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10 avril 2025 4 10 /04 /avril /2025 21:48

Le film commence directement, sans temps mort, par un accident: une voiture roule à vive allure, quitte la route... La une des journaux nous apprend le décès d'un homme important. C'était un millionnaire sans enfants... Son héritier est un jeune homme, Longfellow Deeds (Gary Cooper), qui vit à Mandrake Falls, Vermont: totalement ignorant du monde des affaires, de la vie urbaine, et qui se considère comme un poète, joue du tuba, et ne dépare pas vraiment dans la petite commune où il vit, tant il est gentiment farfelu. C'est donc ce grand naïf qui va s'installer à New York pour reprendre la direction des affaires de son oncle éloigné...

Le cinéma muet Américain s'est fait une spécialité d'opposer, dans le drame, la comédie comme le mélodrame, la ville (corrompue et aliénée, elle fait des monstres des humains qui y habitent ou s'y aventurent) et la campagne (la vraie vie au grand air, la simplicité, l'humanité tendre et reposante)... Cette dichotomie bien pratique a toujours été un terreau particulièrement attirant pour Capra (pas que lui, d'ailleurs...), et c'est flagrant dans ce film et sa "suite" camouflée, Mr Smith Goes to Washington... Longfellow Deeds, dont Cedar, l'avocat (Douglas Dumbrille) des affaires de son oncle dit qu'il est juste un gosse qu'on pourra manipuler, va d'abord être le jouet de la presse qui va se jeter sur lui, et ce sera le travail de la journaliste Babe Bennett de s'approcher au plus près, et de tenter de ramener de quoi transformer le jeune héritier naïf en nouvelles croustillantes...

Dès le départ donc le pays entier semble déterminé à se dire qu'il est cuit: il va être aisément manipulable, il suffira de gérer comme on l'a toujours fait... Pourtant Deeds n'est pas aussi malléable qu'on aurait pu le croire. Capra en fait le véhicule du bon sens, et on n'a pas de doute que la journaliste aux dents longues et acérées va craquer pour lui. Le film est politique, à sa façon: alors qu'on attendait l'agneau dans la meute des loups, Deeds va en effet importer le bon sens humaniste et une certaine fraîcheur dans les affaires de feu son oncle. quand il arrive en ville, il est prêt d'emblée à tout donner de cet héritage dont il n'a jamais eu conscience qu'il lui reviendrait... Devenu de droit le président d'un conseil d'administration d'un opéra, il s'oppose aux tentatives flagrantes de corruption dont il est le témoin... Il défend son terrain et sa propre différence avec les poings s'il le faut dans une scène inattendue où il est confronté à la corruption ordinaire en compagnie de la journaliste qui s'est introduite en conrebande dans sa vie...

La scène la plus importante, sans doute la plus significative, est celle qui voit un chômeur en bout de courses'introduire chez lui pour le menacer... C'est une prise de conscience non seulement pour Deeds, mais aussi  pour le spectateur, qui jusqu'à présent n'avait vu des affaires dont Deeds a la charge, que le versant administratif. C'est un tournant dans le film, qui renvoie à d'autres moments forts de l'oeuvre: la fermeté et le bon sens de Walter Huston dans American Madness, la confrontation de Claudette Colbert avec le peuple qui voyage en bus dans It happened one night, ou la façon dont les acteurs minables revendiquent leur dignité face à l'exploitation dont ils sont victimes, dans The Matinee Idol...

C'est sans doute ce qu'on a appelé Capracorn, de façon critique et moqueuse. Mais ces bons sentiments, cet intérêt pour la cause des gens simples, ont toujours été l'apanage de Frank Capra... Et ce film semble en cristalliser l'expression d'une manière définitive, à travers le personnage immédiatement sympathique de Longfellow Deeds. J'imagine que pour Gary Cooper il était plus confortable d'habiter la peau d'un tel personnage (qui adore les grands escalier sur lesquels il peut faire du toboggan, mais qui ne comprend pas pourquoi on se moque de lui en le surnommant "Cinderella Man"...) que de réciter les insupportables dialogues de Jeanie McPherson dans les films de Cecil B. DeMille!

