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24 mai 2021 1 24 /05 /mai /2021 08:57

Le huitième long métrage de Wright pour les salles a failli ne jamais exister: le choix de travailler à la Fox, soit dans un cadre classique, pour un retour au film noir à l'ancienne, semblait une bonne idée; mais c'était sans compter sur le fait qu'entretemps, Disney allait tout engloutir et commencer à se mêler de tout. Et ajoutez à ça une pandémie, et le film rejoint la longue liste des oeuvres qui seront sorties alors que personne ne peut les voir... Sauf sur Netflix. 

C'est un nouveau projet gonflé d'un metteur en scène qui n'est connu ni pour sa discrétion, ni pour son humilité; il le reconnaît du reste lui-même, Joe Wright est un réalisateur qui s'insère dans ses films, mais surtout il aime le cinéma, ses artifices, ses techniques. Il le prouve en s'attaquant ici à un sujet miné: une personne qui ne peut sortir de chez elle s'occupe en épiant les voisins, et constate qu'il se trame des choses louches dans l'appartement d'en face. Un soir elle voit même un meurtre... 

Tiens donc? D'ailleurs, Amy Adams, qui interprète la personne en question, le Docteur Anna Fox (psychologue pour enfants) a un appareil photo à l'ancienne, un de ces gros appareils à téléobjectif qui semble précipiter le film dans le plagiat de Rear window... Un plan de James Stewart, vu sur un écran, enfonce le clou. Mais... ce serait faux. En vérité, le film qui pique incidemment son titre à Fritz Lang, est un hommage au film noir, en général, et donc à Hitchcock certes, mais pas que. Donc le film, tout en le citant, n'est pas un plagiat de Rear window, ni un remake.

Ana Fox est un personnage riche: une psychologue qui vit désormais sans sa famille, soit un mari et une fillette, et qui apprécie peu la distance; devenue totalement agoraphobe, elle est en liaison téléphonique avec un thérapeute qui sait qu'elle mixe un peu trop facilement ses médicaments avec du vin. Elle ne se contente pas d'épier ses voisins, elle regarde énormément de films, notamment des noirs: nous verrons au entendrons, durant le déroulement, des extraits de Laura, Dark passage, Spellbound, et d'autres. Et si elle vit les films (cette manie de représenter les cinéphiles au cinéma comme des gens qui récitent les dialogues), ils finissent par lui tourner la tête. 

Ajoutez à ça les médicaments, et Anna Fox, la seule personne que nous suivions en permanence dans le film, et que nous ne quittons donc absolument jamais, est donc clairement un témoin sans aucune fiabilité dans sa propre histoire! Et les repères du film, qui sont inscrits sur l'écran (Lundi...mardi... etc) deviennent autant de fausses pistes. D'autres fausses pistes sont disséminées, autant pour Anna que pour nous, et c'est de bonne guerre... Les personnages se succèdent aux côtés d'Anna, et participent à sa confusion: essentiellement, il y en a 5, plus une troupe de policiers de plus en plus impatients et énervés (ils ont l'impression qu'on les appelle pour rien): une femme (Julianne Moore) qui se présente comme la femme d'en face et qui va disparaître; le mari d'en face, Gary Oldman; son fils, Fred Hechingher. Et... Jennifer Jason Leigh qui est l'épouse du type d'en face! En prime, Anna héberge dans son sous-sol un homme à tout faire, qui va s'avérer louche et mystérieux...

La musique de Danny Elfman joue à fond la carte d'un expressionnisme musical bon enfant: certes ce n'est pas sa meilleure partition, mais on s'en contentera. Avec l'aide considérable d'un excellent directeur de la photo, Bruno Delbonnel, Wright met sa mise en scène au service de son huis-clos et tout en se livrant parfois à de la pyrotechnie un peu inutile (je comprends ça, moi aussi j'aimerais être David Fincher), raconte son histoire en maintenant l'intérêt.

Mais...

On avait vraiment besoin de cette manie contemporaine de révélations enchaînées pour donner au public l'illusion qu'il est très intelligent et qu'il s'agit d'un jeu d'esprit très sophistiqué? Fallait-il avoir recours au truc du tueur maniaque qui vient se dénoncer et s'apprête à tuer l'héroïne en racontant son crime? Ca flanque le film par terre et c'est tout, sauf original: c'est bien un film de 2021, pour finir...

