Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 18:05

Tourné en octobre 1912 sur un scénario qui n’a une fois de plus pas peur d’entremêler savamment les histoires et les personnages, The musketeers of Pig Alley est un grand film... Un jeune couple, un musicien (Walter Miller) et sa femme (Lillian Gish), vivent dans des conditions précaires à Manhattan, dans un immeuble fréquenté par une bande de malfrats dirigés par Elmer Booth et Harry Carey. Le musicien s’en va pour faire fortune, et lorsqu’il revient, il est agressé et volé. Il part à la recherche de la bourse d’argent qu’on lui a subtilisée, et pendant ce temps, son épouse un peu frivole va se laisser plus ou moins draguer par un malfrat d’une bande rivale (Alfred Paget). C’est le gangster joué par Booth qui va sortir la jeune femme des griffes du dragueur, et cet événement va entraîner une guerre des gangs, dont Booth et ses amis vont sortir vainqueurs. A la fin, le musicien profite de la confusion pour reprendre son argent, et le jeune couple fournit un alibi au gangster.

Bien que l’histoire soit accomplie, que tout soit en place et que dans l’ensemble tout soit rentré dans l’ordre (le gangster a procédé à un massacre, mais il a un code: il aurait pu tenter de séduire la femme du musicien, mais ne l’a pas fait, même s’il désapprouve du choix douteux qu’elle a fait. C'est un homme qui possède une morale!), le dernier plan est fascinant, et riche en mystère et en confusion: alors que le policier qui voulait l’arrêter laisse Booth seul dans la cage d’escalier de l’immeuble, une main apparaît à droite, avec des billets de banque. Quelqu’un confie donc cet argent avec pour mission (la main esquisse un geste très clair en ce sens) de le donner ensuite au policier. Le fondu final laisse le spectateur sur ce mystère. Une manière de déplacer le point de vue sur ce qui reste un film vaguement immoral (les héros se comportent tous en dehors de la loi) vers un faux commentaire vaguement critique? une façon d'ouvrir sur la vraisemblance d’une histoire dans laquelle on peut voir l’influence d’une mafia? Un commentaire critique, voire franchement satirique sur la corruption de la police New Yorkaise?

Le manque de solution est finalement la meilleure façon de laisser le spectateur en chercher une. Du reste, la réaction de Booth est géniale: il se gratte la tête, à la fois surpris et très amusé par l’offrande qu’on lui demande de faire passer…

Le génie de ce film ambigu est dans sa mise en scène, dans sa complexité qui n’est pas même un obstacle à sa réussite. Si le tournage en pleine rue est souvent évoqué, c’est malgré tout une figuration et un sens de la composition qui doivent plus à Griffith qu’aux passants qu’on voit ici à l’œuvre. On peut penser aussi à Feuillade: ces beuglants New-Yorkais infestés de gangsters interlopes (Carey, au maquillage charbonneux et à la casquette blanche est tout droit sorti d’un Fantomas) trouveront une rime avec les bars d’apaches dans lesquels s’ébattront Musidora et sa clique dans Les vampires quatre ans plus tard. Et puis, il y a la guerre des gangs, annoncée par une suite de plans splendides: en terrain neutre (une salle de danse) les gangs se jaugent, mais ne vont pas plus loin. Chaque gang suit son leader et sort, lentement, prenant le temps d’occuper l’espace. Un plan commence par la description des «activités» de la bande de Booth dans son quartier général : un terrain vague entre deux maisons, puis ils sortent du champ par la droite ; à ce moment précis, l’autre bande intervient et les gangsters s’installent derrière des tonneaux (Fantomas, encore !) et autres objets : un seul plan pour unifier les deux gangs dans la lutte est une lutte pour le territoire… Un autre plan voit Booth et ses sbires arriver, et Booth, en longeant un mur situé à droite de la caméra, s’approche de celle-ci autant qu'il soit possible de le faire, toujours sur la droite, jusqu’à ce que son visage, et ses yeux parfaitement expressifs, emplissent un bon quart du cadre. Derrière lui, les seconds couteaux menés par Carey ne font pas tapisserie pour autant. Plan sublime, qui en dit long sur le fait que ces gars-là ne rigolent pas: la tuerie qui s’ensuit en témoigne.

