/image%2F0994617%2F20240508%2Fob_2cab93_peggy.gif)
Crédité "Francis Coppola" (un aveu de modestie, après la tendance au grandiose?), ce film fait partie du purgatoire de son auteur... Réputé intouchable et génial après ses quatre coups d'éclat des années 70, le metteur en scène a affiché un profil bas dans les années 80 en exécutant de nombreuses oeuvres de commande, histoire de sauver sinon son studio (coulé par l'échec commercial de One from the heart), du moins sa carrière... Il y est d'ailleurs parvenu, même si parfois il est descendu très bas: de sinistre mémoire, il est le réalisateur de Jack, en 1996...
Pourtant, même s'il n'en était pas du tout à l'origine, ce film brille d'un éclat particulier. C'est un de ces films inclassables, finalement, qui semble bénéficier de ses défauts même. Et il semble qu'il s'y soit retrouvé un peu... C'est pourtant un projet qui ne part pas sous les meilleurs auspices: la réalisation devait être assurée par quelqu'un d'autre (Penny Masrhall), et le rôle principal tenu par une autre actrice, en l'occurrence Debra Winger. Finalement, ce sera Kathleen Turner, encore auréolée de quelques sucès non négligeables, et avant sa descente aux enfers.
Peggy Sue Bodell (Kathleen Turner), 40 ans, se rend à une fête organisée par son ancien lycée: c'est une période incertaine, car elle est obnubilée par son divorce d'avec Charlie (Nicolas Cage); ils se sont mariés très tôt, elle avait 19 ans... La soirée se déroule de façon positive, jusqu'à l'arrivée de Charlie: la panique s'empare de Peggy Sue, et quand elle est élue reine de la soirée, elle fait un malaise.
Elle se réveille en 1960, dans un lit d'hôpital: Peggy Sue Kelcher, 18 ans, vient de faire une prise de sang. Le problème c'est que dans sa tête elle vient des années 80, et que ce retour en arrière n'est pas simple ni à comprendre, ni à supporter...
C'est inclassable: bien sûr, le sujet comme le script invitaient la comédie (légère et fantastique, bien dans la manière du film des années 80, donc), et Coppola et ses acteurs ont joué cette carte à fond, en particulier dans les déclages inévitables d'une personne d'un certain âge, qui est dans la peau d'une personne plus jeune. Ainsi quand Peggy Sue, arrivée chez ses parents, boit de l'alcool pour se remettre les idées en place, ou quand elle explique à son prof de maths qu'elle sait, par expérience, que l'algèbre ne lui servira à rien dans sa vie future... La comédie se double d'un degré d'acceptation particulièrement élevé de l'absurdité de la situation, Peggy Sue réussissant assez rapidement à reprendre le dessus, et à pragmatiquement s'adapter.
Le fantastique ne sera évidemment pas expliqué, puisque d'une part ça ne sert à rien, et d'autre part ce n'est évidemment pas le sujet. Mais il y a quelques non-sequiturs malgré tout, comme cette cérémonie étrange à laquelle son grand-père (l'un des rares qu'elle ait mis dans la confidence de sa vraie situation) 'a conviée, pour plus ou moins lui restituer son époque. Mais l'essentiel du film est évidemment dans l'introspection, la nostalgie, le questionnement du rapport affectif à l'autre, et la possibilité illusiore de pouvoir refaire sa vie. Le film, après tout, s'appelle, inspiré par la chanson de Buddy Holly, Peggy Sue Got Married, et non Peggy Sue Got Divorced... C'est dans un parcours mental qui va lui permettre de reconstituer le puzzle de son mariage avec Charlie, que la clé du film réside. Tout repred sa place dans une scène de 1960,quand Charlie lui avoue son amour et qu'il y a échange de bijou... Un bon vieux mariage de substitution, comme dans les films sentimentaux de Frank Borzage. L'étrange situation de Peggy Sue est peut-être assez facile à accepter, parce qu'il lui permet un exercice de nostalgie grandeur nature... Comme à Coppola et son public, qu vont se retrouver devant l'Amérique de 1960: ses voitures (Sherwood Green, Candy Apple Red, Lake Placid Blue... Les nuanciers de l'époque), sa musique, sa télévision...
Le "voyage dans le temps" permet aussi de goûter à l'interdit, comme cette rencontre qui n'avait pas eu lieu dans le passé de Peggy Sue, avec un beatnik de son lycée, qui lui faisait secrètement envie dans la réalité... Mais tout, au final, renvoie à l'idée que pour Peggy, c'est Charlie, et pour Charlie, c'est Peggy. Pourtant, dans le prologue (années 80), de nombreuses allusions à d'autres possibilités se retrouvent évoquées, comme ce personnage de Richard, qui était un élève brillant (donc la bête noire) et qui a réussi au-delà de toute espérance. Et si Peggy Sue refaisait sa vie avec lui? Le lien entre les comportements des personnages dans les années 80 et dans les années 60 est aussi un ingrédient de la comédie, mais un facteur malin d'identification des personnages... Et l'un des aspects les plus faux du film: on voit bien que les personnages sont incarnés par des acteurs trop jeunes dans le prologue pour être quadragénaires, et trop vieux dans les années 60 pour être des lycéens. Mais on les reconnait sans problèmes...
Mais cet aspect finit par cristalliser le côté symbolique du film, situé dans un espace mental, celui d'une personn coincée entre ses désirs passés, et sa morosité ambiante. Il lui faut bien un peu de magie... et ça passera par deux ou trois choses, une robe magique qui fait le lien entre les deux époques, ou encore une idée culinaire de la grand-mère, bonne fée du film. Par contre, Nicolas Cage, neveu du metteur en scène, est ridicule de A jusqu'à Z, qu'il soit le Charlie quadragénaire (maquillage outrancier, comportement qui lui donne plus un côté vieux sexagénaire louche), ou en Charlie de 18 ans...
Mais cette comédie nostalgique était dans l'air, puisqu'une année auparavant, Robert Zemeckis avait embarqué Marty McFly dans le passé de ses parents. La comparaison est déloyale, mais ce film de "Francis Coppola" est, disons, un sympathique bonbon de nostalgie qui se laisse regarder.
/image%2F0994617%2F20240508%2Fob_fa5fbe_tumblr-m3gimecgom1r0fzoyo1-1280.jpg)
/image%2F0994617%2F20240508%2Fob_4474bd_pegsu-11.jpg)
/image%2F0994617%2F20240508%2Fob_5e1480_mv5bytq4ntzlotmtowrmny00zjmylwiwztctzd.jpg)