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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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16 février 2025 7 16 /02 /février /2025 21:48

Johnny Smith (Christopher Walken) est un professeur de lettres passionné qui vit à Castle Rock, dans le Maine. Il va se marier avec une de ses collègues, Sarah (Brooke Adams), et un soir d'hiver, après avoir raccompagné la jeune femme chez elle, il a un accident. Il reste dans le coma durant cinq années... Quand il revient à la vie, c'est pour apprendre que Sarah est désormais mariée, et a un enfant... Mais Johnny n'est pas tout à fait le même: il a acquis durant son coma un nouveau sens, qui lui permet de connaître des détails passés, contemporains ou futurs de la vie de ceux qui entrent directement en contact physique avec lui...

Dans un premier temps, il s'en sert occasionnellement, et risque à tout moment de devenir un monstre de foire; puis son "talent" est utilisé dans une affaire de tueur en série par un shérif de Castle Rock (Tom Skerritt)... Malgré sa réticence à utiliser son don, Johnny réalise qu'il peut même changer le cours des choses.

Pendant tout ce temps, un politicien populiste, Greg Stillson (Martin Sheen), a entamé une campagne d'élection au sénat qui semble un élan irrésistible vers la victoire...

Cronenberg a fait sien le prétexte de King, qui imaginait la vie d'un homme prisonnier à la fois de ce trou béant dans sa vie, et d'un don dont il ne voulait pas. Mais le cinéaste fait du mystérieux pouvoir de Johnny Smith une extension de son propre corps, quelque chose, d'ailleurs, lié à la fameuse "zone morte" de son cerveau. Comme il sied à un conte de King, cet aspect ne sera pas plus clair dans le film que dans le roman, et ce n'est pas grave... Non, ce qui compte c'est bien sûr la vie de Johnny Smith, à nouveau; après Jack Torrance et avant Paul Sheldon c'est un double de Stephen King lui-même: d'une part, il enseigne la littérature, et d'autre part, les premières scènes en font un double physique de l'écrivain. Son retrait du monde, son don aussi sont des métaphores de la vie complexe de King, l'homme qui parle de l'humanité malade à travers ses contes horrifiques, et qui offre toujours un troublant miroir de notre monde à travers ses histoires.

Et le film, tout en étant un conte fantastique, justement, épouse aussi tout l'univers de l'écrivain, devenant sinon sa meilleure incarnation cinématographique (le débat reste ouvert au vu de l'importante proportion d'oeuvres de premier plan), en tout cas le meilleur reflet de son monde: le Maine et sa froideur hivernale, entre rigueur et superstition, cette vie simple et rustique des braves gens soudainement perturbée par l'apparition de ce douteux personnage de politicien (un coup de maître de Stephen King, si vous voulez mon avis, parfaitement incarné par Martin Sheen), vie d'ailleurs située à Castle Rock, le trou perdu idéal créé par King pour un grand nombre de romans...

Cronenberg a parfaitement réussi son film, servi par un scénario jamais servile, et des acteurs formidables, à commencer par Christopher Walken, dont c'est l'un des rôles les plus marquants. Cette histoire d'un sacrifice inévitable tourne autour de la solitude, assez proche de celle d'un écrivain, à travers la métaphore de ce don étrange d'extrapoler la vie des autres par le contact physique; il y est question de la perte ou du passage du temps: ce qu'on a maintenant nous échappera un jour... Et King comme Cronenberg posent aussi une question aussi futile que fondamentale: si on peut changer le futur, doit on pouvoir le faire? Futile car c'est impossible, et fondamental car c'est la question de la responsabilité historique, un thème qui reviendra dans le roman 22/11/63

 

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg Stephen King
9 juillet 2024 2 09 /07 /juillet /2024 07:11

Dans un futur proche, une rencontre se tient, dans une église, entre l'équipe d'une éditrice/conceptrice de jeux vidéos, Allegra Geller (Jennifer Jason Leigh) et des fans de son système. Pendant que la jeune femme et les gamers son en train de tester un nouveau pod ultra-révolutionnaire, des militants d'un groupe violent commencent à tirer dans le tas... Ted Pikul (Jude Law) intervient pour sauver Allegra, ils commencent une cavale qui sera compliquée, car il y a, de la part d'un groupe ultra-violent et ultra-déterminé, un objectif clair: tuer Allegra, et revenir à la réalité pour empêcher les gens de s'évader en permanence dans des réalités virtuelles de plus en plus sophistiquées...

