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Un bateau pirate, le Sheba Queen, vient à bout d'un vaisseau de la marine Anglaise. La seule personne à bord du bateau vaincu, ce sera Pierre François (Louis Jourdan), un énigmatique prisonnier, et la capitaine pirate, Anne Providence (Jean Peters) le trouve parfaitement à son goût... Ce qui n'est le cas ni des marins, représentés en particulier par Dougal (James Robertson Justice), ni du médecin de bord (Herbert Marshall), un déclassé alcoolique en mal de rédemption, et encoremoins du mentor d'Anne, le pirate Barbe-Noire (Thomas Gomez)... Ils ont raison: c'est un infiltré pour la couronne Britannique...
Ca sent évidemment le pitch: "un capitaine pirate qui est en réalité une femme"... Tourneur le prend pour ce qu'il est, et n'en profite pas pour, par exemple, installer un suspense suivi d'une révélation. D'une part, le titre annonce directement la couleur, d'autre part il préfère sans doute la voie inverse: montrer le capitaine Providence comme une pirate aussi impitoyable et dure que n'importe quel autre pirate, puis par petites touches, révéler la féminité qui se cache derrière cette carapace... N'oublions pas qu'on est en 1951, et que les conventions s'appliquent sans la moindre discussion. Mais dans le film, ces deux aspects du personnages entrent en conflit... Un phénomène qui évidemment renvoie à la carrière de Tourneur, et ces personnages déchirés entre la raison et le surnaturel, par exemple...
Tourneur, on le dit souvent, s'investissait dans un film jusqu'au moindre détail; il avait besoin de croire en ce qu'il montrait, et ce film n'est pas une exception... Mais il navigue (si j'ose dire) en des eaux bien plus conventionnelles que ses westerns, ses films noirs, et ses films fantastiques. Tout y est, les pirates soiffards, l'île de La Tortue, les perroquets, le marin avec le cache sur l'oeil, la Planche... Le Technicolor rutilant (Fairbanks avait raison, quand il disait qu'il était difficile de concevoir un film de pirates sans ces couleurs délirantes, ces rouges rouillés, ce bleu-gris des tableaux du XIXe siècle) ajoute à cette patine qui tend à enfermer le film dans une catégorie "samedi soir de pluie"... Peut-être le casting est-il en cause? Louis Jourdan ne sera jamais Gregory Peck, et il semble que Jean Peters ait été le deuxième choix après Susan Hayward... Si on ajoute la présence de l'éternellement mauvais James Robertson Justice, et les excès de Barbe-Noire, il n'y a guère que Herbert Marshall qui s'en sorte. D'ailleurs... Tourneur a adoré le personnage, il a une vie intérieure palpable. La vie compliquée de Marshall a joué un rôle là-dedans, à n'en pas douter...