Ce film revient un peu en arrière, lorsque Edwin Porter cherchait à agrémenter ses films de train (les "travelogues" montrant des voyages ferroviaires avaient un grand succès, semble-t-il) de scènes qui offraient une digression comique tout en les prolongeant: What happened in the tunnel montrait une scène comique située dans un compartiment d'un train en marche, par exemple...
On y revient, ici, avec cette histoire d'une dame qui est embrassée par un personnage marginal, contre son gré; il sera éjecté du train sans autre forme de procès, un gag inattendu (quoique) qui donne lieu à un truquage efficace, l'arrêt caméra, qui était découvert un peu partout depuis Méliès... Et les films Edison, bien sûr.
Un touriste Américain entreprend un voyage thérapeuthique, sans savoir que son passage par des sites touristiques reconnus sera une occasion pour chaque lieu, de déconvenues et catastrophes..
C'est un film de recyclage, concocté avec des "travelogues" tournés chez Edison. Porter n'a eu qu'à se servir, pour placer son touriste américain ouffreteux dans des lieux très prisés des touristes, depuis les Etats-Unis jusqu'en Europe, en passant par l'Egypte. Bien sûr, c'est très anecodtique, mais ça motre que dès 1904, le cinéaste touche-à-tout avait déjà compris la possibilité qu'avait le montage de mentir, mais aussi qu'avec plusieur films on pouvait en réaliser d'autres. Enfin, la parodie en elle-même est aussi un genre qui nécessitait une telle expérience...
Porter n'estimait pas ce film comme devant faire partie du genre du western, qu'il voyait, en homme de spectacle, plus porté sur les prairies et les grands espaces, et il y entrevoyaut la figure du cow-boy comme partie intégrante du mythe. Pas de cow-boys, finalement, au sens littéral, dans cette attaque audacieuse d'un train. Mais des bandits, ça oui!
C'est un film incroyablement ambitieux pour ses douze minutes comme pour son époque. Edwin S. Porter, principale caution artistique et réalisateur en chef chez Edison, y sacrifie à la mode des films qui racontent les exploits douteux de bandits, et le destin de ces malfaiteurs, qui arrêtent un train pour voler l'or contenu dans un coffre, puis dévalisent les passagers avant de prendre la fuite. Un passager qui tente de fuir est abattu sur place, dans le dos... Puis ils s'enfuient avec le butin, poursuivi par les rangers locaux. La fin leur sera fatale...
Le film alterne les plans plus ou moins longs, en autant de tableaux, mais il est formidablement bien structuré, comme,çant par une présentation directe des faits, avant de multiplier les lieux et les événements pour enrichir la narration. Alors que les bandits s'enfuient, on découvre grâce à une petite fille que le chef de gare a été ligoté, et un square dance est interrompu pour faire passer un ordre de mobilisation générale. Cadrage, profondeur de champ, rythme, utilisation parfaite de décors, Porter a déjà compris beaucoup avec ce film, dont la fin est célèbre entre toutes: un des bandits tire sur les spectateurs, à bout portant...
C'est aussi un film pionnier en matière de couleurs, probablement sous l'influence de Méliès ou d'autres films Européens. Porter a fait colorier au pochoir certaines scènes, pour mettre en valeur un détail (la petite fille et sa cape violette, les explosions et autres coups de feu, les couleurs du square dance...). Le résultat est toujours aussi beau, plus d'un siècle après. Le film est co-signé, incidemment, par G. M. Anderson, qui aura un temps son heure de gloire en tant que Broncho Billy, et sera l'un des fondateurs de Essanay...
Un seul plan, et trois personnages, dans ce film qui nous donne efficacement l'illusion qu'il a été tourné dans un train en mouvement. Dans un compartiment, une dame (blanche) et sa bonne (noire) sont importunées par un jeune hommequi tente de séduire la belle dame: la bourgeoise, bien sûr, pas la domestique... pendant un passage dans le tunnel, elle intervertissent leurs places et au sortir de la zone d'obscurité, le jeune homme se rend compte qu'il a embrassé l'afro-américaine...
