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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 18:37

Structuré en trois actes, ce petit film à suspense n’est petit que par la taille : 17 minutes. Sinon, il a tout du classique. Il concerne les aventures d’une jeune fille (Blanche Sweet), dont le père est télégraphiste dans une gare et le fiancé conduit une locomotive. Elle remplace son père, on lui confie la paie des ouvriers de la mine proche, et des vagabonds l’attaquent… un scénario classique pour Griffith, qui lui permet de développer le suspense et de montrer une jeune femme soutenir un siège contre des bandits sans scrupules.

Les trois actes sont une des surprises de ce film ; la structure est très adroite, avec des passages inattendus compte tenu du peu de temps dont le film dispose : la première partie prend le temps d’exposer la relation antre l’héroïne, l’apparemment fragile Blanche Sweet, et son cheminot de fiancé. Lors de leur rencontre, tous deux se rapprochent de la caméra, et Bitzer capte dans ses moindres détails l’expression de la jeune femme, et la délicatesse du jeu de l’actrice est impressionnante : on sait quelles simagrées il demandera à Mae Marsh de jouer dans Intolerance pour lui demander d’interpréter la jeunesse. Le lyrisme de Griffith s’exprime ici dans les choix de décors pour l’idylle : la campagne et la nature, bien sur, avec un passage à l’ombre d’un arbre dont les feuilles viennent cacher partiellement le visage de la jeune femme. A la fin de la première partie, le fiancé part en locomotive, et le père demande à sa fille de le remplacer, ce qu’elle fait illico.

La deuxième partie est une deuxième exposition, quasi documentaire : la paye des ouvriers arrive et doit être acheminée jusqu'à la gare de l’histoire. C’est bien sur le fiancé qui amène le colis, et lorsqu'il décharge la paie du train, elle l’aide. A l’arrière-plan, on aperçoit les vagabonds qui sortent discrètement de sous le train, et vont se cacher derrière la gare. La dernière partie, celle du drame, peut se jouer, et le train part, laissant la frêle jeune femme seule avec les bandits, l’argent et son destin…

Il est inutile de résumer la dernière partie qui coule de source, si ce n’est en disant qu’il y a du montage parallèle (plutôt que le téléphone, c’est bien sur le télégraphe qui sert de lien entre les différents protagonistes), que les bandits utilisent un bélier improvisé (un banc) pour enfoncer la porte, que Blanche Sweet a de la ressource, et que bien sur c’est très excitant.

Ce court métrage est une réussite totale, qui mérite bien sa réputation, et qui fera l’année suivante l‘objet d’un excellent remake par Griffith lui-même, The girl and her trust. Un film, en tout cas, qui confirme que si Griffith aura parfois tendance à stéréotyper ses personnages féminins, il savait aussi leur confier des rôles particulièrement actifs, sans tomber dans la caricature. Qu’il me soit permis ici de révéler la conclusion, après le dénouement : les bandits, encadrés par les forces de l’ordre, s’inclinent avec panache devant la jeune femme, qui rit de bon cœur. Blanche Sweet joue ici un personnage précurseur des grandes héroïnes de serial…

 

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 22:33

Ce film tourné en décembre 1911 au studio dans le New Jersey et à New York, est pour sa part une comédie charmante, bien loin des grotesqueries produites par Mack Sennett, déjà à la Biograph à cette époque. Il nous montre une facette délicate et socialement attentive de la comédie, dans laquelle l’observation attendrie des petites gens joue un grand rôle, et dans laquelle l’intrusion du drame peut jouer un rôle déterminant. D'une certaine façon, il s’agit d’un précurseur de tout un pân du cinéma Américain, qui serait assez bien représenté par Raoul Walsh (The strawberry blonde, par exemple).

