Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 décembre 2018 7 02 /12 /décembre /2018 17:23

Ce long métrage est donc le seul des films de Ida May Park à avoir survécu intégralement, contrairement à Bread et The rocky Road qui eux ne nous sont parvenus que sous forme fragmentaire, et... contrairement surtout à ceux dont rien n'a été retrouvé. Park y dirige Dorothy Phillips, une actrice qui jouait souvent les ingénues, comme dans The Rocky Road justement, mais qui est ici confrontée à plusieurs reprises à des situations risquées. Un atout majeur du film réside dans le fait que Lon Chaney y interprète quant à lui un personnage qui est à mi-chemin entre une interprétation de comédie d'un personnage peu sophistiqué à la Marcus Schouler (Jean Hersholt dans Greed de Stroheim), et un profiteur de la pire espèce, maître chanteur et malfrat salace aux mains baladeuses... Un rôle joué sans maquillage par le grand acteur.

Midge O'Hara (Dorothy Phillips) est une chorus girl, le genre à avoir quitté son trou perdu natal pour monter à la grande ville et se retrouver à l'arrière, sur scène, pendant toute une carrière. Mais elle garde l'espoir de trouver mieux, car elle a des copines, comme celle qui lui trouve un emploi pour une soirée un peu étrange: il y aura des hommes riches, au portefeuille prêt à l'emploi. Mais si elle souhaite s'en sortir, Midge n'est pas d'accord pour faire toutes les concessions... Elle va donc être confrontée à plusieurs personnages: Jack Chalvey (Harry Von Meter), un homme au bout du rouleau, amoureux transi d'une autre chorus girl un peu trop frivole, et qui menace de se suicider; le riche Henry Rockwell (William Sowell), qui prend Midge pour une fille facile et menace purement et simplement de la prendre de force à l'arrière de sa voiture, et Elmer Watkins (Lon Chaney), un ancien ami de la famille O'Hara, qui vient lui aussi à la grande ville, mais surtout pour y passer du bon temps! Et quand il voit Midge au milieu d'une troupe de chorus girls dans une fête un peu louche, il a vite fait de se faire des idées... Lon Chaney est, bien sûr, excellent dans un rôle avec autant de tiroirs.

Oui, le moins qu'on puisse dire, c'est que Midge va subir des avances d'un peu tout le monde. C'est à la lisière entre comédie et drame, en permanence, et une comédie d'un genre assez inattendu. On sent Ida May Park attirée par le jeu sur le fil du rasoir, entre situation scabreuse et résolution pour les familles... Dorothy Phillips tend à désamorcer par un jeu tout en ingénuité la dimension scandaleuse du film. Mais l'homme en prend pour son grade, dans un parcours de la combattante qui passe d'épreuve en épreuve. La scène qui est située au milieu du film, qui voit Henry tenter de violer purement et simplement Midge dans sa voiture est sans doute la plus difficile à accepter aujourd'hui, puisque le personnage va devenir l'un des futurs potentiels du personnage principal! A moins Park nous fait passer par ce biais l'idée que décidément les femmes en 1918 qui étaient attirées par la vie de bohème, pouvaient en effet passer par des extrêmes. 

Typiquement, un autre aspect du film qui aura du mal à passer est un personnage, qui agit d'ailleurs en tant que révélateur des turpitudes auxquelles peuvent être confrontées professionnellement les filles qui se sont choisi une profession dans le monde du spectacle: une domestique noire qui connaît la façon dont les fiestas un peu louches se passent, conseille à Midge de suivre le mouvement. Ce n'est pas l'aspect moral qui gêne, c'est le fait que la dame est interprétée comme dans n'importe quel film de Griffith, par une actrice en black face. Quoi qu'il en soit, après avoir vu ce film entier de Ida May Park, j'en reste à mon impression initiale: j'aimerais beaucoup voir Bread en entier...

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1918 Ida May Park Muet Lon Chaney **
1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 16:49

Une jeune femme (Mary McLaren) attirée par le monde du spectacle réalise qu'elle a mis le pied dans une drôle de fourmilière... En effet, quand l'agent pour lequel elle travaille lui demande de s'approcher trop près pour prendre ses mesures, elle comprend les risques. Mais dans quelle mesure peut-elle faire la fine bouche, puisque le temps presse: toujours pas d'engagement, et elle n'a pas d'argent ni rien à manger, et encore moins de soutien: ses collègues lui font comprendre qu'il lui serait très facile de manger, juste deux ou trois concessions à faire, et sa logeuse est également sur son dos...

Donc, lorsque son agent (Louis Morrison) lui promet un rôle, et précise que c'est "strictly business", elle sait que l'entretien promis avec un auteur à succès sera déterminant. Mais elle ne veut pas faire pitié: elle décide de casser sa tirelire pour se payer une miche de pain. La seule scène durant laquelle l'héroïne est confrontée à un peu de chaleur humaine, est celle de la boulangerie: la boulangère qui a compris la situation compliquée de la jeune femme, lui donne "une miche sur laquelle la miche d'à côté à débordé pendant la cuisson", et qui fait quasiment le double d'une miche de pain normal. Mais dans la scène qui suit, le pain se perd dans une confrontation avec un passant...

Le film est perdu. Bread faisait à l'origine 6 bobines, soit entre 60 et 70 minutes, dont il ne reste que 18 (Retrouvées, je vous le donne en mille, à Dawson City): probablement l'essentiel de la troisième et de la quatrième bobine. Dans ces quelques minutes, on nous présente un autre personnage, celui du dramaturge célèbre, dont nous pouvons sans trop de souci imaginer qu'il va devenir soit le sauveur, soit le futur mari, de l'héroïne. Mais il est aussi présent, dans une voiture, lors du quiproquo de la perte du pain: quand Mary McLaren la lâche, la miche se retrouve sur le marchepied de la voiture qui démarre...

Je suis beaucoup rentré dans les détails, avec difficulté parfois, car ces deux bobines sont justement une suite ininterrompue de détails, avec une mise en scène qui passe beaucoup par le corps d'une part, et par le détail d'autre part. Ida May Park, qui fut scénariste, a compris l'importance des petits cailloux qui mènent quelque part dans une histoire. Et en Mary McLaren (qui pourtant n'avait pas de mots assez durs à la fin de sa vie, contre sa réalisatrice d'un film), elle a trouvé une actrice qui sait jouer de son regard, plus que de son corps, pour avancer une idée, ou une émotion. Le film est riche en moments à la limite du sadisme Dickensien, c'est entendu, mais McLaren (Déjà confrontée à la destitution moderne avec Shoes de Lois Weber deux années plus tôt) nous semble encore posséder parfois suffisamment d'énergie pour tenir encore un peu le choc! Bref, une fois de plus, on pestera contre le sort et l'incurie, qui nous privent de la fin d'un film qui me semble valoir vraiment la peine d'être un jour redécouvert en entier...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1918 Muet Ida May Park **
1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 16:37

On ne connait pas grand chose d'Ida May Park, aujourd'hui, bien qu'elle ait elle-même tenté de contribuer dès les années 20 (alors que sa carrière était déjà reléguée au passé), à l'histoire du cinéma en rédigeant un article sur l'importance du rôle des femmes. Scénariste, mais ni productrice ni actrice, l'épouse de Joseph De Grasse (elle avait souvent écrit le scénario de ses longs métrages) est passée à la réalisation au moment où Lois Weber est partie de la Universal. Mais à en croire les jugements sévères de certains acteurs, elle n'avait pas du tout la même image que la réalisatrice de Shoes... Pourtant le peu qui nous est parvenu de son oeuvre est formidablement intrigant.

Il ne reste que deux minutes de The risky road, qui sont entièrement consacrées à un jeu fortement teinté de tension psychologique pour l'actrice Dorothy Phillips: elle y incarne une jeune femme entretenue par un homme auquel elle se refuse. Cette "route risquée" dont parle le titre est donc le spectre de l'amoralité et de la prostitution. Deux minutes, c'est bien évidemment trop peu pour juger du film, mais il faut savoir qu'à part ces deux minutes, ne sont conservés que des morceaux de deux films sur la quinzaine qu'on lui attribue. Un seul de ses films, Broadway love, est conservé en quasi intégralité...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans 1918 Muet Ida May Park **