Cela étant, on se réjouira d'une prestation phénoménale d'Amy Adams qui a pris plusieurs kilos pour le film, et joue ce rôle sans aucun glamour avec une maestria enviable. Rien ici ne nous détournera de la suivre, et elle assume ce rôle sans qu'il y ait besoin d'une batterie d'explications psychologiques à la noix. Wright retrouve aussi son audace d'Anna Karenine, en osant des rapprochements inouïs, comme le fait de considérer l'appartement d'Anna comme son propre cerveau, et de la faire passer d'une pièce à l'autre comme si elle traversait les époques. Une fois de plus c'est un hommage à Hitchcock et au fameux plan de Vertigo où James Stewart se voit transporté de son appartement à une hacienda, en enlaçant sa petite amie transformée en Madeleine. Donc il y aura des raisons de revenir à ce petit film, ne serait-ce que pour ce genre de petites épices...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Joe Wright
2 mars 2019 6 02 /03 /mars /2019 09:49

1940: les nazis s'apprêtent à fondre sur l'Europe et selon toute vraisemblance vont ne faire qu'une bouchée des Français et des Belges. Conscients du risque de la barbarie mais déterminés à maintenir la paix à tout prix, le premier ministre du Royaume Uni, ainsi accessoirement que le roi George VI ont du mal  imposer leur vision, d'autant que l'opinion, mais aussi les partis d'opposition, considèrent Chamberlain comme l'un des responsables indirects de la montée en puissance d'Hitler... Un changement de leader s'impose au parti conservateur, qui entraînerait un changement de cap purement symbolique. Chamberlain est donc à la manoeuvre pour trouver un remplaçant, si possible un homme de paille.

On choisit donc ce pauvre Winston Churchill... Le film va raconter comment en quelques semaines, le leader hésitant et arc-bouté sur une vision de la guerre restée bloquée sur 1915, va se transformer par la grâce de son environnement, en un symbole de résistance...

Et disons-le tout de suite, car ça fait beaucoup râler nos critiques jamais contents, oui: Churchill est ici un peu sa version officielle. Il n'est pas question des zones d'ombre, si ce n'est à travers un pragmatisme un peu cafouilleux. Rien sur son antisémitisme avéré, rien non plus sur son conservatisme d'un autre siècle. Et puis après tout, ce n'est pas le sujet: le propos du film, c'est la place d'un homme dans l'histoire, ce n'est pas l'histoire de cet homme! Le film commence et finit au printemps 1940, avec comme point culminant un discours retentissant, célèbre, et profondément juste: celui par lequel Churchill, dont on attendait qu'il lance des négociations de paix avec Hitler, finit par affirmer sa volonté de défendre jusqu'au bout la Grande-Bretagne, et par là-même, la liberté et la démocratie...

Le film de Wright est l'occasion pour le metteur en scène de dépoussiérer son style "évocation BBC" de Charles II: the power and the passion, sa mini-série de 1999, et d'en enrichir la mise en scène par un recours aux décors virevoltants, en plus réaliste toutefois que le brillant mais baroque Anna Karenina; il se glisse derrière Gary Oldman dans les dignes palais de l'Empire Britannique (Westminster, Buckingham, comme dans les poussiéreux couloirs souterrains des QG de campagne. Et il n'oublie pas non plus de suivre son sujet (ses cigares, ses verres d'alcool à heure fixe, ses colères marmonnées, ses éclats de voix) chez lui, au milieu de ses proches et de ses amis. Et le film se laisse voir sans aucun temps mort...

On pourra éventuellement reprocher à Gary Oldman un cabotinage excessif (mais l'acteur n'a jamais été un minimaliste...), et je dois avouer qu'il est certes impressionnant, mais que j'ai du mal à voir Churchill dans sa composition: la voix, peut-être? le double menton? Qu'importe, ce film qui fait semblant d'épouser le lyrisme des temps héroïques qu'il nous conte est surtout une nouvelle évocation d'une personnalité inadaptée face à un destin paradoxal: une fois de plus, un sujet qui pousse le metteur en scène à être extravagant. C'est aussi ça, le cinéma... Bref, du plaisir.

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright
5 février 2019 2 05 /02 /février /2019 16:46

Charles II, un roi de transition (Rufus Sewell), est le fils de Charles Ier, roi d'Angleterre maudit: déposé puis exécuté en place publique, il avait dû laisser la place à une expérience républicaine, dont Oliver Cromwell serait la principale figure. Après neuf ans d'expérimentation, pourtant, le Parlement Britannique s'était dit favorable à un retour de la Monarchie, à charge pour Charles II de composer avec le parlement. C'est le contraire qui s'est passé, et cette suite de quatre heures environ est le portrait foncièrement subjectif (la subjectivité en question étant celle de Charles lui-même) d'un monarque absolu, le dernier en Angleterre, qui avait du batailler à la fois contre les plus fanatiques de ses troupes, et contre un Parlement, souvent enclin à l'utiliser pour des fins indéfendables.

