Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 18:39

Après la noirceur austère du précédent film vu, le beau mais triste The pilgrim, quel bonheur de pouvoir se plonger dans un film plus solaire, et qui enfonce malgré tout le clou: Borzage s'intéresse aux sentiments, à leurs rapports avec l'âme, et s'acharne dès ces premiers films à raconter des histoires en ce sens. On dira beaucoup, en particulier dans les années 20 ou 30, que Borzage s'est souvent laissé séduire par l'approche du conte de fée, Cendrillon en tête... Mais ici, ce serait plutôt Blanche-Neige ou Bouton d'or: je m'explique.

 

Un jeune homme (Borzage), bon à rien, et constamment en nouba avec ses riches amis, est sommé par son père excédé de débarrasser le plancher après une nuit particulièrement arrosée. Il trouve refuge dans un train en partance pour l'Ouest. En Arizona, Nugget Jim, un chercheur d'or, vit dans une précarité compliquée par le fait que sa fille doit travailler au saloon, et s'en plaint de plus en plus. Il rentre chez lui, et là... tombe sur le jeune homme, littéralement tombé du train, se servant sans vergogne et mangeant comme quatre. Comme les sept nains, Nugget se méfie, et comme les trois ours face à Boucle d'Or, il est carrément hostile. Voyant que le vagabond n'est pas disposé à partir il lui met un tamis et une bêche dans les mains, et de fait les deux hommes deviennent partenaires... Quelques temps plus tard, Jimmy, le partenaire de Nugget Jim, va prendre du bon temps en ville, et voit Nugget avec sa fille (Anna Little). Il est scandalisé que le père ait laissé sa fille dans cet environnement, et prend les choses en mains...

 

Comme avec Lucky Star dans lequel Charles Farrell prend en mains Janet gaynor afin de faire d'elle une jeune femme bien alors que son environnement la pousse dans le caniveau, Nugget Jim en prenant Jimmy sous son aile va faire de lui un homme utile, moralement fiable, et un vrai partenaire, puis un ami. Comme dans les films ultérieurs, Borzage inverse ensuite la donne, Jimmy allant plus loin et prenant à son tour les rênes. C'est l'une des surprises subtiles de ce beau petit film, dépourvu de toute action, dans lequel Borzage laisse de la place au destin (Jimmy tombe dans la mine de Nugget, par un hasard extraordinaire; mais il TOMBE vraiment: on le voit dévaler une pente caillouteuse...) et au mélodrame (la lettre du père qui rompt le charme du trio à la fin, en lui proposant de revenir, afin de le pardonner); il se repose une fois de plus sur des acteurs et des techniciens qui sont son unité de production, et met la main su script. Il joue avec conviction, et refuse les artifices de l'action pour l'action. et son film touche au sublime lorsque Jimmy trouve un chatiment formidable contre son ami, afin de lui faire payer son inconséquence vis-à-vis de sa fille... Tout est cohérent, et ce film de 25 minutes passe en un éclair.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Muet Western
18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 10:13

Le neuvième film de Borzage est à nouveau un western en deux bobines, comme The pitch o'chance. Et comme cet autre film, celui-ci réussit à mettre en oeuvre une densité émotionnelle, la mise en perspective de personnages et de caractérisation, alors que le but affiché de ces westerns étaient de remplir la feuille de route du genre: de l'action, des chevauchées, des coups de feu...

 

Borzage y joue un "pélerin", au sens donné par John Wayne à ce mot dans The man who shot Liberty Valance: un homme de passage. c'est un ours, un homme taciturne, peu souriant, libre d'attaches, au vocabulaire limité (On le voie trois fois acquiescer d'un "Yep!" presque comique), qui même embauché dans un ranch par un propriétaire assez débonnaire, va quand même coucher dehors, la tête sur sa mule. Il arrive au ranch à peu près en même temps qu'une jeune femme de la ville, la fille du propriétaire (Anna Little). Celle-ci et Le pélerin vont se croiser, se côtoyer, et vite développer un mélange d'amitié et de fascination mutuelle. Il va changer, et tenter sa chance auprès d'elle, mais ele est déja fiancée, et on sent le regret qu'elle fait peser dans cette révélation.

