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16 septembre 2017 6 16 /09 /septembre /2017 09:40

Carl, un voleur (Hardy Kruger) en cavale, parce qu'il a un contrat sur sa tête, se réfugie au Liban. Il n'a rien sur lui, et contemple un avenir plus qu'incertain quand soudain il retrouve un bon copain, Alfred (Maurice Biraud). Un minable, mais gentil, Alfred lui propose un partenariat sur un coup un peu foireux: s'attaquer à un joueur compulsif qui perd tous les soirs, mais "finira bien par gagner"! Et ce sir-là, il faudra juste être présent, et l'enlever avec tout son argent. Bref, un coup minable, mais comme Alfred paie, Carl laisse faire. L'attente commence, mais elle va souvent être interrompue, parce que Carl est distrait: il a vu une fille (Mireille Darc) qui traîne autour de l'hôtel, et qui lui a tapé dans l'oeil. La distraction va bientôt prendre toute la place...

Juste après Ne nous fâchons pas, Lautner poursuit son expérimentation autour des genres, en effectuant le mélange cette fois du film noir et d'une certaine idée très 1966-1967 de la comédie sentimentale, le tout mâtiné d'un soupçon de comédie de gangsters, mais délayée et débarrassée de tout l'absurde que le metteur en scène y a injecté (Les Barbouzes, Ne nous fâchons pas) en bonne intelligence avec son complice Michel Audiard: bref, cette Grande Sauterelle est à tous points de vue à la croisée des chemins, d'autant que Lautner y réunit, pour travailler au script, Veha Katcha (Qui avait écrit Galia) et Michel Audiard (Qu'on ne présente plus): sa face sérieuse et "sociologique", et sa face "noir-pour-rire avec vue sur le box-office... Il ajoute à ça un casting composé exclusivement d'acteurs qui jusqu'à présent, toutes proportions gardées, n'ont été que des seconds rôles, à l'exception bien sur de sa star de Galia: Mireille Darc. 

La Grande Sauterelle déçoit.

Parce que Lautner, qui ne veut pas rester enfermé dans la parodie de films de gangsters, mais garde quand même un goût certain pour le polar qu'il peut toujours détourner, a cette fois choisi de rester à l'écart de ses effets comiques, et qu'il semble éviter par tous les moyens ce qu'on attend justement de lui. Ce qui sera plutôt réussi dans Le Pacha, par exemple, est ici bien frustrant, et il a beau styliser avec bon goût (Mais souvent trop de retenue) les allers et venues de son héros paradoxal, on s'ennuie souvent, et longtemps. Comme tous les films de Lautner des années 60, en plus, La Grande Sauterelle est une capsule temporelle, et tous ces gens se vautrent dès qu'ils s'agit de caricaturer le mode de vie "hippie", auquel soyons franc ce petit monde bien Parisien qui passe malgré tout six mois de l'année sur la Côte d'Azur, ne comprend pas grand chose...

Restent quelques moments, quelques répliques (C'est Georges Géret qui ouvre le bal: "Ce que tu peux être con! T'es même pas con, t'es bête. Tu vas pas au cinoche, tu lis pas, tu sais rien. Si ça se trouve, t'as même pas de cerveau. Quand on te regarde par dessus, on doit voir tes dents."), des personnages touchants (Biraud, Francis Blanche), et des moments de noir stylisé, comme cette séquence qui exploite la tension entre Carl et son poursuivant qui l'a retrouvé au Liban: en plein soleil, sur un quai, en quatre plans, Lautner joue avec la perspective, la profondeur de champ, et s'amuse. Nous aussi... Un peu.

Ca a du se sentir, parce que Fleur d'oseille, qui viendra juste après, commence là encore de façon assez sérieuse, avant de bifurquer plein tube vers le bizarre, pour ne pas dire le baroque. Comme quoi...

