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21 octobre 2021 4 21 /10 /octobre /2021 10:42

Sam (Andrew Garfield) est un angeleno, un habitant de Los Angeles donc, sans emploi, et manifestement sans perspectives non plus, si ce n'est celle d'une expulsion imminente: il n'a pas d'argent, donc pas de quoi payer son loyer... Entre deux non-activités (prendre des jumelles pour reluquer les voisines peu avares de montrer leurs charmes, ou même ne pas prendre les jumelles pour les regarder de façon plus directe), il fait la connaissance de Sarah (Riley Keough), une jolie voisine qui lui plaît immédiatement, et qui vit en co-location avec deux copines. Le courant passe bien entre Sam et Sarah, qui se promettent de se voir le lendemain...

Mais le lendemain, la jeune femme a disparu, l'appartement est vide, et les infos seront sans appel: le corps calciné d'une  jeune femme qui pourrait bien être Sarah a été retrouvé sur les lieux d'un accident médiatique: un richissime producteur-industriel-homme de médias a été retrouvé et identifié, après l'enlèvement du personnage. Sam, persuadé d'avoir à faire à un complot de grande ampleur, mène l'enquête...

Une enquête, donc, ô combien foutraque, dans un film où on parle souvent des mouffettes, ce petit animal si mal-aimé, ou encore du réservoir d'eau situé à deux encablures de l'appartement de Sam, le si poétiquement nommé Silver Lake... Un film également hanté par le souvenir du cinéma (Vous vous rappelez, cet art de l'image...): on est à Hollywood, et tout un chacun aime le cinéma, dont Sam: il possède des affiches de films, et pas du Fast and furious, hein, du vrai film; il regarde constamment des films, et il va jusqu'à en rêver: il réinvente Sarah en Marilyn nue dans une piscine comme dans le film inachevé Something's got to give; quand il s'endort après une nuit de débauche, c'est sur la tombe de la grande* Janet Gaynor, dont il va d'ailleurs regarder sur recommandation de sa maman le merveilleux Seventh Heaven réalisé par l'immense Frank Borzage; et toutes ses fréquentations sont justement en lien avec le cinéma, aspirantes actrices ou actrices has-been ("j'ai été actrice entre l'âge de trois et cinq mois", lui dit une d'elles)... Enfin, la comédie est habillée en permanence d'une bande-son qui la rapproche d'un Hitchcock des années 50, à la Bernard Herrmann... Et tant que j'y pense, l'atmosphère  du film est très proche de celle de Vertigo!

Et si cette enquête semble ne pas tenir compte, ni de la logique, ni de la frontière entre rêve et réalité, ni du contexte, celui dans lequel un tueur sadique de chiens rôde, on peut toujours se demander comme le fait un personnage à un moment, pourquoi Sam, qui décidément est bizarre (il n'a pas un sou mais il a deux Gibson chez lui, et pas de la gnognotte, par exemple) se promène toujours avec des biscuits pour chiens sur lui... De là à penser (c'est mon cas) que c'est LUI le tueur de chiens, il n'y a qu'un pas. Mais le film, ayant l'étrange bon goût de ne proposer aucune solution réellement satisfaisante pour les 94 mystères qu'il soulève, et gardant probablement des clés pour les 17 prochains visionnages, décidément bien sympathique... Par ailleurs, l'une des clés réside peut-être dans la notion de deuil: celui qu'on fait d'une relation, pas celui qui cherche à accepter la mort d'un être cher. Car ce jeune homme qui n'avance pas a des casseroles dans son passé...

Non qu'il soit très achevé, ni novateur: les femmes, ici, sont quand même bien crédules, soit condamnées à devenir de la chair à canon pour producteurs, soit prostituées, soit éternelles starlettes qui ne perceront jamais, comme Riki Lindhome, qui quand elle est habillée, porte des vêtements pour des rôles de figuration, mais des vêtements qui donnent sérieusement l'impression qu'elle a du tourner dans un porno... Voici un film donc qui nous en dit probablement plus sur son auteur que sur les gens en général! Un film qui sera sans doute aussi facile à placer dans une conversation entre cinéphiles aguerris, qu'une mention de la pochette de l'album Houses of the Holy, de Led Zeppelin, dans un congrès de pédiatres.

*Hum!

 

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Published by François Massarelli - dans David Robert Mitchell Comédie
9 septembre 2021 4 09 /09 /septembre /2021 17:57

Detroit... Jay (Maika Monroe) a un amoureux, Hugh, et elle a un rendez-vous avec lui. Sur les bords du Lac Michigan, ils prennent la décision d'aller, comme on dit, jusqu'au bout... Mais après les ébats Hugh la drogue et la ligote, puis lui explique la situation: il était "infecté" par une malédiction, et en ayant un rapport avec elle, il la lui a refilé. Elle devra maintenant fuir, car "ça" peut venir à n'importe quel moment, sous la forme d'un être humain, pas forcément en très bonne santé; si "ça" la rattrape, elle va mourir, et lui ensuite. Le seul moyen d'enrayer le destin est de passer à son tour la malédiction à quelqu'un d'autre, et d'éloigner au maximum les chances de mourir... Commence alors une course contre la montre, car Jay se rend bien vite compte que la menace est bien réelle...

Nous aussi: nous sommes prévenus par un prologue d'une rigueur et d'une efficacité maximale, dans un film qui est une authentique réussite, dans un genre qui n'en connaît pas beaucoup, et qui n'en a d'ailleurs pas connu tant que ça dans l'histoire du cinéma. Evacuons tout de suite une rumeur persistante: le film n'est pas une métaphore sur les MST, ou le SIDA... Il s'agit plutôt d'une histoire de terreur à l'ancienne, qui permet au réalisateur de jongler avec la riche thématique du genre, et d'explorer le comportement d'adolescents et de jeunes adultes d'un quartier en déconfiture de la ville de Detroit.

L'idée est venue à Mitchell après un cauchemar, qu'il a essayé d'utiliser dans un script dès 2011. Le fait de construire une idée comme celle d'un être humanoïde qui peut prendre n'importe quelle forme, avec comme "mission" de vous détruire, située dans le décor d'une banlieue en pleine décrépitude comme celles qu'on peut voir dans le film, et l'abondance de décors pertinents (dont des piscines et une petite plage tranquille au bord du lac Michigan) débouchent sur un suspense maximal. Bien sûr, les effets sont plus que ménagés, et l'interprétation est intelligente: pas d'excès d'émotion, et pas un gramme d'ironie facile au dépens des personnages ici.

Et bien sûr, le dernier mot sera pour la mise en scène. En combinant ses influences (Hitchcock, De Palma, Tourneur, Cronenberg...) Mitchell se situe du très bon côté du film d'angoisse, qu'il met en scène face à une authentique humanité, celle d'une adolescente victime d'un destin bizarre, et dont l'éveil à la sexualité est perturbée par le fait qu'elle devienne une question littérale de vie ou de mort. Le champ est utilisé à merveille, ce qui fait qu'au bout d'une demi-heure il devient impossible pour le spectateur de ne pas scruter les plans pour y trouver "la chose", en train de venir droit vers nous! une scène finale dans une piscine prend son inspiration dans une scène de Cat people de Tourneur: Jay, dans l'eau, est la seule à voir son assaillant. La scène est vue selon le point de vue des amis qui l'accompagnent et qui vont être témoins de phénomènes qu'ils vont devoir comprendre et reconstituer à partir d'indices épars: bruits, objets qui volent dans l'eau, et le doigt pointé de l'héroïne vers la direction de son tourmenteur invisible... 

Car Mitchell est un cinéphile, et ça se voit. A la façon de Joe Dante, il a truffé son film d'écrans, et par exemple, les amis de Jay aiment se retrouver autour d'un bon vieux film de SF des années 50 à la télévision. Jay elle même a une petite piscine, où elle passe du temps... Mais elle pose un récepteur de télévision qui diffuse des films pendant sa trempette! Et le premier rendez-vous avec Hugh est situé dans un cinéma qui diffuse Charade de Stanley Donen:  comme Audrey Hepburn face à Cary Grant, Jay aurait du se méfier de ce "Hugh" dont on apprendra plus tard que son vrai nom est Jeff, et ses intentions peu orthodoxes. Mais de fait, dans It follows, les deux protagonistes sortiront du cinéma avant la séance...

Grande réussite, et d'ailleurs on a envie d'y retourner!

 

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Published by François Massarelli - dans David Robert Mitchell Boo!!