Le film bénéficie en outre d’une belle interprétation, de décors savamment utilisés (Uniquement des intérieurs, dont la maîtrise renvoie à The miser’s heart, un film avec lequel The sunbeam a de nombreux points communs: il nous conte comment dans une petite maison une petite fille va devenir le trait d’union entre deux personnages d’âge mur, un homme sévère et une dame acariâtre, qui sont tous deux voisins de palier. L’essentiel de la comédie est fourni par un groupe d’enfants farceurs, qui réussissent à immobiliser la femme chez l’homme, avec la petite fille, en installant un placard sur la porte, prévenant que les deux adultes sont atteints d’une fièvre contagieuse. Le final permet au drame de reprendre ses droits, puisque les deux adultes, en voulant raccompagner la petite, découvrent le corps de sa mère sans vie: ils vont se marier et l’adopter…

En dépit de cette fin dramatique, même si pleine d'espoir, ce court métrage est une très belle et très réussie incursion de Griffith dans la comédie.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Comédie
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 22:29

For his son (Tourné au studio dans le New Jersey), est un mélodrame assez inclassable, probablement impensable aujourd'hui, tant la naïveté de propos semble dépassée. Elle l’était déjà en 1920… Un médecin dont le fils oisif réclame constamment de l’argent invente une boisson à base de cocaïne, qui lui rapporte tant qu’il peut donner à son fils une somme considérable. Celui-ci dépense bientôt tout cet argent… en « Dopokoke », la boisson fatale qui va bien sur le rendre vite accro à la cocaïne. Devenu une épave, il meurt, montrant à son père que son inconséquence peut avoir des répercussions dramatiques sur la vie d’autrui.

Pour un film qui s’aventure sur le terrain mal connu à l’époque de la drogue, ce film est raté, même s’il se laisse regarder plaisamment. Le ton moralisateur ne résiste pas à l’analyse: pourquoi nous présenter des drogués comme des « victimes » (Un intertitre utilise bravement le mot) pour nous présenter le héros qui se vante de son affliction en montrant une seringue à sa fiancée ? La cible éventuelle, Coca-Cola, dont la composition légendairement secrète provoquait à ses débuts les spéculations les plus délirantes. On a oublié ce film de Griffith, mais Coca-Cola est toujours là…

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 22:19

The girl and her trust est sorti en Janvier 1911, et c'est un remake de The Lonedale operator (1911), qui racontait comment une jeune femme attaquée par des vagabonds défendait la paie du chemin de fer qui lui avait été confiée. Le film était bien sur un prétexte à de l'action, du montage parallèle, et un beau portrait de femme (Blanche Sweet)...

Tourné en Californie, ce nouveau film bénéficie du service rendu à Griffith par une ligne de chemin de fer de Santa Fe qui laissait le metteur en scène utiliser ses installations pour se faire de la publicité. La justification de refaire le film tient principalement dans l’expansion du drame; là ou le film initial prenait son temps pour exposer les personnages, ici l’action part bille en tête, et les mésaventures de l’héroïne (Dorothy Bernard) avec les vagabonds s’étendent tant en termes de métrage (10 minutes environ) qu’au niveau géographique: une fois qu’ils ont saisi le magot, les vagabonds s’enfuient, et la jeune télégraphiste (C’est son métier ici, contrairement au film précédent) les poursuit et se retrouve prise en otage sur un chariot. Le final est une poursuite bien excitante.

Le principal intérêt du film réside sans doute dans le tempérament aventureux du metteur en scène qui cherche à étendre son champ d’action en profitant des circonstances: le chemin de fer lui permet ici des plans de toute beauté, suivant une locomotive dans sa course folle depuis une voiture ; le chemin de fer ne va pas tarder à devenir le moyen de locomotion numéro un des héros cinématographiques de tout poil… Une curiosité pour finir : le moyen utilisé par l’héroïne pour gagner du temps fonctionne réellement: enfermée dans son bureau, à la merci des bandits, elle a des munitions mais pas d’arme. Elle pose une balle dans la serrure, la frappe avec un burin, provoque une détonation qui fait croire à ses agresseurs qu’elle est armée. Est-ce bien raisonnable ? Autre avantage, le final du film est léger: après avoir résisté aux avances de wilfred Lucas, Dorothy se laisse aller à un petit flirt sur une locomotive...

