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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 16:07

Henry Spencer (John Nance) visite sa fiancée, et les parents de celle-ci. Il apprend qu'il y a un enfant, si on peut appeler ça un enfant... C'est une créature qui ressemble globalement à un lapin pelé prêt à passer à la casserole... 

J'admets que le film aussi.

Il y a un culte totalement ahurissant autour de ce film, d'ailleurs sorti initialement en France sous le titre de Labyrinth Man pour faire écho au grand succès du deuxième long métrage de Lynch, The Elephant Man... Lynch y expérimente avec la narration, adoptant un style narratif qui le rapproche du muet... Esthétiquement, il accomplit son film dans un noir et blanc impressionnant, qui ajoute autant au maaise qu'à l'impression d'étrangeté.

Maintenant...

Et le film montre aussi une anticipation de l'obsession (qui admettons-le atteint son apogée avec Twin Peaks) de mélanger invention surréaliste, horreur corporelle, et le domaine presque doucereux d'une chronique familiale... 

Le principal problème de ce film à mes yeux, c'est qu'il m'ait fallu le voir jusqu'au bout. Des fois, ça ne peut pas marcher...

 

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Criterion
30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 17:08

100 ans après les frères Lumière, on demande à David Lynch d'utiliser leur matériel dans le but de créer un film, d'une minute et en muet... L'auteur de Mulholland Dr. a donc pris le parti de faire une oeuvre qui s'inscrive parfaitement dans le ton de ses autres films, en particulier ceux qu'il a tournés juste avant et juste après le passage au siècle et au millénaire suivants...

En quelques plans disjoints, il montre une histoire qu'il sera compliquée de résumer, comme de comprendre d'ailleurs... Une histoire qui montre la police intervenir dans une famille après le meurtre d'une jeune femme...

Les images, en noir et blanc, muettes, se font à la fois l'écho des films des premiers temps, et de l'univers parfois cauchemardesque de Lynch, qui aime à faire travailler le spectateur, en dehors de toute logique...

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Published by François Massarelli - dans David Lynch
30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 16:59

C'est pendant le tournage ou la préparation de Eraserhead, son premier long métrage, que Lynch a tourné ce petit film en vidéo. On y voit Catherine Coulson (l'épouse de Jack Nance, qui était assistante sur Eraserhead, et qui est sans doute surtout connue pour avoir interprété l'un des rôles les plus bizarres de Twin peaks: Margaret, la "femme à la buche"...) dans le rôle d'une femme amputée des deux jambes, qui écrit une lettre (dont le texte nous est donné en voix off) pendant qu'un infirmier (David Lynch) s'occupe de ses moignons...

C'est un plan-séquence dont le contraste repose sur le décalage entre la tranquillité affichée de Coulson (qui fume tranquillement une cigarette pendant qu'elle écrit sa lettre), et le fait que Lynch semble s'attaquer à des plaies qui pourraient bien être de la gangrène... Le thème constant de la corruption du quotidien dans la civilisation Américaine, la grande obsession de Lynch...

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Published by François Massarelli - dans David Lynch
30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 16:51

Avec ses trente-quatre minutes, ce film largement narratif et tourné en 16 mm était une commande de l'American Film Institute... C'est le moyen métrage qui a changé la vie de Lynch, qui a pu ainsi devenir un cinéaste, tout en se faisant copieusement remarquer...

Un couple dysfonctionnel a un enfant, qui grandit dans la peur constante de se faire rabrouer (il a en particulier un mauvais traitement récurrent, à chaque fois qu'il s'oublie dans son lit, il doit mettre la tête dans son urine...). Pour avoir de la complicité avec quelqu'un, il fait pousser une grand-mère...

Etrange film, qui semble naître de l'animation à la Lynch, tout comme les personnages naissent de silhouettes en papier et de dessins torturés... Nettement plus figuratif que ne le sont les précédents films de l'auteur, ce n'en est pas moins très inconfortable! On retrouve une esthétique proche de ce qui deviendra Eraserhead, le premier long métrage de Lynch...