Et tout le folklore y passe: la sempiternelle lutte entre les clans religieux, la capacité du Roi à composer aussi bien avec un peuple très volatile, et un establishment politique plus rigoriste, sans oublier les passions du roi, qui ont la part belle: sans être trop ouvertement explicite, le film nous invite souvent dans l'alcôve... Et si les dialogues et la rapidité d'exécution sont très dans la manière de la BBC (cette manière qu'ont les personnages de parler de politiques étrangère dès le saut du lit, ou aux milieu des ébats, est souvent profondément irritante), Wright montre déjà des velléités de mise en scène qui le placent au-dessus du lot, et arbitrairement choisit de brouiller les pistes, en s'octroyant des passages en caméra au poing, et un plan-séquence bilan de toute beauté...

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright
23 août 2017 3 23 /08 /août /2017 08:54

On entre dans ce film par la vision d'une maison de poupées, puis la caméra nous révèle la chambre où on la trouve, en particulier une procession de jouets, des animaux aux tailles dépareillées alignés dans une étrange procession... On est dans la chambre de Briony, 13 ans, une jeune fille fantasque (Saoirse Ronan) qui écrit. Elle met la dernière main à sa première pièce, dont elle espère pouvoir diriger la première interprétation le soir même, car dans la maison des Tallis, arrivent trois cousins: Lola (Juno Temple), qui est un peu plus âgée qu'elle, et ses deux jumeaux de frères, qui sont bien turbulents.

A cette occasion estivale, toute la famille se réunit dans la luxueuse demeure familiale, et un dîner est organisé le soir même, comme pour fêter le retour au bercail de Leon (Patrick Kennedy), le grand frère. Celui-ci amène un ami, un fils à papa un rien snob (Benedict Cumberbatch), l'héritier d'un chocolatier très en vue. Mais un autre sera invité lors de cette soirée, Robbie Turner (James McAvoy), le fils de la gouvernante. M. Tallis l'a pris sous son aile et lui a financé ses études en échange de travaux occasionnels (...et quotidiens) sur la propriété. Il a grandi avec les enfants Tallis mais surtout avec Cecilia (Keira Knightley), la grande soeur de Briony.

Cecilia est d'ailleurs prise entre deux comportements: ignorer Robbie, comme sied à son rang, ou bien continuer à le fréquenter et afficher de la complicité avec lui... Lors des premiers moments du film, dans cette demeure qui ressemble d'ailleurs fort à la maison de poupées du début, Briony va voir un incident qui aura des conséquences néfastes sur bien des personnages. Nous aussi allons le voir, deux fois: Briony avait vu Robbie, près du luxueux bassin qui est situé devant la résidence. Rejoint par Cecilia, les deux parlaient, quand soudain Briony a vu Cecilia, manifestement en colère, se déshabiller... pour plonger dans le bassin, et ressortir, ruisselante et en chemise, et planter là son ami qui ne savait clairement pas où se mettre. Briony, instinctivement, pense que Robbie a fait quelque chose. Tout de suite après nous allons voir plus en détail le déroulement des événements, et nous apercevoir qu'il s'est bien passé quelque chose, mais qu'en aucun cas Robbie n'a poussé Cecilia à faire son plongeon dans le bassin... Cecilia a cherché un prétexte pour approcher le jeune homme, et dans leur conversation, celui-ci a cassé et fait tomber les morceaux d'un vase de luxe qu'elle portait dans le bassin. Cecilia s'est donc déshabillée afin de récupérer les fragments du vase. Avait-elle calculé que par le théorème du T-shirt mouillé, il en résulterait pour le jeune homme une irrésistible vision? Quoi qu'il en soit, après leur entrevue  il est rentré chez lui et avant de se préparer pour le dîner, a écrit une lettre d'excuses à Cecilia...

Cette répétition d'un événement, sous deux points de vue différents, celui de Briony et le nôtre, installe donc une illustration à la fois du conflit de classes, qui perdure dans le film jusque dans ses moindres recoins, et qui est si typique de l'Angleterre des années 30, mais aussi du fait que nous sommes, pour une large part du film, les témoins de l'imagination fantasque de Briony. C'est donc une excellente idée que d'avoir confié le rôle de la jeune femme à Saoirse Ronan, qui sait jouer dans un territoire intermédiaire, entre la petite peste capricieuse, et la naïveté adolescente, le rôle d'une personne qui décidément a trop d'imagination... Les deux autres parties du rôle la voient grandir (Romola Garaï) puis vieillir (Vanessa Redgrave).

