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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 08:22

Ce film commence par un avertissement en forme de profession de foi: certes ces situations scabreuses sont choquantes, mais ce serait se voiler la face que de ne pas vouloir les montrer dans toute leur horreur… Mouais…On connait la chanson, finalement, et nous ne sommes pas dupes : ce que Molinaro veut, dans ce film (son deuxième long métrage), c’est accomplir sans aucune entrave un film noir à la française, et pas (pas seulement?) de dénoncer la fameuse « traite des blanches »…

Pierre (Robert Hossein) est soucieux, il a bien vu que sa petite amie Béatrice (Estella Blain) est constamment sortie le soir, et sans lui qui plus est. Et alors qu’il l’espionne, dans une de ses sorties (elle se rend chez une couturière), il est agressé par deux patibulaires voyous. Il avait raison de s’inquiéter : sous prétexte de mettre de jeunes modèles en mal de carrière internationale en contact avec un groupe de notables chez lesquels elles s’encanaillent, la couturière (Jane Marken) tend un piège à de naïves jeunes femmes qui vont vite se retrouver embrigadées dans un système international de prostitution…

Pour commencer, cette époque est intéressante par la façon dont le film noir français dépassait les limites expressives du cinéma noir Américain, en étant souvent plus direct. En étant aussi, soyons juste, vraiment sous influence des grands auteurs (Lang, Siodmak, Hitchcock, Wilder): ici, on est quasiment au pays du mal absolu, incarné par deux méchants impressionnants… Jacques Dacqmine, en homme du monde, incarne un chef mafieux qui cache sous une apparence affable une vraie diablerie, et surtout Philippe Clay, en dandy impeccable et maniaque, froid et constamment tenté de commenter avec une impressionnante acuité la situation, est un chef d’œuvre de méchant qui donne à lui seul une justification en or pour voir le film. On pense à un lointain cousin de Lee Marvin dans le film de Lang, The big heat

Robert Hossein est aussi très intéressant en candide à blouson noir, un héros qui pourrait bien être lui aussi, en marge de la loi. Il sait se battre, il fonce dans le tas, et la liste de ses ennuis sur la nuit de galère qui nous est contée dans le film, est particulièrement impressionnante… Bon, il faudra admettre qu’en général, le film pêche par la faiblesse de ses personnages féminins, qui en dépit de la présence d’une légende (Jane Marken) à contre-emploi, et de Magali Noël qui interprète une jeune femme très ambigue, les femmes présentes sont essentiellement de jeunes oies qui vont tomber allègrement dans tous les pièges qui leur seront tendus.

N’empêche, le film est excitant, superbement construit, cadré avec bonheur, monté avec savoir-faire, dur, totalement cohérent, et possède aussi l’ingrédient du plaisir coupable devant ces intrigues canailles d’un autre temps, et quand on pense qu’en plus la bande-son bénéficie de l’intervention de Lee Morgan (Trompette), Benny Golson (Sax ténor), Bobby Timmons (Piano), Jymie Merritt (Contrebasse) et art Blakey (Batterie), donc des jazz messengers, qui étaient de passage à Paris, on se réjouit encore plus.

 

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Published by François Massarelli - dans Edouard Molinaro Noir
23 juillet 2023 7 23 /07 /juillet /2023 18:40

Un homme, célibataire pourtant assez militant, va se marier. Lors d'une discussion avec son meilleur ami et colocataire, ce dernier tente de le persuader du fait qu'il a probabblement été victime de pressions et manipulations de la part de la fiancée... 

Ce qui précède est le prétexte, mais en réalité, ce film est plutôt une suite d'anecdotes jointes assez artificiellement, enchaînées par la scénariste France Roche et avec la collaboration d'un certain nombre d'auteurs dont Albert Simonin. De la même manière, les acteurs vont et viennent, et si on reconnaît Claude Rich (le sceptique) et Jean-Claude Brialy (le futur marié), le reste de la distribution fait des apparitions: Françoise Dorléac, Micheline Presles, Bernard Blier, Catherine Deneuve, Michel Serrault, Marie Laforêt, Marie Dubois, Mireille Darc, Francis Blanche et Bernadette Lafont... Sans oublier le jeune Jean-Paul Belmondo. A part la mise en scène de Molinaro (j'y reviendrai), le facteur d'unité ici est le dialogue signé de Michel Audiard... Et ça se sent.

Le sujet en revanche sent aussi, et pas très bon: l'enfer du mariage, présenté comme la pire chose qui puisse arriver à un homme... Et les rapports hommes-femmes, présentés sous les formes les plus discutables: domination de l'un par l'autre, mensonge, tromperie, voire relations tarifées... C'est la France d'arrière-grand-papa qui s'agite sous nos yeux, celle dans laquelle on dit facilement "Ciel! mon mari!"... C'est vieillot, voire franchement réactionnaire, et ça a tendance à se parer des oripeaux d'un cinéma moderne, c'en est gênant.

Des circonstances atténuantes? En fait, oui: Molinaro, qui a tout fait et tout filmé, en bon faiseur durant des années, s'est révélé pour moi avec un court métrage absolument fabuleux, dans lequel il imitait avec élégance et verve le cinéma muet, sur un sujet d'ailleurs similaire à celui-ci... Ca s'appelait L'honneur est sauf, et le second degré bon enfant de l'ensemble était d'autant plus évident qu'il s'agissait d'un film muet, et assez rigoureux... Il sait composer une image, donner du rythme, et doser les performances quand c'est nécessaire: bref il a du métier... et sinon, le dialogue d'Audiard prouve qu'il s'est gentiment laissé aller et a tricoté pour certains moments, des petits bojoux anthologiques, au milieu de ce cloaque de conventions d'un autre âge et du théâtre de boulevard. Comme de juste, la palme revient à une apparition de Bernard Blier qui vaut le détour. Cinq minutes de pur bonheur lexical.

 

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Published by François Massarelli - dans Michel Audiard Edouard Molinaro Comédie
25 juin 2022 6 25 /06 /juin /2022 08:53

Un mari trompé (Jean Marsan) tente par tous les moyens de passer sa colère sur son rival (Edouard Molinaro), qui tente lui-même par tous les moyens d'échapper au courroux de sa propre épouse... 

Molinaro qui sera pendant plusieurs décennies un réalisateur sûr, mais sans génie, avait au moins le sens de la comédie cinématographique. Je ne parle pas de cette insistante et agaçante manie qu'ont les français de faire reposer le rire sur le texte, puisque ce film est muet... Un "à la manière de", situé par le propos très boulevardier (on est en plein Feydeau) et par les costumes, dans la première décennie du XXe siècle, au temps où le cinéma balbutiait. Mais le cinéma, ici, ne balbutie pas du tout, il est sûr de lui, d'une grande précision, totalement irrésistible, et servi par des acteurs qui se donnent à fond. Parmi eux, on ne peut pas s'étonner de trouver Yves Robert, clairement dans son élément dans cette comédie burlesque muette, un genre qu'il connaît bien et le prouvera plus d'une fois.

Et pendant ce temps, un cycliste...

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Published by François Massarelli - dans Edouard Molinaro Comédie (Muet) Yves Robert
25 juin 2022 6 25 /06 /juin /2022 08:33

Arsène Baudu, escroc de son métier, est un minable... Et un jour, en essayant d'arnaquer Hyacinthe Camus, ancien policier révoqué devenu l'employé malheureux d'un détective privé, il ne sait pas qu'il vient de rencontrer, en quelque sorte, l'âme soeur... Un autre escroc en germe, tout aussi minable, mais avec de l'ambition.

Seulement, quand deux escrocs minables décident de s'attaquer à n'importe qui, ils peuvent tout à fait commettre la pire bêtise de débutants: tomber sur un autre escroc, mais autrement plus talentueux. C'est ainsi que Baudu (Jean Lefebvre) et Camus (Bernard Blier) vont rencontrer Alexandre Larsan-Bellac (Paul Meurisse), un monsieur qui a du cran, de l'ambition, de la jugeote, des idées, et qui va les prendre tous deux sous son aile pour s'attaquer à des victimes plus conséquentes, et tant qu'à faire essayer un coup double: monter un bobard monumental pour un pigeon en or (Michel Serrault) en lui faisant croire que le gouvernement soviétique est prêt à rembourser les fameux emprunts russes de sinistre mémoire, et de l'autre séduire une femme du monde richissime...

Un "faisan", en argot, c'est un escroc spécialisé dans le faux passage d'information commerciale. Ici, on a plus d'un exemple de ces personnes qui exploitent une faille psychologique de leurs victimes en prétendant leur fournir exactement ce dont ils rêvent, au bon moment. On peut faire confiance au binôme scénariste (Albert Simonin)-dialoguiste (Michel Audiard) pour se débrouiller d'une telle situation... Et Molinaro, qui a commencé résolument dans la comédie, commence brillamment son film, ave une narration au quart de tour, qui lui permet de camper très vite deux personnages magistralement définis et complémentaires. Il y a une magie particulière derrière l'association entre Blier et Lefebvre, qui en rappelle une autre... C'est un peu Laurel et Hardy, en moins poétique sans doute, mais le résultat, pour eux, sera toujours le même...

C'est pour ça qu'on tique un peu quand Meurisse (excellent pourtant, comme d'habitude) vient se placer entre eux, car il les sépare... C'est, à partir du deuxième tiers, une comédie plus convenue, drôle, ça oui, mais pas aussi allègre et qui fera définitivement moins d'étincelles... Bref, on rentre un peu dans le tout venant de la comédie policière française telle que la pratiquaient de nombreux metteurs en scène autour des dialogues de Michel Audiard. Et Lefebvre avec Meurisse et Blier, finit par disparaître purement et simplement...

 

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Published by François Massarelli - dans Edouard Molinaro Michel Audiard Comédie