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Jacqueline Bert (Michèle Morgan), une petite Française fraîchement débarquée à New York, est la secrétaire particulière de Robert Shaw (Pierre-Richard Willm), un homme pour lequel elle a la plus grande admiration. Sa fascination pour la passion que met ce meneur d’hommes dans son travail n'est guère partagée par l'épouse de ce dernier (Arlette Marchal) qui depuis belle lurette a pris un amant, Lowton (Youcca Troubetzkov), un playboy très en vu avec lequel elle s’affiche sans vergogne. Un soir, Shaw tue ce dernier dans une boîte de nuit. Arrêté, il s’ensuit un procès qui fait sensation et au cours duquel Shaw ne peut sauver sa tête que grâce à ses avocats qui vont plaider, contre son gré, la folie. Jacqueline le fait évader et ils s'enfuient vers le nord canadien. Elle se fait passer pour son épouse auprès de Louis (Jacques Terrane), un jeune trappeur français rencontré dans le train, qui va les aider à s’équiper puis les accompagner dans leur périple. Seulement, Louis tombe amoureux de Jacqueline dont les sentiments commencent à vaciller, et très rapidement les fuyards sont rejoints par un quatrième larron : le caporal Dal (Charles Vanel), un homme de la police montée, venu pour les arrêter mais à qui ils lui sauvent la vie...
C’est peu de temps avant la guerre que Jacques Feyder entreprend la réalisation de ce film dont la sortie se trouve retardée suite au début des hostilités, puis suspendue pendant l’Occupation, les autorités n'acceptant pas la trahison de Dal, un représentant de la loi ne pouvant fraterniser comme le fait Vanel avec les criminels qu’il recherche. L'aspect le plus intéressant du film est la cohabitation "à la dure" des quatre personnages principaux perdus dans ce pays neigeux. Le film n’a pas été tourné au Canada, mais en Laponie et dans des conditions fort difficiles. S’il n’a pu avoir la satisfaction de réaliser son film sur les lieux même du drame, Jacques Feyder a au moins pu imposer à son équipe et à ses acteurs des conditions et des décors s’en rapprochant suffisamment. Afin de mieux mettre en valeur l’isolement des personnages dans la nature dans la deuxième partie du récit, Feyder multiplie dans la première les scènes surpeuplées : le meurtre dans un night-club mondain, le procès évidemment, l'asile où Shaw a été placé.
Les scènes américaines reconstituées en studio par le cinéaste sont nourries de deux tendances contradictoires: d’un côté il y a les souvenirs que Feyder conserve de son passage aux Etats-Unis, de l’autre des acteurs français qui déclament un texte aussi peu anglo-saxon que possible. Si le réalisateur tourne avec une vedette très en vue, Michèle Morgan, et retrouve Charles Vanel, le casting montre une certaine tendance au cabotinage avec Jean Brochard interprétant un Ecossais du Grand Nord aussi convaincant qu'un Fernandel en Mata-Hari, ou encore Pierre Richard-Willm et Jacques Terrane, les deux amoureux transis de Jacqueline, qui se disputent joyeusement le titre du pire acteur du film...
Heureusement, le cœur du film - une nouvelle fuite en avant vers un idéal impossible à atteindre - tient essentiellement sur le personnage de Jacqueline, une femme qui s’est trompée sur le compte d’un homme qu’elle a cru aimer, et qu’elle va pourtant accompagner jusqu’au bout parce qu’elle l’a choisi. En chemin, elle rencontre l’amour, le vrai, mais son engagement l'empêche de s'y livrer. Face à Morgan, il faut saluer Vanel qui est comme à son habitude fantastique en homme partagé entre son devoir et ses sentiments. Le drame de la jeune femme a beau être celui d’être partagée entre deux hommes qu’elle aime, il va se jouer symboliquement entre Jacqueline et la nature. Toutes choses font que, malgré ses défauts, La Loi du Nord est un film loin d'être banal.
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Par bien des aspects, le personnage de Peter rejoint le héros de Carmen, et ceux de L’atlantide, et Le grand jeu; il a abandonné sa vie d’avant, représentée par une séquence au début du film, qui voit d’ailleurs à leur insu les deux principaux protagonistes se croiser : tous deux sont à Ascot, mais n’ont évidemment pas les mêmes cercles. Alexandra est en villégiature avec son père, et Peter est venu parier une somme ridicule… Un trait d’humour, qui met en évidence leurs différences, mais aussi qui justifie pleinement le fait que jusqu’à leur vraie rencontre, le film passe d’un monde à l’autre, d’un personnage à l’autre… La fuite en avant de Peter passe par des doutes et des hésitations qui sont vite balayés : le personnage n’a rien, donc rien à perdre en acceptant l’étrange poste d’espion qui lui est proposé. Ce sera d’ailleurs très court, puisqu’une fois arrêté, il cesse de prétendre et adopte semble-t-il le point de vue de ses codétenus. Il existe enfin ! Il a trouvé son Atlantide, et cela va être encore plus évident lorsqu’il trouvera l’aventure aux côtés d’Alexandra. Une jolie scène (Un peu excessivement marquée par une joie qui sonne un peu faux, à mon sens) est située dans le dernier tiers du film, alors que les deux héros qui ont échappé à un énième danger, et en ont profité pour faire l’amour, ou toute autre chose qu’on puisse faire à deux, allongés sur le sol, au cours d’une ellipse : Alexandra se baigne dans une rivière, alors que Peter est parti chercher des vêtements et de la nourriture. A son retour, ils sont tous deux aux anges : cette aventure les ravit !
A boom, dans les Flandres, en 1616. On apprend que l’occupant Espagnol s’apprête à traverser le village, et les bourgeois s’inquiètent: ne vont-ils pas procéder à des massacres, des pillages, des viols en série comme ils en ont la réputation? Le bourgmestre (André Alerme) croit avoir trouvé la parade: il va se faire passer pour mort, fraîchement décédé, ce qui devrait calmer les ardeurs de l’envahisseur. Mais son épouse (Françoise Rosay) et les autres dames de notables ont une autre idée: celle d’accueillir avec bienveillance (Et plus si affinités) les espagnols, qui vont effectivement s’arrêter, et profiter de l’aubaine en festoyant, fraternisant, et bien plus… La ville se souviendra longtemps de cette occasion, à n’en pas douter.
Si Jan Bruegel est l’un des personnages du film, (Il est l’amoureux de Siska, la fille du bourgmestre que ce dernier a promise au boucher), c’est que Feyder a souhaité souligner de multiples façons la principale influence picturale de son film, mis en images avec un soin rare dans le cinéma Français de l’époque par Harry Stradling: les citations des maîtres Flamands abondent, et le film voit ses personnages se réfugier dans plus d’une fête nocturne, permettant la reproduction des ambiances festives des tableaux qui l’inspirent. Mais on note que cette référence à la peinture passe uniquement par des aspects festifs, justement : là encore, il n’y aura pas de heurts ni d’intrigues: tous les personnages qui tentent de tromper, manœuvrer, contrer même les plans de madame la bourgmestre trouveront à qui parler: Delphin, interprétant le nain qui suit le duc Espagnol, ou encore les échevins qui tentent de reprendre le dessus voyant la situation leur échapper, ne parviendront pas à changer la donne: le passage des Espagnols sera sans douleur, juste un rêve.
Bien sur, les acteurs ne sont pas mauvais, loin de là : Gaston Modot, en Garcia, incarne un Gitan autrement plus flamboyant que Meller; et Lerch est convaincant, lui aussi… Feyder lui a donné par trois fois des affrontements à l’arme blanche qui nous montrent son évolution, depuis une bagarre qui tourne mal, jusqu’à un affrontement inéluctable entre José et le Borgne pour les beaux yeux de Carmen. Dommage que celle-ci n'ait pas suivi.
Le premier film Américain de Feyder, et son seul muet,
tranche non seulement sur les besognes alimentaires qu’il tournera à la MGM, mais aussi sur le tout-venant des films interprétés par Greta Garbo. Bien sur, on reste dans un cadre de drame
mondain, situé dans la bourgeoisie Européenne ; mais le style, le ton et le naturalisme inné de Feyder font merveille. Il a en particulier choisi du début à la fin du film des placements de
caméra inhabituels, utilise des mouvements d’appareil avec un sens de la mesure qui est tout bonnement miraculeux. Il y a aussi des idées géniales de mise en scène, rares dans les films muets
bien conventionnels de la MGM à l’époque, comme un faux témoignage en direct : Garbo est interrogée sur le meurtre de son mari, et sa propre situation au moment du drame, et elle donne une
version que nous savons fausse, illustrée par des images, dans lesquelles l’actrice semble hésiter, mécaniquement, se conformant aux hésitations de la narration.
Feyder est moins à l’aise avec l’histoire d’amour bien conventionnelle des deux principaux protagonistes, qui vont devoir se rapprocher lorsque Garbo sera accusée du meurtre de
Charles, André devenant bien sur son avocat. Le metteur en scène préférait, c’est manifeste, les sentiments qui s’expriment autrement que par des intertitres (Oh, I love you so much, Irène !) ou des dialogues peu convaincants, il l’a suffisamment prouvé dans la plupart de ses films... Par contre, il a reçu comme
mission, comme tous les metteurs en scène qui ont eu a croiser la Divine, de mettre en valeur sa beauté: mission accomplie avec brio!