Et le casting entier ajoute au bonheur: Jean Arthur (cette voix indissociable des trois grands films de Capra auxquels elle a contribué, celui-ci étant le premier), Douglas Dumbrille en avocat véreux, Lionel Stander qui incarne le redoutable Cobb, qui est le principal interlocuteur des affaires de Deeds avec la presse, ou encore George Bancroft en patron de presse (tellement années 30...)... Mais le film culmine pourtant dans des scènes mémorables de procès, qui jouent à fond sur le décalage entre la simplicité humaine de Deeds et le côté carnassier des affairistes qui se sont retournés contre lui. Un pur bonheur, qui a le bon goût de rester de la comédie: il faudra attendre les films suivants pour que Capra ose verser vers le drame, souvent avec succès (les scènes de suspense politique à la fin de Mr Smith sont dans toutes les mémoires); mais pour l'heure, Capra semble avoir trouvé le film parfait pour faire un premier bilan génial de ses travaux cinématograhiques.

 

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Published by François Massarelli - dans Gary Cooper Frank Capra
2 avril 2023 7 02 /04 /avril /2023 08:42

L'action commence autour d'un fort en plein désert, qui vient de subir une attaque. Quand les secours arrivent, on constate que tous les soldats au remparts sont les cadavres de la garnison. Il y a juste eu un coup de feu, qui l'a tiré? L'officier en charge examine les lieux, découvre des étrangetés: un cadavre qui tient une mystérieuse lettre dans sa main, s'accusant d'un crime, et aucune trace du mystérieux tireur... Quand il quitte le fort pour retrouver la troupe, un feu se déclare dans le fort.

Quinze années auparavant, nous faisons la connaissance des trois orphelins Geste: Beau, Digby et John, qui ont été adoptés ensemble... Une étrange affaire se déroule en leur présence, un bijou à la valeur inestimable a été dérobé. Chacun d'entre eux peut être soupçonné, Beau (Gary Cooper) décide de partir le premier, pour éviter que ses deux frères soient suspects. Digby (Robert Preston) part ensuite et enfin John (Ray Milland): ils vont tous s'engager dans la légion étrangère française...

Un échappatoire, voilà ce que ce film, et cette histoire, et ces personnages proposent. une sorte de temps mort, dans un monde de chevalerie bien étrange, qui tranche sur l'absolue cruauté du siècle. Donc, de l'aventure, des bons sentiments et une forte dose de camaraderie qui nous est annoncée par un intertitre au début: la camaraderie masculine des soldats, c'est bien mieux que l'amour d'une femme! Bien sûr que cette profession de foi d'un autre âge est un prétexte un peu facile, et pourra faire ricaner.

Mais avec William Wellman en charge des événements, tout de suite ça prend une autre tournure, et il a mis toute son énergie a service du film, en montrant à travers les frères Geste, une sorte d'esprit de corps à son plus haut niveau. Au vu de l'histoire personnelle de Wellman, ancien aviateur, on aurait envie de dire "un esprit d'escadrille", mais c'est justement de ça qu'il s'agit: d'un côté, les trois frères sont trois hommes motivés par l'absolue priorité du groupe humain sur l'individu, et la protection de ses deux frères devient l'unique choix pour chacun d'entre eux. De l'autre, ils vont être confrontés à l'aventure avec un grand A, arès en avoir rêvé durant leur adolescence, et vont se trouver devant un méchant fort paradoxal: le sergent Markoff, sadique et cruel, qui est aussi un grand soldat...

Certes, le message est sans doute d'un autre âge, littéralement d'un autre siècle et je ne parle pas du XXe. Mais quand un conteur comme Wellman commence à nous raconter une histoire comme celle-ci, que voulez-vous? On ne peut détacher son regard de l'écran...

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Gary Cooper
22 octobre 2021 5 22 /10 /octobre /2021 17:10

C'est en 1942 que le président Franklin D. Roosevelt s'est adressé à la nation Américaine pour souligner l'héroïsme (presque) ordinaire de certains Américains: à cette occasion, il a cité le cas intéressant du Dr Wassell, un scientifique qui s'était engagé, et avait conduit un groupe de prisonniers réputés intransportables depuis Java jusqu'en Australie, les sauvant tous: un exemple à suivre... Un exemple qui a fasciné Cecil B. DeMille, pourtant peu familier des récits guerriers, au point qu'il a voulu en faire un film.

Nous suivons donc, dans une chronologie bouleversée, les aventures du Dr Wassell (Gary Cooper), qui semble plus ou moins revenu de tout, hanté par un amour impossible, et qui dès la première scène, croise celle qu'il a laissée partir. Elle reviendra dans l'intrigue, et pas qu'un peu: pendant que la guerre s'approche et que le Dr Wassell doit faire face à la destruction méthodique de l'hôpital où il est le principal officier, les évocations de son passé refont surface sans crier gare, soit par ses propres souvenirs, soit par ceux narrés par des tiers...

