Le jour où le jeune homme (Harold Lloyd) a rencontré la jeune femme (Bebe Daniels) était un jour particulier: celle-ci rentrait chez ses parents, où son père ombrageux avait organisé un repas dans le but de départager les candidats au mariage... Harold décide donc, lui aussi, de participer, avec un avantage: elle l'aime bien. Oui, mais pas le père...
Rien de plus à signaler que le petit monde d'Harold Lloyd dans son état premier: des gags à la pelle, un jeune homme entreprenant pour ne pas dire sérieusement culotté, et un final en forme de pirouette... Ah si! il y a une scène prouvant, trombone à l'appui, qu'à défaut d'adoucir les moeurs, la musique aide parfois le bien-manger.
C'est alors qu'il jouait tranquillement à colin-maillard avec Bebe Daniels et ses copines que notre héros (Harold Lloyd) a été pris pour l'un des candidats à l'intronisation dans une société secrète, l'ordre des Simps (un raccourci de "Simpleton", à n'en pas douter). Le rite maçonnique sous toutes ses coutures, y compris les plus idiotes, est le principal ingrédient de ce film moyen...
...Mais pas sans atouts: j'en compte au moins trois: d'abord, l'ironie du fait que le film est entièrement basé sur le fait de se moquer de ces soit-disant sociétés secrètes d'inspiration maçonnique qui fleurissent dans les années 20, et dont Roach comme Lloyd (ainsi, d'ailleurs, que Laurel et Hardy) seront toutes leurs vies de fervents membres. Ensuite, le fait que Bebe Daniels ait un rôle un eu plus actif que d'habitude, puisqu'elle vient à la rescousse de son petit ami, et avec des arguments, en plus! Enfin, l'un des rituels d'initiation est intéressant, puisqu'il consiste à faire croire au candidat, les yeux bandés, qu'il monte sur les toits à l'aide d'une échelle, puis de lui donner la sensation qu'il tombe dans le vide alors qu'il n'a pas quitté le rez-de-chaussée... La machination nous est montrée, mais comment ne pas penser à ces scènes fabuleuses qui allait faire la notoriété future de Safety last, Never Weaken, High and dizzy?
Ce film d'une bobine est l'une des rares comédies de la série Lonesome Luke à survivre à peu près intacte... Ce qui nous permet de bien comprendre le mécanisme de ces films qui se situaient entre anarchie totale et planification, entre tournage organisé en studio, et improvisation joyeuse dans la rue.
L'intrigue, si on peut dire, tourne autour d'une journée de travail dans une salle de cinéma. Luke (Harold Lloyd) est le gérant (?) des lieux, et s'occupe de tout, sauf du piano (un musicien anonyme, et vu très peu dans le film, s'en occupe), ni de la projection (c'est Snub Pollard qui s'y colle et il finira bien sûr emmêlé dans une forêt de celluloïd...). Son rôle est d'ouvrir et de placer les spectateurs, de façon d'ailleurs fort cavalière. Il s'intéresse beaucoup aux spectatrices, notamment à Bebe Daniels.
Et puis voilà: agitez dans tous les sens, secouez un bon coup, et vous avez un film, ni pire ni meilleur que les Sennett de consommation courante. Le principal problème, et Lloyd et Roach finiront par le comprendre heureusement, c'est qu'on a besoin que tous ces gens, ces agités du bocal, se posent un peu. Mais il va se passer quelque chose: la légende veut que ce soit en revoyant les rushes de ce film que Lloyd ait pris LA décision de sa vie: l'acteur Earl Mohan y porte en effet des lunettes rondes; mouais... On dit tellement de choses, vous savez...
Dans la longue carrière de Harold Lloyd, les premiers films de la série 'The winkle' (Avec lunettes, donc) sont quand même plus élaborés, drôles et inventifs que n'étaient les "Lonesome Luke". C'est non seulement Lloyd qui faisait ses gammes, mais aussi Roach.
Ces quelques échantillons, dont certains sont en piteux état, possèdent ça et là des moments de grâce, en particulier dans Don't shove, un film clairement concurrent de The rink, la comédie de Chaplin elle aussi sise dans une patinoire : Lloyd, qui s'apprêtait à fêter avec des amis l'anniversaire de Bebe Daniels, a été évincé. Mais il retrouve toute l'assemblée à la patinoire, où il décide de jouer le tout pour le tout, en épatant la jeune femme avec des patins...
Le film possède quelques moments de bonheur, mon préféré étant comme de juste cette scène durant laquelle Bud Jamison se retrouve face au grand (littéralement) Noah Young: mais alors qu'on attend que celui-ci transforme son adversaire en bouillie, c'est Jamison qui l'emporte. Young fond en larmes...
Ce film de 1917 est l'un des premiers courts métrages de la série brièvement appelée "The Winckle", mettant en scène le nouveau personnage de Lloyd, un gandin à lunettes. Comme chacun sait, le déguisement était enfin le bon, et le personnage comme l'acteur sont finalement passés à la postérité. Avec Bud Jamison, Snub Pollard et surtout sa petite amie Bebe Daniels, Lloyd y prolongeait l'humour débridé et un peu improvisé de ses courts métrages "Lonesome Luke".
By the sad sea waves fait donc partie de ces oeuvres vite faites à la plage, comme tant de films de l'écurie Sennett, mais avec le charme et le dynamisme de Lloyd en plus. Ici, il y est un jeune homme qui se fait passer pour un maître-nageur, au risque de se noyer d'ailleurs... Ca n'a rien de révolutionnaire, mais c'est malgré tout un fragment intéressant d'un film d'une bobine. Il prouve que l'acteur-gagman avait encore beaucoup à apprendre: mais pour ça, l'histoire a prouvé qu'il allait le faire.
Harold Lloyd a lui-même construit son mausolée, un peu comme Chaplin, mais en plus radical; longtemps après la gloire, de certains films, il a montré tout ou presque; d'autres se sont vus réduits à des extraits. D'autres enfin ont disparu... littéralement. Malgré un effort pour acquérir, puis conserver les courts métrages de ses débuts, peu ont survécu. Et ceux qui sont toujours là sont rarement montrés.
Avant tout, Lloyd était un acteur. C'est donc en tant qu'acteur qu'il a cherché à inventer un personnage de films burlesques. Après un mystérieux "Willie Work", dont je n'ai jamais vu le seul film survivant (Just nuts), Lloyd est donc devenu Lonesome Luke, une imitation de Chaplin, pour une cinquantaine de courts métrages entre 1915 et 1917. Une quinzaine d'entre eux ont survécu sous la forme de fragments ou de copies plus ou moins complètes. Les films de la série "Lonesome Luke" laissent entrevoir un peu de ce que Harold Lloyd allait devenir, disons, dans l'énergie dépensée. Notamment, ils présentent, réalisées par Hal Roach pour beaucoup d'entre eux, les aventures de l'équipe qui allait perdurer une fois la recréation à lunettes du personnage effectuée : Lloyd, certes portant moustache, y est secondé par Snub Pollard, et y rivalise avec Bud Jamison pour les beaux yeux de Bebe Daniels.
Mais au-delà, il s'agit principalement de comédies lourdes et peu inspirées, dont le grotesque allait vite devenir encombrant aussi bien pour Hal Roach que pour Lloyd lui-même. Et ce n'est pas peu dire que ce Luke joins the Navy, dont les quatre minutes survivantes se contentent d'illustrer le titre, ne sont pas très inspirées en effet. Bien difficile de juger bien sûr, puisqu'il en reste trop peu. Mais on voit bien que le bateau qui accueille les clowneries de Snub Pollard et Harold « Luke » Lloyd, est en fait un véritable vaisseau de la marine, dont les hommes sont ici des figurants de luxe, venus à l'oeil pour être aux premières loges d'un tournage vaguement improvisé...
Le dernier film retrouvé de Harold Lloyd est ce court métrage d'une bobine, qui sans être son chef d'oeuvre, est après tout de bonne facture: il enchaîne les quiproquos avec agilité et sans temps morts...
Harold et Bebe Daniels sont mariés, ils ont tout pour être heureux, y compris un berceau garni d'un adorable... chien. Mais un événement qui se produit alors qu'Harold est en ville va les mettre dans l'embarras: un bandit masqué (Snub Pollard) qui vient de voler le portefeuille d'un homme âgé prend Harold en otage, et échange ses vêtements avec lui. Désormais, Lloyd est l'ennemi public numéro un...
C'est du slapstick, du vrai, et il est assez étonnant de voir que le film commence justement par la vision d'une certaine quiétude domestique. C'est à ma connaissance la seule fois que Lloyd tente cette approche dans son oeuvre, du moins avec sa première partenaire Bebe Daniels. Mildred Davis, elle, jouera l'épouse légitime dans I do, et Jobyna Ralston dans Hot Water. A chaque fois Lloyd fera du reste le même constat: il était mal à l'aise pour trouver un créneau satisfaisant pour des gags dans ce domaine.
Ce que je trouve sévère: il s'en tire très bien, surtout ici et dans Hot Water... Pour finir sur ce film rare, il n'en a été conservé que deux copies, toutes deux sur support 28 mm, probablement complètes...
Un jeune homme, travailleur et dynamique, sort avec sa petite amie: ils vont au théâtre... sauf qu'il n'a pas les entrées, et qu'au moment de la rejoindre, un quiproquo fait qu'il est pris pour un joueur de base-ball. Son meilleur copain profite de son absence pour proposer à la jeune femme (passablement mécontente) de l'accompagner... à un match de base-ball, bien sûr!
La place de ce film dans l'histoire est assurée, et pour cause: Lloyd trouvait que son personnage à succès, Lonesome Luke, avait fait son temps, il souhaitait lui donner meilleure allure, et un plus grand réalisme, bref, en faire un "monsieur tout-le-monde"... le résultat est ici l'apparition, pour la première fois, du personnage de ce jeune homme dynamique avec des lunettes... Qui évolue pourtant dans un cadre qui est proche de celui de Luke, mais cette fois il a un travail, une vie plausible, donc.
Avec Lloyd, on retrouve toute l'équipe des Lonesome Luke, à savoir Bebe Daniels et son caractère, le concurrent/rival/copain à moustache de morse, Snub Pollard, et Bud Jamison qui joue les utilités. Et ce film sent l'improvisation, je pense que Roach a du négocier auprès d'un club sportif pour utiliser les temps morts d'un match de base-ball, et que ces scènes ont été tournées vite-fait, bien fait. Du reste, Lloyd se lâche complètement en une parodie géniale de base-ball, qui ne va pas très loin pour autant.
Il ne reste de ce film qu'une version très abrégée: des probables dix à douze minutes de l'original, on ne conserve que 5 petites minutes, sauvegardées sur une copie 9.5mm. Mais au moins, on les a! Sinon, un crédit incompréhensible attribue sur plusieurs sites la direction du film à J. Farrell McDonald. Ce dernier, célèbre pour ses rôles chez John Ford dans les années 20, 30 et 40 (il a une filmographie distinguée, puisqu'on y trouve aussi bien Sunrise que My darling Clementine) était bien réalisateur à cette époque, mais il était en charge des sujets de prestige et des serials à la Universal. je doute fortement qu'il ait été amené à réaliser pour Roach un film d'une bobine, donc je m'en tiens à la version plus raisonnable d'une mise en scène assurée par Lloyd lui-même, ce qu'il faisait effectivement souvent, en alternance avec Roach et Alf Goulding, dans les années 10.
Après des essais plus ou moins réussis dans le domaine du court métrage de trois bobines, Lloyd obtient satisfaction avec ce film à la construction parfaite, une nouvelle fois partagé entre trois thèmes: l'amour simple, presque enfantin, du personnage d'Harold pour sa leading lady Mildred Davis, le vie moderne et l'aspiration de confort, et l'intrusion du frisson sous la forme de faux semblants particulièrement cocasses. C'est un classique! On notera une construction très efficace en trois parties, après un prologue qui établit que Harold et Mildred sont voisins de travail: lui est assistant d'un conseiller financier, elle secrétaire d'un ostéopathe. Elle lui apprend que son patron va devoir se séparer d'elle, puisque les affaires ne marchent pas fort, et Harold passe toute la première bobine à lui trouver des clients avec divers stratagèmes. La deuxième partie voit Harold confondre le frère de la jeune femme, en visite, avec un rival, et il tente de se suicider. Enfin, il croit avoir réussi, et les circonstances le voient suspendu dans le vide à une poutrelle métallique...
Les échafaudages,sur lesquels Lloyd s'ébroue à la fin du film,d'un type qu'on reverra dansLiberty(1929) de Leo Mc Carey, avec Laurel & Hardy, sont vus dès le premier plan, et une transition efficace entre les deux premières parties permet au film de se dérouler de façon très fluide: Harold accompagne les nombreux clients qui se pressent chez l'ostéopathe, et en suivant le dernier le voit qui va embrasser Mildred. Ce n'est pas un client, et on est désormais dans la deuxième partie...
Le moment le plus célèbre du film est bien sur le jeu au-dessus du vide, obtenu grâce à un choix particulièrement judicieux d'angles de prise devue.Biensûr, les gags qui la composent sont très drôles, et souvent malins, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il y avait mieux à faire; ici, ils se suivent, comme les tentatives comiques de suicide dans la deuxième partie, mais il n'y a pas dans ces scènes de construction, ni de géographie précise, comme il y aura pour le plus grand bonheur du spectateur dans Safety last, avec son cahier des charges clairement exposé qui permet de générer du suspense, et de coller au plus près de la thématique de l'élévation sociale...
De même, Lloyd a du trouver le film un peu long, puisque de nombreuses copies sont amputées de certains des gags autour du suicide. il s'agit peut-être aussi d'une certaine forme de censure qui remonte aux années 60, quand Lloyd était à la recherche d'un nouveau public avec des versions allégées de ses films, rendues compatibles avec un visionnage pour les enfants...
Avec ce film, Lloyd prend son temps dans la veine très Américaine des comédies qui tournent autour de l'illusion d'élévation sociale représentée par la tentation de singer la noblesse, voir à ce sujet le très classiqueRuggles of Red gap... Il est donc groom dans un hôtel, qui a pour principale occupation de piquer les vêtements des riches qu'il côtoie pour faire semblant: il est tellement doué qu'on pourrait aisément dire que l'habit fait le moine! Il est repéré par un escroc qui essaie de l'utiliser pour s'attirer les bonnes grâces d'une nouvelle riche et épouser sa fille. Harold va donc devoir jouer les comtes en goguette et être le clou d'un week-end riche.
Après une exposition longuette consacrée à la famille Irlandaise dont la mère est décidée à imposer le régime mondain à sa fille et son mari, on a une apparition de Lloyd en trompe-l'oeil double: on le voit en gros plan, en haut de forme, parlant avec une allure très empruntée. la caméra se recule, et on s'aperçoit que le dandy est en fait seul, devant un miroir. A la fin de la séquence, il doit rendre sa veste à un aristocrate, et il se révèle un groom... C'est simple, efficace, drôle, et on sait tout sur le jeune homme en deux minutes très enlevées. La première bobine est surtout consacrée à établir les deux mondes amenés à se rejoindre: l'hôtel où travaille le jeune homme, et la famille qui se perd dans l'illusion de la richesse.
D'autres passages splendides montrent la maîtrise de l'équipe, notamment une série de gags imaginés par Lloyd alors que, passant pour un noble, il raconte ses chasses. C'est d'ailleurs l'essentiel de la deuxième bobine: Lloyd se fait passer pour le comte qui raconte ses succès à la chasse... Et la dernière bobine est surtout consacrée à une désastreuse chasse au renard durant laquelle Lloyd a perdu son pantalon. Tout mène à ce moment qui agit en qualité de catharsis: c'est par la grâce du pantalon perdu que l'humanité reviendra...
Pas le meilleur film de Lloyd, bien sur, mais d'un niveau très solide quand même...