 

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 22:05

Griffith avait parfois la main lourde, y compris dans ses longs métrages les plus flamboyants. Je ne parle pas ici du plus grand motif de fâcherie et de The birth of a nation, mais bien de sa fibre "sociale", et de ses films dans la lignée de ce que je continue à considérer comme son chef d'oeuvre, Intolerance. Il voulait parfois parler des problèmes sociaux parce qu'il avait à coeur de passer un message... Et parfois parce qu'il voulait être un réformateur. Ce qui ne l'empêchait pas d'attaquer ces derniers dans un film comme The reformers en 1912!  Avec ce petit film, il réussit néanmoins à passer un message clair, tout en touchant le public d'une façon très émouvante: il conte l'histoire d'un couple, un vieux charpentier (W. Christie Miller) et son épouse (Claire McDowell). Celle-ci est malade, et le vieil ouvrier ne trouve pas de travail. Il va devoir se résoudre à tomber dans le crime, et le film devient une tragédie...

Griffith, qui pratiquera tant de fois le sauvetage de dernière minute, change ici d'optique afin de coller à la spécificité de la situation... Faut-il vous faire un dessin? Par ailleurs, ce film poursuit la tendance du metteur en scène d'expérimenter avec des figurants au premier plan (Il le faisait beaucoup dans The unchanging sea), qui n'ont pas d'autre fonction que de réagir, voire d'être là pour donner de la vie. Dans ce film durant une scène de tribunal, c'est Donald Crisp qui s'en charge...

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 19:27

En 1910, Mary Pickford est très présente dans les films de l’époque, et Griffith s’était aperçu qu’il pouvait largement se reposer sur elle. Mais c'est aussi l'époque d'une innovation de taille: certains films sont en effet tournés lors d’un voyage en Californie, ou le climat, la luminosité, et le folklore local vont inspirer le metteur en scène. Les deux premiers exemples ainsi tournés en de plus radieux endroits seront The unchanging sea (Tourné en mars) et Ramona (tourné en avril). Le premier fait partie d’une série de films adaptés de poèmes (After many years, 1908, sur un thème très similaire, et qui sera à nouveau adapté dans un film qui portera le nom du poème, Enoch Arden; ou encore Pippa Passes, 1909, en sont deux exemples), et est remarquable par l’austérité de son histoire, réduite à l’essentiel : un pécheur, jeune marié, disparaît lors d’un naufrage. Secouru ailleurs, il est amnésique, et ne peut revenir chez lui. Son épouse devenue mère reste 20 ans à l’attendre, jusqu'au jour ou l’homme revenu par hasard voit tous ses souvenirs lui revenir.

Picturalement, le film est dominé par une image: celle de l’épouse, de dos, contemplant la mer reléguée au fond de l’écran. Cette même composition est utilisée de toutes sortes de façons : lors du départ initial de son mari, elle est, parmi d’autres femmes à l’avant-plan, un élément du décor pendant que l’action se joue dans la barque à l’arrière-plan, qui va bientôt chavirer, loin des regards. Par un léger recadrage, la caméra se déplace vers la gauche afin de ne plus cadrer que l’épouse parmi ceux qui reste, nous permet de comprendre que désormais, c’est son point de vue (L’épouse qui reste tandis que l’homme est en mer) qui prime. Les plans du naufrage sont d’une grande efficacité, Bitzer ayant planté son trépied dans l’eau, et captant trois corps rejetés par les vagues; L’un d’entre eux est le mari, désormais amnésique. Les acteurs sont moyens, un peu trop grandiloquents, mais les plans sont composés de façon innovante, avec beaucoup de figuration à l’avant-plan, et un effet d’autant plus réaliste. Ici Pickford joue la fille du couple (Linda Arvidson et Arhur Johnson, deux acteurs récurrents depuis 1908), et a peu à faire, sinon être jolie et rougir lorsqu'un beau jeune homme la regarde avec insistance...

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Mary Pickford
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 16:31