Le reste de la soirée va encore, à trois reprises, être modelé à partir de l'imagination fertile de Briony: en écrivant sa lettre à Cecilia, Robbie s'emmêle les pinceaux, et recommence sa missive sans succès. Au bout d'un moment, il se lâche et écrit quelques lignes, sur un mode explicite et pornographique... Ce qui le fait bien rire, mais surtout ça l'a défoulé: du coup le message qu'il écrit juste après est le bon! Excuses ciselées, mais aussi des allusions claires mais pas excessives à ses sentiments pour elle. Une fois le message écrit, Robbie s'habille, et se prépare à partir. Il prend une lettre, la met dans une enveloppe, part, et confie l'enveloppe à Briony pour que celle-ci la donne à Cecilia...

Maintenant, si on voulait que tout se passe bien pour les personnages, il est à peu près sûr que le message serait le bon. Voire que Briony ne le lirait pas... Mais d'une part Briony va le lire, et d'autre part, bien sûr il s'agit du message porno, qui est non seulement très salé, mais aussi, et Cecilia le prendra comme tel, fortement sincère. Il en résultera une scène d'amour dans la bibliothèque, qui aura un témoin malencontreux: Briony, bien sûr. Et enfin, Briony qui a vu sa cousine Lola en pleine nuit, juste après qu'elle ait été violée (Par qui? On le saura à la fin du film, j'y reviendrai), accusera Robbie: après tout, c'est une bonne occasion, pense-t-elle, de se débarrasser de celui qui fait du trucs pas catholiques à sa soeur, et de plus, au cas où on n'aurait pas encore compris, Briony n'est pas douée que d'une imagination fertile: elle est très jalouse.

Le reste du film est conditionné par ce prologue brillant, dans lequel Joe Wright conditionne tout à l'imagination d'une jeune fille déjà attirée par l'écriture. Mais cette fois, elle a trouvé, involontairement, le moyen de donner du corps à ce qu'elle imagine. Non content de soumettre sa mise en scène à cette notion de point de vue et d'imagination, Joe Wright fait preuve dans toute cette partie d'une verve visuelle impressionnante...

Le reste du film est situé en pleine guerre mondiale, et nous assistons au calvaire de Robbie, engagé coincé sur les plages à proximité de Dunkerque, qui rêve de retourner en Angleterre, car il a revu Cecilia qui n'a jamais cru en sa culpabilité, et souhaite reprendre avec lui là où ils s'étaient arrêtés dans leur relation. Cecilia, souhaitant couper les ponts avec sa famille, est devenue infirmière. Quant à Briony, rongée par le remords, elle a elle aussi commencé à travailler en tant qu'infirmière. Et elle cherche à contacter sa soeur et tout faire pour tenter de réparer le mal qu'elle a fait...

C'est brillant là encore, avec des morceaux de bravoure de la part d'un cinéaste qui revendique sa part d'héritage de David Lean: il accomplit un tour de force avec la reconstitution de Londres en plein Blitz, et surtout Dunkerque, la fameuse bataille controversée de la Guerre-éclair, fait l'objet d'un plan-séquence hallucinant; on n'oubliera pas non plus les pérégrinations de trois soldats Anglais dans la Somme dévastée qui rappellent le sublime "La condition de l'homme" de Masaki Kobayashi. Rien que ça... Bref, ce film passionné est bien plus qu'un film de luxe avec des rôles en or pour stars en devenir (Qui sont tous brillants de bout en bout, à propos): c'est un exercice de style dans lequel le cinéaste nous montre l'art et l'imagination comme rempart contre l'horreur et l'injustice, tout en faisant se joindre deux imaginations fertiles: celle d'une enfant, et celle d'une dame trop âgée. Mais il a aussi beaucoup situé son film sur un terrain "social", en nous montrant les filles Tallis obsédées par leur "rang", et la différence de leurs petites personnes avec le fils de la gouvernante, mêle adoubé par leur père. Et ironiquement, quand on voit vers la fin du film une dernière confrontation entre Cecilia et Robbie d'une part, et Briony qui avoue son mensonge, celle-ci se rend compte que tout ce temps, les deux amoureux sans se concerter avaient cru que le coupable du viol était Dannie (Alfie Allen), un domestique de la propriété Tallis que personne ne regarde quand on s'adresse à lui: il n'est personne...

Haut la main, le meilleur film de Wright, facilement.

 

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright Saoirse Ronan
15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 14:25

la vie, le scandale et la mort de Anna Karénine (Keira Knightley), qui a tourné le dos aux convenances, et en commettant un adultère avec le flamboyant Alexei Vronsky, s'est fracassée sur le mur de la bienséance...

Wright, qui n'a jamais caché ses ambitions ni son goût pour le cinéma de David Lean, a tourné une adaptation toute en style, privilégiant une approche qui met la mise en scène en lumière: filmer dans un théâtre et nous faire parfois voir les changements de décor, utiliser des chorégraphies, etc. Parfois rompant avec cette idée, mais toujours revenant au théâtre initial, nous en dévoilant sans cesse les coulisses... Soyons francs; ce n'est pas toujours justifié, à part pour frimer, il faut l'admettre. D'autant que ça ne rend pas le script moins embrouillé. Bref: plastiquement, c'est époustouflant. Techniquement, c'est impressionnant. Mais absolument jamais dans le film, l'idée ne se justifiera... 

Mais la caractérisation superbe de Keira Knightley, la mise en parallèle de trois couples, un abîmé dans la passion (Anna et Vronsky), un transfiguré par le bonheur et l'amour (Kostya et Kitty), et le dernier installé dans la routine blessée d'un bonheur conjugal infidèle (Oblonsky et Dolly), et le souffle épique du personnage principal, plus l'interprétation géniale de Jude Law en Karenine blessé mais éperdument humain finissent pas emporter l'adhésion. Mais il faudrait que Wright fasse atention: à force de casser ses jouets (Voir Pan) il finira par ressembler à M. Night Shyamalan...

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright
15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 14:20

"I like to show off", il aime frimer ce petit Joe. Et il peut: pour son premier long métrage de cinéma, il s'offre le luxe de réaliser une adaptation d'un incommensurable classique de Jane Austen, et sans jamais le trahir, d'en faire une démonstration vivace et audacieuse du cinéma. Bien sur, n'attendons pas trop d'un tel film, autre que le plaisir de donner de nouveau corps à des personnages fantomatiques à force d'être revisités, ou que l'introduction idéale, en douceur, à un univers romantique et romanesque qui n'attend que le prochain film pour occuper le terrain. Mais en attendant son film suivant, le très beau Atonement, Wright fourbit tranquillement son dispositif de mise en scène, ses incursions osées dans le vocabulaire moderne (Zoom, mise au point brutale et volontairement visible, beauté de la photographie sursaturée, plan-séquences hallucinants...) et sa direction d'acteurs juste et passionnée, en assénant une leçon d'économie: le livre est long, le film ne l'est pas, pourtant rien ne semble manquer à notre bonheur. Et Keira Knightley inaugure une collaboration privilégiée avec un metteur en scène qui décidément lui doit beaucoup...

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright
15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 13:54

Joe Wright déclarait, mi-embarrassé, mi-amusé, sur le commentaire audio de son long métrage Atonement (2007), à propos d'une scène spectaculaire tournée en un plan séquence qui devait sans doute représenter à elle seule la moitié du budget: "J'adore frimer"... On retrouve ce trait de caractère absolument essentiel dans sa discipline, avec son dernier film en date. Tentative de donner un contexte plausible à Peter Pan, en même temps que réappropriation et dépoussiérage du mythe créé par James Barrie, le film s'imposait-il?

Non, bien sur, même s'il ne mérite pas totalement les critiques sauvages dont il a été victime aux Etats-Unis (Où il a été un four gigantesque). A l'heure où Disney revisite ses classiques en les rendant, ahem, "réalistes", pourquoi ne pas les laisser se salir les mains? Pourquoi donner à voir un film dans lequel des enfants travaillent à la mine en chantant du Nirvana et les Ramones? Et pourquoi confier à des acteurs de talents des rôles qui ne leur permettront de briller que quelques secondes, comme ici Amanda Seyfried et Rooney Mara? Wright avait avec un certain talent osé s'attaquer à Tolstoï en donnant à Anna Karenina un traitement à la Marie-Antoinette, pourquoi pas? Mais la façon de le rendre en théâtre filmé, avec changement de décors apparents et chorégraphie jouait vraiment en la faveur du projet, qui donnait malgré tout la part belle aux acteurs. Ici, ce sont les effets spéciaux qui l'emportent, et une animation 3D... laide, comme d'habitude. Donc on regardera, on baillera de temps à autre, on lèvera un peu les yeux au ciel, et puis... on oubliera, fatalement.

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright Rooney Mara
14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 16:37

Déja auteur de trois longs pour le cinéma (Et de trois suites pour la télé, le monsieur a du métier), une adaptation de Jane Austen (Pride and prejudice), un beau mélo en costume (Atonement) bien dans la ligne de son maitre David Lean, un mélo contemporain (The soloist) plus gauche (Et américain), le Britannique Joe Wright s'attaque au film d'action, en poussant la stylisation au maximum. Le résultat est intrigant, ressemble beaucoup à un rêve, et doit tout son punch à une actrice en état de grâce, la jeune Irlandaise Saoirse Ronan, déja vue dans Atonement, mais surtout dans le magnifique The lovely Bones de Peter Jackson.

Esthétique... Mais surtout féministe: il y est question, sans pousser trop loin le bouchon de l'explication puisque Wright a décidé de se passer de trop en dire, de fécondation expérimentale de super-soldats, mais sans qu'un quelconque rôle de géniteur soit évoqué. Et Hanna est justement un super-soldat féminin, frustrée toute sa jeunesse d'avoir grandi sans sa mère, et qui a soif de parcourir le vaste monde, en distribuant moult bourre-pifs sur tout ce qui bouge, en particulier quand ça porte des coucougnettes. Après n'avoir développé qu'une seule amitié, avec une jeune fille (Les débats existent pour déterminer si le baiser qu'elle s'échange est lesbien, ou juste un simple bisou d'amitié, au passage), elle finit par se trouver face à son ennemie, incarnée par Cate Blanchett. Les deux femmes, avant d'en venir à leur confrontation finale, ont fait le vide autour d'elles...

 

L'ironie de la situation est soulignée avec un certain tact par Wright, qui s'amuse beaucoup à faire se correspondre un début en forme d'énigme (Une jeune fille, en peaux de bêtes, chasse le chevreuil par moins 80° dans la toundra, décoche une flèche avant d'achever la bête... avec un automatique) et une fin digne du film noir: lieux sur-connotés (Berlin, un parc d'attractions, etc...), et un choix gonflé: il stoppe le film avant une résolution du personnage principal; Hanna n'appartient qu'à elle-même, pas au public... Quels que soient les défauts occasionnels du film (Musique électronique envahissante, montgane tape-à-l'oeil parfois redondant), ses qualités et son actrice principale (Elle ira loin) emportent l'adhésion. La mienne, du moins...

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright Saoirse Ronan
4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 10:43

Avec son casting, son sujet, et un réalisateur de prestige (Le britannique Joe Wright est l'heureux papa de Pride and Prejudice, d'après Austen, et d'un très beau et très noir Atonement, avec Keira Knightley), on sent venir à des kilomètres le "film à Oscars", avec cette histoire d'un journaliste-écrivain (Il a une rubrique dans un journal de Los Angeles dans laquelle il s'intéresse à des petites gens et leur vie de tous les jours)qui rencontre un sans a-abri qui s'avère être un musicien génial. On s'attend à ce que le journaliste sauve le musicien, voire le contraire, à grand renfort de discours baveux... Surprise, pas de Robin Williams à l'horizon. les bons sentiments sont là, mais en demi-teintes, et le ton est résolument intimiste, en dépit d'un mise en scène due à un petit génie qui de son propre aveu, aime frimer... Ici, il va surtout donner à voir des sensations, afin d'essayer de faire en sorte de montrer quel rapport un homme coupé du monde et schizophrène peut entretenir avec la musique.

 

Et si ce film n'était après tout qu'un moyen comme un autre de raconter l'exclusion, et surtout de marteler quelque chose qu'on ne dit ni ne sait pas assez: il y a 90 000 sans abris à LA, et dans toutes les villes des Etats-Unis, des quartier de la taille d'une ville sont des zones ou les gens survivent, et meurent à petit feu, dans l'indifférence de ceux qui ne viennent pas s'en rendre compte eux-mêmes. C'est déjà çà...

 

Jamie Foxx en clochard-poète malade, Robert Downey Jr en journaliste motivé, ça semble trop beau pour être vrai... le miracle ne s'accomplit pas, mais le film se laisse voir avec plaisir, en attendant le prochain film de Joe Wright... On espère qu'il reviendra à la noirceur de Atonement.

 

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Published by François Massarelli - dans Joe Wright