C'est de la science-fiction très proche de ce que Philip K. Dick faisait en son temps, cela dit le scénario est une pure création de David Cronenberg. On le croit sans peine: ces pods, qui sont faits d'une matire plastique qui parait si organique, ces manipulations sur le corps humain pour en faire le réceptacle d'une technologie mi-électronique, mi-organique, on est totalement dans son univers, lui qui a tant travaillé sur le lien entre l'humanité et ses extensions, que ce soit un pouvoir extra-sensoriel (The Dead Zone), la voiture (Crash) ou la télévision (Videodrome)...

On imagine le type d'analyse qu'on fera, à plus forte raison à l'époque précise dans laquelle nous nous trouvons, en estimant que Cronenberg "était en avance sur son temps"... Mais je ne me risquerai pas sur ce terrain, d'abord parce qu'il est clair que ce serait un diagnostic a posteriori, et ensuite parce que s'il est clair que le film nous montre une humanité qui s'échappe en permanence dans une réalité virtuelle qui gomme toute forme de réalité (justifiant pleinemet la colère des terroristes "réalistes" sinon leurs méthodes). Le metteur en scène place ses personnages, qui changent volontiers de personnalité en fonction de l'univers qu'ils traversent, dans une situation permanente de déstabilisation mutuelle, c'est un monde dans lequel rien ne tient. De même que la technologie évolue et singe la nature en proposant des jeux qui fonctionnent sur des plateformes qui sont autant d'organes, la nature répond en favorisant la mutation des animaux: un batracien à deux têtes joue un rôle de fil rouge (même s'il finira en filet)... La réalité semble être la chose dont plus personne ne veut, et on ne tardera pas, devant ce film provocateur, à se poser la question comme le font les personnages eux-mêmes, qui s'y perdent toujours: mais alors, là, on est dans leur réalité, ou c'est encore le jeu? 

Sinon, les personnages se trahissent tellement rapidement, avec tellement d'énergie, et tellement dans tous les sens, qu'on jurerait qu'on va voir démbarquer Eric Ciotti, c'est dire.

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg Science-fiction
29 août 2021 7 29 /08 /août /2021 08:19

James et Catherine sont un couple aussi libre que prisonnier: ils s'autorisent mutuellement de coucher à droite à gauche, et ce dès les dix premières minutes du film, mais pour confronter les expériences une fois revenus à la maison... Pourtant ça ne leur procure pas grand chose. James a un accident de voiture, dans lequel un autre conducteur décède. A l'hôpital, James croise sa veuve, qui était dans la voiture elle aussi. Ils se voient dans le parking, autour de carcasses de véhicules accidentés, et James la ramène chez elle: ils se jettent l'un sur l'autre dans la voiture. A partir de là, la sexualité de tous les personnages devient indissociable de la voiture, et du risque d'accidents...

Le propos de Cronenberg, dans ce film adapté d'un roman de J. G. Ballard, est de prolonger sa réflexion sur l'extension du corps humain, enjeu de ce tournant de siècle. James et Catherine, et avec eux Helen et Vaughan, l'obsédé des accidents qui rêve de mourir comme James Dean et recrée les morts automobiles célèbres, recherchent dans le rapport à la voiture, aux accidents mécaniques, à la route et à ses dangers, un frisson érotique. Et bien évidemment, c'est froid, très froid! Mais quand on considère la plupart de ses films, on est devant le même univers finalement, et le cinéaste ne glorifie ni ne condamne rien, il illustre plutôt le tourment d'une humanité prise au piège du progrès technologique, comme plus tôt dans Existenz

Car dans le film, la recherche du plaisir sexuel par les accidents, qui passe par des stades assez rebutants et illustrés avec le même soin que le reste (une rencontre de James Spader avec Rosanna Arquette, en particulier, restera en mémoire à cause de l'usage fait par une cicatrice béante derrière la cuisse de la jeune femme, rescapée d'un accident lointain qui l'a laissée en lambeaux) mène à la mort, et deux personnages décèderont dans leurs frasques automobiles, et lors de la dernière séquence, Catherine est presque déçue d'avoir échappé à la mort, après que sa voiture ait quitté la route!

