectateurs à l'insu des acteurs...

Ca rappelle souvent Spite Marriage de Buster Keaton, sorti l'année suivante, et il est probable que les deux films ont été inspirés de la même pièce: les similitudes entre les deux versions d'une pièce de répertoire sur la guerre civile sont troublantes. Sauf quand dans le cas du flm de Keaton, c'est un spectacle supposé d'une grande dignité qui est saboté par les inepties d'un figurant, quand ce film de Capra pose finalement le cas contraire... En acteur doué qui tente d'adapter son style à son incognito d'une part, et à la mauvaise qualité de son entourage, le très spiritueux Johnnie Walker fait du beau travail. Le reste de la troupe est pour le metteur en scène l'occasion de développer une galerie de portraits parfois un peu outrés, mais qui se situent dans les habitudes de la comédie: Bessie Love, bien sûr, se détache particulièrement, en dominant par son investissement physique la distribution...

Mais cet aspect de farce n'occupe que les vingt premières minutes dont le tempo et le ton sont ceux d'un court métrage de deux bobines: Capra développe différemment sa deuxième partie, en se concentrant surtout sur le point de vue des acteurs: aussi médiocres soient-ils (et ils le sont, vous pouvez me croire...), il apparaît qu'ils croient à ce qu'ils font, et le film souligne à quel point finalement leur public rural est après tout satisfait de l'offre théâtrale des acteurs de troisième choix. Et Don Wilson, en faisant son malin, va découvrir à ses dépens que bonne ou mauvaise actrice, Ginger vaut la peine. Une sorte de préfiguration de Mr Deeds et Mr Smith, avec ses naïfs ruraux pris dans la tourmente citadine, nous apparaît ici.

Et la mise en scène de ces Capra muets réalisés pour la Columbia est toujours aussi dynamique et enthousiasmante, on y sent la rapidité à l'oeuvre (même si cette impression est certainement accentuée par un montage qui a été revu, pour une version qui n'est pas aussi longue que l'originale), et l'efficacité du metteur en scène fait merveille. Dans le cadre de la comédie, bien sûr, et sa touche est déjà bien présente, mais il s'octroie une très jolie scène de révélation sous la pluie, avec Bessie Love au sommet de son art, un mélange subtil de comédie de situation, et même de tragédie, la jeune actrice comprenant qu'elle a été roulée dans la farine par l'homme qu'elle aime...

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Frank Capra Comédie *
24 novembre 2024 7 24 /11 /novembre /2024 14:59

Une riche veuve (Lillian Leighton) possède tellement de millions qu'elle est un gibier particulièrement intéressant pour un coureur de dot. Blaylock, le patron d'une firme d'experts financiers (Frank Brownlee) aimerait être l'heureux élu, mais comme la brave dame serait plutôt d'avis de se trouver un jeunôt, il se rabat sur une autre option: il oblige son secrétaire, qui lui doit de l'argent, à séduire la millionnaire, pour mieux gérer sa fortune après. Le secrétaire en question (Charley Chase) va s'exécuter, apprenant du même coup à connaître l'environnement de Mrs Schwartzkopple: son grand fils, Oswald (Oliver Hardy), et surtout sa fidèle secrétaire (Gladys Hullette), aussi jeune et charmante que sa patronne est, disons, passée bien au-delà de la date de péremption... Devinez la suite.

Une mission impossible à accomplir, des ennuis à n'en plus finir, des quiproquos et des tonnes de gaffes. On est dans le quotidien idéal pour la comédie muette qui vivait son age d'or. C'est un film en deux bobines d'une équipe (Charley Chase et Leo McCarey) qui était absolument infaillible.

De plus, Chase qui définissait toujours au moins un tiers de son personnage en fonction de la situation, choisit ici de jouer un type bien, tout ce qu'il y a de normal, mais aussi d'une maladive timidité, sans jamais exagérer cet aspect. Ca ne fait qu'ajouter un ingrédient de plus, mais qui est constamment bien mené. Et l'interaction avec Oliver Hardy est fantastique, comme de juste.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Charley Chase Leo McCarey
21 novembre 2024 4 21 /11 /novembre /2024 18:16

On ne réussit pas à tous les coups, et ce film le prouve: alors que la formule des courts métrages de Charley Chase en deux bobines a permis à de vraies merveilles de voir le jour entre 1925 et 1927, il arrive que le génie ne soit pas tout à fait au rendez-vous... Cette histoire de jeune oisif qui se fait passer pour un chauffeur aux yeux du père de la femme qu'il aime, est par trop compliquée, tout en mobilisant les vieux trucs les plus éculés du genre, vus en particulier dans de nombreux films du comédien. Et justement, ce qui ne passe pas, c'est l'absence réelle d'enjeu pour le jeune homme, qui de toute façon n'a pas à travailler ni à prouver quoi que ce soit.

Restent quelques moments de grâce, comme cette séquence ébouriffante au cours de laquelle Chase, Martha Sleeper (sa formidable leading lady la plus convaincante à mes yeux) et l'acteur Eugene Palette en flic au grand coeur, font les soldes... A leur corps défendant! On pourrait aussi penser le plus grand bien du moment où Chase se retrouve à jouer les ventriloques avec un mannequin dans un speakeasy, mais... ne serait-ce pas une réminiscence de A dog's life, de Chaplin? Incidemment, sa victime dans la dite scène n'est autre qu'Oliver Hardy.

...Bon, admettons quand même que comme on dit, "ça se laisse regarder"..

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie James Parrott Charley Chase
29 octobre 2024 2 29 /10 /octobre /2024 22:50

Le commissaire Lise Tancrède (Annie Girardot), qui a réussi à se faire une place dans la police, rencontre un ancien camarade de fac, Antoine Lemercier (Philippe Noiret), qui y est resté: il est professeur de Grec à La Sorbonne... Elle n'arrive pas à lui avouer la triste vérité, et c'est ce qui va causer des difficultés, lorsque entre deux étapes de son enquête elle tente de commencer une relation avec lui...

C'est un classique, désormais, du à l'un des plus intéressants des metteurs en scène de comédie en France, et c'est l'un de ses meilleurs films, l'un des plus grand public aussi... reposant entièrement sur l'alliance entre deux monstres sacrés. Des acteurs de premier plan auxquels on ne pense pas forcément quand on éoque, justement, le cinéma populaire, et la comédie. C'est d'ailleurs injuste, l'un et l'autre s'étant illustrés, auprès de gens qui vont de Yves Robert (pour Noiret) à Claude Zidi ou Michel Audiard (pour Girardot)...

Et justement, Michel Audiard a contribué au dialogue, mais sans en faire trop, c'est même un modèle de discrétion pour lui... Mais le dialogue est parfaitement dosé, et contribue grandement à creuser l'écart entre le professeur de langues mortes, et la fonctionnaire de police, y compris quand il est évident que l'un comme l'autre juge l'autre irrésistible... Et d'ailleurs, avouons-le: dans ce film, plus que d'habitude sans doute, les deux acteurs le sont!

Et la galerie de portraits, dans cette affaire de meurtres crapuleux impliquant des députés, est une autre qualité, avec George Wilson en député de l'opposition, Guy Marchand en commissaire dragueur, Hubert Deschamps en concierge irascible, et Paulette Dubost qui joue la mère forcément farfelue de la commissaire, et enfin, moins onnue sans doute mais tout aussi mémorable, une habituée des films de de Broca, Monique Tarbès en dame pipi... 

Ce film délectable eut même une suite, On a volé la cuisse de Jupiter...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Michel Audiard Philippe de Broca