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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 10:00

 

Panic room, cinquième long métrage de David Fincher, est une leçon de cinéma, et un manifeste personnel de l'art de la mise en scène selon David Fincher. D'une part, le film est un exercice de style, en matière de suspense et de tension cinématographique, qui repose sur une construction logique, basée sur un ensemble de préceptes clairs. Ensuite, le film est d'une rigueur impressionnante, tant dans l'élaboration de chaque plan, dans les choix de montage (Et de « montrage »), que dans la mise en route d'une situation dont toute image inutile est bannie. Après le manifeste punk de The fight club, Fincher affûtait ses couteaux, et se préparait à réitérer l'expérience avec Zodiac, un autre film dans lequel assurance de la mise en scène irait de pair avec rigueur et pragmatisme...

Meg et Sarah, la mère et la fille, se voient offrir par Stephan, le père richissime qui a filé avec une jeune femme, une maison qui rendra le partage de la fille par le couple séparé plus facile, à deux pas de chez lui; en plein Manhattan, c'est une demeure impressionnante, de plusieurs étages, avec ascenseurs et surtout une « panic room », un dispositif de sécurité qui permet aux habitants de se mettre instantanément à l'abri de tout danger éventuel dans une chambre forte aménagée pour tenir un siège. Et le soir de leur emménagement, l'héritier du propriétaire décédé, qui croit la maison vide (Meg a décidé de brûler les étapes et de ne pas attendre avant de s'installer), vient avec deux malfrats pour trouver un magot qui serait justement caché dans la fameuse « panic room »...

L'intrusion d'un danger dans un espace fermé, avec les figures multiples d'un jeu de cache-cache mortel, c'est un cas de figure auquel Fincher est rompu: Alien3, son premier effort, n'est que ça, Ripley affrontant cette fois un alien au milieu d'une petite planète transformée en espace pénitentiaire; Seven joue aussi sur cette notion d'enfermement, en transformant San Francisco en un lieu d'enquête claustrophobe, avec confrontation au mal absolu. The game aussi voyait un homme s'enfermer dans un système déstabilisant sur lequel il n'avait aucun contrôle... Donc Panic room est la concrétisation d'un thème cher au metteur en scène, son expression la plus pure aussi. Un film sans second degré, d'une certaine manière, dans lequel il ne faut pas chercher midi à quatorze heures... Tous les acteurs sont fantastiques, Jodie Foster en tête, qui remplaçait pourtant au pied levé Nicole Kidman.

Outre Meg (amère face à son mariage foutu en l'air) et Sarah (préado un rien cynique et diabétique), les autres personnages qui comptent dans ce film sont les cambrioleurs, parfaitement définis: nommé « Junior » du début à la fin, l'héritier (Jared Leto) est sans doute le plus caricatural, un fort en gueule qui a cru amener le plan du siècle à deux autres personnes, et qui a négligé suffisamment de détails pour que l'opération tourne à la catastrophe. Il avait prévenu Burnham (Forrest Whitaker), un technicien qui a travaillé sur la maison, précisément à l'élaboration de la « panic room », et qui a de sérieux besoins financiers, sans pour autant lui dire qu'il faisait appel à un troisième homme, un chauffeur de bus nommé Raoul (Dwight Yoakam) qui passe les trois quarts du film avec une cagoule sur le visage, et qui ne rigole pas du tout: c'est un psychopathe, d'autant plus inquiétant qu'il est laconique et que son visage est caché. Le contact ne passe pas bien entre Raoul et Burnham, celui-ci ayant des principes. L'alchimie des trois personnages commence par tirer le film vers la comédie, avec des échanges savoureux, puis le danger représenté par Raoul finit par tout emporter. Bien sur le plus humain reste Burnham, qui refuse de cautionner des meurtres, et il est d'autant plus amer qu'il va constamment à l'encontre de ses principes. Une scène le voit aider Sarah qui a besoin d'une piqûre d'insuline, le rapport est étrangement facile entre eux...

