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10 avril 2023 1 10 /04 /avril /2023 15:45

Dans le cabinet prestigieux d'un avocat New Yorkais, George Simon (John Barrymore), nous assistons à un ballet quotidien et incessant: pendant que Simon et son associé jonglent avec les affaires en cours, les affaires qui se terminent et celles qui se profilent, des clients attendent, se jaugent, et les secrétaires, assistants et autres collaborateurs vont et viennent. Si tout sourit à George Simon, une affaire qu'il avait traitée un peu à la hussarde risque de lui exploser méchamment à la figure, et par dessus le marché, son épouse se sentant délaissée va partir en mer avec une connaissance commune...

L'origine théâtrale ne fait aucun doute, comme souvent chez Wyler, qui n'avait pas peur de l'afficher; et comme d'habitude il va transcender cet aspect en concentrant sa mise en scène et son montage sur le rythme et le geste. Et avec Barrymore, qui n'est pas loin de tourner Twentieth Century pour Hawks (son film le plus frénétique), le réalisateur peut demander la lune en matière de tempo, il l'aura. On obtient d'ailleurs un film Universal qu'on imaginerait presque à la Warner... j'ai dit presque: si Lloyd Bacon ou Roy del Ruth avaient tourné ce film, avec Warren William en lieu et place de Barrymore bien entendu, l'un aurait poussé vers la comédie et l'autre vers la farce...

Et Bebe Daniels aurait été remplacée par Joan londell, qui jouera d'ailleurs un rôle un peu similaire à Rexy Gordon dans Jimmy the gent de Michael Curtiz: la secrétaire un peu effacée mais dont les sentiments pour son patron sont si évidents que lui seul ne les a pas encore remarqués! Mais Bebe Daniels est absolument poignante dans le rôle, et elle est presque le fil rouge de ce film, offrant d'ailleurs au spectateur un point de vue à suivre, sain et équilibré... C'est que devant le nombre de gens qui entrent et sortent sur le plateau, qu'on ne quittera jamais, il fallait au moins ça.

Le film est donc le portrait sans concession d'un homme qui a réussi dans tout sauf manifestement dans ce qu'il a de plus cher... Et il ne réalisera que l'espace d'une minute dans le film que c'était ce qu'il a de plus cher. C'est aussi un miroir grinçant d'une société qui s'oublie en voulant aller toujours plus vite. Un portrait en creux de l'homme qui en vieillissant oublie ses idéaux. Un beau portrait intime d'un avocat Juif auquel tout a réussi, avec une mère gentiment mais sûrement envahissante... Un rappel de la différence cruelle des classes, une comédie des moeurs d'un bureau, et que sais-je encore? Entre drame et comédie, c'est l'un des premiers grands films de Wyler...

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Published by François Massarelli - dans William Wyler Pre-code John Barrymore
31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 09:13

Dans l'Angleterre de 1790, un mariage va être célébré; un jeune officier essaie bien de l'empêcher, car il aime la jeune épousée, lady Margery (Mary Astor), mais on fait vite comprendre au capitaine Brummel (John Barrymore) que c'est peine perdue. Pire, la mariée elle-même participe au découragement. Revenu de tout, il décide de se rendre indispensable au Prince de Galles, puis devient le prince de la mode, des apparences et le séducteur des grandes dames de la cour...

La même année que Kean, de Volkoff, avec lequel il partage un certain nombre d'aspects, ce film a été une prestigieuse production de la Warner, qui cherchait désespérément à jouer dans la cour des grands... Avec John Barrymore, un réalisateur aguerri, une armée d'acteurs et de figurants, un script qui appelait la sophistication sur tous les fronts (interprétation, décors, costumes, éclairages...), ça donnait sans doute très bien sur le papier. Et de fait, c'est soigné, très soigné. Pas un détail qui vient perturber la représentation des moeurs de la fin du XVIIIe au début du XIXe siècle, pas un accroc, et... pas un seul moment où l'ennui poli devant tant d'affectation ne sera perturbé. 

 

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Published by François Massarelli - dans John Barrymore Muet 1924 *
6 janvier 2019 7 06 /01 /janvier /2019 16:01

Après quelques films pour Warner Bros, dont le célèbre et excellent Don Juan d'Alan Crosland, John Barrymore a signé pour trois films avec Joseph Schenck, qui faisait distribuer ses films par United Artists. Donc l'idée était de donner plus d'indépendance, donc de contrôle, à la star... Du moins sur le papier, comme Buster Keaton, que Schenck venait de lâcher sans trop d'élégance, en a fait l'amère expérience...

Le "beloved rogue" du titre n'est autre que François Villon. Le vrai, auteur d'un certain nombre de poésies, était aussi un monte-en-l'air, un escroc, un voyou, un moins-que-rien, bref: un bandit. Celui de John Barrymore l'est aussi, mais fort brièvement, le film se limitant à une série d'aventures autour d'une anecdote totalement apocryphe de la vie de celui dont on sait quand il est né (en 1431), mais dont on perd totalement la trace 30 années plus tard...

Sous Louis XI, le Roi risque de tomber sous la coupe de Charles de Bourgogne, son ennemi juré qui convoite sa place. Il s'apprête pourtant à donner la pain de sa pupille Charlotte au lieutenant de Charles, en guise de geste de bonne volonté; par cette union, Charles entend briser les derniers obstacles qui l'empêchent d'accéder au trône. Mais Charlotte qui ne souhaite pas se marier avec n'importe qui, trouve refuge auprès de Villon, qui n'est pas insensible à ses charmes. Il va réussir, par la ruse, à s'attirer les bonnes grâces de Louis XI. Mais le temps presse, car Charles de Bourgogne n'a pas dit son dernier mot...

J'ai volontairement laissé de côté les noms des acteurs, tant la distribution est impressionnante: outre Barrymore, on trouve en effet Conrad Veidt en Louis XI, Marceline Day dans le rôle de Charlotte, et si W. Lawson Butt n'inspire pas grand chose (à part dans les possibilités les plus sombres de moquerie immature autour de son patronyme) dans le rôle de Charles, que penser des apparitions de Mack Swain ou encore Slim Summerville, voire de Nigel de Brulier (en astrologue, ce qui manquait dans son impressionnante collection de sorciers, prophètes, évèques, cardinaux Vendéens et autres prêtres) ou de Dick Sutherland qui ici interprète un bourreau au faciès... de Dick Sutherland, justement... On s'attend à passer un très bon moment, surtout si on a vu Don Juan et When a man loves... 

Crosland et Barrymore étaient sans doute partis pour récidiver leurs exploits, en faisant construire toute une ville médiévale alambiquée, et louchaient aussi probablement sur la couronne de Douglas Fairbanks, roi cabossé du film d'action depuis le manque de succès de The thief of Bagdad et des films qui l'avaient suivi... Mais le mélange de comédie débridée (beaucoup plus marquée que dans ses films précédents) et d'aventures, mâtiné de sadisme pour une séquence de torture dans laquelle Barrymore à demi-nu est plongé dans les flammes et lardé de coups de fouet, peine parfois à convaincre.

Conrad Veidt compose pour sa part un Louis XI convenablement dingo, dont on a l'impression qu'il ne lui en faudrait pas beaucoup pour tripoter tout ce qui bouge, et le style baroque du film époustoufle dans un premier temps, marque le film comme étant factice (au même titre, tiens, que The thief of Bagdad était littéralement incroyable) ensuite, et finalement lasse un peu... Surtout quand on a parfois l'impression d'assister à un démarquage de The hunchback of Notre-Dame...

Il n'était pas Douglas Fairbanks non plus, même si l'équipe fait tout pour tenter de nous le faire croire! Ca virevolte, c'est rythmé, et c'est souvent assez vain. Bref: Barrymore ferait mieux, bien mieux avec son film suivant, le flamboyant Tempest...

Je termine en vous laissant une petite énigme de rien de tout, dont je sais qu'elle va certainement motiver au moins une personne: il y a trois futurs acteurs de Freaks dans le film, j'ai bien sûr fait exprès de ne pas les mentionner. Bonne chasse!

 

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Published by François Massarelli - dans John Barrymore Alan Crosland Comédie Muet 1927 **
20 novembre 2016 7 20 /11 /novembre /2016 09:00

L'année 1929, il valait mieux parler, sinon le succès ne pouvait pas être au rendez-vous. Combien de films Américains ont-ils sacrifiés sur l'autel absurde du micro, cette croyance dans le fait que le muet était définitivement révolu? Du reste, peu de films muets d'envergure ont été tournés cette année-là. Dans cette situation d'expédition des derniers films muets, sacrifiés au tout-bavard, Eternal love ne fait pas exception: généralement considéré comme étant sans le moindre intérêt, et par ailleurs il est vrai qu'il se rattache justement essentiellement au style muet de Lubitsch, plongé dans la routine flamboyante et un peu vide des productions de John Barrymore, des films à l'ancienne, entièrement à la gloire de l'acteur, et tournés selon ses termes.

Et pourtant...