L'aliénation ici vient de cette recherche d'un échappatoire sexuel par la technologie, dans un monde envahi par la voiture; les décors du films, qui se passe rarement dans le salon des uns ou des autres, est entièrement soumis à cette idée: un atelier par-ci, un garage par-là, une autoroute, des parkings et une casse deviennent le terrain de jeu des personnages. L'humour semble absent, mais c'est ici le boulot du spectateur de goûter la profonde ironie, sans doute teintée de dégoût, devant cette humanité malade, et au passage, j'aime me méfier de ces sempiternelles remarques, toujours liées à une lecture après coup, sur le statut "prophétique" d'un film, mais par certains côté, on anticipe ici sur une sexualité entièrement liée à internet... 

Le film fascine autant qu'il repousse, aujourd'hui comme hier; le jeu volontiers froid et émotionnellement distant des protagonistes, à commencer par James Spader et Deborah Unger, la litanie des cicatrices, les comportements quasi animaux, et cet univers claustrophobe de métal, d'essence et de verre brisé ne créent pas un univers très ragoûtant. La théâtralisation permanente de la sexualité est furieusement agaçante avec ses clichés à deux balles (un monde dans lequel le collant n'aurait jamais été inventé, manifestement), mais le message de Cronenberg, qui crie assez clairement au secours ici, passe.

Tout de même, ça pique.

 

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg Zizi panpan
10 juillet 2019 3 10 /07 /juillet /2019 08:39

Deux hommes sortent d'un motel pour prendre la route, l'un d'entre eux va payer, dit-il, pendant que l'autre attend au volant. Le temps passe, et il s'impatiente: puis l'autre revient. celui qui attendait va à son tour dans le bureau pour chercher de l'eau (jusqu'à présent le film se résumait à un plan-séquence) et quand il y arrive, il y a deux cadavres. Une petite fille apeurée arrivé: il la tue.

Comme ça, si le titre ne nous suffisait pas, nous sommes doublement prévenus... Et ça tombe bien, parce que la demi-heure qui suit est entièrement consacrée à autre chose, une petite histoire Américaine comme il y en a des centaines: dans une petite bourgade du Midwest, un couple avec deux enfants mène une vie tranquille... Tom Stall (Viggo Mortensen) et sa femme Edie (Maria Bello) ont une petite affaire tranquille, un snack qui ne désemplit pas; Jack, le grand fils, se rend au lycée où il se maintient à flot en essayant de ne pas céder à la violence ambiante, et la petite Sarah est encore trop petite pour avoir des soucis. Chacun mène sa petite vie, jusqu'au jour où les deux hommes font irruption dans le snack-bar, et menacent Tom. Dans la confusion, il se saisit d'une arme et abat les deux malfrats, sauvant ses clients... Il est un héros, il passe à la télévision... Et c'est le début des ennuis: trois mafieux débarquent quelques jours plus tard, et proclament que Tom est en réalité Joey, un tueur redoutable disparu une vingtaine d'années plus tard, et que son frère, un patron du crime organisé à Philadelphie, souhaite le voir...

Peut-on, aux Etats-Unis, échapper à la violence? C'est la question posée par le film, qui établit de deux façons qu'elle est de toute façon partout (au lycée, d'une part, où Jack se fait vraiment harceler par un minable local, le genre qui est persuadé que le sport c'est la vie et la vie le sport, bref un con, mais aussi dans la vie des adultes où n'importe quoi peut arriver) et pire, qu'elle est parfois nécessaire (quand Jack, à bout, se défend et distribue les bourre-pifs, ça fait du bien, et Tom doit tuer de sang-froid pour protéger sa clientèle, mais aussi son anonymat)... Sauf qu'elle débarque sans prévenir dans la vie de gens qui ne lavaient pas convoquée. Pour Edie, la découverte que son mari est un ancien criminel est une crise majeure, la réalisation qu'elle a vécu dans l'ombre du mensonge d'un homme qu'elle aime, mais dont elle ne connaît pas l'identité profonde. Pourtant Cronenberg avait commencé pas nous montrer les deux vieux mariés en jeunes tourtereaux, qui s'amusent à rejouer une scène d'adolescence où Edie se déguise en cheerleader pour exciter son mari...