Dès le départ, le générique inscrit les nom des acteurs, techniciens et participants du film à hauteur d'immeuble, dans des vues majestueuses de Manhattan, puis on assiste à l'arrivée de Meg (Jodie Foster) et Sarah (Kristen Stewart) à la maison en compagnie d'un agent immobilier afin de visiter. On ne quittera plus la maison jusqu'à la fin, tout le script de David Koepp s'organisant autour de cette fameuse soirée qui va virer au cauchemar pour la mère et la fille. Le réalisateur s'est plu à donner à ses caméras une mission: celle d'alterner en les liant les points de vue (Divergents, on l'a vu) des trois cambrioleurs, ceux des deux femmes, Meg en particulier, ceux enfin... de la maison. L'intrusion des hommes est en effet vécue de l'intérieur, sans que Meg le sache, et la caméra virevolte d'une pièce à l'autre au fur et à mesure de l'avancée des intrus. Fincher a effectué quelques clins d'oeil à ce sujet, passant d'une façade à l'autre en passant par tous les objets, allant jusqu'au fond d'une serrure où on voit une clé qui tente de faire son office, etc... Cette virtuosité se sent aussi dans la façon d'envelopper les personnages, de les cadrer au plus près, toujours au meilleur endroit pour appréhender aussi bien l'action en elle-même que les pensées des personnages. Il se place aussi en maître du temps, en ralentissant à un moment crucial l'action jusqu'à l'extrême, se faisant l'impasse au passage sur des dialogues jugés redondants ou inutiles (Le moment ou Meg, retranchée avec Sarah dans la "panic room", tente une sortie pour récupérer son portable alors que les trois hommes sont dans l'escalier à débattre). Enfin, il manifeste son contrôle absolu d'une situation où les deux camps sont bien sur un peu metteurs en scène eux-mêmes, la maison étant bien entendu dotée de nombreuses caméras et d'un circuit vidéo interne, dont les écrans sont évidemment dans la chambre forte. Le film est totalement dominé par la mise en scène de Fincher, qui savait ce qu'il voulait au point de remplacer le directeur de la hotographie Darius Khondji (Son complice de Seven) par Conrad Hall, Khondji n'ayant aucune envie de n'être qu'un participant au projet, dont Fincher refusait de laisser la moindre parcelle de responsabilité sur l'image...

Un hommage discret à Hitchcock, au moment où nous entrons dans la maison? Un homme assez corpulent, d'age moyen avec une moue boudeuse passe dans la rue alors que Meg et Sarah entrent dans la maison pour la première fois. Pas un hasard, ni un caprice, juste une façon, sans doute, d'annoncer que le jeune metteur en scène a relevé le gant. J'en suis pour ma part persuadé, et la suite de sa carrière l'a prouvé, David Fincher est l'un des plus importants metteurs en scène du cinéma actuel.

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Published by François Massarelli - dans David Fincher Jodie Foster
26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 17:50

Le Mal est au coeur de l'oeuvre de David Fincher... et bien sûr au coeur de chaque être humain; c'est d'ailleurs le sujet de bien des films, à commencer par ceux d'Hitchcock, donc on conviendra qu'il n'y a rien de nouveau, ou du moins qu'il ne devrait rien avoir de nouveau à traiter un sujet comme celui de Zodiac. Il a déjà fait l'objet d'un film, après tout: Dirty Harry ne se battait-il pas à la fois contre un tueur fou et contre la bureaucratie molle dans le film de Don Siegel de 1971? Et comme de juste, dans cette chronologie maniaque des événements, la sortie du film en 1971 est mentionnée, et rendue plus historique encore par la rencontre entre deux des protagonistes du film... Ca aurait du être un film en trop, Fincher ayant déjà tâté du serial killer avec Seven, mais non: c'est un film crucial, exemplaire, moral, et le chef d'oeuvre de David Fincher. Tout simplement.

En 1969 dans la région de San Francisco, le meurtre d'une jeune femme, accompagnée d'un petit ami qui ne sera que blessé, déclenche une enquête durant laquelle la police va s'approcher de plusieurs possibilités, sans jamais réussir à coincer le suspect, qui s'est auto-proclamé "Zodiac", et apprécie cette tribune de façon évidente. La presse, en particulier deux hommes, vont également être de la partie, tournant parfois autour des mêmes hypothèses. Le passage des années, la transformation de ce qui était une enquête en obsession, tout ce qui a trait à l'histoire connue de l'affaire du Zodiac nous est contée via la point de vue de Bob Graysmith, cartooniste au San Francisco Chronicle et auteur d'un livre à succès sur le meurtrier et l'enquête malheureuse...