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Published by François Massarelli - dans Georges Lautner Noir Michel Audiard
6 septembre 2017 3 06 /09 /septembre /2017 18:46

Le titre (Affligeant, mais tellement classique) nous l'indique: après la Bretagne (Le Monocle noir, 1962), et la Corse (L'oeil du Monocle, 1963), Georges Lautner emporte ses troupes vers Hong-Kong et Macao, et les extérieurs ne trompent pas: c'est de l'authentique.

Ce troisième et dernier film de la série n'en finit pas de s'éloigner encore plus du raisonnable, mais on reste une fois de plus le postérieur entre non pas deux, mais trois chaises: une intrigue due au "Colonel" Rémy, et aussi incompréhensible (Et inutile, du reste) que les précédentes; un personnage joué par un acteur excentrique qui profite de toutes les occasions de faire l'andouille (Tout en restant froidement impassible), et est furieusement contagieux, entraînant dans son sillage non seulement Robert Dalban, mais aussi Marcel Dalio et même Barbara Steele, qui versent eux aussi dans la rigolade et e grand n'importe quoi; et enfin, les envies d'un metteur en scène qui a envie de s'amuser avec la caméra, et ne perd pas une occasion d'égratigner la logique et les codes: Meurisse en gros plan s'adresse directement à la caméra pour souligner l'improbabilité d'une tuerie baroque à laquelle il vient de se livrer, un dîner drogué vire à une sorte de ballet tiré d'un West Side Story Chinois et psychédélique et Meurisse, Dalban et Dalio chantent un "J'irai revoir ma Normandie" sur une scène Chinoise, dans une scène qui poussera quand même plus d'un spectateur à se gratter l'occiput d'un index songeur...

C'est que si Lautner saute en marche dans le train des productions exotiques d'espionnage en se rendant à l'autre bout du monde (Il en ramène de nombreuses vues documentaires dans les rues, qu'il a intégrées au montage), s'il s'amuse avec son intrigue et avec ses personnages, se payant d'ailleurs le luxe de nous offrir une apparition inattendue de Lino Ventura (En écho à celle de Meurisse dans Les Tontons Flingueurs), il n'en reste pas moins qu'il devait quand même en avoir un peu marre de son Commandant Dromard, de ses intrigues à la mord-moi-le-monocle concoctées par un Colonel Rémy à la manque, et il devait rêver de passer à des films qui lui permettraient de se lâcher, mais vraiment. Soit, dans l'ordre, Les Barbouzes, puis Ne nous fâchons pas... Grâce au succès des Tontons Flingueurs et de son association miraculeuse avec Michel Audiard, il pouvait y aller...

Dont acte.

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Published by François Massarelli - dans Comédie Georges Lautner
3 septembre 2017 7 03 /09 /septembre /2017 16:06

Succès oblige... Toutefois, on ne prend pas exactement les mêmes et on ne recommence pas tout à fait... Si l'équipe, au fond, présente une certaine continuité (Jacques Robert au scénario, Maurice Fellous à la photo et bien sûr Lautner à la réalisation), seuls Paul Meurisse et la femme fatale Elga Andersen reviennent pour cette suite. Et à la Bretagne essentiellement nocturne qui servait de cadre au premier film, Lautner a substitué cette fois ci le sud de la Corse. Ce qui renforce l'impression d'être dans un film encore plus personnel de Lautner, car soyons juste: il l'aimait, sa Méditerranée!

Lautner, justement, fait ici quelque chose d'inattendu: il interprète un officier SS dans un prologue qui donne le ton; en apparence sérieuse, cette introduction est du grand n'importe quoi, et ne fait que nous embrouiller. Et le film part aussi dans cette direction, autour d'un hypothétique trésor caché par une troupe de soldats nazis tous décimés, sauf un... Qui est courtisé par tous les gouvernements de la planète. Pour la France, c'est le commandant Dromard, désormais accompagné d'un fidèle soldat, le sergent Poussin (Robert Dalban qui entamait une lonue collaboration avec Lautner, après leur premier film commun, inévitablement Le monocle noir). Sinon, il y a des Russes, des Anglais, des... des quoi, d'ailleurs? Tout le monde s'allie avec tout le monde, tout le temps, et bien tous ces gens se doublent et se descendent les uns à la suite des autres. Il y a Maurice Biraud, en intellectuel (Parfois assis, mais il lui arrive aussi de marcher, voire de nager) dépassé par les événements, alors qu'à un point il est le seul à connaître la cachette du trésor... Et il y a de purs moments déconnatoires dans lesquels l'impassibilité de Paul Meurisse ne fait qu'envenimer l'impression grandissante d'un film totalement loufoque: il faut avoir vu l'immense acteur shakespearien se livrer avec tant de rigueur à un twist endiablé. Il faut aussi voir de quelle façon Lautner dépense son énergie pour mettre au point une mort violente aussi baroque que possible: cette fois, c'est à travers un filtre de couleur et le bras gauche d'un contrebassiste qu'on essaie de tuer quelqu'un. Sic.

Je suis sûr que ce pauvre Colonel Rémy (Ancien résistant, créateur du personnage, un homme qui a probablement autant d'humour que le militaire moyen) n'a rien vu venir quand il a écrit un argument pour ce film! Un peu longuet toutefois, ce deuxième "Monocle" consacre le style "policier détourné" du premier, en allant encore un peu plus vers la parodie. On sait ce qu'il y a au bout de ce cheminement... Le terminus des prétentieux.

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Published by François Massarelli - dans Comédie Georges Lautner
2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 16:32

Parce qu'en vérité, à cette époque, soit avant, disons, Les Tontons Flingueurs et Dr Strangelove, on ne pratiquait pas le mélange de genres... Lautner avait déjà tourné trois films dont deux qu'il considérait avec affection (Marche ou crève et Arrêtez les tambours), qui avaient été de sombres drames, des intrigues idéales pour rôder une équipe et apprendre à se servir du matériel.  ...Et se faire connaître!

D'une série B sans grand intérêt, et de l'esprit indiscipliné de Paul Meurisse, qui se sent piégé par contrat dans un film qu'il juge complètement idiot (A juste titre), va naître le nouveau Georges Lautner, un metteur en scène qui travaille vite, bien, en rigolant tout le temps et en se ménageant toujours une petite ouverture vers un meurtre mis en scène de façon inoubliable. Ici, c'est avec une sonnette de porte d'entrée. L'équipe est donc en place, avec la complicité de Pierre Laroche pour la réécriture de l'adaptation, ou encore Maurice Fellous à la photo. Et parmi les assistants, le jeune Bertrand Blier...

De l'avis général, le livre Le monocle noir est sans grand intérêt: largement basé sur l'exploitation de tous les bas instincts, le spectaculaire, la mise en valeur des "souvenirs" d'ancien résistant de son auteur le "colonel" Rémy, ça a en plus la réputation d'être totalement incompréhensible. Lautner ne gommera pas cet aspect, mais fera tout pour qu'on puisse légitimement avoir l'impression que le film lui-même rigole des excès de son intrigue: il utilise en particulier Bernard Blier, qui joue un commissaire de police dépassé par les événements, et qui passe son temps à souligner qu'il ne comprend rien... Il va aussi multiplier les décrochages, comme ces gangsters qui flinguent à tout va sans s'arrêter de commenter leur petite santé fléchissante... Il joue à fond la carte du style, nocturne, avec des plans qui impressionnent par leur profondeur de champ extrême (Qui en prime favorise des gros plans de figurants, qui seront ravis de l'aubaine!), tant et si bien que la film s'approche sans cesse de la parodie sans que le sérieux apparent des personnages ne soit mis en doute!

Et pour finir, la belle cerise sur le gâteau, c'est que Paul Meurisse n'avait aucune espèce d'envie de faire le film, mais était financièrement obligé; il ne mettra pas longtemps à comprendre qu'il avait carte blanche, et ne s'est pas privé de faire de son "commandant Dromard", espion émérite et portant parfois monocle, un être à part, pétri de sales manies et de gestes absurdes, qui rend le tout absolument farfelu...

Un dernier mot: il est question de nazis, de nostalgiques dont un marquis obsédé par "la grandeur" que pourrait apporter une élite humaine à un monde en déliquescence: il est interprété par Pierre Blanchar, et le grand comédien, qui après tout avait été aussi un résistant, ne s'est pas privé de montrer l'extrême droite Française, qu'il exécrait, sous son visage rassis. Il s'est beaucoup amusé.

Moi aussi...

 

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Published by François Massarelli - dans Georges Lautner
1 septembre 2017 5 01 /09 /septembre /2017 07:41

Premier film en couleurs, et dernier des trois films de Lautner avec Lino Ventura, Ne nous fâchons pas est un paradoxe: un film multi-diffusé à la télévision, profitant allègrement du succès des deux précédents (Les tontons flingueurs et Les Barbouzes) tout en étant celui des trois films pour lequel on fait le plus souvent la fine bouche, il est aussi une preuve que Lautner, quand tout va bien pour lui, aime expérimenter... la parodie de films noirs et d'espionnage profite ici d'une envie de taquiner James Bond et ses méchants disposant d'organisations para-militaires tentaculaires, et d'une tendance désormais assumée, et qui se manifestera souvent, d'enrober les morts violentes à l'écran, de gags, de couleurs, de mise en scène inoubliable. Et tout ça sans faire du metteur en scène un esthète du crime, mais bien un pourvoyeur inimitable de comédie... Bref, avec Ne nous fâchons pas, Lautner se lâche encore un peu plus qu'avec Les Barbouzes, s'assume totalement, se fait plaisir enfin! Et il le fait en bonne compagnie, en particulier celle d'Audiard. Le tout débouche sur un film quasiment psychédélique, au délire pleinement assumé!

Et il commence avec une séquence pré-générique inattendue, car n'ayant rien à voir avec l'intrigue: c'est surtout une manière tranquille d'exposer le personnage interprété par Ventura, Antoine Berreto. Ce commerçant "honnête", comme il se définit lui-même, homme serviable mais capable de réactions musclées, est en effet poursuivi par une malédiction tenace: quand on l'irrite, il tape. Et il tape fort. Ca ne sert donc ni l'action ni l'histoire, mais c'est bon à savoir, parce qu'en effet, quand on embête Antoine, il a du répondant, on aura souvent l'occasion de le voir.

L'histoire commence à Collioure, ce qui nous surprendrait presque, nous qui avons tant pris l'habitude de voir les décors de la Côte d'Azur dans les films de Lautner. Antoine Beretto est un ancien truand qui s'est totalement rangé cinq années auparavant. Ce qui n'empêche pas les mauvais souvenirs: deux d'entre eux débarquent dans sa boutique où il vend du matériel de plongée et autres babioles maritimes. "En souvenir du bon vieux temps", ils lui réclament de l'aide (Les transporter en Italie en contrebande, Berreto possède tout le matériel pour) et de l'argent. En échange, ils lui donnent une adresse, celle d'un petit escroc qui leur doit une somme rondelette et qui se planque dans les Alpes-Maritimes; en se rendant à l'hôtel où crèche Léonard Michalon, Beretto met le pied dans un sacré panier de crabes, et pour commencer, selon l'expression d'usage, "bute un mec" qui en voulait à Michalon.

Et on va le voir, Michalon attire les ennuis, et les baffes. C'est très vite l'escalade dans ces deux domaines...

Lautner et Audiard sont une équipe rodée dans ce film, et ça se voit et s'entend. La troupe est là, sous une nouvelle déclinaison après les combinaisons différentes des Tontons et des Barbouzes: autour de Ventura et de Jean Lefebvre (Michalon), on voit Michel Constantin en compagnon ex-gangster qui énonce souvent les chose essentielles à la place de Beretto, et avec lequel ils forment une sorte de couple soudé dont l'enfant serait Michalon. Et puis, il y a bien sur celle dont j'ai du mal à croire qu'il va falloir désormais l'appeler feue Mireille Darc... Elle revient après Les Barbouzes, pour un rôle un petit peu moins garce, un petit peu moins fatale, mais bon, c'est Mireille Darc, quoi: l'épouse de Michalon, une autre de ses victimes, qui va assurer le repos du guerrier entre deux bombes pour Beretto.

Car si on dépasse les bornes (outre en ce qui concerne l'indispensable décompte de gifles) dans ce film, c'est bien sur le nombre d'explosions, de véhicules démolis, d'incendies irrémédiables. Et Ne nous fâchons pas me fait un peu penser, sous certains angles, à The Pink Panther de Blake Edwards: une comédie élégante de gangsters, en couleurs et cinémascope, tournée sur les côtes de la Méditerranée, et dynamitée de l'intérieur par l'esprit frondeur de ses deux auteurs, avec la complicité d'une bande d'acteurs qui n'en finissent pas d'apprécier les vacances studieuses à la Lautner! D'un film qui aurait été plaisant, le réalisateur fait un méta-film, véritable commentaire sur tout un pan du cinéma de genre de l'époque.

Et si Audiard est en bonne forme, le metteur en scène se lâche souvent, trouvant des solutions visuelles totalement dignes de l'esprit des Sixties: je pense sincèrement que ce film est à lui seul une capsule temporelle de ce que sont les années 60, vues à hauteur de vacanciers (On y campe, on s'y baigne, non?), ou de gangsters. Et le baroque malpoli (Ces mods aux casquettes, avec leurs improbables instruments pas toujours branchés et leurs vélomoteurs rouges) n'est après tout pas beaucoup plus improbable que les petites mains qui travaillent pour Blofeld ou Goldfinger. Lautner expérimente avec toutes les ressources de la comédie, ce qu'il fera souvent, et généralement très bien, dans les fécondes années qui vont suivre... Pour notre plaisir.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Georges Lautner Michel Audiard
31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 09:18

Après Les Tontons flingueurs, George Lautner était prudent. Impossible de juger avant la sortie du film de l'effet de cette parodie de film de gangsters sur le public, d'où l'idée de réaliser une comédie loufoque plus traditionnelle, plus noire aussi, avec des acteurs chevronnés plus estampillés "comiques": Francis Blanche, Michel Serrault, Louis de Funès viennent donc s'ajouter avec bonheur à l'univers Lautner-Audiard, et on a en prime l'irremplaçable Maurice Biraud, l'homme qui a sans doute le privilège, avec Blier, de dire au mieux les répliques ciselées d'Audiard.

L'histoire tourne autour de Jack et Jérome, deux cousins. le premier est une petite frappe, qui tue un homme qui veut sa peau, le deuxième est un musicien, propriétaire d'une contrebasse dont l'étui va servir à contenir le cadavre de Pomme-chips, le malfrat éliminé par Jack. L'équipée va virer au burlesque, avec moult échange de bourre-pifs et de bons mots bien sentis... et la recherche d'un sésame vers le paradis: un billet de tiercé gagnant de plusieurs millions, qui a le malheur de se trouver dans la veste d'un mort.

C'est loufoque, moins bien tenu que Les Tontons flingueurs, mais ce film à l'ancienne est toujours plaisant. Louis de Funès a beau ne pas être à l'écran en permanence, il assure une large part du spectacle à lui tout seul, en improvisant une grand proportion de son dialogue dans un yaourt délirant... Et puis il y a Mireille Darc, et les aphorismes de Biraud-Audiard... le personnage de Serrault est formidable, en homme parfaitement décalé en toutes circonstances: il jure sérieusement au milieu des truands avec ses discussions sur la pédagogie musicale, et il ne trouve pas sa place dans la haute société. C'est le cave ultime, celui qui finira d'ailleurs par prendre sa revanche (car c'est bien connu: le cave se rebiffe...) sur toute la société: ceux qui travaillent... et ceux qui travaillent en prison à confectionner des espadrilles.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Georges Lautner Michel Audiard
12 septembre 2015 6 12 /09 /septembre /2015 23:20

Tempête dans une conscience: le septième juré dans un procès pour meurtre, semble refuser avec acharnement l'idée majoritairement acquise dans la ville de Pontarlier, selon laquelle l'accusé, Sautral, un homme bohème et de moeurs légères, ami intime si-vous-voyez-ce-que-je-veux-dire de la victime, une jeune femme un peu trop insouciante qui a été retrouvée étranglée, serait inévitablement coupable. C'est que sa culpabilité, dure à prouver mais facile à envisager, arrangerait toute la bonne société, qui ainsi fonctionnerait à merveille. Alors si il étonne voire scandalise tout le monde, tout le monde reconnait à Grégoire Duval, le pharmacien qui joue contre son camp, un courage hors du commun, une sagacité inattendue et une énergie pour débusquer la vérité qui n'est pas si courante sur les bancs d'un jury d'assises. Mais ce que le spectateur sait, en revanche c'est que Duval n'est pas seulement intimement convaincu de l'innocence de Sautral, mais qu'il sait qu'il n'a pas commis le crime: c'est lui, le pharmacien, qui a tué la fille, parce qu'il avait commis la bêtise de la trouver prenant un bain de soleil sur les bords du lac, nue, et qu'il s'est imaginé pouvoir lui voler un baiser...

Duval est interprété par Bernard Blier, l'acteur fétiche de Lautner, et c'est sa voix qui au départ brise le silence de la scène dominicale qui ouvre le film. Les premières images nous montrent le lac dans la brume, et l'atmosphère de quiétude frileuse. on voit sans trop y faire attention de nombreux détails des activités de quelques protagonistes. On voit Blier, installé à une terrasse de restaurant, qui se lève, fait quelques pas, et voit la fille. La suite est rapide, sèche et expéditive. Juste après le meurtre, vient la voix off de Duval, qui dans un premier temps tente le déni, avant de chercher intérieurement (En retournant vers le restaurant dont personne ne l'a vu s'éloigner) des excuses, des circonstances atténuantes, voire des bonnes raisons d'avoir fait ce qu'il a fait... Mais quelques jours plus tard, il va devoir se rendre à l'évidence: ce qu'il a fait est un meurtre, et d'une certaine manière toute la bonne société locale est complice, par cette odieuse assurance d'une société cadenassée dans laquelle la morale est jugée par une minorité de bien-pensants...

Outre Blier, dont le pharmacien est lucidement juge et partie dans cette charge anti-bourgeois, c'est souvent à Maurice Biraud que Lautner et son dialoguiste Pierre Laroche confient les missiles les plus efficaces, mais ce qui ressortira de ce film est sans appel, en particulier grâce à la garce interprétée par Danièle Delorme, mais aussi au procurer incarné par Francis Blanche: force doit rester à la bourgeoisie et si l'un d'entre eux a commis un meurtre, il vaut mieux ne pas l'ébruiter. Et si sa conscience le chatouille, c'est embarrassant qu'il tente de se racheter...

On l'aura compris, si ce n'est pas une comédie, Le septième juré serait plutôt un drame caustique dans lequel la sobriété du jeu est de rigueur. Tout le monde ici est d'ailleurs exemplaire, sauf peut-être Jacques Riberolles dans le rôle de Sautral, qui a du mal à interpréter subtilement son personnage de bouc émissaire... Lautner s'essaie déjà à quelques expérimentations de mise en scène esthétique mais discrète avec la complicité de Maurice Fellous, qui le suit depuis plusieurs films, et ils captent à merveille la frilosité de Pontarlier, une ville choisie par Blier qui la connaissait bien... Et tout ce petit monde, sous la houlette de Lautner qui se livrera souvent à l'exercice sur le ton de la rigolade avec son ami Audiard, porte l'art de la charge anti-salauds à un rare degré d'intelligence, mais avec beaucoup, beaucoup de vitriol.

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Published by François Massarelli - dans Georges Lautner
16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 09:30

Le docteur Leproux (Bernard Blier) est un homme sage et bon. Il habite Courdimanche, une toute petite bourgade dont il est aussi le maire, et il jouit du respect de ses concitoyens, qui savent qu'il fait plutôt bien le boulot de maire à une période difficile: on en au printemps 1944, dans le calvados, et l'heure n'est pas vraiment à la fraternisation entre l'occupant et l'occupé. Pourtant, le Dr Leproux s'est fait un ami de l'autre côté, le dr Frantz, un médecin officier dans l'armée Allemande, qui a par ailleurs réquisitionné pour ses besoins une partie de la maison de la fille du maire. Un soir, le Dr Leproux est le seul parmi les bons patriotes de la ville à accepter de se mouiller pour soigner et recueillir un parachutiste Anglais blessé, et il est arrêté le lendemain une fois l'Anglais évacué. Mais Frantz, qui a confiance en lui, ment à ses supérieurs afin de protéger le docteur... En même temps, une idylle commence à poindre entre la fille et son locataire forcé.

C'est le troisième film de lautner, après le mystérieux film La môme aux boutons, et le soporifique film noir Marche ou crève. En compagnie du scénariste Pierre Laroche, le metteur en scène a réalisé une oeuvre qu'on qualifierait peut-être dans certains milieux d'ambiguë mais il me semble qu'elle est au contraire très claire: dans ce film, il n'y pas parmi les "bons Français" du village un seul collaborateur, pas une personne qui ne souhaite voir disparaître les Allemands. Il y a pourtant bien peu de résistants, si ce n'est un petit groupe, organisé autour d'un leader charismatique inteprété par Daniel Sorano, et une prostituée au grand coeur (Anne Doat), qui a un faible pour le Docteur Leproux, l'un de ses plus fidèles clients. Mais les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux, pour citer le poête, et l'amitié naissante entre les deux docteurs gène tout le monde; de plus, l'histoire d'amour entre la fille Leproux et le docteur Frantz met assez vite le feu aux poudres... Les index accusateurs se lèvent assez vite, et pour ne rien arranger, les alliés arrivent. Lautner signe un film qui, en réalité, ne parle absolument pas de la guerre, ni de la querelle souvent signalée de façon ironique par Pierre Desproges ("Résistance ou collaboration, il faut choisir"): non, ce film parle d'humanité, justement, du droit de ne pas choisir entre un humain et un autre. Le Docteur Frantz, qui se réfugie derrière le patriotisme et l'honneur militaire, n'est en rien un nazi, par contre pour lui, les résistants sont des terroristes. A dessein, le scénario brouille les pistes du spectateur en nous montrant les résistants se trompant, et détruisant un train de la Croix Rouge, ou encore en montrant les effets des bombardements Alliés sur les villages Normands. On est donc bien loin du Jour le plus long et de son cortège lénifiant et sans équivoque de Français tous résistants...

Au milieu de ce film parfois maladroit (Les dialogues qui véhiculent la comédie font mouche, mais ceux qui se chargent du drame sont d'une lourdeur embarrassante, sauf quand c'est Blier qui parle, bien sur), c'est le Docteur Leproux qui fait office de fil rouge. Ce film est entièrement dédié à la figure d'un homme qui pourrait bien avoir été fusillé à la libération, dont la fille aurait pu être tondue, et qui aurait tout aussi bien pu être qualifié de juste, tant il est au service des autres; à l'officier Allemand qui l'informe que des otages Français pourraient bien être exécutés si quiconque vient au secours de parachutistes Anglais, il annonce être volontaire pour être dans lapremière charette. A aucun moment il ne se compromet, ni ne juge; et lors de son arrestation par des troupes Allemandes composées essentiellement de très jeunes recrues, l'un de ceux qui le mènent à la place du village trébuche, il lui vient aussitôt en aide. Blier, tout en retenue, trouve dans cet étrange apôtre d'un genre bien rare dans le cinéma Français un rôle en or, l'un de ses plus beaux pour autant que je puisse en juger, et Lautner, quelques années avant de franchir le pas en se lançant dans le polar parodique pour le reste de sa carrière, signe un film généreux, profond, et rudement beau.

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Published by François Massarelli - dans Georges Lautner
20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 17:36

Xavier Maréchal, consultant en communication, conseille un ami député qui vient justement de tuer un homme qui s'apprêtait à le faire chanter. Mais l'ami va lui aussi mourir dans des circonstances louches, et ce sera le début d'un vrai jeu de massacre dans lequel le héros sera un peu trop souvent soupçonné des pires turpitudes, et dans lequel un document gênant pourrait bien devenir le fléau de la Ve République...

On pourrait être très cynique, et notamment extrapoler sur la réunion de ces trois anars de droite que sont Delon, Audiard et Lautner, ou ironiser un brin devant ce film qui nous montre une France sous la menace d'un complot d'extrême droite, avec dans le rôle du chevalier blanc, un homme dont les accointances (Actuelles comme passées, il a commencé bien tôt) avec le fascisme à la Française finissent par prendre le pas sur son talent d'acteur. Ce dernier est pourtant, à l'occasion, bien réel, et ici il est évident. Et Mort d'un pourri bénéficie en prime d'être plus ou moins le premier film dans lequel Delon joue un personnage auquel il reviendra souvent, dans les mains moins expertes de Jacques Deray notamment. Mais voilà: Lautner est toujours intéressant (Avant Le professionnel du moins, si on excepte bien sûr l'affligeant Ils sont fous ces sorciers!), et il y aura toujours chez lui une façon de jongler avec l'ambiance lourde, de contourner avec talent les à-cotés du crime: ce metteur en scène ne s'est jamais contenté de filmer la violence de façon frontale, il lui a toujours trouvé un petit je-ne-sais-quoi de surréaliste, un détail, un gimmick, et ce film ne fait pas exception à la règle. Je pense en particulier à la scène formidable durant laquelle Stéphane Audran est confrontée à son tueur, filmée en caméra subjective, d'une façon violente et frontale, qui n'oublie pourtant jamais les petites touches, mais oui, poétiques...

Et puis Mort d'un pourri est totalement inscrit dans les années 70, et l'entre-deux Giscardien est le contexte de ce film où l'on tente de solder les comptes de la machine Gaulliste tout en regardant avec expectative en direction d'un futur qui pourrait bien être à gauche (Daniel Ceccaldi y parle de se prémunir pour l'arrivée des "collectivistes"...). L'urgence de 1977, et d'une situation politique qui menaçait sérieusement de changer, est présente à travers une conversation aimablement enluminée par l'art d'Audiard, mais dans laquelle on devine tout ce qu'on veut: un politicard propose effectivement à Delon de participer à une entreprise de sauvegarde pour se garder de l'éventuelle arrivée de la gauche: on ne sait pas trop s'il s'agit de déplacer des capitaux pour les mettre en sûreté, ou de créer une réplique armée...

Sagement, le héros décline l'offre... Car le film, qui puise dans le climat de la période et ses affaires (Entre le titre et la formule "tous pourris" si chère au Front National d'aujourd'hui, il n'y a après tout qu'un pas...), semble ne jamais en faire trop. C'est une vraie réussite, superbement ornée d'une musique de Philippe Sarde avec Stan Getz en unique soliste de génie, et dans laquelle le verbe d'Audiard évite le clinquant et le voyant de la comédie, sans jamais rien perdre de son percutant, au contraire. Bref: un très grand film de Lautner, sans aucune réserve...

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Published by François Massarelli - dans Georges Lautner Noir Michel Audiard