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Published by François Massarelli - dans David Lynch
30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 16:36

On pouvait faire confiance à David Lynch, artiste et graphiste occasionnel, pour entrer dans le monde du cinéma en faisant des films qui ne ressembleraient à aucun autres... C'est, avec ce film précis (d'ailleurs s'agit-il vraiment d'un film?), particulièrement vrai: 

C'est une boucle, qui dure environ une minute, et qui était projetée sur des sculptures torturées, de la tête de Lynch lui-même, vue par Jack Fisk. Les sculptures s'ornaient de caches, de couleurs animées, et d'organes... Le principe était de montrer ces têtes de statue devenir, en une minute, progressivement malades... Les animations étaient toutes assez franchement dégoûtantes, préfigurant l'oeuvre d'un cinéaste hanté par l'effet de la corruption de l'intérieur, qui se répand sur un extérieur anodin. 

...ce petit film de rien du tout serait donc une sorte d'anticipation sur Twin Peaks...

 

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Parapluie Table de dissection Machine à coudre
14 septembre 2024 6 14 /09 /septembre /2024 08:11

C'est à ma connaissance une première, et un cas unique: en 91 minutes, cet ensemble de scènes coupées du long métrage Fire, walk with me, réalisé par Lynch en 1992, assemblées en continuité, a été projeté en salles comme un long métrage à part entière, une fois post-produit, dûment monté et doté de musique. Et le résultat, sans bien sûr pouvoir tenir la route tout seul, est formidable: un complément parfait, non seulement au long Fire walk with me, mais surtout à la série Twin peaks...

Car cette galerie fourre-tout d'images qui auraient dû être disjointes, se présente en réalité comme un ajout fondamental à l'ensemble savoureux qu'est Twin Peaks: elle en est presque la face cachée, car tout ce qui ne pouvait être dit dans une série diffusée en prime time à la télévision Américaine, y est intégré, sans que le cadre si glorieusement suranné du soap opera qu'avait choisi Lynch pour sa série n'en souffre.

Elles contribuent à mettre en lumière ce qui est l'un des sujets fondamentaux du film en plus de la série: les horreurs cachées derrière la quiétude, la monstruosité derrière le banal. Ces abominables minutes, heures, journées vécues par des gamins qui s'ennuient, ces angoisses d'une jeune femme qui a tant à souffrir à la maison qu'elle cherche des échappatoires dans tout: sexe, drogue, comportements déviants... Puis la mort. Mais les "Missing pieces possèdent pour moi l'avantage sur le long métrage de recentrer le ton précisément autour de la loufoquerie, là où le film lui se permet de sortir de la politesse télévisuelle (plus graphique, plus violent). Ces scènes "manquantes" rééquilibrent le film, en rendant justice à la série.

Et on en arrive à une prouesse: ces scènes coupées me semblent souvent former un tout plus cohérent, plus intéressant que le film...

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Published by François Massarelli - dans David Lynch
3 mars 2021 3 03 /03 /mars /2021 08:00

A l'origine, un roman réputé inadaptable: tout de suite, on va s'en débarrasser, car ne l'ayant pas lu et n'ayant aucune envie de le lire, je ne vas évidemment pas m'y attarder! Non, ici on va parler de cinéma, de David Lynch, un peu de Alan Smithee, et ce sera déjà bien.

D'ailleurs, comment voulez-vous résumer ça? A l'époque de la sortie, des voix discordantes se sont faites entendre, qui critiquaient le côté "raccourci" du film (ce qui me fait froid dans le dos: ah parce que ce pensum était une version courte?), donc j'imagine que ce que Lynch a tenté était justement de faire un résumé de l'intrigue embrouillée. Donc, en très gros, dans un futur lointain, dans une galaxie située je ne sais où, deux familles régnant sur deux planètes différentes se disputent le contrôle d'une planète désolée sur laquelle on trouve une drogue indispensable et prisée par tous... Du chaos de cette histoire émergera un nouveau leader, Paul Atreides (Kyle McLachlan)...

Quelle salade! 

