La petite Coraline emménage avec ses parents dans un cadre idyllique, mais bien isolé, et très vite l'ennui va être rattrapé par l'inattendu: alors que ses parents, deux écrivains qui ont un contrat à remplir (Un livre de jardinage qui leur prend tellement de temps qu'ils n'ont pas le temps de se consacrer à leur jardin... ou à leur fille) se désintéressent progressivement d'elle, elle est happée par un univers parallèle et mystérieux, et surtout bien plus intéressant que son quotidien: ses parents y vivent, aussi, mais là par contre ils sont flamboyants, drôles, et surtout ils s'occupent d'elle. Pourtant Coraline tombe dans un piège...
Comment peut-on encore attribuer le film The nightmare before Christmas à Tim Burton après avoir vu ce film d'animation, qui en possède presque tous les attraits: un script complexe, et fédérateur puisque aussi bien les enfants que les adultes peuvent y glaner quelque chose; une animation en volumes (la spécialité de Selick, bien sûr), totalement maîtrisée; la splendeur visuelle qui cette fois ne passe pas que par une variation sur le noir et blanc; et enfin, des voix formidables: Ian McShane, Dakota Fanning, Teri Hatcher, Jennifer Saunders et Dawn French, et je suis certain d'en oublier!
La complexité de l'intrigue provient en grande partie d'un roman de Neil Gaman dont Selick a du tirer tout le suc, jonglant avec le merveilleux, la 3D, l'absurde et la beauté picturale. Relativement méconnu car tourné à l'écart de Disney, ce film qui enchaîne les tours de force est donc, une fois de plus, une merveille. Voilà qui est dit.
Au-delà de la polémique sur le nom de l'auteur (Le vrai titre complet a beau être "Tim Burton's Nightmare before Christmas", l'auteur de Beetlejuice n'est pas, n'a jamais été, et ne sera jamais le réalisateur de ce qui est souvent appelé son chef d'oeuvre.), le très beau film un peu anachronique de Henry Selick est devenu en peu de temps un vrai classique, et mérite d'être vu et revu avec obstination. On l'attribue si facilement à Tim Burton, mais c'est sans doute l'oeuvre de trois hommes, plus qu'autre chose. A Tim Burton, auteur de l'anecdote et des dessins originaux, pourvoyeur d'ambiance et inspirateur, viennent s'ajouter Danny Elfman, génie musical qui crée une oeuvre quasi opératique, complexe et qui colle au film à 100%, et Henry Selick, qui a su donner corps à ces deux visions de deux génies ombrageux (Qui étaient d'ailleurs fâchés à l'époque de la conception du film, comme en témoigne la sortie en 1994 du seul film de long métrage de Burton dont la musique n'était pas de son alter ego), en un film superbe, fait à l'ancienne, et qui réussit à tenir la dragée haute à bien des films d'animations en images de synthèse...
Le projet initial était un vieux rêve de Burton, qui croyait pouvoir convaincre quelqu'un chez Disney de donner son feu vert. C'est finalement chez la défunte branche Touchstone (Créée afin de financer des films atypiques dans le giron de Disney) que le projet a atterri, mais sans Tim Burton. celui-ci, entre deux Batman, ne pouvait plus prendre le temps nécessaire à la création d'un dessin animé. Il est producteur exécutif sur le film, ce qui veut tout dire, ou rien... Selick, quant à lui, est un animateur authentique, qui a réalisé plusieurs films depuis, dont James and the giant peach ou Coraline. Burton a même essayé de co-réaliser un film d'animation (The corpse bride) sans parvenir à oblitérer le souvenir du classique qui lui a échappé... Mais Disney, qui a depuis récupéré le film, s'évertue à faire oublier le souvenir de Selick en plaçant le nom de Tim Burton (Désormais établi) un peu partout.
Le projet doit beaucoup au Grinch, du Dr Seuss, un livre (Et un dessin animé de Chuck Jones ) qui a beaucoup inspiré Burton dans sa vision, mais le film de Selick rend à la fois hommage à Seuss dont le héros tentait lui de saboter Noël en volant tout ce qui s'y rapporte, et à toute la littérature et le dessin animé pour enfants qui aime à verser dans l'épouvante, et partant à toute l'histoire du cinéma fantastique: les décors clairement inspirés du Cabinet du dr Caligari, Jack Skellington qui se dresse dans son cercueil tel Nosferatu, et bien sur le recours obsessionnel à Frankenstein, sont augmentés de nains joviaux et multicolores, et de références discrètes (La tombe d'Hazel la sorcière qui a beaucoup rencontré Bugs Bunny chez Chuck Jones, par exemple...). L'animation en volumes était un voeu formel de Burton, et Selick y excelle justement. Si les dessins de base sont à attribuer à Burton, il faut applaudir le rendu extraordinaire du mouvement, et la vie qui se dégage de ces marionnettes...
Danny Elfman s'est vraiment enthousiasmé pour le projet, allant jusqu'à interpréter les rôles antithétiques et plus grands que nature de Jack Skellington, et bien sur de Oogy Boogie, le méchant de l'histoire. Mais la progression, qui accompagne avec génie l'intrigue, s'enrichit d'une relecture amusée de styles classiques (Duke Ellington chez Oogy Boogie, une version déprimante de Ain't we got fun, par l'orchestre de suicidaires de Halloweentown). Mais la musique, comme le film, c'est du sérieux, et c'est au premier degré qu'il faut prendre le dosage subtil d'émotion et de frissons: le chef d'oeuvre de Danny Elfman, donc!
Il est des images moins marquantes au cinéma que celle de ce couple étrange, elle créature recousue à la Frankenstein, lui squelette citrouilloïde et filiforme, réunis enfin sur une colline en spirale, au son de l'apothéose composée par Elfman: plutôt qu'une fanfare avec 60 musiciens, il a choisi pour finir le film d'ignorer les foules, et de laisser deux personnes se parler à l'oreille, ce qu'ils n'ont jamais réussi à faire durant les 70 minutes qui précèdent. un immense sentiment d'accomplissement vaguement mélancolique accompagne à cet instant un spectateur comblé, qui vient de voir l'un des plus beaux films qui soient...