La série des courts métrages consacrés à la guerre de Sécession, nommée simplement « Civil war» aux Etats-Unis dans la mesure où ils n’en connurent qu’une, est inaugurée en septembre 1909 avec In old Kentucky, un film au scénario hautement symbolique : Selon la filmographie établie par Patrick Brion, « La déclaration de la guerre civile déchire une famille dont les deux fils finiront pourtant par se réconcilier, après avoir combattu dans des camps opposés. » Le choix du Kentucky était dramatiquement important, puisqu’il s’agissait durant la guerre civile d’un état neutre, un état du sud ayant choisi de ne pas faire sécession par prudence, mais dont de nombreux habitants prendront la décision de rallier l’un ou l’autre des deux camps. Le choix permettait à Griffith de conter une histoire qui renvoie à l’âme Américaine avant tout, mais avait une résonnance familiale aussi, puisque le metteur en scène était natif du Kentucky, d’une famille dont le coeur, c’est bien connu, penchait franchement du coté de la confédération, son père, Jacob ayant combattu aux cotés du Général Lee. Pourtant, si les films sont nombreux à revenir à cette guerre, il me semble que c’est moins par le coté personnel que par le coté dramatique que Griffith s’est attaché à revenir souvent à la guerre. Après tout, pour Griffith, c’était un terrain rêvé : les histoires de l’ouest Américain et des Indiens l’intéressaient, mais n’avaient pas ce coté fédérateur et historique qu’il recherchait, dans la mesure où il ne les datait jamais, à plus forte raison s’il devait en critiquer les protagonistes blancs : on peut considérer qu’ils étaient à la fois contemporains et historiques. Les sujets bibliques ou renaissance l’intéressaient pour pouvoir faire concurrence aux Européens, mais ils sont bien médiocres, et académiques aujourd’hui ; non, le sujet de la guerre civile était cet élément dramatiquement rassembleur dont Griffith avait besoin pour emporter l’adhésion du public, et comme il tournait des œuvres distribuées sur tout le territoire, il pouvait privilégier les deux cotés alternativement, afin de ne pas s’aliéner le public de la Biograph. Au moment de voir ces petits films aujourd’hui, il faut se rappeler que dans de nombreuses familles, on avait des anecdotes de la guerre civile, cocasses, patriotiques, authentiques ou romancées, vécues ou rapportées par un tiers. Ce sont toutes ces anecdotes qui vont former le matériau de base de ces courts métrages, qui une fois rassemblées représentent une assez bonne vue d’ensemble de l’héritage de la Guerre de sécession, finie 45 ans plus tôt, en ce début du 20e siècle. 

L’année 1910 est d’autant plus riche en films consacrés à la guerre civile que le public suit. La plupart des films permettent à Griffith, en jouant sur les cordes universellement sensibles de l’honneur, de la lâcheté, de la perte d’un membre de la famille, d’éviter de prendre ouvertement parti pour un camp ou pour l’autre. Tous ces films reposent sur le savoir-faire désormais solide de Griffith, de ses acteurs et de Billy Bitzer, et utilisent à merveille les ressources des décors naturels du New Jersey, en particuliers les collines qui permettent systématiquement à Griffith de donner du relief à ses compositions. La guerre y est présentée comme une fatalité, un déchirement, et on le voit, les thèmes et les tendances qui seront à la base des ressorts dramatiques de Birth of a nation sont déjà là, sauf le racisme, sinon dans la représentation occasionnellement paternaliste des esclaves. 

Aucun risque avec ce premier exemple: il est fermement situé du côté nordiste! Il est d’une richesse incroyable pour un court métrage d’une bobine, qui bat le rappel d’un grand nombre de thèmes chers à l’auteur, tout en utilisant à merveille les ressources de l’évocation folklorique de la guerre civile ; toutefois, il ne s’agit pas d’une leçon d’histoire: dans un état du sud de l’Union, un jeune père quitte sa famille pour partir à la guerre, avec son régiment Nordiste. Une fois le père parti, les filles reçoivent la visite d’un soldat sudiste en fuite, qui leur demande asile; la plus petite le cache et ce faisant le sauve. Plus tard, au moment de tuer ou d’arrêter le père de la petite, le soldat sudiste se rappelle son geste, et fait autant pour le Nordiste. Le message du film est clair: c’est la même nation; le fait que ce soit une jeune fille qui prenne la décision importante permet de faire le lien entre la jeune génération et le refus de la guerre ; symboliquement, la jeune fille anticipe sur la période d’après-guerre. Le film regorge de moments Griffithiens, du départ à la guerre vécu par une famille rassemblée dans un plan à la composition très étudiée, au siège de la maison dans laquelle le père s’est réfugié avec sa fille. La famille, une fois de plus, est au cœur du film, ici symbolique de l’unité de la nation fragilisée par la sécession. Le point de vue est partagé entre le nord et le sud, la petite fille se plaçant au-dessus du clivage… Elle est aussi garante de certains codes moraux, même si le foyer dans lequel elle habite fait l'objet de plusieurs intrusions, sur un mode déjà abondamment pratiqué par le metteur en scène, et qui allait continuer à se développer. 