 

Si Borzage joue à merveille le personnage de cet homme sauvage et violent, qui montre peu à peu toute son humanité, il a aussi réservé une grande place à Anna Little, à laquelle il offre des gros plans "en situation", contrairement à ceux d'un Grifith, tout en charge symbolique. Ici, ces images sont partie intégrante de la narration et de la caractérisation. Une fois de plus, un petit film par la taille, mais déja un grand pas en avant dans l'oeuvre de Borzage.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Muet Western
18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 09:50

The pitch o' chance est le premier film de Borzage, et compte tenu du fait que la plupart de ses films d'avant 1920 ont disparu, c'est une sacrée chance de pouvoir en disposer aujourd'hui, et dans une copie complète de surcroît. Ajoutons à cela le fait que le film a été distribué par Mutual, une compagnie qui s'est éteinte en 1919, suite au départ de sa plus grosse vedette, Chaplin bien sur: privés d'un toit, des archives d'une compagnie stable, c'est un miracle qu'on dispose encore de certains de ces films, qui plus est considérés à l'époque comme des produits de consommation courante. C'est que Frank Borzage acteur a fait ses classes chez Thomas Ince, le producteur qui fournissait beaucoup de westerns de qualité à une époque ou le western restait un sous-genre pas très glorieux.

 

C'est un film qui reflète une vision assez étrange du western, à la fois mythique et contemporaine: après tout, on peut imaginer que dans certains coins reculés des Etats-Unis, en 1915, ce type de vie précaire et proche de "la Frontière", cette mythique limite du monde connu, existait encore. Rocky (Borzage) est un joueur invétéré. Un jour, il joue une femme Kate, avec un truand, et remporte la mise, grâce à une autre femme qui, jalouse de Kate, a triché en la faveur du héros. Flanqué d'une femme certes sauvée des griffes du bandit, mais humiliée et avilie par la transaction, Rocky réalise bien vite sa faute et lui rend sa liberté, avant qu'une nouvelle confrontation entre les deux hommes ne lui permette de nouveau de conquérir, cette fois légitimement, le coeur de la jeune femme.

 

Le décor, fruste et souvent minable, des cabanes, saloons ou autres granges, trahit le coté temporaire, mais aussi les rudes conditions de ce monde en perpétuel mouvement. Le fait que le héros soit un joueur va évidemment dans ce sens, puisque Rocky, immature et cynique, avance en ne faisant que jouer, laissant au hasard le choix pour tout. Si le drame qui se joue est celui de la jeune femme, Borzage va s'ingénier à donner à son héros une transformation assez fascinante pour qui connait le reste de l'oeuvre du metteur en scène... C'est à la lumière d'un feu, alors qu'il se tient debout, que le jeune homme va faire le premier geste digne de son périple, en confiant à la femme qu'il a gagné au jeu ses armes, une première tentative de lui rendre sa liberté. Ensuite, incapable de se lancer dans un geste magnanime, il feint de trouver un nouveau prétexte de jeu pour lui rendre totalement son libre-arbitre: il lui propose de voir lequel d'entre eux arrivera le premier à la ville qu'ils ont quitté la veille. Une fois ce rétablissment d'humanité accordé à la jeune femme, Rocky va devenir la cible du bandit qu'il a humilié, et c'est la jeune femme qui va le sauver...

 

L'amour naissant dans les pires conditions, la cohabitation forcée, la transformation inattendue d'un être humain, tous ces thèmes apparaissent déja dans ce beau petit film, comme ils apparaitront plus tard dans Seventh Heaven, Lucky Star, A man's castle... Beaucoup de Borzage est déja dans ce premier effort en forme de petit western de rien du tout, avec ses cowboys sales et ivrognes, ses filles de saloon éprises du peu de dignité qui leur reste, et ses campagnes sans attrait. C'est une sacrée surprise, et ça ne donne qu'une seule envie: continuer à explorer l'oeuvre de ce géant du cinéma.

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Muet Western