C'est formidable: en transposant son savoir-faire hérité du muet dans une intrigue située en pleine guerre, DeMille semble se réinventer, en évitant pour une fois de chausser des gros sabots. Ce qui fait le prix du film, ce n'est pas un héros qui revisse sa casquette, c'est un homme qui a été embarrassé d'obéir à un ordre, parce qu'il n'a pas sur comment dire la vérité à ses hommes. Un humain, quoi, célébré, adoré, et constamment évoqué par des dizaines de personnages, tous développés (comme c'est, ou plutôt ce sera, la tradition dans ce type de récit choral): le marin devenu aveugle, l'infirmière Hollandaise dévouée corps et âme, le blessé qui va survivre grâce à elle, et tomber amoureux d'elle, l'infirmière locale qui décide suivre un main chez lui, etc... Chacun semble exister, au milieu d'un bric-à-brac où le géant du muet semble montrer comment il se propose de reconstituer la guerre en studio... Après tout, une bonne part du film est située dans des hôpitaux, sur des bateaux, voire des embarcations de fortune.

Et si son film fait parfois penser au merveilleux One of our aicraft is missing, de Michael Powell et Emeric Pressburger, il semble aussi annoncer Objective Burma, de Raoul Walsh, avec sa fuite quasi obsessionnelle vers la survie. Et ça, ce n'est pas rien... Rien que pour ça, ce film foisonnant qui prend son temps, et évite du même coup la plupart des sales petites manies de son auteur, est une vraie petite merveille.

 

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Gary Cooper
22 octobre 2021 5 22 /10 /octobre /2021 16:34

1862: alors que la guerre, et avec elle la menace des raids confédérés, se rapproche, une famille s'interroge: les Birdwell sont quakers, et donc foncièrement opposés à toute violence, et encore plus à tout participation politique à un conflit: comme le rappelle souvent la mère de famille (Dorothy McGuire): "Thou shalt not kill"... Mais Mattie (Phillys Love), la fille de la famille est amoureuse de Gard, le fils d'un voisin qui lui s'est engagé dans les troupes de l'union; le fils Birdwell, Josh (Anthony Perkins), admet que ça le démange. De son côté, Jess Birdwell, le père (Gary Cooper), est plus occupé à tricher un peu avec les préceptes de son épouse (il est obsédé par l'idée de battre son meilleur ami à la course avec son cheval, une quête narcissique et frivole incompatible avec la moralité quaker) qu'à se prononcer sur la guerre...

Le film commence comme une chronique douce, tendre et parfois gentiment drôle sur la vie à l'écart (pas totalement, ils y a toute une communauté de quakers), d'une famille à part: totalement Américaine dans sa façon de prendre la vie, mais à l'écart des auto-satisfactions propres à l'âme Américaine, et de la glorification de la possession... Ils vont pourtant, chacun à sa façon, être amenés à se battre pour ce qui est à eux, et pour des valeurs qui englobent justement, et c'est paradoxal, la paix... Du reste, objectivement, le combat du Sud ne peut les intéresser puisqu'ils sont résolument anti-esclavagistes...

Le film est construit sur une lente montée de la menace de la guerre, qui pourrait bien être prise pour de la comédie pure pendant toute la première partie. Le temps pour nous de découvrir et d'apprécier les personnages. Wyler semble laisser la famille installer son propre rythme, indolent et timide, mais ne cesse de placer Dorothy McGuire, véritable cheffe de clan, dans le champ; les crises, les renoncements, les choix drastiques de cette famille, tout sera en fait vécu selon son point de vue, que ce soit la venue d'une troupe de Sudistes en vadrouille qui menacent de s'en prendre à son oie apprivoisée, ou la découverte que son mari a échangé son cheval contre une jument qui a probablement participé à la guerre d'indépendance, mais qui est de fait très rapide!

Le film, sans crier gare, rejoint avec sa gentille famille quaker, les quasi-obsédés divers et variés de l'oeuvre du cinéaste, ainsi que ses personnages en conflit intérieur (Dodsworth, par exemple), mais aussi la famille prise en otage par Humphrey Bogart dans Desperate Hours...

 

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Published by François Massarelli - dans William Wyler Western Gary Cooper
10 août 2021 2 10 /08 /août /2021 16:18

Alors que la guerre interne pour le leadership d'un gang de trafiquants de bière bat son plein, un tireur d'élite (Gary Cooper) qui travaille dans une fête foraine file le parfait amour avec Nan (Sylvia Sidney), la fille d'un des gangsters... Elle essaie de le recruter, mais il résiste, jusqu'au jour où elle fait un petit séjour en prison parce que son père (Guy Kibbee) l'a impliquée dans un meurtre. Une fois sortie de prison, elle décide de tout faire pour qu'il en sorte. Mais ça va être dur, d'autant que le big boss (Paul Lukas) a des vues sur elles, et les moyens d'obtenir tout ce qu'il veut...

Un peu comme dans Scarface ou Public enemy, ce film montre un monde de la pègre où la police semble particulièrement peu efficace, presque une vague utilité plutôt qu'une menace. Mamoulian utilise en permanence l'image en priorité sur le dialogue et son film est l'un des plus stylisés de la période, sans surprise pour qui a vu son Dr Jekyll... Avec ses interprètes, particulièrement Sylvia Sidney et Gary Cooper qui sont vraiment excellent, il s'ingénie à laisser les personnages prendre toute la place, dans une lutte souvent tragique entre le bien et le mal, qui prend souvent des tournants inattendus. 

En parlant d'inattendu, il est curieux de voir des acteurs comme Paul Lukas ou Guy Kibbee dans des rôles aussi antipathiques que les gangsters qu'ils interprètent, mais justement c'est l'un des thèmes du film, l'attrait insurmontable du crime. Un autre thème, omniprésent à cette époque, réside dans l'apparente impossibilité de l'amour, présenté comme la rencontre de deux mondes antagonistes: c'est commun à la plupart des oeuvres de Mamoulian à l'époque, et ça s'incarne, en particulier, à travers le chassé-croisé entre vie honnête et gangstérisme, qui se joue autour des deux héros, dans une scène de visite en prison où une grille dressée entre les deux personnages les empêche avec difficulté de laisser libre cours à leur tendresse... Enfin, le film est notable pour un pari gonflé, celui de dissocier totalement le son et l'image, en choisissant de cadrer l'image d'une conversation sur des figurines d'animaux, qui sous-tendent ironiquement le dialogue, en soulignant les non-dits... tout ça bien sûr enfonce le clou: Mamoulian était doué, très doué.

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Rouben Mamoulian Noir Gary Cooper
16 juin 2021 3 16 /06 /juin /2021 08:40

On a volé les bijoux de Norma Shearer, donc la police enquête: parmi les enquêteurs et témoins, on trouve Fay Wray, Lowell Sherman, Barbara Stanwyck, Stan Laurel, Oliver Hardy, Buster Keaton, Our Gang, Wallace Beery, Gary Cooper et la liste est très longue, en particulier pour un film de 18 minutes.

C'est un court métrage de charité, dont les recettes ont été reversées à une association pour lutter contre la tuberculose... De façon intéressante, on trouve une marque de cigarettes parmi les sponsors. Le film ne brille ni par sa mise en scène ni par ses gags. Laurel et Hardy y détruisent une Ford T: La routine, quoi.

 

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Published by François Massarelli - dans Laurel & Hardy Comédie Pre-code Buster Keaton Barbara Stanwyck Gary Cooper
31 mai 2021 1 31 /05 /mai /2021 15:21

1885: Brant Royle (Gary Cooper), le fils d'un ancien propriétaire d'une ville de Géorgie, revient au pays pour y relancer le business de sa famille. Mais au pays, tout est tombé dans les mains d'un seul homme, le Major Singleton (Donald Crisp), producteur de tabac, qui fait du cigare, du cigare et encore du cigare. Pour lui faire concurrence, Brant va développer de son côté la production de cigarettes... Son but n'est pas que de restaurer la fortune familiale, ni de manger toute crue la concurrence, non: il souhaite essentiellement séduire la fille de Singleton, Margaret (Patricia Neal) en parlant son langage de conquête...

C'est mitigé: bien sûr, ce film qui ressemble à une production super-Warner (Curtiz, avec Lauren Bacall, Patricia Neal et Jack Carson, avec Gary Cooper en cerise sur le havane) est un film de prestige qui mêle intelligemment, et avec le style flamboyant et impeccable qui caractérise les films de Curtiz, le western et le film noir, tout en louchant du côté du sulfureux film The fountainhead, avec déjà Cooper et Neal, qui adaptait Ayn Rand sous la direction experte de King Vidor, l'année précédente...