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 10:13

L’un de nombreux films visant à s’intéresser à l’univers des Indiens, ou des Américains Natifs comme on est supposé dire aujourd’hui, ce qui peut étonner sans doute tant l’image de Griffith aujourd’hui est attachée solidement à son racisme. Pourtant, rien qu’en 1909, il sort The mended Lute, The Indian runner’s romance, Comata the Sioux, et ce Redman’s view; la plupart d’entre eux ont été tournés à l’été 1909, et Griffith a profité du beau temps de la nouvelle Angleterre, mais ce film est différent, la nature y est moins festive, plus menaçante.

 Il nous conte l’histoire d’un exode, d’une tribu indienne chassée par un parti de colons grossiers et supérieurs en nombre. A cette tragédie, qui n’aura pas de résolution, Griffith ajoute le drame intime de l’un des guerriers, qui voit partir sa bien aimée, gardée par les blancs afin de servir de domestique, et sans doute plus si affinités. Après avoir laissé faire, poussé par ses pairs qui étaient conscients de l’impossibilité de la lutte face à l’homme blanc, le jeune homme est revenu et a plaidé sa cause. Grâce à la magnanimité d’un des blancs, la jeune femme lui est revenue, à temps pour se recueillir sur la dépouille mortelle de son père, le vieux chef mort durant l’exode.


L’ouverture du film est sans ambiguïté: l’histoire sera celle des Indiens, et dans un premier temps, seule l’image a droit de cité ; le premier plan nous montre un campement indien, efficacement juché en haut d’une colline, ce qui donne au relief une présence dramatique, tout en étant faux historiquement : ces Indiens auraient installé leur campement dans une vallée. Mais l’utilisation du relief accidenté est l’une des constances de ce film, tout comme celle de la nature : le seul plan de sous-bois Idyllique est le deuxième, il nous conte le flirt de l’héroïne avec le jeune guerrier, au bord d’une source ; une félicité vite démentie par la suite de l’histoire. Le premier intertitre annonce l’arrivée des Blancs, les « Conquérants » nous dit-on; en faits, ils apparaissent, de plus en plus nombreux, à la faveur d’une crête, et très vite ils emplissent l’écran, et pour ne rien arranger ils ont des sales têtes. Bref, des méchants. Lors des pourparlers, bien rapides comme d’habitude, Griffith oppose sciemment la dignité des Indiens à la grossièreté affichée des blancs, dans des plans un peu fouillis : il va falloir du temps avant de bien gérer les plans de foule : ceux-ci sont mal fichus et mal joués. Lors de l’exode, une nouvelle preuve de parti-pris affiché est à glaner dans un intertitre: « La mer devant nous », nous dit Griffith: il a choisi son camp, une bonne fois pour toutes. Les plans concernant la séparation des deux héros sont différents des autres : la ou les plans de foule insistent sur la dignité et la lenteur des Indiens face au malheur, l’action se précipite dès lors qu’on suit l’Indienne tentant de s’échapper, ou son galant tentant de la faire s’évader. Le bon vieux dispositif Griffithien qui consiste à mettre en parallèle un drame intime et une tragédie est déjà en place, pour longtemps (Voir Birth of a nationIntolerance, Orphans of the Storm, America…). Mais au final du film, on ne s’y trompe pas, le propos du film est d’apporter un éclairage sur les populations Indiennes, en les présentant non comme des sauvages, mais comme une civilisation : on nous gratifie d’une cérémonie funéraire en bonne et due forme. Le plan final fait se rejoindre la tragédie et le drame pour l’instant évité : le jeune couple se recueille, de dos, devant la dépouille mortelle, celle du vieux chef, mais aussi celle des Indiens en général.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 10:10