Bien, donc c'est un échec, plutôt sévère, et un film qui accumule les provocations à se faire taper dessus: un jeu volontairement ampoulé, imaginez Star Wars mis en scène par Cecil B DeMille avec Alain Cuny et Henry Daniels (l'acteur qui chevrotait "Emperor of the world" dans The great dictator, de Chaplin), et vous aurez une petite idée de la façon dont ces acteurs, pourtant tous compétents, massacrent leur rôle... Sinon Lynch (ou la production? On ne sait plus) a privilégié un mélange extrêmement volatil de décors ouvertement en toc, de CGI antédiluviens, et de truquages optiques bâclés. Qui a eu l'idée saugrenue de constamment faire ponctuer les scènes du film, souvent très bavardes, par les pensées des personnages clé, je ne sais pas non plus, mais elle n'est pas bonne! Enfin tout ça est épouvantablement laid et dénué d'humour, ou alors involontaire...

Lynch est mécontent du film, au point de refuser de l'évoquer. On le comprend, en même temps: on ne retrouve pas son style, au delà des scories volontaires (rythme, décalage) dont il aime souvent à truffer ses films. On n'a pas l'impression d'assister à un rêve éveillé, mais à une sorte de répétition cauchemardesque d'une pièce de patronage par des acteurs amateurs. Quoi qu'il en soit, le metteur en scène a accepté de signer la version sortie en salle, mais a refusé d'être associé à d'autres versions plus longues, concoctées pour la télévision, il a donc dégainé le truc que font les réalisateurs mécontents d'avoir été dépossédés d'un film: il a signé ces redites du nom mythique d'Alan Smithee. La filmographie de ce dernier serait intéressante à établir... Plus intéressante que la vision de cet infernal navet.

Ah, oui, sinon, ceci est bien Sting.

 

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Alan Smithee Science-fiction Navets
7 février 2018 3 07 /02 /février /2018 17:00

Une petite ville qu'on n'aura aucun mal à situer quelque part dans l'ouest des Etats-Unis, Lumberton, semble vivre en toute quiétude les derniers jours d'un été tranquille... Sauf que le jeune Jeffrey Beaumont (Kyle McLachlan), un étudiant très bien sous tous rapports, ramasse en partant de l'hôpital où il a visité son père très malade une oreille humaine, découpée à coups de ciseaux... Il la ramène au poste de police, où l'inspecteur Williams, un brave homme de policier, décide de mener l'enquête.

Obsédé par sa découverte, et fasciné par l'idée que ça puisse mener à du frisson inattendu, Jeffrey revient visiter l'inspecteur afin d'en savoir plus. Le policier lui fait comprendre qu'il ne peut rien partager des données de l'enquête avec lui, mais Jeffrey va trouver en Sandy (Laura Dern), la fille du policier, un atout: elle va relancer son intérêt pour l'histoire en partageant des faits avec lui, qu'elle a glané au hasard des conversations de son père qu'elle a entendues. En particulier, elle attire l'attention du jeune homme sur la mystérieuse Dorothy Vallens, chanteuse nocturne (Isabella Rossellini), sur laquelle Jeffrey va apprendre en effet beaucoup, et aller même plus loin.

Blue Velvet a tout du film noir à l'ancienne, depuis le cheminement nocturne et la notion insistante de subjectivité du point de vue, jusqu'au sordide et au baroque des situations qui se déroulent sous nos yeux... ramasser une oreille permet à Jeffrey d'épier une femme qui se déshabille, puis tomber dans ses bras, avant de la voir se faire quasiment violer par un déséquilibré. Et le très propre sur lui Kyle McLachlan de jouer l'innocence perturbée d'un jeune adulte qui ne parvient pas à choisir entre la débauche incarnée par la belle Isabella Rossellini, et la curiosité sage et enfantine de Laura Dern, qui pousse son incarnation de lycéenne jusqu'aux chaussures d'un blanc virginal, et la coiffure choucroute qui nous rappelle qu'on est en 1986.

Notons d'ailleurs un détail intéressant à nous qui avons vu Twin Peaks dont le tournage a été effectué quatre à cinq années plus tard: quand elle ne passe pas des soirées en chastes enquêtes avec Jeffrey, Sandy a un petit ami qui fait du football Américain, est blond, et s'appelle Mike. Mais de son côté, Dorothy a un autre visiteur nocturne, Frank Booth (Dennis Hopper, en roue totalement libre!), un type fou furieux, très dangereux, qui contrôle tellement mal ses émotions qu'il en a des difficultés respiratoires.