Le film est âpre, souvent ironique, mais c'est surtout, de par sa structure même, la mise en scène frontale et rigoureuse, et sa lenteur calculée, un vrai western, dans lequel l'ombre de classiques (Shane en tour premier lieu) passe... Un film dur aussi, où le pessimisme du réalisateur face au devenir d'une humanité qui est assez prompte à tuer, mais aussi à glorifier celui qui tue (ou même simplement celui qui s'assume par la violence, tel Jack). La violence non seulement préside à la vie des adultes, ais elle fait partie de l'héritage naturel laissé aux enfants, comme le prouve le destin de Jack (le personnage qui est choisi pour faire passer une transition majeure à la fin du premier acte, et ce n'est pas un hasard). C'est un très grand film...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir David Cronenberg
28 mars 2016 1 28 /03 /mars /2016 09:30

La "méthode dangereuse" du titre, c'est bien sur la technique de conversation prônée par Sigmund Freud, et expérimentée par son disciple Carl Jung, dans ce film, sur une patiente hystérique. Cronenberg nous transporte entre la Suisse et l'Autriche, et situe son intrigue à la base d'une rupture entre les deux grands noms de la psychanalyse. Sabina Spielrein, la patiente atteinte d'hystérie, sera le révélateur non seulement de cette divergence entre les deux hommes, mais aussi, à sa façon, de l'inévitable évolution de la science, qui prendra de nombreuses formes. Et fidèle à la tradition des films de Cronenberg, le film allie les contraires, et il les oppose avec un humour toujours plus discret, et une rigueur narrative impressionnante.

Carl Jung (Michael Fassbender), bourgeois qui se définit lui-même comme "aryen" (On est au début du XXe siècle, et Wagner, que le bon docteur admire, est passé par là, lui et des dizaines d'illuminés obsédés par cette fracture entre les "races"), est un homme installé. La psychanalyse est son domaine de prédilection, et il envisage de continuer un peu plus loin les travaux de Freud (Viggo Mortensen). Quoique... il n'accorde pas à la sexualité la même importance que son aîné. Mais il est amené à traiter une jeune femme hystérique, Sabina Spielrein (Keira Knightley), qui va jouer un grand rôle aussi bien professionnellement que personnellement: elle va être un parfait sujet d'études, mais elle sera aussi non seulement sa maîtresse mais probablement l'amour de sa vie. Et la belle, élevée au rang de collègue, va devenir elle aussi une disciple de Freud.

Freud contre Jung, c'est un festival de différences. Pourtant, dans un premier temps, comparés à Otto Gross (Vincent Cassel), un autre disciple de Freud, ils semblent assez similaires: Gross est un incorrigible obsédé sexuel qui a décidé de vivre sans le moindre frein. De son côté Freud utilise la précision de son art et sa faculté d'analyse comme rempart contre toutes ses pulsions, et Jung quant à lui n'a pas besoin de se restreindre: c'est un bourgeois protestant... Il faudra toute la détermination et la passion de Sabina pour enfreindre ses principes, et commettre l'adultère. Si les différentes origines des deux hommes sont soulignées par Freud à un moment, la différence de vues entre Freud et Jung, nous suggère le film, passe surtout par les vues sur la sexualité. Primordiale et unique moteur du monde pour Freud, l'un des moteurs mais pas le seul pour Jung. Mais la révélation du film, à travers le personnage de Sabina, est que la passion sexuelle et l'accomplissement professionnel ne sont absolument pas incompatibles. Au milieu de ces querelles entre médecins barbus, c'est la femme qui va jouer le rôle de révolutionnaire... Oh, assez discrète certes, et limitée par les conventions sociales, qui font d'elle une sorte d'extension de son amant. Mais si le film commence en nous montrant Keira Knightley en chemise, totalement incontrôlable, il finit en nous la montrant sereine, revenue de ses passions (Elle y est obligée par le refus de se compromettre de ce bon Dr Jung), mais aussi mariée et enceinte. L'avenir est en marche...

L'humour discret et foncièrement sobre est tempéré ici par la rigueur de la reconstitution historique, ce merveilleux apanage du cinéma. Les obsessions corporelles de Cronenberg passent par le langage, quoique les rapports faits (A la requête de la jeune femme) d'humiliation et de masochisme, de Jung et Sabina, soient assez graphiques, et que Sabina soit vue parfois dans d'inconfortables attirails, comme en chemise de nuit, dans une mare, couverte de boue à moins qu'il ne s'agisse d'une autre matière. Je déplore comme d'habitude la sale manie d'utiliser un accent "Nous afons les moyens de fous faire parler", cette irritante convention injustifiable... Enfin si Viggo Mortensen et Michael Fassbender ont clairement pris du plaisir à interpréter les deux lumières de la psychanalyse, Keira Knightley, hystérique ou calmée, aux abois ou passionnée, discutant passionnément avec Freud ou de façon restreinte et inconfortable avec Mme Jung, même couverte de crotte, est splendide, comme d'habitude.

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg
27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 09:30

En apparence, un thriller classique, avec secrets, violence, affrontements, évolution et même, finalement, espoir. Les héros de ce film paradoxal ne seront pas laissés sur le carreau... On y raconte les quelques jours risqués passés dans l'ombre de la mafia Russe, par une jeune sage-femme, elle même d'origine Slave, Anna (Naomi Watts). Elle s'est occupée d'un cas navrant à l'hôpital, une adolescente enceinte, qui a accouché prématurément d'une petite fille fragile avant de mourir. La seule trace de son identité était un journal rédigé en russe, qu'Anna ne parle pas. Elle se met donc en quête de quelqu'un qui puisse l'aider, et va d'abord sonner à la porte d'un restaurant: Tatiana, la jeune mère décédée, avait sur elle une carte de cet établissement. Mauvaise (Ou bonne?) pioche: le patron, Semyon (Armin Mueller-Stahl), est justement le caïd local, et son fils Kirill (Vincent Cassel) est tout sauf un rigolo; dans l'ombre de ce dernier, il y a Nikolaï (Viggo Mortensen), un chaufeur mystérieux, taciturne, et... à la fois fascinant et dangereux. Anna va au devant du danger...

Trois films en un, c'est ce qu'on peut dire de ce film parfaitement maîtrisé. En apparence donc, un film bien fait, calibré et moral pour la BBC: on y explore la réalité de la mafia russe, avec son folklore, c'est extrêmement bien documenté, sur le code des mafieux, la philosophie de ces gens très violents, comme sur les rites notamment liés à l'utilisation du tatouage. C'est aussi un divertissement, si on veut, tant le film vous accroche avec ses personnages hauts en couleurs, et leurs vie intérieure riche: Naomi Watts, et son histoire compliquée de jeune femme qui a perdu un enfant à un stage avancé de la grossesse, et qui se retrouve tout à coup en charge de l'enfant d'une autre, et de son destin; Viggo Mortensen, qui sous ses impressionnants tatouages, sous des dehors d'exécutant infaillible et froid, cache un secret inattendu; enfin, Vicent Cassel interprète un mafieux fort en gueule, toujours prompt à souligner sa masculinité, mais ça cache probablement quelque chose...

Et la troisième dimension, ou la troisième couche de ce film, est celle qui renvoie au cinéma de Cronenberg: le corps. Il nous le souligne, le rappelle sans cesse dans ses films, dans sa splendeur organique. Ici, ce sont les détails de la mort de la jeune Tatiana, dont le corps brutalisé et nécrosé nous est montré dans une scène au début, et sa fille nous est aussi montrée, avec un cordon ombilical plus vrai que nature. Le film n'est pas avare non plus en pratiques corporelles liées aux rites de la mafia: on égorge pas mal dans le film, on se bat aussi. Et justement, dans une scène-clé, Viggo Mortensen est attaqué dans un sauna, et va devoir se défendre, totalement nu. La caméra ne fera aucun détour, et l'acteur est littéralement à poil, se battant contre deux costauds Tchétchènes, habillés de cuir et armés de lames tranchantes. Il ne s'en tirera pas indemne, et la lutte st très, très difficile... Une scène qui renvoie finalement au thème principal du film: les tatouages du mafieux ne sont finalement pas qu'une sorte de parcours initiatique mentionné sur la peau, ils ne sont pas qu'une identité assumée (Les tatouages dans ce milieu jouent un rôle précis, celui d'être l'historique de la vie et de la carrière d'un de ces bandits), ils deviennent une seconde peau, une carapace. Celle-ci peut très bien après tout, avoir été inventée de toutes pièces, afin par exemple de favoriser l'infiltration d'un tiers. Mais en ce cas, à quel moments les tatouages peuvent-ils cesser d'être factices, à quel moment un homme dont la tâche est de faire semblant d'être un mafieux, cesse-t-il de faire semblant? Réponse au bout de l'aiguille...

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg