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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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18 avril 2021 7 18 /04 /avril /2021 08:41

Le trou, d'abord, c'est la prison: finir au trou, dit-on. et puis après ça devient, bien, sûr, juste un vrai trou, celui que des prisonnier creusent afin de s'évader. Enfin, on pourrait aller plus loin, et parler d'un trou qui représenterait les aspirations déçues, quand on creuse pour n'obtenir au final, rien du tout. Enfin, c'est le trou qui nous attend tous, sans doute, sorte de représentation sardonique du destin... On le voit, le dernier film de Becker est riche, profond, et parfaitement philosophique: il éclaire sans doute tellement bien son penchant pour les histoires d'hommes qui finissent par une trahison (voir l'ensemble de ses films) qu'on le prendrait facilement pour étendard de toute sa carrière...

Claude Gaspard (Mark Michel) arrive à la Santé, en préventive. Il est accusé par son épouse d'avoir voulu la tuer, lui, sa version est différente. Ils se sont disputés, il voulait lui enlever le fusil des mains, le coup est parti... Elle n'est que légèrement blessée, lui est passible de 5 à 10 ns de prison, puisque le fusil était chargé, on considère qu'il y avait préméditation. Dès le départ, on s'attache à ses pas, et ce sera lui le personnage central, le Candide, par lequel le reste de l'intrigue sera vue et entendue. Et comme il sera le seul "bleu" dans une cellule autrement occupée par des criminels endurcis, ce sera bien pratique...

Les autres, ce sont des voleurs et des meurtriers, on ne saura jamais totalement ce qu'ils ont fait, on saura juste que deux d'entre eux risquent gros, très gros: on parle d'une menace de guillotine. Tous sont en préventive... Jo (Michel Constantin), Manu (Philippe Leroy), "Monseigneur" (Raymond Meunier)... et Roland (Jean Kéraudy),le roi de l'évasion, celui qui va superviser toutes les phases d'une évasion savamment orchestrée. Tous ces hommes ont été choisis parce qu'ils ne sont pas tous acteurs, et qu'aucun n'est une vedette...

Venu de nulle part, du monde des gens honnêtes pour se retrouver à la Santé, Gaspard va se sentir tellement chez lui dans cette cellule, qu'il va adhérer au projet. Au projet et aux hommes... Seulement pendant ce temps, le monde va continuer à tourner à l'extérieur.

Becker voulait des inconnus pour son film, adapté d'un roman de José Giovanni, qui lui-même retraçait une anecdote réelle: l'évasion ratée en 1947 d'un groupe de détenus. Parmi eux, José Giovanni, et Roland Barbat, dit Jean Kéraudy... 

Le monde de la prison en 1960 nous est raconté sans fards, en se concentrant sur la journée et le quotidien d'un taulard à cette époque, sur les rapports compliqués, d'une part entre l'administration et les gardiens, d'autre part entre les détenus et leur co-détenus... Des scènes entières sont dédiées à ces petits riens, ces vexations du quotidien, comme la fouille systématique de toutes les denrées qui sont envoyées de l'extérieur: le beurre, le savon, le saucisson, le gâteau de riz, tous ouverts, massacrés, mis en morceaux, écrasés par l'administration pénitentiaire pour y chercher des objets interdits... 

Et sinon, le gros du film se déroule dans la cellule où les prisonniers attendent leur jugement, et où ils préparent leur départ, une évasion qui cette fois aurait bien pu réussir: minutieusement préparée par un cerveau de la chose, le taciturne Roland, dont les gestes sûrs trahissent à quel point il sait de quoi il est question. Il y a un peu de la manière de Howard Hawks dans la façon dont Becker nous montre le travail des hommes. Sauf que chez lui, le travail est souvent dénué du lyrisme que lui donne le metteur en scène Américain... Mais ce qui frappe, c'est bien sûr à quel point le suspense habite chaque action des occupants de la cellule, unis dans leur but commun. Nous sommes, dès le départ, avec eux et contre le reste du monde... Et l'identification, devant ces hommes courageux et unis en apparence comme les cinq doigts de la main, est immédiate. Le suspense qu'elle engendre culminera dans une scène formidable, dans un plan extraordinaire, auquel Becker nous aura savamment préparés durant plus de deux heures haletantes...

Mais derrière le code des hommes, les obligations du quotidien, le partage systématique, l'honneur et la fraternité, il y  quand même le fait qu'à la fin, l'un de ces hommes trahira. On le sait très vite, remarquez, et on se doute d'où viendra la trahison. On pense souvent à La Grande Illusion, mais sans le bagage idéologique du film de Renoir. Mais on se rappelle de ce que disait le personnage de Pierre Fresnay: une prison, ça sert à s'évader. Eh bien chez Becker, on ajoute que dans une affaire d'honneur comme l'évasion de ce film, il y a forcément un traître...

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker Noir
10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 13:24

M. et Mme Laurent sont mariés, sans enfants. Monsieur (Louis Jourdan) travaille, il est pilote d'essai et pilote de course, et Madame (Anne Vernon) ne travaille pas. Ils ont un bel appartement, des amis, et... un jour, Madame apprend qu'il y a aussi une maîtresse. Sans trop prendre le temps d'y réfléchir, elle prend une décision: reprendre son indépendance. Elle va trouver un travail de mannequin auprès d'un grand couturier, et trouver une chambre de bonne rue de l'Estrapade... Elle va y faire la rencontre d'un jeune étudiant bohême, Robert (Daniel Gélin).

Oui, c'est une comédie, et pourtant c'est soumis à débat... Becker s'est plu, une fois de plus, à saisir le quotidien de gens qui semblent assez authentique, et qui donnent à voir des bribes d'une époque. Mais le prétexte initial, assez boulevardier, est l'occasion pour le metteur en scène d'opposer ses deux acteurs principaux. Anne Vernon, principal point de vue dans le film, joue avec retenue un rôle qui évite les outrages de la femme trahie. Françoise, son personnage, rend tout de suite le dessus, et les clichés du boulevard sont plutôt à chercher du côté de celle qui a cafté, sa copine Denise (Micheline Dax), qui vit un mariage probablement pas tout rose avec un obsédé de la chasse... Mais Henri, le mari, est joué avec excès, lui sans un gramme de subtilité par un Louis Jourdan qui fait tout ce qu'il peut pour être un sale type... Tout en adoptant une posture étrange, à la Cary Grant...

On croirait presque au faux pas, si ce personnage de matamore infect ne servait aussi bien un aspect du film: car ce qui va arriver rue de l'Estrapade sera probablement parfois embarrassant pour Françoise (recevoir avec insistance la visite parfois lourdingue d'un étudiant sans-gêne qui crie son amour, ça a parfois des aspects irritants), mais c'est aussi une étrange porte ouverte à la liberté... Et retourner à son mari (qui recommencera forcément, au vu de la dose de néandertalisme du personnage) me paraît surtout, dans ce film subtil et en demi-teintes, un vrai renoncement.

Et c'est bien son parcours à elle, qui nous est conté dans ce joli film, depuis le moment où, en achetant sur un coup de tête une robe qui la met particulièrement en valeur, elle passe tout à coup de l'autre côté de sa vie... Et le film finit de se situer en marge de la comédie traditionnelle en osant aussi nous montrer la vie d'un couturier, qui vit en couple avec un homme (tout le monde le sait, et Françoise le dit même "je ne risque rien, il n'aime pas les femmes" dit-elle), mais qui ne dédaigne pas, à l'occasion, de tenter sa chance avec ses mannequins. Becker était décidément en avance...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Jacques Becker
30 janvier 2021 6 30 /01 /janvier /2021 11:45

Arsène Lupin s'introduit dans la très haute société et vole deux tableaux de maître au président du conseil, négligeant un Michel-Ange qui s'avère faux... Puis il escroque des bijoutiers sous le déguisement d'un affable viticulteur d'âge mûr; enfin, il est enlevé par des espions à la solde de l'empereur Guillaume II, afin de tester la pertinence d'un système de protection...

Jacques Becker a réalisé treize films, dont deux qu'on peut sans trop de problème considérer comme des oeuvres de commande... N'empêche, sur ce Lupin, qui fait suite au relativement célèbre Ali Baba avec Fernandel, Becker avait plus ou moins demandé le poste. Tout de suite, je le dis: mais pourquoi?

Peut-être pour l'époque... Lupin, c'est le plus souvent les années 1900, des toilettes spécifiques, des rues qui commencent à peine à se remplir d'automobiles qui roulent à du trente-cinq à l'heure, une société qui tarde à sortir du XIXe siècle, et un voleur qui lui a compris qu'il fallait au contraire sortir de l'indolence. Et Becker, qui a recréé avec un génie particulier le Paris de Casque d'or, aimait ce genre de défi. Il se retrouve ici dans l'oeil du metteur en scène et sa façon de regarder notamment les femmes, de la petite manucure qui participe bien malgré elle à une arnaque menée par Lupin, à la baronne Mina Von Kraft qui travaille pour l'empereur Guillaume. On sent bien qu'un soin très particulier a été apporté au moindre détail de vêtement, et cette salutaire maniaquerie se retrouve même dans les coiffures et les décorations d'intérieur. 

Mais si certains aspects sont plaisants, notamment une scène d'arrestation dans un salon de coiffure qui tient autant de la comédie que d'une étude poussée des habitudes sociales et hygiéniques de l'homme de1900, il faut bien avouer qu'on s'ennuie poliment mais fermement. Et puis Lupin! Lupin, c'est l'arlésienne, on en parle bien plus qu'on ne le voit, et avec Robert Lamoureux on ne voit que lui.

Et en plus, c'est Lamoureux, et décidément il me porte sur les nerfs.

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker Comédie
31 décembre 2020 4 31 /12 /décembre /2020 16:29

Amedeo Modigliani (Gérard Philippe) peint: ça n'intéresse pas grand monde... Quand il réussit à capter l'attention d'un commanditaire, par exemple un client d'une terrasse de café, il ne lui achètera pas sa production, car les gens ne comprennent pas cette vision de l'art. Il va donc de comptoir en comptoir et de femme en femme, cherchant l'oubli plus que l'inspiration, au grand désespoir de ceux qui l'aiment. Mais deux personnes aux influences contrastées vont entrer dans sa vie: l'une par la grande porte, c'est Jeanne (Anouk Aimée), aspirante peintre, qui va l'aimer, et partager sa vie et sa déchéance; l'autre est Morel (Lino Ventura), lui va entrer sans se faire remarquer, et attendre son heure... Il est marchand de tableaux et a repéré avec ce peintre déglingué un futur client facile: quelqu'un qui mourra avant son heure, il lui suffira juste d'être là au bon moment...

Le film a beaucoup à voir avec Touchez pas au grisbi, finalement; aux gangsters de ce film, qui voient sans comprendre un nouveau monde fait de vitesse et de cocaïne se construire autour d'eux et de leurs habitudes, Becker oppose cette fois le peintre maudit qui ne parvient pas à trouver sa place dans un monde de plus en plus hostile au talent, et où le public gobe tout à partir du moment où la presse ou la publicité le leur propose. Une scène emblématique, voit Modigliani, hagard, suivre son meilleur ami (Gérard Séty) et Jeanne chez un acheteur potentiel. Quand il se rend compte que c'est un américain prêt à acheter ses toiles au kilo, et qui ambitionne d'utiliser l'une d'elles pour une publicité de parfum, il s'en va...

Dans ses rapports (compliquées, c'est le moins qu'on puisse dire) avec les femmes, Modigliani a une relation épisodique avec une critique, la belle Béatrice (Lilli Palmer). Celle-ci est plus sa complice qu'une journaliste, et une tentatrice plus qu'une use. Elle le fournit à ses heures perdues en opium... Le personnage est intéressant, car elle ne cherche pas en Modigliani la gloire hypothétique d'un peintre, et l'accepte comme il est, avec sa violence née de sa détestation de lui-même, son alcoolisme dangereux, et son comportement erratique. Au contraire d'un Morel qui se tient à l'écart, mais n'en est pas moins horriblement calculateur, comme le prouve le dernier quart d'heure du film, dans lequel il regarde littéralement le peintre aller à la destruction.

Becker a choisi le noir et blanc pour son film quand on lui proposait la couleur (le scénario a été repris de Max Ophuls, qui devait diriger le film et est décédé avant de s'y atteler: sa production était effectivement prévue en couleurs), afin de déplacer l'oeil du spectateur, des tableaux vers les acteurs. Une belle idée, qui débouche sur un film dans lequel on s'intéresse effectivement plus à l'artiste qu'à son art, qui n'est jamais discuté: ce n'est tout simplement pas le sujet...

Je m'interroge sur un point cependant: s'il est clair, un intertitre en exergue du film nous le précise, que Becker et son équipe ne cherchaient pas la véracité historique, on regrette beaucoup devant ce par ailleurs beau film, qu'il n'y ait pas eu d'effort plus prononcé pour faire semblant que l'intrigue se situe en 1919-1920. Anouk Aimée est ici habillée à la mode 1958, et la plupart des costumes, à de rares exceptions près, sont anachroniques. Ce qui n'enlève rien à la thématique du film, bien sûr, qui reste une fois de plus la chronique d'une mort annoncée, celle d'un artiste, et aussi symboliquement, celle d'une certaine idée de l'art. Becker a réussi un film puissant, dans lequel les acteurs sont tous proprement géniaux, et dans lequel on ne nous impose rien. Le spectateur partira avec sa propre idée de Modigliani... Mais il ne repartira du film qu'après avoir été le témoin d'une sacrée histoire d'amour. 

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker
31 décembre 2020 4 31 /12 /décembre /2020 10:02

D'abord une époque: Becker raconte dans ce film la jeunesse de l'après-guerre à travers ces enjeux sentimentaux, ou professionnels, des choses qui vont changer ou déterminer la vie future. Et si le monde a recommencé à tourner après une période bizarre, il en reste des séquelles... La façon dont un personnage (Pierre Trabaud), par exemple, conduit une jeep amphibie probablement achetée dans un surplus de l'armée Américaine, ou le fait qu'il passe son temps à piquer de la viande dans la boucherie familiale pour pouvoir se payer des extras (à commencer par de l'essence pour son machin qui flotte et qui roule), trahit vraiment cette drôle d'époque de débrouille, mais celle-ci est comme captée au naturel: c'est une grande réussite. Et puis il y a la jeunesse massée dans les caves, dans une danse permanente: ces gens ont des choses à exorciser, à commencer par leurs parents...

Une chronique du tout et du petit rien: tiens, exactement comme Antoine et Antoinette... Sauf que ce n'est pas exactement le bonheur qui est en cause ici, c'est la vie. Le film commence donc, dans une exposition exemplaire, à travers la vie des uns et des autres, par montrer le quotidien en famille ou pas de tous ses protagonistes. Une façon de les situer, bien sûr, mais aussi de leur fixer des enjeux, et aussi de nous les faire aimer: 

Lucien (Daniel Gélin) est l'étudiant en ethnographie qui a réussi, malgré son père (un con de bourgeois), et qui souhaite monter une expédition au Congo pour aller tourner un film scientifique sur les pygmées; sa petite-amie Christine (Nicole Courcel) est partagée entre son amour pour lui, et une ambition mal venue: elle veut être actrice, mais n'a pas ou presque pas de talent. Dans son cours, ils le savent bien, mais elle sait qu'elle peut jouer une carte immorale pour percer dans le métier, et considère, effectivement, de coucher avec un metteur en scène; Maurice Ronet est Roger, un étudiant à l'IDHEC qui est diplômé en son; ce qui ferait de lui un collaborateur essentiel pour son copain Lucien. En attendant il vit sur sa trompette, puisqu'il joue du jazz dans une cave... Et il est en couple avec Thérèse (Brigitte Auber), qui est actrice au même cours que Christine. Et elle, du talent, elle en a: ce qu'ont repéré un metteur en scène et surtout un auteur dramatique: François, le frère de Christine, qui aimerait bien que Thérèse soit sa petite amie.

Voilà, les personnages et les enjeux sont posés, et le film se déroule avec comme éventualité le fait que Lucien réussisse à monter son expédition, mais aussi que Thérèse et Christine soient engagées sur une pièce: ce sera chose faite assez rapidement, et les enjeux sentimentaux vont faire que le film frôlera le drame... Un peu. Parce que Becker, qui a demandé du naturel à ses acteurs, et l'a magnifiquement obtenu, n'a pas non plus souhaité aller vers le baroque. Ce qu'il voulait c'était capter une époque, c'est superbement réussi, et la cerise sur le gâteau c'est qu'on y assiste à l'éclosion d'une vraie histoire d'amour, celle des Parisiens avec le jazz... On passera sur l'étrange affection de l'époque pour le jazz "à l'ancienne", avec des apparitions de Claude Luter; mais on verra aussi le grand Rex Stewart, à la trompette, et surtout un pianiste qui fait un peu plus que de la figuration: c'est Bernard Peiffer.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker
28 décembre 2020 1 28 /12 /décembre /2020 16:42

De tout, de rien... De rien surtout: ces petits ries qui font une vie: un passage chez l'épicier, la perspective d'une sortie à deux, un ticket de loterie qu'on achète comme ça sans trop y penser, et les perspectives d'avenir: un nouvel appartement? Une moto? Un enfant? ...Ca coute cher tout ça. Bref, la toute petite vie d'Antoine (Roger Pigaut) et Antoinette (Claire Maffei) se déroule dans sa petite poésie ouvrière, avec globalement comme seule menace véritablement sérieuse, d'une part les avances empressées et insistantes de l'épicier (Noël Roquevert), et son inévitable complément, la jalousie d'Antoine. 

Mais non, ce qui va risquer de précipiter un drame, c'est ce fameux billet de loterie. D'une part il est perdu. Ce qui ne serait pas grave, mais d'autre part, il est gagnant...

Ca commence par un petit exposé de la petite vie rangée des petites gens qui composent la distribution: Antoine est ouvrir imprimeur, et Antoinette travaille au Prisunic. Il y a beaucoup de respect pour l'ouvrier, justement, dans la façon dont Becker les filme au travail, dans une semi-vérité troublante. Et le cinéaste se fait vraiment le chantre de la classe ouvrière au lendemain de la seconde guerre mondiale, tout en y distribuant des piques à d'autres... Roquevert, notamment, qui incarne un épicier qui pratique ouvertement la promotion canapé, et impose à Antoinette une pression qui ira loin, puisqu'on peut parler d'une tentative de viol: c'est un salaud de la pire espèce, celle des médiocres... Un sale type qui est typé, du reste, avec ses bandes molletières et son béret, le bonhomme a la panoplie du bon collabo...

Mais ce n'est pas le drame qui fait le prix de ce film, une fois n'est pas coutume. C'est dans le rien du tout de leur vie de tous les jours, leur gentil côté populo, qu'on aime ces personnages qui ne nous ressemblent peut-être pas, mais sont sans doute fortement semblables à nos grands-parents. Le cinéaste, directeur d'acteurs surdoué, nous donne à voir une vie de l'après-guerre, celle de gens simples, a qui pour l'instant la vie sourit. Ca fait du bien.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker
14 octobre 2020 3 14 /10 /octobre /2020 13:43

Marie (Simone Signoret) dite Casque d’or est une prostituée dont le souteneur fait partie d'une bande de voyous qui sont sous la direction de Leca (Claude Dauphin), un boutiquier influent. Quand le film commence, ces messieurs-dames se rendent à une guinguette dont des ouvriers viennent de réparer la structure: l'un d'entre eux, Manda (Serge Reggiani), aperçoit la jeune femme et c'est le coup de foudre récirpoque. Le temps des ennuis va commencer, surtout pour Manda, qui n'est apprenti que depuis peu: il a eu une jeunesse tumultueuse...

Casque d'or s’inscrit à la fois dans le cinéma de genre tel que Jacques Becker le pratiquait, et dans la tradition du cinéma Français de fouiller le temps passé, principalement le XIXe, mais pas seulement, tout en y déplaçant ses genres: ainsi la comédie de René Clair s’adapte-t-elle d’un voyage aux tous débuts du cinéma dans Le silence est d’or, ainsi Les Enfants du Paradis nous proposent-ils de remonter aux sources du mélodrame à travers une fresque des années 1835…

Le film se pose souvent comme une formidable plongée dans l’époque qu’il décrit, à travers la faune choisie par Becker, ce petit peuple de la pègre qui reste en permanence à l’écart des bourgeois, et qui vit selon ses propres codes: d’honneur, d’abord, ça va de soi. A ce titre, la lutte perdue d’avance de Manda et Marie contre Roland et Leca s’inscrit dans une lignée qui mènera ensuite les spectateurs à faire connaissance de Max (Jean Gabin), le vieux gangster de Touchez pas au grisbi, un vieux de la vieille en proie à une rivalité avec des gens plus jeunes et définitivement moins scrupuleux. C’est vrai qu’on verra un peu «les honnêtes gens» dans le film, mais soit ils sont des flics (l’inspecteur qui discute avec Leca), soit ils sont des bourgeois en goguette qui viennent s’encanailler, soit ils sont décidément étrangers à ce monde qui nous est montré. Et la vocation du film est sinon sociale, en fait souvent sociologique, le destin tenant place de déterminisme social pour Manda, le délinquant qui a cru pouvoir s’amender… Mais ce serait une erreur d’ignorer à quel point le film est, bien sûr, profondément romantique, dédié aux amours forcément contrariées de Serge Reggiani et Simone Signoret, du titi taciturne et de la prostituée au grand cœur. …et à la grande gueule aussi: on parle dans Casque d’or, mais on parle cru.

Et il y a ici un soin de la mise en scène, une sorte d’évidence qui laisse une fois de plus pantois: le ton est aussi juste que les décors, le cadre aussi rigoureux que les costumes. Et le tout sans jamais donner l’impression d’un spectacle par trop léché… Au fait, Becker et Jacques Companeez son scénariste se sont inspirés d'un personnage authentique, dont le titre du film était le surnom, pour créer le personnage de Simone Signoret. Celle-ci va suivre son amant dans sa descente aux enfers inéluctable, jusqu'à être témoin, à distance, de son raccourcissement lors d'un petit matin blême...

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker
27 mai 2020 3 27 /05 /mai /2020 16:47

Ce n'est pas le premier film de Becker, qui a déjà réalisé à droite et à gauche des moyens métrages, et a fini un long métrage avant celui-ci. Mais c'est une oeuvre très accomplie, et un authentique classique, d'ailleurs adapté comme Les disparus de St-Agil et L'assassinat du Père Noël, d'un roman de Pierre Véry... 

La ferme des Goupi, en Charente, est la propriété de la famille du même nom depuis des générations. Ils ont d'ailleurs fini par prendre l'habitude de se marier entre Goupi... Il y a le patriarche, Goupi dit l'empereur (Maurice Schutz), 106 ans, et pas si gâteux qu'on ne veut le dire; l'aubergiste dit Mes-Sous (Arthur Devère) parce qu'il est très près des siens; La-loi (Guy Favières), l'ancien gendarme qui passe le plus clair de son temps à la chasse; Tisane (Germaine Kerjean), la vieille fille, est une sacrée garce, qui mène tout son monde à la baguette; Goupi-Dicton (René Génin), appelé ainsi parce qu'il se réfugie toujours derrière des phrases toutes faites, ne sert pas à gand chose dans la famille, et Goupi dite "cancan" (Marcelle Hainia) est tellement souvent priée de la fermer sans sommations, qu'on en finit par se demander comment elle a bien pu acquérir son surnom...

Un peu à part, on trouve aussi Goupi "Tonkin" (Robert Le Vigan), le nostalgique des colonies considéré comme un bon à rien, et amoureux de sa cousine la belle Antoinette dite "Muguet" (Blanchette Brunoy). Vivant à l'écart, Mains-Rouges (Fernand Ledoux) est un taiseux, un chasseur lui aussi, avec une morale, mais qui reproche à sa famille d'avoir causé la perte de la femme qu'il aimait... Avec les Goupi, vivent aussi Marie (Line Noro) dite "des Goupi", une domestique que "Tisane" voudrait voir décamper, et le timide Jean (Albert Rémy), son fils, simple d'esprit... 

Quand commence le film, on attend deux arrivées: celle d'un veau qui met du temps à naître, et celle d'Eugène (Georges Rollin) dit "Monsieur", le fils de "Mes Sous". Il a suivi sa mère quand elle a quitté son mari, mais on aimerait bien qu'il se marie avec Muguet pour perpétuer la tradition. Son surnom (qui lui a été donné par contumace) est dû au fait qu'on croit qu'il a réussi, alors qu'il n'est qu'un modeste vendeur de cravates. Je vous laisse deviner le surnom que lui donnera la famille quand ils l'apprendront... Quoi qu'il en soit, quand "Monsieur" arrive, il ne mettra pas longtemps avant de réaliser qu'il est chez des fous furieux: Mains Rouges vient le chercher à la gare et lui fait subir un bizutage en règle, aidé par Tonkin qui en rajoute dans le bizarre, et un vol a été commis, sans parler d'un assassinat, celui de Tisane... Vol et assassinat qui ne vont pas tarder à lui être mis sur le dos, bien entendu...

Sorti en 1943, soit la même année que Le corbeau, ce film est tout aussi noir! Même si j'imagine que le but de la production était de se reposer sur le côté "policier familial" des romans de Véry, je pense que Becker s'en est donné à coeur joie. Comme tout film Français produit durant l'occupation a alternativement la réputation d'être vaguement collaborationniste, puis profondément résistant, j'imagine qu'ici la balance penche surtout de ce dernier côté avec cette famille qui s'enferme dans le chacun pour soi, le soupçon, les vexations (ah, Tisane et ses coups de fouet à l'égard du pauvre Jean qu'elle ne peut pas piffer!) et cette obsession maladive pour l'argent... Mais si on peut en effet croire que Mains-Rouges, un paria qui s'avère un juste authentique à la fin du film, tend à incarner l'esprit de résistance à la bêtise des autres, le portrait qui se dessine, dans un film aussi noir que ses merveilleuses séquences nocturnes, est celui de la paysannerie... Un portrait peu glorieux, mais pas non plus totalement à charge.

Et avec le style impeccable de Jacques Becker qui transpose en France une mise en scène sous forte influence Américaine, son enquête interne (ce qui se passe chez les Goupi doit être résolu par les Goupi!), ses drôles de pourparlers politiques, et ses alliances inattendues, Goupi mains-Rouges est assurément l'un des grands films noirs à la Française.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Becker Noir
12 octobre 2017 4 12 /10 /octobre /2017 13:02

A en croire les premières scènes, avec ce rythme sacralisé, calculé et entièrement basé sur la démarche de père tranquille de Jean Gabin (Moi, mes hommes, mes femmes, mes potes, mon resto, mes soirées), on aurait presque l'impression d'assister à un de ces films qui jouent sur l'ambiguïté de la vie de gangster: parce que ces messieurs les hommes ont quand même la belle vie, non? On sort, on drague, la fidélité n'a pas l'air d'être si importante, on vit toute une vie parallèle aux caves, en somme. Et on fait des affaires avec efficacité et savoir-vivre...

Max (Gabin) et son meilleur pote Riton (Son ami, à la vie à la mort, certains disent même son compagnon la nuance est importante mais je ne relèverai pas - il est interprété par René Dary) viennent en douce de faire un coup fumant et ils laissent aller le temps que ça s'oublie: 50 briques à eux deux, et douze lingots qui attendent bien gentiment dans un coffre d'une voiture, quelque part dans paris. Personne d'autre qu'eux ne le sait, et dès que ça se sera calmé ils empocheront le magot et  raccrocheront.

Sauf que non: Non, la vie ne sera pas tranquille pour eux, et non, ils ne raccrocheront pas, parce que Riton, c'est un sentimental, et il a parlé à sa petite amie Josy (Jeanne Moreau)... Et Josy, elle connaît d'autres hommes, dont le Gangster Angelo (Lino Ventura), l'étoile montante du trafic de cocaïne, un domaine par trop moderne auquel Max ne connaît, lui, pas grand chose... Et Angelo ayant les dents qui rayent le parquet, il ne va pas se laisser arrêter par les convenances...

Un requiem, encore, comme celui "pour un con" de Lautner et Audiard, mais tourné dans un style aussi épuré que possible, sans fioriture aucune. Le dialogue est fleuri, ça oui, mais totalement authentique, j'hésite à écrire 'fonctionnel' tant ça pourrait paraître insultant: ça ne l'est pas, les hommes et les femmes parlent ici un argot authentique, mais surtout complètement naturel. Et personne ne la ramène, jamais. Le code l'interdit, d'une part. Et d'autre part, on comprend très vite que l'enjeu, dans ce monde codifié dont les codes sont de moins en moins respectés, c'est tout bonnement la survie. Certains, d'ailleurs, ne survivront pas. Ceux qui resteront devront alors faire bonne figure... Et repartir de zéro.

C'est magnifique. Pas un gramme de glamour, pas un milligramme de graisse, Touchez pas au grisbi est en France le film définitif sur le sujet, digne de figurer à côté de Scarface (De Hawks, bien sur, pas la version Coca-cola de Brian de Palma), ou Public Enemy. C'est aussi un des rares grands films de Gabin une fois la guerre passée (Soyons juste, aux côtés de French Cancan, L'air de Paris, Voici le temps des assassins, ou même Le pacha cité plus haut) et en prime l'un des rares très gros succès de Becker.

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Published by François Massarelli - dans Noir Jacques Becker