Connu, et même reconnu, ce court métrage est l’un des chefs d’œuvre de Griffith, l’une de ses grandes adaptations (de Frank Norris, d’après son roman The Pit), et un film-pamphlet à la forme intrigante. Dès le départ, sans intertitre polluant, les premières images suggèrent avec efficacité le désespoir et la tragédie des pauvres agriculteurs, dont le jeu lent et expressif, aidé par la tristesse du champ nu et immense qu’ils ont à charge, suggère toute la misère du monde. En contrepoint, il nous montre soudain la richesse d’un grand spéculateur, présenté comme le « roi du blé ». Celui-ci, qui après tout est lié aux gens qu’on nous a dépeint jusqu’ici, a droit à son propre intertitre : The Wheat King, ce qui a un effet disruptif : tout ne va pas de soi, les deux mondes sont donc séparés ; le montage devient ici commentaire social. Le reste du film nous montre les efforts des spéculateurs pour s’enrichir, et les effets sur les petites gens, le prix du pain qui flambe, la révolte de la population et la répression par la police avec la complicité des commerçants. Le film culmine lorsque le « Roi du blé » tombe dans une minoterie, et meurt asphyxié, à la Zola. La ou la fin aurait permis une certaine satisfaction du spectateur, Griffith nous montre les amis du spéculateur qui récupèrent sa dépouille, pleurent, et à la fin du film les agriculteurs du début, qui sèment. Le plan est ambigu. D'une part la vie continue, ils ont toujours du travail. D'autre part, le système n’a pas changé.


On le voit, il ne s’agit pas ici de se faire l’apôtre de la révolution, ce qui serait beaucoup demander au victorien Griffith. Le propos est surtout de faire part d’une réelle indignation, sans pour autant totalement remettre en cause les fondements du système. Le film est sincère, plastiquement plutôt beau, et souvent intrigant, notamment ce célèbre plan fixe (Non pas une photo, mais bien un plan « tableau vivant » durant lequel les acteurs sont priés de ne pas bouger, afin de jouer la peine des pauvres gens face à la montée des prix): Griffith expérimente!


En attendant, en quelques mois, Griffith n’a pas changé: c’est bien le même homme qui fustige la révolte ici et tape sur la bonne société là, qui enfile les bottes de père fouettard d’un coté pour jouer la main tendue de l’autre. De la même manière, il multipliera les contradictions toute sa carrière durant.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith
24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 10:06

Après Sennett, voici une apparition de Henry B. Walthall, alors jeune premier, 6 ans avant Birth of a nation. The sealed room est une incursion de Griffith dans la tragédie en costumes, ici Renaissance. C'est généralement le signe d'un ralentissement de l'action et d'un jeu relativement digne, car on n'est pas loin du théâtre "légitime", dans un souci d'élever les masses et de fournir un traitement "à l'européenne", surtout à la Française, ou à l'Italienne. Mais le film se conclut par une anecdote tout droit sortie de Poe: un roi offre une pièce de son château, privée de fenêtres, à sa bien aimée, dans laquelle il l’emmure avec son amant pendant qu’ils batifolent. Ils meurent asphyxiés.

Au-delà du ridicule, on peut noter dans ce film très moyen le désir de Griffith, une fois de plus, de rendre l’action lisible: les trois protagonistes se détachent efficacement du lot durant les premières scènes, malgré la présence d’une foule autour du roi. Le metteur en scène compose l’image autour des trois acteurs et de leurs regards, celui enamouré du roi pour sa femme, celui, plein de promesses friponnes, de Walthall pour l’épouse, celui enfin de l’épouse qui se prépare à tromper son mari tout en trompant son monde… Le final est annoncé par une embryon de montage parallèle, qui voit les amants se retrouver dans la pièce pendant que le roi les observe, puis prend la décision de murer la pièce, et enfin reste à coté du mur pour écouter et s’assurer de la mort des deux tourtereaux. Durant ce passage, le point de vue est totalement partagé, Griffith ne choisissant pas entre la vision du mari (Vengeance odieuse mais légitime), ou le destin tragique des deux amants, qu’en romantique invétéré il ne peut que plaindre ? Mais le mari, resté seul en lice, conclut le film, et on peut avoir le sentiment que son point de vue l’emporte, auquel cas on est, décidément, chez Edgar Allan Poe. On peut également voir un intéressant traitement de la cellule familiale chez Griffith: combien de foyers assiégés, d'épouses et de filles séquestrées à venir dans ses films? On progresse…

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith