Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 14:23

La confusion des sentiments... Quand on y pense, à part lorsqu'un personnage (Crawford dans Mannequin, par exemple), hésite à se lancer dans les bras de l'amour ou d'une romance apparemment évidente, chez Borzage ce sujet n'est pas courant. Le couple, les amours partagées, sont généralement le fait de deux personnages qui prennent le devant de la scène et dont la réunion devient vite un enjeu inévitable et évident, et bien sûr le centre du film.

C'est ce qui me fait dire qu'avec ce nouveau film MGM, on est sans doute plus dans un univers proche du cinéaste, mais qui lui a été plus ou moins imposé. Il en a fait d'ailleurs un bien beau film, et a pu, de fait, travailler de nouveau avec deux actrices (Joan Crawford, Margaret Sullavan) avec lesquelles il lui avait été bénéfique de tourner, mais on est sans doute plus dans l'univers de Joan Crawford... Celle-ci interprète Olivia (De son vrai nom Maggie), une danseuse qui finit par accepter de se marier avec Henry, un riche fermier du Wisconsin. Il ramène sa femme chez lui, et un huis-clos va se jouer entre cinq personnages: Henry (Melvyn Douglas), conscient du fait que son épouse ne l'aime pas comme lui est amoureux; Olivia (Joan Crawford), embarrassée devant la difficulté de faire naitre en elle un amour pour Henry alors que son attirance pour le jeune frère David est évidente; David (Robert Young), marié à une amie d'enfance, et qui trouve en Olivia des désirs qu'il ne connaissait plus, Judy (Margaret sullavan), qui sait à quoi s'en tenir face aux sentiments de David, mais souhaite quand même aider sa nouvelle belle-soeur à s'intégrer, et enfin Hannah (Fay Bainter), la grande soeur des deux garçons, qui couve ses frères, a fini par accepter Judy qui ne représentait pas un trop gros risque pour elle, mais voit d'un très mauvais oeil l'arrivée de l'intrigante Olivia...

Cette intrigue avec chassé-croisés amoureux se concentre donc plus ou moins sur les amours irrésisitibles mais contrariées de David et Olivia, par lesquelles le drame va se précipiter. Les situations sont parfois complexes, et ne permettent pas toujours la concentration sur ce qui est le vif du sujet dans l'univers de Borzage: ces sentiments qui conditionnent tout. Malgré tout, on voit se dessiner une étrange intimité entre ces êtres, tous finalement seuls les uns avec les autres (En dépit de la présence de nombreux domestiques): autant entre maris et femmes qu'entre beau-frère et belle-soeur (Henry et Judy sont par exemple très complices). Et puis il y a la maison qu'Olivia réclame à Henry, symbole de son élévation sociale, mais qu'elle ne verra jamais complétée... Enfin, pour la première fois mais pas la dernière, Margaret Sullavan montre son sens du sacrifice! c'est peu, dans un film resserré qui a tout d'une adaptation théâtrale, mais les 76 minutes de ce divertissement de luxe sont un excellent moyen d'attendre, de la part de Borzage, les feux d'artifice futurs...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 18:44

Retournant à du matériau proche de ses préoccupations, le deuxième film de borzage pour MGM est superbe, illuminé par les prestations de ses deux stars, l'un comme l'autre des monstres sacrés: Spencer Tracy, avec lequel le réalisateur a déjà fait trois films, et Joan Crawford qui retournera à deux reprises avec lui. Dès le point de départ, Mannequin s'installe en marge du rêve Américain, dans les quartiers les moins reluisants de new York, mais bien loin des rêves de Chico dans Seventh Heaven, ou des vagabonds de A Man's castle: pour Jessie (Joan Crawford), le rêve est au début du film plus l'unique moyen de tenir debout qu'un véritable espoir. Non qu'elle n'essaie de s'en sortir, ou qu'elle cesse d'y croire: chaque jour à l'usine est un acte de foi. Mais elle n'est pas aidée: son père est un bon à rien à moitié gâteux qui joue de temps à autre au tyran domestique, son frère un incapable militant, et qui se destine sans doute à faire son trou dans la pègre pour s'en sortir, et sa mère souffre le plus en silence possible, mais demande quand même régulièrement à sa fille l'argent qu'elle a gagné pour satisfaire aux caprices des deux hommes de la maison. Afin d'échapper à tout ça, Jessie se marie avec son petit ami Eddie, mais c'est une mauvaise idée, il est aussi feignant que les deux autres réunis. C'est dans ce contexte que Jessie rencontre un homme qui a tout: J. L. Hennessy (Spencer Tracy), un armateur qui a construit une entreprise qui fonctionne très bien, un patron qui a la confiance de ses employés. Il a tout, il est riche, mais à compter du jour de sa rencontre avec Jessie, il va vouloir ce qu'il n'a pas: la jeune femme, en effet, dont il a compris qu'elle était mal mariée, et qu'elle ne pouvait que finir avec lui...

Le metteur en scène s'est clairement passionné pour ses personnages, et l'histoire est filmée avec une immense conviction contagieuse, comme une comédie sans en être une. L'amour fluctuant de Jessie pour Eddie, celui plus difficile à définir qu'elle va progressivement ressentir pour John L,  sont des pistes à suivre sans effort pour le spectateur grâce à la grande aisance de Borzage avec non seulement la représentation des sentiments, mais également sa capacité à éveiller chez le spectateur des échos des sentiments des personnages: il suffit de voir Spencer Tracy ici pour comprendre que Jessie finira mariée avec lui et heureuse: travail d'acteurs, oui, mais aussi un savoir-faire inimitable en matière de mise en scène du sentiment amoureux...

Un aspect récurrent en particulier est ici traité de nouvelle façon, plus complexe qu'à l'accoutumée: Cette faculté qu'ont certains personnages des films de Frank Borzage à agir en qualité de bonne fée, à la façon dont la marraine de Cendrillon lui met le bonheur clés en mains en créant les conditions de sa réalisation, se retrouve ici sur un personnage négatif, Eddie, qui entend profiter de l'affection qu'à J.L. Hennessy pour son épouse, et en profiter financièrement. La transformation (Citrouille en carrosse dans Cendrillon) qu'Eddie propose à Jessie est de divorcer de lui, afin de se mettre en position de séduire Hennessy, et au final de lui prendre tout son argent de manière à ce que tous deux, Eddie et Jessie, en profitent. C'est, bien sur, inacceptable, mais cela va permettre un point positif: en entendant Eddie lui donner cette idée odieuse, Jessie réalise qu'elle ne peut pas l'aimer, et le quitte sans aucun regret. Mais Hennessy lui-même, obsédé par Jessie, fait tout pour qu'un jour elle se retrouve chez lui, et ce jour arrive à l'occasion d'une réception luxueuse... Mais ici, la bonne fée se confond évidemment avec le prince, puisque Jessie a dansé avec lui lors de leur première rencontre. Enfin, Jessie elle-même y va de sa manipulation, en souhaitant quitter Hennessy alors que celui-ci est riche: elle entend lui prouver qu'elle ne l'a pas épousé pour son argent. Mais elle veille sur lui de bien d'autres façons, comme le prouve la très jolie fin, d'une grande délicatesse...

Autre allusion à la transformation de Cendrillon, l'accent mis sur les vêtements de Joan Crawford, dont par exemple le métier de chorus girl n'est capté que dans les coulisses: elle y est vue se changeant, passant d'un atour à l'autre. Et bien sûr, quand elle devient mannequin, un défilé donne lieu à une scène de comédie durant laquelle le destin du couple Hennessy va se jouer: cette scène durant laquelle la jeune femme est vue avec plusieurs toilettes différente tient lieu de bal pour Jessie et Hennessy, et c'est le point de départ de leur relation amoureuse...

Le film est typique de la fin des années 30, pas très éloigné de Capra dans sa représentation d'une Amérique volontariste, dans laquelle ceux qui cessent d'y croire (la mère), ou qui se contentent de la facilité (Les hommes autour de Jessie) sont condamnés à la stagnation. Il faut persévérer, nous dit Borzage par le biais de l'exemple de Hennessy qui a réussi sans marcher sur personne, ou par l'exemple de Jessie qui ne va jamais baisser les bras et croire, surtout devenue enfin seule, à la possibilité de s'élever. Cette métaphore spatiale de l'élévation physique qui symbolise l'ascension sociale, est toujours aussi importante chez Borzage, qui joue avec les ascenseurs et les escaliers pour nous montrer le chemin, dès la première scène: Jessie rentre chez elle, et monte un escalier: elle est fatiguée, mais parvient enfin au sommet. Quel contraste avec la scène durant laquelle elle se rend chez Hennessy, mais tente de partir, alors que Tracy essaie de la retenir en bloquant l'ascenseur! Chez ce doux rêveur millionnaire, au passage, on constate qu'il a un peu réalisé l'ambition de Chico: il vit dans un magnifique appartement au sommet d'un building, Et il est riche...

Après un Big City en demi-teintes, Mannequin prouve que Borzage est chez lui à la MGM, qu'il n'a rien perdu et qu'il a de beaux films à faire: il ne s'en privera d'ailleurs pas...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 17:00

Pour démarrer son contrat avec la MGM, Borzage commence par un film atypique, pour le studio du moins... Le générique, avec ses caricatures filiformes qui accompagnent tous les noms du générique, techniciens comme acteurs, on s'attend d'ailleurs à une gentille screwball comedy, comme Bringing up baby dont les crédits usent du même principe... On rit et on sourit parfois dans Big City, mais cette tenttaive de faire passer le film pour une comédie pourrait bien être un truc après coup pour faire avaler la pilule d'un film inconfortable sur un certain nombre de points. En effet, on imagine mal le vieux conservateur Louis B. Mayer, qui avait déja du s'étrangler devant The crowd, Freaks et Gabriel over the White House, voir d'un oeil bienveillant un film dont les héros sont des petites gens, pour beaucoup des immigrants en proie au grand capital... Mais le film n'est pas, bien sur, un manifeste socialiste non plus. On n'est pas très loin de l'univers de Capra, avec son refus des grosses organisations tentaculaires, et sa mise en avant d'un visage humain du capitalisme, bref: c'est un film "populiste".

 

Joe Benton (Spencer Tracy) et sa femme Anna (Luise Rainer), une immigrée Hongroise dont les droits à la citoyenneté Américaine vont bientôt pouvoir être appliqués, sont heureux; d'ailleurs elle va avoir un bébé... Lui est chauffeur de taxi à New York, et travaille pour une société indépendante par opposition à la compagnie Comet dont les chauffeurs n'hésitent pas à attaquer physiquement les collègues indépendants pour leur voler leurs clients. Le frère (Victor Varconi) d'Anna se fait embaucher par la compagnie Comet afin d'espionner leurs agissements, mais il est trahi, et tué. Anna est victime d'un piège, la compagnie Comet lui imputant la responsibilité d'un attentat, et elle va être expulsée... Joe commence alors à la cacher, avec la complicité de ses voisins et amis, mais la justice la recherche...

 

Retrouvant Spencer Tracy après Young America et A Man's castle, Borzage lui adjoint la trop rare Luise Rainer, et on retrouve avec la complicité amoureuse des deux jeunes mariés un caractère très personnel du cinéaste, mais l'essentiel de ce film reste quand même un démarquage de l'oeuvre de Capra. C'est fait avec tendresse, et parfois un peu foutraque aussi comme cette résolution avec des boxeurs en congrès (Dans leur propre rôle) qui viennent prêter main forte aux taxis indépendants... Le sacrifice d'Anna, qui a compris que tant qu'on ne la retrouverait pas les petites gens de son quartier allaient souffir du harcèlement de la police, et la notion d'entraide, renvoient autant à Capra qu'à Borzage. Enfin, l'appel au secours de Joe, dont l'épouse vient d'être mise de force sur un bateau pour retourner en Europe, va occasionner une réponse inattendue des politiciens locaux, qui se déplacent tous pour venir en aide à la jeune femme, un peu de la façon dont les huiles de la ville viennent en aide à Apple Annie dans Lady For A day...

 

Totalement distrayant et très court, ce premier film MGM ne tient pas les promesses de son générique loufoque, mais constitue une entrée en matière d'une des périodes les plus variées de la carrière de son metteur en scène, qui allait retrouver sa vedette bientôt pour une quatrième et dernière fois. Même si l'ombre de Capra est très importante sur ce film, on y retrouve une bonne part de l'univers du réalisateur, à travers sa peinture tendre des petites gens qui vivent un peu en marge du rêve Américain...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 17:27

Entre deux contrats, entre deux films, Frank Borzage a réalisé pour le compte de l'indépendant Walter Wanger ce film étonnant, extravagant, dans lequel il semble se débarrasser de toutes les limites imposées durant les années 1934-1936 par la Warner... avec charles Boyer, Jean Arthur et Colin Clive, il retrouve son style, son univers et son type de personnage pour une histoire d'amour fou comme il en a bien peu tourné depuis l'arrivée du parlant. Colin Clive y est un homme fou d'amour pour son épouse, et tellement jaloux qu'il en est invivable. Jean arthur y incarne son épouse, décidée à assumer son divorce afin de se débarrasser de l'étouffante présence de son époux, qu'elle aimait mais ne peut plus aimer en raison de ses excès. Et Charles Boyer y est un homme qui déboule un jour par hasard dans la vie de Jean Arthur au moment ou le chauffeur de celle-ci lui joue une scène à la demande de l'époux, afin de tester son comportement. Et une fois entré dans la vie d'Irene (Arthur), Paul, le maitre d'hôtel Français (Boyer) n'en sortira plus...

 

On mesure la dose de mélodrame au degré d'invraisemblance, et là, on est dans un monde purement mélodramatique: obsédé par son épouse, Clive est aussi armateur, et s'apprète à lancer un bateau, le... Princess Irene. A la in, apprenant que les amants y sont passagers, il donne l'ordre de battre un record de vitesse, afin de pousser le bateau vers le danger des icebergs... Paul et Irene, lors de leur soirée improvisée en tête à tête, se sont créés un menu de rois et de reines, qui devient en quelque sort leur sésame pour se retrouver instantanément coupés du monde, dans un endroit qui leur appartient en propre... Paul, habillé en homme du monde comme le vagabond Spencer Tracy dans Man's castle, est en fait maître d'hôtel... Mais tout comme Spencer Tracy dans le film mentionné, son bel habit reflète la noblesse de son caractère. et un petit truc qui ravira les fanatiques de Borzage: lorsque Charles Boyer et Jean Arthur dansent ensemble, elle perd sa pantoufle... il la ramasse, mais elle choisit finalement d'abandonner les deux. Ainsi, on a en même temps l'abandon de soi à la simplicité de l'amour, le thème habituel de Cendrillon (Avec un Boyer qui est à la fois le prince charmant et la bonne fée), et l'intimité instantanée partagée par les amoureux, dans un restaurant vide qui ne s'est ouvert que pour eux...

Doté d'un beau titre à la hauteur de l'originalité du film, History is made at night est une halte nécessaire et bienvenue dans la carrière de Borzage. dans la période qui allait suivre, quelques films allaient pouvoir rivaliser avec ce conte délirant, mais assez peu en vérité...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Criterion
12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 17:47

Avec Green light dont Flynn entendait faire un changement radical par rapport à ses épopées précédentes (Captain Blood et Charge of the light brigade), Borzage a donc réalisé son dernier film Warner, qui tranche sur tous les autres, et est de fait plus proche de ses préoccupations. Errol Flynn y incarne un médecin, le Dr Newell Paige, particulièrement préoccupé du bien-être de ses patients, et qui confesse n'avoir aucun temps pour se soucier des âmes. sa rencontre avec la fille d'une patiente décédée qui le croit responsable va bouleverser sa vie, et l'amener à se remettre durement en question...

 

Le dr Newell Paige est un héros sans tourment, à la vie réglée: il résiste vaillament aux avances de l'infirmière Ogilvie (Margaret Lindsay) parce qu'il la sait amoureuse, et ce n'est pas réciproque. Il prend bien soin de ses patients, ce qui le pousse à remplacer au pied levé un collègue qui tarde pour une opération; mais lorsque celui-ci commet une faute dans l'opération, il ne le dénonce pas. La crise qu'il traverse suite à sa démission vont pourtant lui faire trouver sa voie: il va se sacrifier, trouver dans une expérimentation sur lui même la façon dont il peut être utile pour toute l'humanité. Aidé en cela par l'infirmière Ogilvie, qui va sacrifier son amour, par Phyllis Dexter (Anita Louise), la fille de la patiente décédée dont il est tombé amoureux, par le doyen Harcourt (Cedric Hardwicke) enfin, un vieux révérend qui va se placer non pas en juge, mais plus en conseiller des personnages principaux dans le film, assumant ainsi l'habituel rôle dévolu aux "bonnes fées" dans les contes inspirés de Cendrillon: on est bien dans l'univers du cinéaste.

 

La spiritualité dans ce film, en dépit de tout, y est représentée comme un ensemble de choix, un parcours atteint à l'issue d'un ensemble d'épreuves. on retrouve le gout de Borzage pour les passions et sentiments mis à l'épreuve du travail, du sacrifice ou de la passion amoureuse. On le retrouve tout en sachant que le film, aussi délicat et inhabituel soit-il, n'est pas son meilleur, s'entend. Du reste, Flynn est revenu ensuite à de plus classiques aventures, mais certains aspects sacrificiels de son personnages se retrouveront dans Dive Bomber et dans They died with their boots on quelques années plus tard...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 17:43

Hearts divided, bien que distribué par la Warner, est en réalité une production Cosmopolitan, c'est-à-dire de William Randolph Hearst, avec dans le rôle principal sa protégée Marion Davies. Celle-ci, on le sait mais il faut le répéter encore et encore, n'était pas la caricature qu'en a fait Orson welles dans Citizen Kane, un film de fiction, rappelons-le. Elle était une actrice douée pour la comédie, qui savait interpréter avec son propre rythme des personnages de jeunes femmes souvent romantiques et un peu exubérantes. Elle est ici Betsy Patterson, la jeune héritière de la  famille établie, d'un notable Américain sous Thomas Jefferson, alors que Napoléon cherche une solution décente pour se débarrasser de la Louisiane sans trop perdre la face. Il envoie donc en éclaireur son frère Jérome, qui se fait passer pour un précepteur de Français, et tombe vite amoureux de son élève. Le film se base ensuite sur le conflit entre le coeur et la raison, principalement la raison d'état... Notons que cette idylle entre Jérome et Elizabeth Patterson est authentique, mais que son issue historique est bien différente de celle choisie par les scénaristes.

La Warner a dépêché quelques-uns de ses atouts pour cette production extérieure, avec Frank Borzage à la direction, Claude Rains en Napoléon et Dick Powell en Jérome Bonaparte, précepteur charmeur et chantant. Le film vaut bien mieux que les précédents véhicules de Powell réalisés par Borzage, et si ce dernier ne retrouve pas son univers propre avec cette comédie sentimentale située dans une Amérique ancienne et un brin transformée en royaume d'opérette, au moins a-t-il des occasions pour reprendre le contrôle de son film: ainsi certaines scènes de séduction entre Powell et Davies bénéficient-elles de menues inventions, d'un rythme parfait, et s'écartent des sentiers battus; pour le reste, la comédie est largement fournie par un trio de prétendants dans lesquels on remarque aisément, mais c'est trop facile, Charlie Ruggles et surtout Edward Everett Horton, et bien entendu ce dernier est aussi purement génial qu'à son habitude... Quant à Claude Rains en Napoléon, c'est une intéressante surprise...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Marion Davies
6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 07:18

Film réalisé durant le terne contrat de Borzage avec la Warner Bros, mais pour un autre studio, Desire est forcément marqué par l'équipe responsable de sa confection: Tourné pour la Paramount, réalisé par Borzage et produit par Lubitsch, avec Marlene Dietrich et Gary Cooper, Lubitsch ayant assuré le remplacement de Borzage sur certaines scènes, le film dont on voit bien quel pedirgree royal il avait, a par-dessus le marché partiellement bénéficié de scènes tournées en France et en Espagne... Donc, clairement une affaire de prestige, c'est aussi un mélange délicat de romance et de comédie, avec pour changer un peu un accent sur cette dernière...

 

Marlene Dietrich y est Madeleine de Beaupré, une voleuse de bijoux qui travaille avec deux escrocs, Carlos Margoli (John Halliday) et 'Tante Olga', le cerveau de la bande. Leur méthode est entièrement basée sur la classe de la jeune femme, qui s'introduit dans les bijouteries et sans grand effort, se fait passer pour une bourgeoise huppée dont le mari règlera plus tard l'achat de colliers particulièrement dispendieux... Elle fait la rencontre, alors qu'elle file vers l'Espagne pour y rejoindre Carlos, d'un américain, Tom Bradley (Cooper), un ingénieur employé par une marque d'automobiles, en vacances. Les bijoux passent de mains en mains et de poches en poches suite à divers quiproquos, et Tom et Madeleine se retrouvent plus ou moins forcés de cohabiter, le temps pour Madeleine de récupérer le collier de perles qui est situé dans le veston de l'Américain...

 

Le film est ambivalent: il n'y pas pas beaucoup ici de traces très tangibles de l'univers de Borzage, ces amoureux sont peu touchés par la grâce, et le coté direct et naïf de Cooper ne le prédispose ni à l'amour fou, ni à être touché par une certaine sorte d'épiphanie sacrée à l'instar de Chico par exemple... La comédie reste pétillante, légère, et si les protagonistes s'accordent bien entendu de tomber vraiment dans les bras l'un de l'autre, le sentiment qui domine, c'est qu'on est chez Lubitsch d'abord et avant tout. Les scènes Parisiennes, au début du film, portent totalement sa marque, avec l'exposé brillant de la façon dont opère Madeleine, se rendant d'abord chez le bijoutier pour négocier l'achat de perles au nom de son mari, un neurologue célèbre (Ce qui est évidemment faux) puis le rendez-vous avec le bijoutier chez le neurologue en question, auquel elle a prétendu qu'elle est l'épouse du bijoutier, celui-ci ayant la manie de distribuer des factres délirantes... La scène est jouée simplement, avec élégance, mais le résultat de cette construction sous-jouée est bien sur d'une drôlerie efficace et irrésistible... Le contraste ensuite entre la classe (Et la duplicité) de Madeleine et le coté boy-scout de Tom joue aussi à leur avantage. La façon dont, même en colère contre elle, Cooper s'écrase devant la jeune femme, est irrésistible. Reste, si on cherche à retrouver l'univers du metteur en scène en titre, ces moments de séduction, qui se terminent par une ellipse; on est en 1936, les grandes heures de franchise sexuelle des films pré-code sont passées, mais on jurerait que Cooper et Dietrich (Qui dorment dans des chambres séparées) ont passé la nuit ensemble; quand on les réveille l'un et l'autre, ils s'interpellent directement: "Yes, darling?", hébétés et encore sous le charme de leur séduction de la soirée précédente...

 

Bien meilleur que les films contemporains tournés à la Warner, Desire est donc le paradoxal fruit de la rencontre entre deux univers qu'on ne pensait pas compatibles... Lubitsch a dominé le film de son style, c'est une évidence, n'oublions pas qu'il était chez lui à la Paramount! A titre personnel, je ne regrette qu'une seule chose au sujet de ce film, c'est que fidèle à son habitude, Marlene Dietrich y chante: je ne supporte décidément pas sa voix! Fin de la digression... Desire est une comédie de grande classe, c'est bien ce qui compte...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 13:30

Il va falloir enfoncer le clou: la Warner Bros a gâché le talent de Borzage. Celui-ci s'est acquitté avec honnêteté de ce genre de tâche en droite ligne du médiocre Flirtation walk, en filmant de façon professionnelle un faux musical (une fois de plus, Dick Powell et Ruby Keeler chantent et dansent occasionnellemnt dans ce qui reste un comédie conventionnelle) dans lequel le cinéma de l'absolu et le gout onirique de l'amour fou sont passés à la trappe: Dick est un jeune homme de bonne famille, héritier d'une lignée de militaires, et qui est mis au défi par son père de passer le concours d'entrée à l'école navale, cequ'il na jamais accepté de faire. Il est admis, et va découvrir un monde qu'il va refuser au dépatr, et qui va finalement devenir son univers...

Si au début du film les deux tourtereaux s'échappent d'une salle de restaurant pour aller observer les étoiles et s'avouer simplement leur amour réciproque, pour le reste, il est surtout question d'amour de la patrie, de camaraderie militaire, d'accepter les humiliations des officiers et de tout un tas d'autres stupidités de ce genre, toutes assénées sans même la poésie qui pouvait caractériser les films militaires de Ford; Si on admet que le film présente au moins une vision socialement ouverte des instances militaires Américaines, avec le fils à papa qui cotoie le cow-boy, cette litanie ultra-glorieuse, cette déclaration d'amour à l'institution douteuse qu'est l'armée me semble pour le moins vomitive... Chico et Diane me manquent. 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 10:02

Même si au regard des sommets de l'oeuvre de Borzage ce film reste une petite étape pas très significative, il n'en reste pas moins que c'est un des meilleurs films de la période Warner du cinéaste, nettement plus riche que les petits véhicules pour Dick Powell et Ruby Keeler par exemple. Stranded est un confluent nourri de trois tendances: d'abord les films Warner taillés pour les deux stars George Brent et Kay Francis; ensuite, c'est un film qui reflète plutôt bien la ligne "politique" pro-Rooseveltienne du studio en cette fin d'années 30, lorsque la politique volontariste et les grands travaux vont être mis en valeur sur l'impulsion de Jack Warner; enfin, bien sûr, le film est marqué par l'humanisme de Frank Borzage, même si celui-ci n'a pas trouvé ici matière à exprimer tout ce qu'il a sur le coeur...

Lynn Palmer (Francis), une jeune femme privilégiée, travaille pour une organisation caritative, Traveler's aid, qui aide les oubliés de la crise à trouver une place. Elle est très engagée, et doit non seulement affronter la misère, mais aussi le regard condescendant des autres gens de sa classe, qui la prennent de haut: deux d'entre eux se font particulièrement entendre dans le film: Velma Tuthill (Patricia Ellis) est une jeune femme de la haute société qui utilise le bénévolat pour échapper à sa mère, et faire à peu près ce qu'elle veut, et Mack Hale (Brent), un ingénieur, n'a pas de mots assez durs pour fustiger une occupation inutile, qu'il assimile à une charité absurde, considérant que si les gens veulent travailler, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Mais si Mack Hale, engagé dans la construction du Golden Gate (qui prit quatre ans, de 1933 à 1937), est un meneur d'hommes strict et rigoureux, c'est aussi un ancien flirt de Lynn. Les deux se revoient, tombent amoureux, et se lancent dans des joutes verbales sur leur opposition,jusqu'au jour ou celle-ci devient un obstacle à leur mariage... Lynn va pourtant faire beaucoup pour montrer la voie à Mack...

Portrait d'une femme avant tout, ce film prend sans vraiment s'en cacher le parti du volontarisme de Lynn, dès l'ouverture du film qui montre le 'traveler's aid' en action, mais aussi ses limites, puisqu'un vieil homme se suicide devant Lynn pour échapper à la spirale de la charité. A ce niveau, Borzage a du mal à fournir des images qui vont au plus profond de la crise: tout au plus verra-t-on quelques 'breadlines', des queues de sans-abri, et une visite dans un asile pour femmes seules, dont l'essentiel est filmé depuis un lit. Mais 'véhicule' oblige, Lynn et Mack vivent dans des intérieurs élégants, et vont à beaucoup de parties...