Et c'est là qu'on a un rapport intéressant qui s'établit avec la propre vie de Jeffrey. Car j'ai dit que son père était très malade: il a manifestement une maladie des poumons, donc il y a un parallèle troublant avec le personnage de Frank. Surtout que le très méchant personnage perd tout contrôle devant l'anatomie de Dorothy, avec laquelle il joue à la fois le père ("Daddy wants to fuck!") et le fils, voire le bébé ("Baby wants to fuck!"... Oui, Hopper a un vocabulaire assez clairement orienté dans le film). Il y a un complexe d'Oedipe très affirmé chez Jeffrey! Et par ailleurs le personnage de Frank, selon Jeffrey qui a élaboré cette théorie en ramassant tous les indices à sa disposition, exerce un contrôle de domination sexuelle violente sur Dorothy qui le laisse faire car Frank aurait kidnappé son mari et son fils. L'oreille, selon Jeffrey, est certainement celle du mari... 

Mais je pense surtout que cette oreille est le symbole même du passage de la vérité banale et affligeante de médiocrité satisfaite de cette petite banlieue (Qui nous est présentée au début, avec les sourires compassés de rigueur, dans une introduction dont il est difficile de ne pas déceler le caractère profondément ironique) à l'horreur baroque. Jeffrey Beaumont, dont McLachlan incarne à merveille le mélange de respectabilité et de mystère, est un de ces personnages doubles (voire triples) qui peuplent les films de Lynch, qui sont autant d'entre-deux, de mondes situés entre l'enfer et le paradis, ou entre la réalité et le rêve, lequel est toujours plus beau bien sûr. Jeffrey et Sandy, vivent quant à eux dans un rêve et la rencontre avec Dorothy est leur première expérience d'un risque concret de danger. Ce qui n'empêchera pas Sandy, confrontée à la réalité embarrassante des rapports de Jeffrey avec Dorothy... de le pardonner en un clin d'oeil.

Sauf que Lynch choisit de privilégier un happy-end, mais tellement faux qu'une fois de plus il faudrait être cinglé pour ne pas le prendre comme étant ironique: tout est beau, le bien a triomphé, le père de Jeffrey est tiré d'affaire et les tourtereaux s'apprêtent à consommer un repas bien mérité avec leurs parents réunis. Un oiseau qui les regarde de l'extérieur attire l'admiration de tous, mais au milieu des éclats de rire satisfaits de tous ces gens, on peut quand même constater que le prédateur a une proie dans son bec: un scarabée encore vivant, qui gigote mais qui doit bien savoir qu'il est cuit. D'une certaine façon, la scène peut très bien être vue de son point de vue à lui, auquel cas la notion de happy-end ne tient pas debout. D'autant que la séquence finale commence par un lent mouvement de caméra en arrière, qui s'éloigne du visage tranquille de Jeffrey. Le plan s'ouvre, bien entendu...

...Sur son oreille. Cette oreille, du reste, ne nous rappelle-t-elle pas un autre genre d'animal? Un peu plus chien, un peu plus andalou?

 

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Noir
18 janvier 2018 4 18 /01 /janvier /2018 18:18

Fred Madison (Bill Pullman), saxophoniste, vit un quotidien sans relief, on sent bien qu'il est maussade. Il est jaloux, et semble soupçonneux de la conduite de son épouse Renee (Patricia Arquette). un matin, il reçoit un message qu'il ne comprend pas: quelqu'un lui dit, via l'interphone, qu'un certain Dick Laurent est mort...

Mais il reçoit aussi des cassettes vidéo, envoyées anonymement, qui prouvent que quelqu'un s'est introduit chez eux pendant la nuit et les a filmés... Jusqu'à ce qu'une cassette contenant une scène de meurtre n'arrive à leur domicile...

...Puis Fred est arrêté pour le meurtre de son épouse, puis condamné à mort. Parallèlement, il commence à être victime de fortes migraines... Un jour il disparaît, et à sa place on trouve le petit délinquant Peter Dayton. Libéré, il est sous surveillance policière, et ne comprend rien à ce qui lui est arrivé. Mais très vite, des événements vont arriver qui vont lui faire oublier cette déconvenue: en particulier le fait que un mafieux local et producteur de porno va se prendre d'amitié pour lui, mais surtout la petite amie de ce dernier, un sosie de Renee Madison (Et actrice de porno de son état), va le séduire. Le nom du mafieux? ...Dick Laurent.

Ne cherchez pas à comprendre au sens classique du terme. L'intrigue n'a pas de logique possible, juste une série de variations, avec une structure symétrique, d'ailleurs beaucoup plus rigoureuse qu'on ne pourrait le croire au premier coup d'oeil. Et surtout, Lynch plonge dans le film noir jusqu'au cou, mais pas celui des années 40 et 50: on est plutôt dans le néo-noir, un sous-genre des années 80 dans lequel se sont illustrés aussi bien Michael Mann, que Jonathan Demme et David Fincher. Et d'ailleurs, au niveau esthétique, c'est assez refroidissant. La bande son qui entremêle un jazz ultra-libre (c'est à dire volontiers hirsute et dissonant), et David Bowie, Marilyn Manson et Rammstein, participe aussi à établir une distance ironique vis-à-vis du film. 

Pour finir, si j'aime le côté puzzle de Lost highway, aussi impossible à finir que celui de La vie mode d'emploi de Perec, je dois dire que je ne souscris pas à l'esthétique de porno chic, le côté policier cathodique du samedi soir, même si tout cet amas de clichés distillés sert sans doute à montrer une certaine vision ironique de la masculinité, celle d'hommes, jeunes ou vieux, qui finissent toujours par avancer en pleine nuit, à tombeau ouvert, sur l'autoroute qui les mène sans doute vers l'enfer.

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Noir
13 janvier 2018 6 13 /01 /janvier /2018 18:00

Si vous n'avez pas vu le film, tant pis: je ne prendrai aucune précaution pour cacher quoi que ce soit du devenir des personnages dans les nombreuses intrigues et sous-intrigues qui forment le tissu narratif de ce film (Le contraire serait impossible), qui devait au départ n'être que le point de départ d'une série, d'où la multitude de pistes...

Un metteur en scène de cinéma prépare une grosse production, mais s'agace de voir des Italiens louches s'intéresser au projet au point de vouloir lui imposer une actrice, à la Don Corleone. Il doit en plus faire face à une malchance supplémentaire: en rentrant chez lui, il retrouve sa femme au lit avec l'agent d'entretien de la piscine, qui le fout dehors... Il va lui falloir se résoudre à obéir à l'injonction du parrain de la mafia. ...Ce dernier lui fait parvenir ses instructions par un cowboy.

Une jeune femme en robe du soir qui est amenée en voiture par deux gorilles en pleine nuit à Mulholland Drive, se fait menacer par une arme, puis profite du fait que la voiture subit un accident, pour s'enfuir. Mais elle a été commotionnée. 

Un tueur reçoit la mission de nettoyer la piste qu'ont laissée les hommes qui ont essayé de supprimer une jeune actrice. Celle-ci s'est enfuie, et il lui faut la retrouver et la supprimer.

Une jeune actrice, Betty Elms, débarque du Canada pour vivre chez sa tante, qui habite une petite co-propriété très comme il faut à Hollywood. Betty a une audition de prévue, et entend bien réaliser le rôle de sa vie. Elle va réussir son audition, mais on lui fait miroiter la possibilité de travailler avec un metteur en scène très en vue.

La rencontre, pourtant, n'aura pas lieu, car elle a un problème domestique: en arrivant chez sa tante, elle y a trouvé une jeune femme inconnue, et amnésique, qui ne sait plus très bien pourquoi elle s'est réfugiée là... Betty prend celle qui a pris le surnom de Rita sous son aile et cherche avec elle à percer le secret de son identité... 

Diane Selwyn, une jeune actrice ratée, a subi humiliation sur humiliation à cause de sa petite amie Camilla Rhodes, qui vient de lui faire comprendre qu'elle la lâchait au profit de son metteur en scène, un jeune prodige qui vient de divorcer (son épouse lui ayant préféré un agent d'entretien de piscines, elle a gardé l'agent, et il a gardé la piscine), et qui vient de lui proposer non seulement un rôle en or, mais aussi le mariage. Betty décide de faire supprimer Camilla.

C'est encore un paradoxe dû à David Lynch, qui a ici non seulement imaginé beaucoup de pistes à suivre, plus ou moins connectées entre elles, mais en plus a aussi tout fait pour qu'aucune continuité ne puisse imposer sa logique aux autres. Plus: certaines de ces histoires sont en contradiction les unes avec les autres. Un exemple? Betty et Diane sont une seule et même personne.

Et pourtant, le film est extrêmement cohérent, donnant à voir essentiellement une histoire: on peut sans trop de problème voir Betty/Diane comme l'héroïne, mais sa situation est différente: Betty est la jeune femme qui arrive au pays des merveilles, et Diane est la femme qui a tout perdu, et qui en plus s'est probablement perdue entre son amour sans lendemain, et la drogue. Ainsi les deux histoires de l'une et de l'autre, qui accumulent tant de contradictions et d'incohérences quand on les confronte, deviennent-elles la version rose et la version noire. Peut-être, après tout, l'une est-elle le rêve de l'autre. C'est la piste sémantique la plus souvent retenue par les commentateurs du film.

Lynch, pour une fois, nous a mâché le travail: parmi les premières séquences du film, on verra bien sûr une série de plans qui montrent, en caméra subjective, quelqu'un se coucher... 100 minutes plus tard, un personnage lui dira d'ailleurs de se réveiller. Il y a d'autres hypothèses, aussi. Après tout dans les deux "intrigues", les jeunes femmes sont actrices, et l'autre histoire peut tout à fait servir d'illustration de leur métier. Sinon, bien sûr, l'histoire de Betty est le rêve Américain, et celle de Diane est d'un réalisme et d'une ironie particulièrement brutales... 

C'est, pour moi, le film le plus accompli de son auteur, le plus riche, et sans doute aussi celui qui laisse le mieux entrer le spectateur... Avec Twin Peaks, ce qui n'est pas un hasard: les deux sont liés par leur identité liée à la notion de série, et réussissent donc à créer un univers cohérent à partir de personnages, d'anecdotes, et d'intrigues différentes les unes des autres, qui nous accueillent, nous intriguent, et nous accrochent. C'est une belle prouesse que de l'avoir accompli en 2 heures et vingt-sept minutes. Et Lynch a particulièrement eu de la chance, avec Naomi Watts, de tomber sur une actrice qui transcende complètement le type de personnages qui hante habituellement ses films. Entre le côté girl-scout solaire de Betty et le désespoir terrifiant de Diane, l'actrice trouve une palette d'émotions, qui sont d'autant plus impressionnantes que le metteur en scène l'a constamment poussée vers l'excès (comme Laura Dern dans l'affreux Wild at heart, de sinistre mémoire, ou Isabella Rossellini dans Blue Velvet). Le "couple" qu'elle forme avec Laura Elena Harring est aussi très fédérateur, et le renversement des rôles entre elles, passe comme une lettre à la poste.

La mise en scène choisie par Lynch est sa narration habituelle, faite de classicisme démonstratif, mais le montage est ici plus serré que d'habitude, tout comme le rythme est plus rapide. C'est qu'on est en plein milieu du cinéma, aussi: Lynch nous entraîne dans une histoire de jeu, de théâtre, de faux-semblants, dans le royaume des illusions. Il connaît parfaitement le terrain, d'autant que de son propre aveu, il habite à deux encablures de Mullholland Drive. Du coup, son film se situe dans la droite continuité de Sunset Boulevard (Dont la narration, ne l'oublions pas est assurée par un mort...). Mais pas seulement.

Il y a, dans l'intrigue "pulp" de la rencontre amoureuse entre la jolie et efficace Betty et la pulpeuse "demoiselle en détresse" qu'est l'énigmatique Rita, des réminiscences de Vertigo: l'impossible enquête, les tailleurs gris de Betty la blonde, le déguisement comme échappatoire et le parfum omniprésent mais indicible de mort, sans doute...

Ca fait, quand même, un beau pedigree, non?

 

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Published by François Massarelli - dans David Lynch Criterion