Fincher était un jeune garçon en Californie au moment des faits, qui l'ont inévitablement marqué. Cela se sent en particulier dans l'impression de réalité qu'on a en voyant le film, et dans les parti-pris de réalisme du point de vue: une décision simple a été prise, celle de ne montrer que les meurtres et les tentatives que si une victime ou un témoin avait survécu. De même, on sait que Fincher est un virtuose (Les journalistes de Télérama ne manquent aucune occasion de s'en plaindre à la sortie de ses films), mais pas de délire ici: tout point de vue est justifié, chaque angle est étudié, et la caméra bouge peu. L'utilisation du fondu au noir est un autre truc de mise en scène qui prend un relief particulier: symbolisant la rupture de l'acte de mémoire, la fin de chaque scène évite un montage brusque, et la douceur des transitions surprend; certaines choses ne sont tout simplement pas nécessaires; mais un fondu au noir se prolonge durant trois minutes (Du moins dans la "director's cut"), accompagné de fragments sonores d'histoires, et nous informe d'un long passage de temps: quatre années... Au-delà donc  de la reconstitution maniaque des événements tels qu'ils ont pu être ressentis à l'époque, et de la restitution pour une fois parfaitement morale et rigoureuse d'un fait lié à des meurtres en série, le propos de Fincher est de traiter du temps qui passe, et d'incorporer l'enquête sur le Zodiac dans ce qui est une spirale de l'échec...

Rejoignant les anti-héros des autres films de Fincher qui se terminent bien mal, Bob Graysmith le cartooniste, Dave Toschi le flic lessivé et Paul Avery le journaliste sont dépassés par l'âge, par le manque d'actualité de l'affaire, par les faits parfois contradictoires. cette quête pour la vérité se heurte à des obstacles troublants, des recoupements illogiques, des suspects trop parfaits qu'un simple détail suffit parfois à écarter. Finalement, la vérité semble tenir à bien peu de choses, comme lors de cette scène finale, presqu'une coda, au cours de laquelle un survivant, 22 ans après les faits, identifie formellement un coupable, ce qui ne donnera lieu à rien puisque le suspect en question mourra peu après. Fincher choisit de finir brusquement son film, comme il souhaitait tant le faire pour Seven: une façon de boucler la boucle sur une histoire qui a bien du durer 38 ans, de Zodiac, les meurtres, en 1969, à Zodiac le film, en passant par le livre de Graysmith en 1991, et... Seven, histoire effrayante d'un meurtrier en série qui se joue de la police de San Francisco en 1995.

Mais l'essentiel de ce film n'est pas la quête de la vérité par des justiciers; encore moins l'abnégation des hommes qui cherchent la vérité; il s'agit plutôt de montrer comment le mal finit par être contagieux, à tel point qu'on a le sentiment que les hommes qui cherchent le coupable ne veulent parfois qu'un prétexte pour décrocher, le plus important étant de finir cette 'oeuvre' qui ne sera jamais achevée officiellement de toute façon. Chacun des protagonistes en vient à choisir à un moment ou à un autre entre sa vie privée et l'enquête. Paul Avery (Robert Downey Jr) se détruit à petit feu, Dave Toschi (Mark Ruffalo) perd l'estime de ses supérieurs, et Graysmith (Jake Gyllenhall)  perdra sa famille... Mais le mal continue à courir, d'ailleurs une scène de suspense située vers la fin tourne volontairement à vide, montrant à quel point tout peut arriver, y compris rien: Graysmith enquête sur un suspect, et se rend compte que l'homme affable et un brin efféminé qui est face à lui est lui aussi un coupable potentiel. La menace ne débouche sur rien, juste l'idée que finalement on n'a plus aucun repère tangible. La force de Fincher, sa morale aussi, lui permettent ainsi de finir un film sur une enquête inachevée, sans forcer la main à l'histoire. Reconstitution du temps, des années passées, du temps qui passe, de chaque lundi, mardi et de chacun des jours suivants, des moments où il a plu, des moments où il y avait du brouillard sur le Golden Gate, ce film extraordinaire est un témoin essentiel des capacités phénoménales du cinéma, voilà.