Un regret? Oui, bien sûr : comme d’habitude jusqu’ici, le rôle dévolu à Lillian Gish laisse encore à désirer: c’est pour l’instant une ravissante idiote, une délurée prête à tromper son mari (Un violoniste: c’est-à-dire un nigaud ou un poète, ou les deux…). Griffith se rattrapera, Lillian aussi… Elle a droit, par contre, a un petit truc rigolo : lorsque son mari se fait attaquer dans le hall d’entrée de l’immeuble, elle l’entend, et va voir ce qu’il se passe. Un plan sonore, donc, avec une réaction parfaitement équilibrée : pas de regard caméra, de main utilisée en écouteur, ni d’intertitre «Ah ça ! Que se passe-t-il?». Ca rattrape un peu, déjà.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Lillian Gish
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:58

Ce film aurait pu être l'occasion d'un prêche de Griffith, mais il échappe au pamphlet: ici, le suspense retrouve droit de cité. Les acteurs du film sont nombreux, et on retrouve dans les rôles principaux Henry B. Walthall, de retour à la BIograph, et qui bénéficie ici d’une direction parfaite, et Lionel Barrymore. Bobby Harron est le cambrioleur du titre; Harry Carey, déjà aperçu dans diverses silhouettes, joue un gangster qui force la main du jeune Bobby; enfin, les femmes font ici tapisserie, elle serviront néanmoins:

Barrymore, un homme à qui tout réussit (argent, femmes: Lillian Gish, entre autres), s’attire la jalousie de son frère Walthall. Un jour, celui-ci explose et frappe son aîné qui s’écroule inconscient. Persuadé d’avoir tué son frère, le jaloux (le faible, nous dit Griffith dans un intertitre) va se cacher, au moment ou un cambrioleur réticent s’introduit dans la maison. Comprenant le parti qu’il peut tirer de la situation, le frère va chercher la police, et celle-ci confronte bien vite le malfrat, dans une séquence que le jeu de Bobby Harron, juvénile mais déjà génial, transforme: il comprend très vite le piège dans lequel il est tombé, et est parfaitement convaincant dans ses dénégations. Lorsque le frère assommé se réveille, Harron comprend qu’il échappe à la chaise, et le grand frère pardonne le jaloux.

Le titre du film se justifie par le dernier plan, dans lequel Harron qui sort de prison refuse de replonger, et est soutenu contre son ex-patron par la police, qui l’aide à filer droit. Le suspense ici est intéressant dans la mesure ou c’est un bandit (Ni volontaire ni doué, admettons) qui s’attire la sympathie du public, mais aussi par la complexité du dispositif mis en place par Griffith : de Walthall et sa panique d’avoir tué son frère à Harron et cette obligation dans laquelle il s’est fourré d’aller effectuer un cambriolage, en ajoutant le transfert des soupçons sur le plus jeune, c’est un échafaudage qui est, heureusement, réussi.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith Lillian Gish
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:52

Ce court métrage ressemble presque à un film à message: il y est question de l’étroite et inconfortable route qu’un ancien forçat doit prendre au sortir de la prison, à savoir le «droit chemin». Et bien sûr, la tentation, la force de l’habitude, les mauvaises fréquentations et éventuellement les nécessités économiques étant ce quelles sont, c’est définitivement un chemin difficile à prendre. Sur ce principe, Griffith réalise un film impeccable mais sans génie:

un prisonnier libéré promet de filer droit, mais l’initiative crapuleuse d’un autre forçat va lui mettre des bâtons dans les roues, ainsi qu’à son épouse. Le principal mérite de ce film qui se termine par la vision d’un ancien criminel fier de pouvoir désormais exercer une profession légitime est de confronter Mary Pickford, excellente mais un peu effacée en épouse au lourd fardeau à un acteur d’autant plus rare qu’il mourra jeune: Elmer Booth (1882 – 1915) qui sera tué dans le fameux accident qui faillira également avoir la peau de Tod Browning.

Précurseur de James Cagney, sa photogénie splendide, son visage malléable, la sûreté du geste et le pouvoir de ses yeux, en plus de son coté mauvais garçon naturel, en faisaient l’acteur idéal. Si on ajoute qu’il écrivait aussi, il est clair que sa présence dans l’équipe de la Biograph à cette époque a sans doute été déterminante pour l’arrivée du genre dans le canon Griffithien… Sinon, le message, si message il y a, est bien pâle par rapport à la dénonciation de A corner in wheat. Force reste à la loi, on retrouvera une certaine ambigüité bien plus intéressante avec les Musketeers of Pig Alley, et surtout avec Intolerance.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Mary Pickford
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:47

Ce film part d’une situation assez proche de celle du film The painted lady, puisqu’il nous expose pour commencer le décès de la mère de Mary Pickford. Elle laisse à son pasteur (Lionel Barrymore) une mission secrète: puisqu’elle a réussi, malgré la dictature de son mari, à mettre un peu d’argent de coté, elle lui demande d’acheter des petits cadeaux pour égayer la vie de sa fille, car elle sait que celle-ci ne va pas rigoler tous les jours avec son père puritain: Il est barbu. Il va donc s’exécuter, assez maladroitement, et lui acheter un chapeau fripon. Du coup, la ville entière ne va plus parler que du scandale, et lorsque la vérité éclate, la communauté va condamner les commères, et le père va s’adoucir, autorisant du même coup une idylle entre le pasteur et sa fille.

Dans ce qui reste une comédie, l’utilisation réaliste du New York de tous les jours est aussi efficace que dans le film pré-cité, et le jeu de Mary Pickford, s’il annonce un peu par les habits, la coiffure et le maquillage très léger les (trop) jeunes filles pour lesquelles elle deviendra bientôt célèbre, est toujours très sérieux: lorsqu’elle pleure à chaudes larmes face à la confusion qui est la sienne, elle est troublante et sincère. Une façon pour l’actrice et le metteur en scène, conjointement, de rappeler que si l’ironie est ici dirigée contre les conservatismes et le commérage, la situation de la jeune fille est réelle, et n’a rien de risible.

Un bel exemple d’avancée dans des films qui échappent à la caricature facile, mais aussi un avantage de Mary Pickford sur Blanche Sweet, dont le jeu était apparemment piloté en permanence par Griffith, via le sempiternel mégaphone. Avec son autre star, il n’a nul besoin de cela, et elle excelle du début à la fin de ce film, dans lequel la nombreuse figuration est une fois de plus luxueuse: Les sœurs Gish, dont Lillian en insupportable commère à l’arrière-plan, qui pouffe méchamment à chaque apparition de Mary, Harron, les autres femmes dont on a déjà parlé, les Kate Bruce, Claire Mc Dowell, Dorothy Bernard en vendeuse, etc…

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Mary Pickford Muet
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:38

La richesse impressionnante de l’œuvre Griffithienne en 1912 ne passait pas seulement par le spectaculaire (films sur le conflit Nord-Sud, westerns, films de gangsters, films à suspense); The painted lady, réalisé en aout à New York avec Blanche Sweet s’apparente à la chronique de mœurs, et met en scène les conséquences potentiellement destructrices de rapports minés entre des pères et leurs filles. Ce film joue à fond la carte du tragique...

The painted lady est une expérience en matière d’introspection, un film en quatre parties dans lequel une jeune femme découvre, à l’âge de s’épanouir et de tenter de séduire, qu’elle aurait peut-être plus de chance en amour si elle se maquillait. Son père, un vieux grincheux puritain, est résolument contre; lors d’une fête, elle rencontre un homme qui la séduit par sa délicatesse, et elle s’entretient avec lui, notamment, des affaires de son père. Peu de temps après, elle voit un cambrioleur qui s’est introduit chez elle, et le tue. Elle découvre alors qu’il ‘agit de l’homme qu’elle prend pour son petit ami. Les félicitations de son père pour avoir sauvé la situation n’y font rien, elle sombre dans la dépression, la folie, et meurt à la fin, sur le lieu de son unique rencontre amoureuse…

Critique amère et sans appel du conservatisme, ce film est remarquable par sa subtilité; à cette époque, la caméra de Griffith et Bitzer s’approchait de plus en plus; si ici aucun gros plan ne vient rompre l’élégance visuelle du film, la caméra reste en permanence à un petite distance de l’action ; l’essentiel se situe à l’intérieur des personnages. La métamorphose de Blanche Sweet, d’adolescente fragile en femme traumatisée, est assez convaincante, même si l’intériorisation lui semble difficile : on sent le poids des indications simultanées de Griffith qui, n’en doutons pas, dirigeait de la voix l’actrice au fur et à mesure. La dernière partie, après l’accident, est malgré tout la plus poignante, lorsqu’elle s’invente des rencontres avec le seul homme qui se soit intéressé à elle, et qu’elle vient de tuer. Pour la dernière « rencontre », elle se libère définitivement de l’influence de son père en se maquillant…

Le décor est utilisé de façon métaphorique, d’abord par la description comme toujours minutieuse de l’intérieur aisé dans lequel la jeune fille vit avec son père, un environnement qui est assimilé à la situation d’enfermement dans lequel vit la jeune fille. Ensuite, un détail des scènes finales a son importance: Griffith et on chef opérateur Billy Bitzer, lors de ces scènes dans lesquelles la jeune femme s’échappe par l’esprit des barrières imposées par son père, ont cadré les plans de manière à incorporer une barrière bien réelle, sur laquelle la jeune femme s’appuiera une dernière fois avant de mourir.

Le film possède en permanence cette élégance et cette justesse, mais on peut aussi remarquer que le drame central du film est assimilable au résultat d’une pénétration du cambrioleur dans la maison, d’un viol auquel décidément la jeune fille répond par l’utilisation d’une arme: c’est seulement après l’avoir tué qu’elle découvre son agresseur… Un film Freudien une fois de plus, noir, et d’une impressionnante portée : on est loin, ici, du suspense et de la légèreté de The girl and her trust. Pour finir sur ce film, on peut voir parmi les figurants, les acteurs Griffithiens polyvalents de l’époque : Lionel Barrymore, Claire McDowell, Bobby Harron, Lillian Gish…

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:27

The mender of nets est un film tourné en Californie en janvier 1912. Ceci s’explique dans la mesure ou le lieu de l’action est un petit village de pêcheurs, au bord de mer. Toute l’action se déroule au bord de l’eau:

une jeune raccommodeuse de filets (Mary Pickford, de retour brièvement chez Griffith après avoir tourné pour la concurrence) tombe amoureuse d’un jeune homme, qui fut fiancé à une autre. Celle-ci ne lui pardonne pas cette trahison, et s’en ouvre à son frère. Celui-ci décide de punir l’homme, mais Mary, en s’interposant à la dernière minute, va sauver l’homme… et découvrir la vérité.

Peu à dire, si ce n’est que le découpage très au point suit fidèlement la tradition de suspense établie par le metteur en scène, et que Mary Pickford n’est pas la seule légende du cinéma muet présente sur ce film: la rivale est jouée par Mabel Normand, mélodramatique en diable, mais assez convaincante toutefois.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Mary Pickford
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:06

The last drop of water est l’un des premiers westerns de Griffith, rendus donc possibles par le déplacement en Californie. Ce film simple mais efficace nous conte le départ d’une caravane de colons vers l’ouest, et le sacrifice de l’un d’entre eux, qui en donnant son ultime ration d’eau à un camarade rend possible la découverte d’un puits par ce dernier, qui va pouvoir ramener de nouvelles provisions d’eau à la caravane assiégée par des indiens.

Mentionnons également le triangle amoureux, entre un ancien soupirant éconduit, une jeune femme interprétée par Blanche Sweet, et un alcoolique, mais aussi une intervention taritara de la cavalerie, et on a à peu près tous les ingrédients du film, tourné dans des décors parfaitement idoines, dont l’inévitable désert du sud Californien.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Western
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 17:00

Ce film est l’histoire d’un lâche durant la Guerre de Sécession, qui retrouve son courage face au danger et sauve la mise de ses camarades, entraînant l’issue heureuse de la bataille dans laquelle ils sont engagés.

Le film montre clairement que si sa fiancée ne s’était pas moquée de lui à la première manifestation de sa lâcheté, il n’aurait jamais trouvé le courage nécessaire. Bien meilleur que Swords and hearts, un autre film consacré au même conflit et tourné cette même année, avec une solide dose d’excitation et de suspense permise par la présence des batailles. Le film partage cette idée typique de la production de Griffith consacrée à la guerre civile, à savoir que si ce sont les hommes qui sont censés s’illustrer au front, l’esprit de la cause est incarné par les femmes, pour le meilleur et pour le pire.

On retrouve Blanche Sweet en pasionaria de la cause Unioniste (pour changer), et le film est remarquable pour le style impressionniste utilisé par Griffith pour figurer la violence des conflits : d’une part, le court métrage bénéficie d’une impressionnante figuration, mais le metteur en scène choisit les angles de prise de vue, le dosage de fumée , et les mouvements de foule non pour la lisibilité de la manœuvre mais pour l’effet produit: la technique sera la même pour Birth of a nation, avec des vues d’ensemble en prime.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 16:53

La guerre civile est toujours bien présente dans les films ralisés par Griffith en 1911, par exemple avec Swords and hearts, tourné dans le New Jersey. C'est l’histoire mélodramatique d’un soldat sudiste ruiné dont la fiancée l’oublie à l’issue de la guerre pour se jeter dans les bras du premier officier nordiste venu. Il se consolera avec une jeune femme pauvre, qui l’a sauvé durant la guerre et qui l’a toujours aimé...

Le racisme du réalisateur se manifeste dans ce film, avec un final atroce: le bon esclave observe son maître ruiné avec son nouvel amour, et va déterrer un coffret plein d’argent des ruines de la plantation, afin de leur fournir de quoi partir sur des bases plus saines … Suite de quoi le maître donne sans plus d’atermoiements une bêche à son ancien esclave, qui part travailler sans barguigner.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 16:23

Deuxième étape dans la progression de David Wark Griffith vers le long métrage, Enoch Arden est un remake du court métrage After many years, adapté du même poème de Alfred Tennyson, tourné dans le New Jersey et sorti à l’automne 1908. La deuxième version (juin 1911) bénéficie d’un tournage en Californie, et s’étale luxueusement sur deux bobines complètes.

Le film nous conte l’histoire d’un homme, Enoch Arden, qui laisse sa famille pour suivre «une opportunité» impliquant un voyage en mer. Il fait naufrage, est se réfugie sur une île lointaine, pendant que son épouse Annie Lee l’attend. Les années passent, et Philip ray, un ancien rival de Enoch pour le cœur d’Annie, revient constamment à la charge. Enfin, poussée par ses enfants, elle accepte et trouve finalement un nouveau bonheur, alors que Enoch, secouru après 20 ans, revient au pays et découvre l’insupportable vérité.

La lenteur du film est calculée, non que Griffith cherche à gagner du temps, mais il soigne particulièrement le rythme du film dans le but de laisser libre cours à l’une de ses obsessions: il s’agit ici de famille d’une part, et Griffith prend bien le soin de nous la montrer, d’en faire le cadre même du film. D’autre part, Griffith nous montre la psychologie des deux personnages principaux: Annie Lee et Enoch Arden. Après un prologue, dans lequel il nous montre la cour des deux hommes, et le choix d’Annie favorable à Enoch, Griffith prend bien soin de limiter toutes ses scènes présentant le bonheur familial à un seul décor, la caméra étant systématiquement au même endroit : dans un salon, ou une pièce de vie, face à une fenêtre plus ou moins entrouverte. La première fois que l’on voit cet endroit, c’est à la suite d’un intertitre annonçant le mariage; puis on voit le même décor, avec l’arrivée des trois enfants. C’est une fois de plus dans ce lieu qu’Enoch annonce son départ à son épouse, etc. Deux autres endroits figés et symboliques sont représentés dans le film: l’endroit où l’on verra les deux hommes faire leur cour au début, une plage avec des rochers, l’endroit où Enoch a déclaré sa flemme, là où Annie viendra souvent attendre son mari d’une part, et la plage exotique où se réfugiera Enoch sur son île déserte: ces deux endroits sont des repères, un ancrage pour le spectateur; Griffith craint-il de perdre son public dans ces trente-trois minutes, ou veut-il symboliser l’immobilisme émotionnel dans lequel les trois personnages vont rester durant 20 ans?

