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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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24 avril 2023 1 24 /04 /avril /2023 15:32

Julie part dans la vie sur les chapeaux de roue, se lançant dans des études de médecine... puis de psychologie... avant de bifurquer vers la photographie, et de se rendre compte qu'elle ne sait pas ce qu'elle veut. Elle rencontre un homme qui a plus de treize ans qu'elle, est dessinateur de bande dessinée (un peu décalée, voir provocante). Lui voudrait un enfant, elle non. Puis un jour elle va prendre une décision impulsive mais décisive, radicale, et...

C'est un grand rôle pour l'actrice Renate Reinsve, c'est vrai, et elle illumine une bonne partie du film, qui reste bavard, un défaut que j'avais souligné pour Oslo, 31 Août... Mais l'idée d'axer le film sur la vie et les choix parfois contestables du personnage, l'utilisation d'une voix off qui cristallise une sorte de fausse objectivité (ce pourrait tout à fait être une version ironique de Julie elle-même), et quelques irrésistibles embardées maintiennent l'intérêt. Mes moments préférés? D'une part, la rencontre avec Eivind, le garçon pour lequel Julie va plaquer Aksel, et passer d'une vie en compagnie d'un artiste, à une vie entre débrouille et petits boulots sans avenir (elle bosse dans une librairie, il est barman); pourtant la rencontre entre les deux est un moment intense de vie et d'illumination... ensuite, une expérience désastreuse et comique avec des champignons hallucinogène, où Trier joue avec le cadre, le style, le rythme et se permet même de se livrer à quelques séquences d'animation.

Mais surtout, il y a une scène d'amour anthologique, lorsque Julie arrête le temps quand elle est avec Aksel, pour se rendre au bar où travaille Eivind. Elle court, mais aucun besoin de se presser pourtant, le temps est bel et bien arrêté, tous les gens qu'elle croise sont comme suspendus en plein mouvement. Rien que ça aide à aimer le film, qui se terminera après un décès et une résignation, par un constat simple: dans la vie, tout passe...

Oui, je tiens à le dire, sinon: mais qu'est-ce que c'est que cette manie, dès qu'on sort du cadre d'un film d'action (c'est-à-dire con), de super-héros (c'est-à-dire très con), ou d'un western, ou d'un quelconque genre très marqué, de le vendre en prétendant que c'est une comédie décalée? Si ça c'est une comédie, je suis Winston Churchill en kimono.

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Published by François Massarelli - dans Joachim Trier
17 avril 2023 1 17 /04 /avril /2023 20:32

Isabelle Reed (Isabelle Huppert), photographe fêtée dans le monde entier pour ses reportages sans concessions, est décédée dans un accident de voiture, il y a quelques années. La famille tente de se reconstruire: le mari (Gabriel Byrne) vient dapprendre qu'à l'occasion d'une exposition de son oeuvre, un collègue d'Isabelle allait briser la loi du silence et révéler que la photographe avait provoqué volontairement l'accident pour mettre fin à ses jours; Jonah, le grand fils (Jesse Eisenberg) le savait déjà; mais il ne va pas bien: et pourtant, il vient d'avoir une fille, avec sa nouvelle épouse. Il va pourtant la tromper avec une ancienne petite amie (Rachel Brosnahan); enfin, Conrad (Devin Druid), le petit dernier, fait une crise d'adolescence carabinée; et il est difficile pour son père de parler avec lui. C'est pour lui que les vraies raisons de l'accident sont restées secrètes, et son père craint que la publicité autour de l'exposition ne provoque de sérieux problème à son fils...

Le film est le portrait d'un deuil, pris dans sa troisième ou quatrième année, on n'a donc pas ici droit à la crise; bien plus, il nous montre comment les conséquences, psychologiques bien sûr, s'installent insidieusement. L'incommunicabilité, les mauvaises décisions, les conflits larvés, et au milieu de tout ça, la tentation d'avancer quand même. Et le sentiment que, plutôt qu'un squelette dans le placard, tous ces hommes, jeunes ou moins jeunes, qui n'arrivent pas à communiquer, ont un fantôme dans leur vie.

Le film est intéressant par la façon dont la mise en scène tisse des liens entre les parcours des uns et des autres, mettant en valeur la différence essentielle des comportements, qui sont de toute façon tous motivés, justement, par le deuil et son impossibilité. Isabelle Reed avait choisi un métier qui l'éloignait des siens, s'autorisant en quelque sorte une double vie dans laquelle ils n'avaient pas voix au chapitre; mais en mettant fin à ses jours, a empêché sa famille de tourner en rond, le film le montre clairement...

 

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Published by François Massarelli - dans Joachim Trier
16 avril 2023 7 16 /04 /avril /2023 11:53

Anders (Anders Danielsen Lie) est un jeune toxicomane en cure de désintoxication; il a une "permission" au 31 août pour se rendre à un entretien d'embauche prometteur à Oslo, et en profite pour se reconnecter avec ses proches...

Dès le début, on sent bien que les intentions affichées par Anders ne tiendront pas, et que c'est un requiem auquel nous assistons. Le film est une adaptation du roman Le feu follet, de Drieu La Rochelle, déjà adapté par Louis Malle avec Maurice Ronet.

Et le principal problème, c'est que nous suivons Anders dans ses pérégrinations, et surtout dans ses discussions. On parle tout le temps, psychologie principalement: si comme moi vous détestez ces conversations durant lesquelles des gens intelligents qui s'écoutent parler analysent chaque geste, chaque regard, chaque mot, chaque pet de la personne à laquelle ils s'adressent, que ce soit dans la vraie vie ou au cinéma, vous aurez le même sentiment de vide irritant devant ce film.

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Published by François Massarelli - dans Joachim Trier
11 novembre 2021 4 11 /11 /novembre /2021 18:02

La jeune Norvégienne Thelma (Eili Harboe) commence la fac, sous haute surveillance, même à distance, de ses parents (Hendrik Rafaelsen, Ellen Dorrit Petersen), qui lui ont inculqué, parfois violemment, des valeurs chrétiennes, désuètes et souvent un brin extrémistes: quand elle parle avec eux de la création du monde, ils sont bien embarrassés... Elle est assez solitaire, peu encline à faire la fête, mais tout va bien, jusqu'à sa première crise d'épilepsie...

C'est violent, inattendu, et ça la secoue bien sûr énormément. Mais ça va avoir une conséquence positive: c'est grâce à cette crise qu'elle va faire la rencontre de Anja (Kaya Wilkins), une camarade vers laquelle elle est instantanément attirée. Et inexplicablement, elle la retrouve en bas de chez elle, un soir, alors qu'Anja ne sait pas où son amie habite.

Mais l'attirance est une chose, et la religion chevillée au corps de Thelma se rebelle... Elle va se rebeller contre son désir, questionner ses problèmes d'épilepsie qui sont de plus en plus fréquents, et interroger l'histoire de sa famille, et nous avec: qu'est-il advenu de son petit frère Mattias, le bébé qui parfois remonte dans ses souvenirs? Qui est cette vieille dame dont Thelma rêve, au début du film? Pourquoi sa mère est-elle en fauteuil roulant? ...Et quel est le pouvoir de Thelma, car il est très clair qu'elle a don plus que surprenant!

Ah, aussi, j'ai failli oublier: pourquoi le film commence-t-il par une effrayante scène de partie de chasse dans les bois, dans la neige et sur la glace, durant laquelle le père de Thelma, alors fillette, cherche à la tuer?

...C'est tout en douceur, mais avec un oeil cinématographique très sûr, que Joachim Trier effectue le meilleur de son film: poser, jalon après jalon, les conditions d'une interrogation pour le spectateur. Les données viennent incidemment, les unes après les autres, au gré des conversations, et les informations qui sont glanées n'ont jamais le même sens, ou la même dose de sens. On apprend par exemple qu'elle a été élevée par des parents très chrétiens, ce qui ne semble poser aucun problème, mais on se rendra compte plus tard que ce sont des fanatiques... Le rapport entre Thelma et Anja apparaît très vite comme complice, mais n'a-t-il pas été, en quelque sorte, provoqué? Anja et son affection ne sont-elles qu'une manifestation collatérale du désir de Thelma? Trier manipule très bien toutes ces interrogations, qui changent la perspective du spectateur en même temps que celle de son personnage principal; et Eili Harboe est formidable dans le rôle principal, où elle fait parfois penser à Irène Jacob dans La double vie de Véronique, de Krzysztof Kieslowski. Et Trier jongle avec les idées récurrentes (une caméra située en hauteur, qui va ensuite chercher Thelma avant de se rapprocher d'elle) et les motifs riches de sens (le lien constant de Thelma avec tout un bestiaire, qui ne prend du sens que plus tard dans le film: serpent, cerf et oiseaux surtout)...

C'est quand les réponses commencent à arriver, et que Trier doit donner du sens à son film, que ça se gâte... Un peu: quand un critique se plaint d'un excès de charge sur le catholicisme (il travaille à Télérama, on ne s'étonnera donc pas trop), je pense qu'il se plante dans les grandes largeurs: même symboliquement, la cible de Trier est justement le fanatisme, et la façon dont il s'implante même à l'insu de la personne. Thelma est malade de la bêtise religieuse de ses parents... Mais c'est surtout la façon dont tout se précipite, un peu trop concentrée, qui fait problème. La résolution pour sa part est rapide aussi, mais a l'avantage de tourner, en quelque sorte, au happy-end. Ca fait du bien, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Fantastique Joachim Trier