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Published by François Massarelli - dans David Fincher
7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 09:25

De même qu'un film de guerre ne parle jamais de guerre et de guerre seulement, ce film n'est en rien la biographie de Mark Zuckerberg, ou une quelconque histoire ou dénonciation de Facebook. C'est un thriller, ce qui ne nous surprendra pas si on examine la filmographie de Fincher, son talentueux réalisateur, mais un thriller par la forme d'abord: si le film commence par un "crime social" (un ado attardé se venge par internet interposé de sa copine qui l'a largué), il se poursuit en jonglant avec la chronologie de façon experte. On passe du passé et de son évocation chronologique, de l'étincelle de départ jusqu'à l'irrésistible ascension du réseau dont il est question, à un double présent en forme de constat: deux affaires de justice dans lesquelles Zuckerberg est impliqué, et dont les tenants et aboutissants nous sont exposés au fur et à mesure; on sait donc dès le départ du film qu'il y a deux actions en justice, mais on apprend plus tard pourquoi exactement, et ce qui est en jeu... Comme Zodiac, qui mélangeait la chronologie, Seven qui la reconstituait ou Benjamin Button qui reposait sur un paradoxe temporel, The social network confirme la capacité de Fincher à se jouer des contraintes de la narration temporelle, faisant mentir Howard Hawks, qui aimait tant dire qu'un flashback ne faisait qu'un mauvais film...

 

A ce jeu brillant sur le temps, il ajoute une capacité à démultiplier les points de vue et la perception des personnages qui va de la spectaculaire interprétation par le même acteur de deux jumeaux, qui ne sont pas si semblables que cela et sont constamment ensemble dans la plupart de leurs scènes, à la différence notable de perception de deux personnages: Mark Zuckerberg ne sera pas le même... Geek fragile et pitoyable dans les premières scènes, il apparaît un insupportable gosse capricieux dans certaines scènes liées aux négociations en justice, sans rien perdre de sa cohérence. Sean Parker, le wonder-boy Californien qui va aider Zuckerberg à passer à la vitesse supérieure, est au moins triple: vu comme un sympathique séducteur qui se réveille auprès d'une inconnue, il va devenir un modèle envié pour Zuckerberg et au contraire un insupportable frimeur vide pour l'associé de ce dernier, Eduardo Saverin... Au contraire, le personnage de Saverin est le seul qui ne varie jamais d'une scène à l'autre, fidèle à lui-même en toute circonstance. C'est aussi le dindon de la farce...

Comme dans Zodiac et The strange case of Benjamin Button, ses deux oeuvres les plus accomplies, Fincher met en scène l'Histoire, et sa perception. Mais il est bien un film contemporain, se jouant avec dextérité des codes et modes de fonctionnement actuels, et de fait la progression repose énormément sur le dialogue, surtout quand il est vache et rapide. Un paradoxe de plus pour un film dont on attend que sa substantifique moelle se situe sur des écrans d'ordinateur... Mais le travail des acteurs est essentiel, débouchant sur des scènes de comédie méchante et réjouissante, la palme revenant selon moi à une entrevue surréaliste entre un doyen de Harvard et deux fils à papa surs de leur supériorité.

Ce sont précisément ces luttes de classe qui structurent toute la première partie, entre les nantis et les zéros, et qui sont l'une des clés du véritable enjeu du film, à savoir le fait de parler d'un monde dans lequel tout change; les deux jumeaux de la haute bourgeoisie sont les garants d'un monde de privilèges, qui ne conçoivent parler à quelqu'un comme Zuckerberg que pour s'en servir, et qui n'apprécient en rien de se faire doubler par celui qu'ils considéraient comme un valet. Mais le monde tel que les Zuckerberg ou Gates le refaçonnent n'a que faire des clubs sélect et des règles nobles d'Harvard. Il n'est pas pour autant forcément meilleur, et le fait est que le parcours de Zuckerberg, dans ce qui est un peu sa biographie, nous démontre qu'il passe de rien (pas d'amis) à pas grand chose. A la fin, il... Mais non, voyez le film.

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Published by François Massarelli - dans David Fincher Rooney Mara