On va le dire une bonne fois pour toutes: bien sûr que c'est raciste, au-delà même du fait qu'une fois de plus la bonne est automatiquement une femme noire...
Mais c'est aussi intéressant de voir les deux femmes s'allier, en complices, pour jouer un bon tour à un garçon qui les embête quand même, ou tout simplement pour le taquiner...
Un vendeur dans un magasin de chaussure reçoit la visite d'une maman et de sa fille, une jeune femme fort avenante... Pendant que la dame attend, à gauche, il fait donc essayer une paire à la jeune cliente; celle-ci soulève sa jupe plus que de raison, ce qui émeut le jeune homme, qui va s'enhardir et lui donner un baiser (qu'elle accepte avec bonne grâce), déclenchant les foudres de la maman...
Outre l'avantage de pouvoir permettre à un écrivaillon de placer des expressions surannées, ce que je fis avec grand plaisir et tout de go, ce film nous rappelle le pouvoir magique du gros plan en insert, puisque l'action molletière et son effet sur la gestuelle fébrile du vendeur de chaussures nous sont livrées dans un rapprochement impressionnant, qui vient scinder le plan général qui constitue l'essentiel de ce court métrage en deux...
Par ailleurs, restons sur le langage n instant et rappelons que le mot Gay, à l'époque, n'avait pas le sens de désigner positivement une personne homosexuelle, mais restait un synonyme de Happy, tout simplement. Parce que ce jeune apprenti chausseur, à en voir son émotion devant la belle courbure d'une gambette, il n'est pas très gay.
En 1903, la concurrence des autres studios balbutiants commence à se faire sentir pour les entreprises Edison, justifiant l'idée de devenir incontournable non pas à la méthode Edison (prétendre avoit tout inventé en déposant des brevets partout, et envoyer des gros bras pour tout casser dans les studios des autres, ce qui justifiera quelques années l'exil pour un grand nombre de compagnies, celle de Griffith par exemple), mais bien à la méthode Porter, homme de cinéma et surtout, d'abord et avant tout, homme de spectacle... Donc alors que les films plus importants, dépassant les dix minutes, commencent sérieusement à faire leur apparition, Edwin S. Porter se dit qu'il serait temps de s'atteler à ce que le cinéma se fasse l'écho du théâtre...
Et pour commencer, donc, le metteur en scène engage une troupe de théâtre et loue les décors qu'elle a construits pour sa Case de l'oncle Tom. L'idée est simple: le public connaît la pièce par coeur (son succès de plusieurs décennies ne se dément pas), et en lui en proposant un digest fait de tous les "clous" du spectacle, on joue forcément gagnant. Porter, pour faire bonne mesure, ajoute pour chaque "tableau" des intertitres qui rappellent le contexte brièvement, et des inserts lors de la scène finale nous rappellent aussi aux conséquences à grande échelle de cette pièce: l'élection de Lincoln en 1860, la guerre civile en 1861, l'affranchissement des esclaves et la figure dominante de Lincoln font donc une apparition.
Maintenant, quelques mot tranchés sur la pièce, adaptée du roman d'Harriet Beecher Stowe paru en 1851. celle-ci était une farouche abolitionniste, c'était aussi et surtout une W.A.S.P. Le roman, et les versions dramatiques qui s'en inspireront, sont motivées pls par la pitié et la charité chrétienne, finalement, que l'humanisme. D'où le fait que l'expression "uncle Tom" soit aujourd'hui utilisée pour désigner les Afro-Américains qui se situent dans une ligne de relative soumission à l'intelligentsia blanche. Une situation qu'après une présidence Obama, on aurait aimé voir reléguée au passé... Mais le cas de cette histoire est aussi beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, qu'on le veuille ou non, mais Uncle Tom's cabin, sous quelque forme que ce soit, reste aussi un document qui intègre à tort ou à raison tout un folklore, toute une culture (bien présente ici, à travers les danses en particulier) qui sont non seulement représentées avec respect, mais qui en prime ont totalement intégré la culture Américaine en son ensemble... Le cas épineux de cette vieillerie poussiéreuse n'a pas fini de nous intriguer...
Un seul plan, et la caméra est posée dans la rue. A la façon des Lumière, on imagine donc que la chose soit plutot d'obédience documentaire...
Un temps, on pense que le jeune homme en chemise blanche qui l'a repérée et qui ne bouge pas, se demandant de quoi il retourne (l'objet est sans doute encore un peu mystérieux, après tout), sera le principal sujet du film, mais il n'en est rien...
Car le sujet du film est sur le trottoir: une de ces bouches d'aération, dont de temps à autre, un puissant souffle s'échappe. Donc la dame (accompagnée) à la mode 1901 qui s'avance fort opprtunément vers la caméra (et ça c'est sans doute la preuve que tout ceci n'a rien d'une coïncidence) et passe justement sur la bouche d'aération...
...il se passe effectivement quelque chose, qui nous renvoie au futur glorieux du cinéma. Voilà ce que c'est un gag "vieux comme le monde", ou plutôt "vieux comme le cinéma"!
Les films Edison quittent leur statut d'invention technologique maline, pour entrer dans le domaine artistique, avec l'arrivée de Porter. Ici, ce dernier, qui vient du monde du spectacle et a intégré au cinéma les attentes probables du public, s'inspire d'un conte célèbre, à la façon dont Méliès (dont il a vu les films, c'est évident) s'attache à utiliser la connaissance par le public de certaines histoires, et de compter sur la façon dont ils vont instinctivement se greffer sur la narration.
Méliès croyait en la nécessité du boniment, qui est souvent indispensable à la compréhension de ses oeuvres, Porter décide de s'en passer, extiment à juste titre que les images et leur enchaînement doivent se suffire à eux-mêmes... C'est donc une étape décisive dans l'histoire de la narration cinématographique et du montage...
Une dame (Bertha Regustus) se rend chez le dentiste, afin de se faire extraire une dent; l'anesthésique est du gaz hilarant, et suite à une fausse manoeuvre au moment de l'extraction, il s'en répand dans l'atmosphère. La patiente s'en va, désormais non seulement parfaitement hilare mais totalement contagieuse...
C'est une comédie de bonne facture, enlevée, et qui nous montre l'héroïne se déplacer dans la ville et répandre une bonne humeur particulièrement carabinée. On peut noter une rareté: Bertha Regustus est Afro-Américaine, et elle joue le premier rôle (celui, donc, d'une Afro-Américaine qui souffre des dents) dans un film de premier plan en 1907...
Deux commentaires s'imposent: d'une part, bien sûr, tout en étant de connivence et totalement investie, on peut éventuellement noter que si on lui a demandé de jouer ce rôle, c'est peut-être un peu pour enfoncer le clou, cette idée très répandue au XIe siècle et au début du XXe, que les Afro-Américains puissent naturellement, sans aucun effort, faire rire. C'est ce qu'on trouve derrière l'omniprésence du blackface dans le music-hall des Minstrel shows, et à travers le personnage de Jim Crow c'est devenu un symbole absolu de la ségrégation.
d'autre part, en tournant ce film, Porter a donné une tribune à une comédienne qui en impose, qui domine de façon incontestable le film dont elle est le centre, et qui impressionne par son énergie et la façon dont elle s'investit dans son rôle. Et ça n'est, je le répète, pas banal...
Avec ce film sardonique, Porter (dont on conviendra qu'il n'est pas n'importe qui), donne à voir sa version d'un gag populaire, en empruntant à deux traditions:
d'une part, il raconte la lamentable histoire d'une bonne qui a cru pouvoir être plus efficace en utilisant un produit hautement explosif pour allumer le feu.
d'autre part, elle s'appelle Bridget, personnage récurrent (et généralement irlandais, on est donc ici devant de l'humour ethnique) des comédies ancillaires Américaines...
Mais l'apport principal de ce film est d'aller au bout de la blague en montrant l'effet désastreux de l'explosion, Bridget projetée dans les airs, et en faisant rire... avec une pierre tombale.
Moralité: moins de Kérosène, le secret d'une longue vie.