Un aspect plus réussi du film est la peinture du travail, en particulier sur le chantier du Golden Gate, particulièrement bien reproduit dans le film. Mais l'intrigue culmine dans une lutte entre Mack, ses ouvriers et une organisation syndicale marron, qui prone le sabotage par les ouvriers du chantier. Habile à ménager la chèvre progressiste (Mack Hale ressort comme un patron généreux, assisté ici par une madone qui ouvre son coeur et ses mains aux gens en période de crise) et le chou conservateur (le syndicat représenté dans le film se fiche bien de l'outil de travail et prone une lutte de classes imbibée de méthodes mafieuses), le film est prenant, riche d'un rythme soutenu, sur ses 75 minutes. On sait que Borzage aimait à prendre son temps, donc il manque certainement des éléments qui lui auraient permis de plus s'impliquer. Pas de sacré ici, juste un engagement de l'un(e) des protagonistes, qui convainc l'autre. A ce titre, si on adore Brent en grognon permanent, sa conversion est un peu rapide... Quant à Kay Francis, elle est comme d'habitude une dame "de la haute" habitée par la grâce, et s'en sort malgré tout très bien.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 18:46

Non, décidément, cette période Warner n'est pas vraiment le moment le plus important de la carrière de Borzage... Pourtant, ce film taillé à l'origine comme un véhicule pour les deux stars maison (Kay Francis et George Brent), qui ont tous deux tourné avec tous les metteurs en scène Warner, Curtiz en tête, avait beaucoup d'ingrédients pour se transformer en un film propice à inspirer le réalisateur, et on retrouve sa touche sur de nombreux aspects du scénario, et du film. Mais il est insatisfaisant sur trop de points pour qu'on se risque à comparer plus avant. Et pour commencer, il me semble que le film souffre d'être conçu en plein au moment ou le code de production se raidissait, d'ou l'impression d'une oeuvre aseptisée, par rapport aux films pré-code du réalisateur, qui étaient libres, Man's castle en tête. Ainsi, ici, a-t-on de nouveau deux amoureux dont la passion emporte tout, mais qui vont sagement dans une vraie église, avant de se retrouver dans un boui-boui... en fait, une petite maison cossue, avec deux lits bien sagement séparés d'un mêtre.

 

Ensuite, le scénario souffre d'un problème grave: il est vide... pas d'enjeu ici, juste un constat: Terry Parker, qui a perdu sa famille dans un accident (dont il est la cause, mais cela n'est jamais souligné), dont il est sorti miraculeusement indemne, a désormais l'impression d'être dans une sorte de purgatoire, et désire profiter de la vie ("Vivre sur du velours") en se livrant à tous les caprices... jusqu'au jour ou il rencontre Amy, qui l'aime aussi. Puis ils se marient, puis font semblant de se chamailler... et on cherche cruellement un antagoniste, un vrai: oh, bien sur, le meilleur copain (Gibraltar, joué par Warren William) est l'ancien fiancé éconduit... mais comme son nom l'indique, il va être le trait d'union entre les deux amants, et va leur donner sa bénédiction , ainsi que de l'argent par un stratagème. Alors le seul antagoniste réel, c'est la passion pour le danger de Terry, mais même ce point n'est développé que tardivement.

 

Alors bien sur, Borzage réussit, ça et là, à s'imposer: il nous montre le coup de foudre, de façon frontale, sans tergiverser (Il n'en a pas le temps, le film fait 77 minutes); il nous ressort le schéma de Cendrillon, avec la marraine-bonne fée jouée par le personnage de Warren William; il montre que les deux amants n'ont pas de temps à perdre, et doivent se marier sans attendre; ils les montre, avant le mariage, partageant une étrange intimité, avec Kay Francis qui attend sagement dans la salle de bain, pendant que George Brent prend sa douche, et les montre heureux en amour jusqu'à ce qu'un soudain afflux d'argent vienne tout gâcher. Mais tout ça n'est pas suffisant, on peine à suivre ces personnages sensés incarner une certaine marge, mais qui sont bien souvent invités à des soirées et des cocktails... L'irruption d'un miracle, à deux reprises (Au début et à la fin), dans le film, n'y fait pas grand chose: bien que franchement supérieur à son prédecesseur Flirtation walk, le film laisse peu de chances à Borzage de s'imposer.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage