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Un inventeur, Randall Pelzer, se promène à Chinatown, à New York: il cherche un cadeau original, tout en cherchant à placer certaines de ses inventions... désastreuses. On lui présente une créature particulière, un "Mogwai"... Il est immédiatement séduit par la bestiole et malgré le refus du propriétaire souhaite l'acheter. Le petit-fils du boutiquier de son côté, le lui vend, mais lui donne trois règles à respecter de façon absolue: ne pas exposer le mogwai à la lumière, celle du soleil en particulier, qui pourrait le tuer; ne pas le mettre au contact de l'eau, qu'il la boive ou s'en imprègne; et surtout, ne pas le nourrir après minuit.
Trois règles dont on se doute au moment où on les rappelle au personnage, qu'elles seront enfreintes les unes après les autres...
Quoi qu'il en soit, le père va offrir le mogwai à son fils, un ado assez moyen... et ce sera le début du chaos...
Une banlieue, cette fois plutôt vers l'Est (d'où la neige dans les premières scènes), des personnages avec une petite vie aussi tranquille que farfelue: des traites à payer, des voitures à réparer, un chien à nourrir, et un gamin qui ambitionne de devenir illustrateur de bande dessinée (Chuck Jones, dans un snack, lui dit de continuer, il doit donc être doué)... Les personnages ont tous accès au cinéma, qu'ils consomment soit sous forme de programme télévisé (on voit un moment le film It's a wonderful life de Frank Capra qui passe à la télévision... Et pour cause, c'est Noël; mais d'autres films, et non des moindres, sont dffusés occasionnellement: on reconnaitra notamment Invasion of the body snatchers de Don Siegel), soit au drive-in. Un univers simple mais constamment poétique, dans lequel les aspirations des jeunes sont assez peu ambitieuses, et même plutôt raisonnables: par exemple Billy Pelzer, le fils de Randall, travaille à la naque en tant que guichetier, et sa petite amie aussi. Les gens méchants ne sont pas plus: une dame qui en veut au chien de Billy est juste une promotrice immobilière riche... Par contre, la petite amie de Billy doit assurer deux jobs pour pouvoir s'en sortir.
C'est dans ce petit monde aseptisé, gentiment caricatural, que Joe Dante va lâcher des créatures complètement incontrôlables: les Gremlins, qui sont l'émanation diabolique des mogwais. Leur "Mr Hyde", en quelque sorte. Derrière l'intrigue hautement improbable de conte de fées caricatural, Dante se fait plaisir et divise le monde en deux, prenant modèle, typiquement, sur deux films: d'un côté, It's a wonderful life déjà cité; Billy a un peu de James Stewart en lui... de l'autre The Wizard of Oz, et la méchante promotrice-sorcière mentionnée plus haut sert allègrement de substitut de méchante aux deux intrigues!
C'est un conte assumé, visible sans souci au premier degré, celui du merveilleux... Aucune mièvrerie dans la gentillesse de cette famille qui apprécie tant l'arrivée du petit mogwai, baptisé Gizmo. Leur simplicité, leur absence totale de cynisme, nous les rend immédiatement attachants... Et dès le départ le talent de Dante pour aller droit à l'essentiel, en étant tout le temps du côté de ses personnages, fait merveille. Mais il le fait tout en nous réservant constamment de dévier quand il le décidera vers... l'horreur.
Au passage, le terme de Gremlins vient a priori de 2 courts métrages de Bob Clampett, dans lesquels des petites créatures faisaient leur apparition: dans Falling hare, Bugs Bunny est confronté à des gremlins saboteurs, qui en veulent aux avions de l'Oncle Sam; et dans Russian Rhapsody, les Gremlins travaillent pour la Russie...
Oh, bien sûr, les Gremlins, ce sont des représentants de l'horreur pour rire, mais il n'empêche. Comme les Piranhas du films du même nom, les bestioles diaboliques (qui sont nées d'un si mignon, si gentil mogwai) sont une source d'ennuis, et de méchanceté sans limite. Et si le metteur en scène s'adresse ici à toute la famille, il en profite d'une part pour nous montrer une Amérique en proie à une mutation (les gens sans emploi, les difficultés des petites gens) et d'autre part il nous rappelle que son point fort, c'est le film d'horreur, dont il a déjà été l'une des figures avec Piranha et The Howling... En s'adaptant à un public plus large, il n'en perd pas son mordant.
Une fois de plus Joe Dante a créé les conditions du chaos, du désastre et de la destruction, dans le cadre pourtant si rassurant de la banlieue Américaine, qu'il aimait tant brocarder à sa façon. Et il le fait sous ses propres conditions (Spielberg, producteur, n'a eu qu'une seule suggestion, qui était plutôt bienvenue: que Gizmo le gentil mogwai ne se transforme pas lui-même en Gremlin, mais qu'il les "enfante", en quelque sorte...), avec ses acteurs fétiches (On retrouve Dick Miller, Belinda Balaski, et Corey Feldman qui sera bientôt à son tour un habitué), ses écrans allumés constamment, il nous présente sa vision d'une Amérique constamment tiraillée entre sa bienveillance, son inventivité, et sa capacité phénoménale à l'auto-destruction. Joe Dante , qui va décriocher un succès considérable avec ce film, conforte sa place en dauphin de Spielberg... Pour quelques temps encore.
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