Début du XIXe siècle: dans les Alpes Suisses, une petite communauté montagnarde subit de plein fouet l'occupation Française. A la fin des conflits, la libération est le prétexte d'une célébration durant laquelle tout le village se retrouve à danser et boire. Et Marcus (John Barrymore) en profite pour une fois de plus dire son amour à la belle Ciglia (Camilla Horn), la nièce du prêtre de la paroisse. Il n'est as le seul sur les rangs: Lorenz (Victor Varconi), un utre villageois un peu moins impétueux que lui, est amoureux de la belle. Mais s'il est clair que Ciglia aime Marcus, ce n'est pas au point de céder à ses avances alors qu'il a clairement trop bu. Il rentre donc chez lui, saoul, et ne s'attendait pas à trouver dans sa chambre Pia (Mona Rico), une jeune femme qui le suit partout et qui elle est prête à tout... Y compris, le lendemain, à faire un scandale retentissant: Marcus épouse donc Pia, et Ciglia est promise à Lorenz; le drame couve...

On retrouve ici deux univers: celui de Barrymore y est présent, son impétuosité, le romantisme exacerbé, la flamboyance des sentiments, des actions, du sacrifice et aussi, parfois, l'excès dans le péché! Les clichés qui ont la peau dure, aussi... De son côté, Lubitsch apporte sa science de la mise en scène des liens invisibles entre les êtres, son savoir-faire pour représenter la foule et son idéologie, et bien sur un ton décalé, qui passe par une observation pointilleuse et un sens du détail consommé. Et cerise sur le gâteau, Lubistch a réalisé en 1920, dans les montagnes enneigées du Tyrol, Romeo und Julia im Schnee, une autre histoire d'amour, mais qui était elle traitée beaucoup plus sur le ton de la comédie. C'est d'ailleurs l'une des clés de l'oubli flagrant dans lequel ce film tardif est tombé: ce n'est pas une comédie, mais bien un film ouvertement sentimental, dont la noirceur rejoint l'âpreté souvent associée au lointain souvenir du film perdu The patriot, réalisé l'année précédente par Lubitsch. et juste avant, le metteur en scène avait tourné pour la MGM The student prince, qui faisait évoluer la comédie sentimentale vers le drame... Or ce n'est pas l'image de lubitsch aux Etats-unis; peut-être le metteur en scène a =-t-il aussi peu gouté cet exercice de style?

...En ce cas ça ne se voit pas beaucoup, car s'il a bien fait le travail qui lui était demandé et utilisé son savoir-faire pour tourner des séquences lyriques de LA star Barrymore en montagnard fier, dans les décors absolument magnifiques de l'Alberta, des scènes d'avalanche et des scènes de foule impeccables, ce qui a le plus motivé Lubitsch dans ce film, c'est bien sur l'intime, le fonctionnement visuel d'une communauté en proie à la suspicion et au ragot; il lui fat peu d'images pour installer dès le début du film cette impression de rejet basé sur la jalousie et la bêtise, de Marcus par la population des braves gens qui jamais ne se mêleront d'autre chose que de ce qui ne les regarde pas!

Et la façon dont Lubitsch utilise la caméra et le montage, les détails et parfois leur absence, pour amener une idée à bon port, est ici au sommet de son art: plusieurs scènes pour se faire plaisir, en fait: dans l'une, on voit le prêtre chez lui, servi par sa bonne qui est triste de le voir soucieux. On la suit jusqu'à la pièce ou est Ciglia, et la bonne est triste de la voir soucieuse également. Une cloche: on a sonné: la bonne va voir, revient et apparaît radieuse à la porte: Ciglia pleine d'espoir attend: mais c'est Lorenz. Quelques instants après sa visite, la cloche de nouveau: la bonne va ouvrir, et Ciglia attend: cette fois, quand la porte de la pièce s'ouvre, on aperçoit juste la main de la bonne qui dépose dans la pièce un fusil. Nous savons à qui appartient ce fusil, et Ciglia aussi. Son visage s'éclaire... pas d'intertitre, même pas une image de Marcus, mais le message est passé. Dans l'autre scène qui me vient à l'esprit, Marcus est rentré chez lui après sa tentative maladroite de séduire Ciglia lors d'un bal costumé, et il est flanqué de Pia. Il se débarrasse d'elle sans le moindre ménagement, avant de rentrer dans sa maison. Quelques instants plus tard, il ressort, inquiet: et si la jeune femme était restée pour tenter d'entrer? Il ne la voit pas, rentre de nouveau dans sa maison. Le dernier plan nous le montre entrant dans sa chambre et déposant ses affaires puis regardant droit devant lui, une expression de surprise au visage; nous ne verrons pas ce qu'il a vu, mais la caméra fait un léger détour sur la droite, et au mur, nous apercevons, accroché à une patère, le masque que portait Pia...

Certes, ces jolies efforts de mise en scène sont au service d'un mélodrame des plus embarrassants, et ces belles images ne sont guère plus que le dernier souffle d'un cinéma muet en pleine agonie. Mais dans un film qui tente, à sa façon, de donner la version de Lubitsch de la mise en scène à la Murnau (C'est flagrant dans la façon de montrer les intérieurs de ces maisons rigoristes de montagnards teigneux), qui une fois posé le style de jeu flamboyant et encombrant de la Star incontestée, permet à des acteurs aussi intéressants que Varconi et Horn (Très probablement dirigés en Allemand, ils sont d'une grande justesse) de briller dans des rôles qui échappent eux aux clichés qui auraient pu les handicaper, il y a beaucoup plus que ces conventions. Que ce ne soit pas le meilleur film de Lubitch, c'est entendu, mais c'est un excellent film de John Barrymore.

Pour finir, une petite pointe d'ironie positive: Mary Pickford, qui avait fait venir Lubitsch aux Etats-Unis en 1923, lui gardait rancune de leur mésentente sur le tournage de Rosita. Elle prétendait des années plus tard que c'était un incapable, qu'il n'était motivé que par la représentation des portes... C'est amusant de constater qu'ici, on a en effet une "mise en scène des portes", dans ces scènes qui savent utiliser les rapports entre les gens et le fonctionnement ancillaire des maisons, pour montrer la vie. Mais c'est sans doute aussi très paradoxal, que ce film muet tardif et si mal vu ait survécu justement grâce à l'appui, du vivant de la star; de... la Fondation Mary Pickford, entièrement dédiée à la préservation et au sauvetage des films muets.

Merci, Mary, grande dame jusqu'au bout.

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Published by François Massarelli - dans Muet Ernst Lubitsch John Barrymore 1929 *
14 mai 2016 6 14 /05 /mai /2016 15:49

Inspiré par la pièce de William Gillette, déjà adaptée à l'écran en 1916 dans un film Essanay, ce film fait bien sur suite au succès énorme de Dr Jekyll and Mr Hyde, le triomphe de Barrymore en 1920 réalisé par John Stuart Robertson pour Paramount. C'est cette fois une production Goldwyn, et l'équipe a eu les coudées franches... D'autant que le studio battait sérieusement de l'aile, 18 mois avant son rachat par Metro. Albert Parker s'est déjà illustré auprès de la royauté Hollywoodienne, puisque il a tourné aussi bien avec Douglas Fairbanks qu'avec Mary Pickford, et le casting nous réserve une jolie surprise avec l'apparition de Carol Dempster dans un rôle plus qu'improbable: elle joue la femme dont Holmes tombe amoureux...

Etudiant à Cambridge, Sherlock Holmes (John Barrymore) résout sa première affaire: il s'agit d'une sombre intrigue autour du prince héritier d'un pays Germanique, le Prince Alexis (Reginald Denny). Celui-ci est soupçonné d'un vol, mais le véritable voleur n'est autre que le sinistre professeur Moriarty (Gustav Von Seyffertitz). A l'occasion de cette affaire, Holmes a rencontré son alter ego, le jeune et brillant Docteur Watson (Roland Young). Quelques années ont passé, et le détective recroise le prince. Celui-ci fait face à une odieuse affaire de chantage, à nouveau orchestrée par Moriarty, qui s'est approprié les lettres du prince à son ancienne fiancée, depuis décédée, par le biais de la soeur de celle-ci, Alice Faulkner (Carol Dempster). L'affaire intéresse d'autant plus Holmes qu'il a croisé les pas de la jeune femme, et ne s'en est jamais remis...

Ainsi, la preuve est faite: on peut prendre un acteur doué, l'entourer avec d'autres acteurs compétents, un sujet en or, un metteur en scène très capable avec un goût évident pour la composition faite d'ombre et de lumière, un studio qui vous laisse carte blanche, des décors intelligemment composés, des stock-shots de Londres parfaitement appropriés, et... Faire un film assez ennuyeux, bien que deux futurs acteurs géniaux y débutent: Roland Young, et surtout William Powell. Même sans moustache, même sans verre à la main, on a reconnu l'impayable Nick Charles. Rendez-vous manqué, donc, même si décidément on finit par penser que cette pièce adaptée de Holmes n'était pas une bonne source pour le cinéma. Contrairement à...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet John Barrymore 1922 Sherlock Holmes Reginald Denny ** William Powell