Mais voilà: c'est bien le problème, justement. Comme avec Passage to Marseille qui reprenait un peu trop les affaires là où Casablanca s'était interrompu, le film ressemble à une arrière-pensée un peu tardive, une resucée si je puis me permettre... Alors ce drame de l'ambition, rangé sous une rigoureuse structure de tragédie, est parfois un peu trop mécanique, et on peine à aimer les personnages, si ce n'est l'admirable Sonia (Lauren Bacall) en prostituée / petite amie de Gary Cooper, qui doit supporter la fascination de son amant pour une autre... 

Mais les films avec Patricia Neal ont malgré tout un atout: Patricia Neal. En garce vénéneuse avec accent du sud, elle est grandiose...

 

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Published by François Massarelli - dans Western Noir Michael Curtiz Gary Cooper
29 mai 2021 6 29 /05 /mai /2021 14:30

1885: au Canada, une caste de métis se prend tout à coup de folie des grandeurs et décide de renverser le gouvernement Canadien: ils vont créer une république de métis. Chargés de surveiller et d'empêcher tout débordement, les cavaliers de la police montée vont être aidés d'un marshall Texan, Dusty River (Gary Cooper), qui est justement à la recherche d'un agitateur métis, soupçonné d'un meurtre (George Bancroft)...

C'est du DeMille pur et donc non dilué: pas d'angle idéologique qui ne soit condamnable, une intrigue jetable fine comme du papier à cigarettes, et noyée sous des dialogues d'une affligeante bêtise... Les métis y sont automatiquement représentés comme des sous-hommes, inintelligents au possible, une croyance superstitieuse qui était partagée par l'ensemble de la population de toute façon. Quand ils échappent à la bêtise, c'est pire: ils sont fourbes...

Mais pourquoi le voir, alors? Parce que les films de DeMille échappent à toute catégorie, qu'ils représentent un genre à part entière et qu'il y a un charme enfantin (coupable, ô combien!... mais enfantin) à voir ces westerns un peu niais, mais si bien rangés, dans un magnifique Technicolor et des compositions qui trahissent à quel point l'auteur était un grand metteur e scène... dans les années 20. Gary Cooper, quant à lui... fait du Gary Cooper.

 

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Western Gary Cooper
7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 09:29

Sorti en septembre 1946, c'est sans doute un film tardif dans le cycle, pourtant tout lie Cloak and dagger à Man Hunt, Hangmen also die, et Ministry of fear, les trois films de propagande réalisés en 1941, 1942 et 1944 par le réalisateur. Tous parlaient de prise de conscience et de décisions de résistance, face à l'hydre du nazisme. L'intention de Lang était cette fois de permettre au film un lien avec le futur, et l'âge de l'atome, mais la production en a décidé autrement...

1944: Alvah "Al" Jesper (Gary Cooper) est un physicien de renom, que l'OSS (Organisation services secrets) va embaucher en tant que spécialiste pour récupérer deux scientifiques contrôlés par les nazis et les fascistes en Europe et dont les recherches pourraient accélérer les connaissances des puissances de l'axe en matière de bombes atomiques. Il se rend à Zurich pour y récupérer le professeur Katerin Lodor, mais elle lui échappe, et c'est le début d'une course à travers l'Europe, entre la Suisse et l'Italie, pour récupérer l'autre professeur...

Ca commence en bon film de Lang, par une opération vue de nombreux points de vue, avec l'usage des figures Langiennes habituelles: signes, suspense, les inquiétantes visites nocturnes... Puis, bien plus que sur les trois films de propagande précédents, le metteur en scène va s'amuser avec l'accumulation de péripéties improbables dans lesquelles Gary Cooper, espion de circonstance, et pas forcément particulièrement doué, va se perdre et se débrouiller tant bien que mal. Et c'est à la fois plus léger que les autres films, et sans doute très Hitchcockien, comme si une évolution du cinéma faisait tout à coup passer Cloak and dagger entre The 39 steps et, disons, Saboteur ou même Torn curtain (avec lequel d'ailleurs Cloak and dagger comprend plus d'un troublant point commun).

Alvah, profane de choc placé malgré lui dans une situation qui le dépasse, a pourtant une longueur d'avance sur les héros des trois films mentionnés plus haut: il est, lui, volontaire pour se prendre des tuiles et se mettre en danger! Le film, dont le titre est une allusion à l'expression utilisée pour désigner familièrement le monde de l'espionnage, est sans doute le plus romantique des quatre, et pour cause: la guerre est finie, d'où une position paradoxale. Néanmoins, le temps d'un film, Lang relance les conflits, se permettant de nouvelles figures de style, parmi lesquelles l'une des plus notables est l'intrusion (impensable en temps de guerre) d'un personnage de femme Américaine que les sympathies nazies ont transformé en espionne de première classe...

Mais pour la production, il s'agissait de rendre hommage au travail accompli par les services secrets durant la guerre pour effectuer un lien avec les différentes Résistances locales; pour Lang, il fallait plutôt retourner sur le terrain et aller voir si on n'était pas confronté à une fuite du nazisme vers d'autres cieux, puisque il souhaitait montrer qu'après la guerre, une sorte de continuité s'était effectuée entre l'Allemagne d'Hitler, et l'Espagne ou l'Argentine... Une vision pessimiste que la production n'a pas souhaité laisser s'exprimer, faisant de ce petit film d'aventure, au moins, une impeccable intrigue romantique à souhait, où Gary Cooper et Lilli Palmer volent la vedette à la Résistance de la plus belle des manières...

 

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Published by François Massarelli - dans Fritz Lang Noir Gary Cooper
28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 19:06

Un décor ultra-codifié, des personnages dérivés d'archétypes, une histoire réduite à l'essentiel, et des dialogues souvent réduits à leur plus simple expression... Le premier film de Sternberg de retour de l'expérience de Der Blaue Engel, surprend forcément. Comme peut surprendre le fossé considérable entre l'apparence brute, non raffinée, de sa star dans le film précédent, et sa toute nouvelle sophistication, où a été gommée l'apparente indifférence de Lola Lola vis-à-vis du monde...

Au Maroc, dans une petite ville, se télescopent plusieurs personnes autour d'un cabaret: un légionnaire (Gary Cooper) qui tombe toutes les femmes sans exception (y compris celle de son adjudant et ce dernier, on s'en doute, ne le prend pas très bien); un peintre Français, richissime admirateur des femmes des autres, mais qui a fait le voeu de rester à l'écart du mariage (Adolphe Menjou); enfin, une chanteuse de cabaret qui vient d'arriver et qui a un numéro basé sur une approche provocante et cynique (Marlene Dietrich). Les deux hommes, chacun à leur façon, vont tomber amoureux de la jeune femme, et...

On ne sera pas surpris: Sternberg a privilégié l'atmosphère sur les scènes de son film, et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le dialogue est à la portion congrue. Difficile de croire à ces situations qui semblent emprunter à toutes les images d'Epinal du film de légion (un genre très en vogue jusqu'à la fin des années 30), mais les personnages ont une tendance à nous attirer vers nous: y compris Marlene Dietrich, sauf bien sûr quand elle chante...

...Si on peut appeler ça chanter. Reprenons:

Si je regrette que le chloroforme qui a été employé pour créer L'ange Bleu (de tous les classiques obligatoires, probablement le film que je déteste le plus) tend à plomber la première partie du film, j'apprécie de quelle façon Marlene Dietrich, par l'implication personnelle de son personnage de plus en plus évidente au fur et à mesure du film, finit par le sauver. deux scènes, en particulier, quasi muettes, sont fantastiques: la fin, sur laquelle je ne vis rien dire puisqu'il paraît que ça ne se fait pas, mais aussi une très belle séquence où elle entend, d'un salon, les clairons de la troupe qui revient. Elle se précipite dehors, et dévisage absolument tous les légionnaires qui reviennent d'une bataille, longuement, remontant le flot des hommes blessés.

...Si ce n'est pas de l'amour fou, ça y ressemble drôlement. Quels que soient les défauts occasionnels de ses films, leur kitsch assumé, Sternberg n'a pas son pareil pour nous envoûter autour d'un amour sensuel, brutal, entier et profane, qui faisait furieusement tâche à Hollywood. Et comme en plus il le faisait dans le cadre d'un effort photographique inédit (même si Morocco n'est pas le mieux préservé de ses films), le cinéphile a de quoi en profiter.

Tant qu'ELLE ne chante pas.

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Josef Von Sternberg Gary Cooper