Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

3 février 2022 4 03 /02 /février /2022 18:20

Une jeune femme arrive dans le quartier noir d'une petite ville Sudiste; on ne la reconnaît d'abord pas, mais sa grand-mère (Ethel Waters) ne peut s'y tromper c'est Patricia (Jeanne Crain) dite Pinky en raison de sa couleur très proche de celle d'une blanche: au point que durant sa scolarité, dans l'école où elle a appris le métier d'infirmière, elle a, involontairement d'abord, trompé son monde, et s'est faite passer pour ce qu'elle n'était pas. Mais dans le Sud, elle ne tardera pas à retrouver sa place et les ennuis qui vont avec...

Mais sa grand-mère, qui s'est prise d'amitié pour sa voisine (Ethel Barrymore), une vieille dame excentrique qui vit dans une plantureuse maison à l'ancienne, et qui a la réputation d'être très raciste: Pinky, pour faire plaisir à sa grand-mère, accepte de devenir l'infirmière de Miss Em... 

Le film me semble plus célèbre pour ce qu'il n'est pas que ce qu'il est: systématiquement, il est fait mention de la participation de John Ford au tournage, mais il a été remplacé par Kazan après seulement une semaine, et même si je ne croyais pas l'écrire un jour, on peut se réjouir du changement de réalisateur: d'une part, Ford aurait sans doute été incapable de conférer la moindre vérité à ses acteurs Afro-Américains; d'autre part, Kazan qui sortait d'un autre film polémique sur les préjugés ethnique (Gentlemen's agreement, 1947) était clairement le meilleur choix.

Son film évoque donc aussi clairement que possible, sans jamais citer le KKK, la situation des petites bourgades de Louisiane, qui sont sous la coupe d'une loi et de moeurs racistes, avec des patrouilles de police qui surveillent littéralement les moindres faits et gestes des noirs. Pinky, qui a le culot de ressembler à une blanche, excite bien plus encore les grincheux, et quand elle hérite d'une maison, le sang de la population ne fait qu'un tour. C'est un beau film, et Kazan joue à merveille de la richesse des échanges entre Jeanne Crain et Ethel Barrymore... Il y a aussi une volonté de fuir la facilité, et le renoncement (le petit ami nordiste et blanc qui suggère à Pinky d'oublier ses origines, et qui lui même finit par trahir un certain racisme), mais le film a quand même deux défauts... 

D'une part, son juge vertueux et anti-raciste: s'il a raison de dire qu'un procès gagné par une noire risque de relancer la haine à l'égard de la communauté et de précipiter les noirs dans une ségrégation encore plus violente, reste un voeu pieux: en Louisiane, en 1949, il fallait probablement faire partie d'une société secrète mais célèbre pour prétendre devenir juge (un poste politique aux Etats-Unis, on s'y fait élire juge); et bien sûr, Jeanne Crain en afro-américaine... Difficile à croire, bien sûr. 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Elia Kazan
2 mai 2020 6 02 /05 /mai /2020 17:36

1928, dans un petit trou perdu du Kansas, Deanie aime Bud, Bud aime Deanie; ils sont jeunes et beaux, il a une voiture et il a emmené sa petite amie pour admirer les spectaculaires chutes d'eau de la rivière locale. Un tumulte aquatique auquel le film revient, et qui symbolise à lui tout seul le désir: celui du jeune homme qui s'enhardit, mais aussi celui de la jeune femme qui en revanche dit, plusieurs fois et assez fermement, non.

Bud est le gendre idéal en ces années de prospérité: un jeune prodige du sport, qui ne devrait pas aller trop loin dans ses études, mais qu'il porte: le père est en ville celui qui a réussi et dont la richesse entraîne tout le monde vers l'aisance... C'est, du coup, un type absolument infect, incapable d'écouter qui que ce soit, à commencer par son fils qui lui a d'autres ambitions que celles que son père lui destine. Deanie a des parents d'une grande gentillesse, mais qui ne comprennent absolument pas qu'elle est devenue une femme, et une femme consciente non seulement de ses désirs mais aussi de ceux de son partenaire... Entre famille, société, tentations, et aléas divers du jazz age, les deux amoureux vont découvrir la difficulté et la douleur de sortir de l'enfance... Et le film parle de sexualité et non de sexe, ce qui était quand même rare à l'époque, surtout en sonnant aussi juste.

Je ne suis pas un admirateur de Kazan, et de son naturalisme (franchement, A streetcar named desire est un repoussoir pour moi!), mais ici, dans sa réflexion acide sur la façon dont la civilisation Américaine semble avoir été incapable d'intégrer les femmes dans ses plans de carrière, dans ce film sur le difficile passage à l'âge adulte, il fait mouche du début à la fin... Natalie Wood, en jeune femme élevée "comme il faut" par des braves gens modestes, et qui culpabilise encore plus d'avoir des désirs quand elle parle avec sa mère, est parfaite. C'est un rôle poignant, qui passe par toutes les couleurs du spectre. Et Warren Beatty, en ado idéalisé par un père odieux de suffisance, montre assez bien la façon dont les tentations et un mode d'éducation bien trop permissive avec les garçons, est formidable. Kazan privilégie son approche naturaliste avec ses deux acteurs principaux, et le dialogue sonne juste.

En père étouffant, Pat Hingle est énorme, et il incarne formidablement la société patriarcale de l'Amérique profonde... Une société qui cherche par tous les moyens à reproduire de générations en générations, le même schéma. Les années 20 en ont vu une tentative de remise en question par les jeunes (Barbara Loden incarne d'ailleurs Ginny, la soeur de Bud qui est ce que leur père considère à voix haute comme "son ratage": une "flapper" qui provoque en permanence son père, mais surtout une jeune femme qui s'est perdue dans la lutte contre la fatalité), et les années 60 vont en remettre une couche... Dont, finalement, ce film est sans doute l'une des premières pierres, timide mais bien là.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Elia Kazan