En plus d’utiliser ces décors-bannières, Griffith utilise le montage pour lier Annie Lee avec Enoch, constamment, un peu de la façon dont 11 ans plus tard Murnau reliera Hutter et sa femme dans Nosferatu, mais en, le faisant de façon moins explicite: lors d’une visite inquiète à la plage, peu de temps après le départ de son mari, Annie regarde la mer, et Griffith coupe au naufrage, puis revient à Annie. On se demande si le montage nous montre deux actions parallèle ou si il y est question du point de vue de l'épouse qui craint pour son mari, jusqu’au moment ou un moment de panique d’Annie Lee nous renseigne: la tempête est peut-être réelle, mais Annie Lee l’a sentie, ou ressentie; la répétition de ce motif de montage permet de façon très claire d’expliquer le refus obstiné de se remarier de l’héroïne, et sans doute d’apporter une explication poétique à la survie de Enoch Arden: tous ses compagnons meurent après quelques mois sur l’île, mais lui reste vivant 20 années durant.

Cette dimension psychologique, ce lien d’amour entre les deux êtres, est complété par leur situation au centre de la cellule familiale, décidément un espace hautement Griffithien: Lors du départ d’Enoch, le plan symbolique du salon, cadrant toute la famille, est interrompu par un gros plan, qui ne comprend sue les époux et leur dernier-né, un rapprochement qui n’a rien d’anodin en 1911, alors que la plupart des plans sont coupés par un autre cadre, dans un montage parallèle, et non par un recadrage. Cette insistance rend d’autant plus douloureuse pour le public (qui lui, a bénéficié des deux points de vue constamment) la peine d’Enoch qui revient et constate. Un autre gros plan est utilisé ici, lorsqu’Enoch assiste éberlué au nouveau bonheur de son épouse : il espionne la maison de Philip Ray, et s’approche de la fenêtre ; des plans successifs de la nouvelle famille et de son bonheur insolent sont ensuite monté en parallèle avec un plan plus rapproché d’Enoch, qui réagit, gesticule dans la tradition Griffithienne, et finalement se résigne.

La volonté de Griffith de rendre le cadre ultra-lisible, au point de limiter les décors, a le défaut de rendre le film un peu ennuyeux. Les péripéties, les développements ajoutés par Griffith a son adaptation initiale ne suffisent pas toujours, et comme les péripéties sont souvent annoncées par les intertitres avant d’être montrées, ça n’arrange pas les choses. De plus, es choix de ne pas nous montrer le naufrage, sinon par son dénouement (Les hommes qui se débattent dans l’eau) est assez surprenant : un intertitre nous dit juste « La tempête », comme si elle était inévitable Pour Griffith, qui a déjà traité le sujet en 1908, qui a depuis réalisé The unchanging sea, qui nous présente des familles constamment en butte aux éléments, sans doute allait-elle de soi. De toutes façons, son propos était ailleurs, et le cinéma en 1911 avait encore beaucoup à apprendre avant de se précipiter au devant de toute tempête, de tout cataclysme, de tout incendie...

Le film est un succès mitigé, manquant singulièrement de rythme et de piquant surtout après la vision de The Lonedale operator; mais on l’a vu avec His Trust, dans le but de faire passer un film long aussi bien auprès du public que des pontes de la American Biograph, le metteur en scène s’arme encore de prudence. D’ailleurs, pour sa troisième étape vers le long métrage (Judith of Bethulia, 1913), Griffith choisira de copier une recette éprouvée, celle des films à grand spectacle Italiens. Pour l’heure, même décevant, ce Enoch Arden ambitieux et cohérent est malgré sa prudence une heureuse surprise, qui n’aura pas de suite avant deux ans, puisque Griffith ne reviendra au format de deux bobines qu’en 1913 avec Oil and water.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet