Le proviseur d'un lycée Britannique (pas une école très cotée) est arrivé au pinacle de sa carrière: il a été choisi comme président de l'association des proviseurs et va délivrer son premier discours, ce jour à 17h pile. Car comme tous les autres proviseurs, M. Stimpson est d'une ponctualité maladive...
Le problème, c'est que ce jour-là, il va se tromper de train, s'embarquer dans une fuite en avant de quiproquos, d'erreurs d'appréciations et de malentendus, et se retrouve donc à essayer par tous les moyens de se rendre à sa réunion, flanqué d'une élève en pleine école buissonnière, d'une ex-petite amie, et poursuivi par la police, les parents de son élève, trois vieilles dames à l'ouest, et tant qu'à faire son épouse qui le soupçonne d'avoir une aventure...
Qui dit malentendu, embarras, poursuite, dit comédie, et le script plus que soigné (même discipliné) du film va dans le sens d'exploiter intelligemment toutes les occasions de placer Mr Stimpson dans l'embarras, et de souligner sa rigidité, son obsession contre-nature pour l'heure exacte, sa tendance à être plus que pompeux, et même, disons-le, son conservatisme obsédant; que voulez-vous, durant les années Thatcher, c'était une cible de choix!
Alors pourquoi cela ne marche-t-il qu'à moitié? Peut-être parce que ça reste, constamment, et à l'exception d'un des éléments de la chose, terriblement raisonnable... L'élément, maintenant, qui est sans doute pour 99% dans le fait qu'on peut quand même sauver le film, c'est que le principal acteur n'est autre que...
John Cleese. Un John Cleese qui s'il avait écrit ce film, aurait sans doute pu à 100% en exploiter tous les ingrédients dans un maelstrom de comédie jouissive... Au lieu de cela, il prend le texte d'un autre, et le sublime avec génie. C'est déjà ça...
Le 9 novembre 1979, un débat organisé à la BBC opposait deux représentants médiatiques de la Chrétienté et deux comédiens issus de l'éminente troupe trans-Atlantique Monty Python. L'objet du débat était justement ce film, et sa sortie qui avait déclenché une tempête de protestations délirantes de la part d'un grand nombre de groupes religieux. En Grande-Bretagne notamment, le film a été accepté par l'organisme de censure central, ce qui voulait dire que le censure deviendrait en réalité locale: ça n'a pas loupé, les instances locales ont commencé à se déchaîner, généralement sous l'influence directe de groupes de personnes qui n'avaient pas vu le film...
Durant le débat, Michael Palin et John Cleese faisaient face à Malcolm Muggeridge, journaliste, essayiste et Catholique fervent, et à l'évèque de Southwark Mervyn Stockwood. Le débat en lui-même est une merveille d'humour, souvent involontaire, mais ce qu'il en ressort est assez affligeant: d'une part, il semble qu'il soit toujours difficile, même quarante années plus tard, de consacrer un film à la religion. D'autre part, les deux "opposants" au film étaient tellement nuls qu'on peut vraiment se demander ce qui motive encore tous ces groupes... Tout ça pour que deux misérables vieilles badernes en mal de publicité se lovent sur un fauteuil en accusant les comiques qu'ils ne regardent pas même en face d'avoir trahi le Christ ("Vous aurez vos trente pièces d'argent", pour les citer)... Mais en dépit de la perte de temps, cette heure de débat largement disponible sur le net, est l'occasion d'entendre Cleese et Palin qui a eux seuls sont sans doute les seuls membres de Python à pouvoir réellement représenter le groupe, résumer la vision globale des six comédiens sur leur film, une oeuvre qu'ils continuent aujourd'hui (sauf Graham Chapman, du coup) à défendre comme leur oeuvre la plus importante...La vérité donc est que loin de tailler un costard au Christ, le but des six membres de Monty Python était de s'intéresser au processus de mythification présent dans la Judée de l'époque des Evangiles, et de la prendre comme une sorte de terrain idéal pour représenter la naissance de toutes les religions. Et comme le soulignent les deux comédiens, durant tout le film, Jésus continue à vivre son destin, sans qu'il se passe quoi que ce soit pour l'empêcher de parler: le sermon sur la montagne est pris en exemple dans le débat, et c'est justement le moment qu'ont choisi les Pythons pour souligner qu'ils s'éloignaient de la vie du Christ littéralement, pour s'intéresser aux coulisses.
Rappelons donc l'intrigue de ce film unique en son genre: né le même jour, à la même heure et une étable à côté de Jésus, Brian (Graham Chapman) a eu l'étrange destin d'être considéré comme un messie, et d'aller jusqu'au bout alors que tout ce qu'il voulait, c'était globalement de vivre, en particulier pas trop loin de la belle Judith, mais aussi de régler son conflit intérieur: né de père inconnu, il lui est a en effet été dit qu'il était très probablement le fils d'un légionnaire Romain...
C'est une intrigue, beaucoup plus solide que celle de Monty Python's Holy Grail; et pour une fois, toutes les digressions possibles et imaginables sont totalement inscrites dans la continuité du film... Outre le fait qu'il soit luxueusement mis en scène par Terry Jones à son meilleur, le point fort de Life of Brian est précisément que l'humour, méchant voire corrosif, ne touche jamais la religion: il tourne autour, mais tout simplement parce que la cible est constamment les hommes qui l'exploitent... Le degré de réflexion du film est d'ailleurs impressionnant, avec un parallèle constant entre les épisodes et la manière dont les hommes se sont joyeusement fourvoyés ensemble, puis entre-tués, pour des histoires de liturgie, de saintes reliques et de lieux sacrés: en témoignent en particulier les scènes qui voient les curieux suivre Brian comme le Messie par malentendu... Ca commence par des gens qui décident d'enlever une sandale parce qu'il en a perdu une, et ça se termine par le lynchage d'un infidèle! Ce n'est pas la croyance qui est la cible, mais le dogme et l'insupportable tendance à l'obscurantisme.
Les Pythons réussissent même à se mettre d'accord sur un apport idéologique dans cet étonnant film puisque la leçon à retirer de tout ceci (et qu'auraient du suivre tous les critiques auto-proclamés de ce film, mais aussi les poseurs de bombes dans les cinémas qui projetaient The last temptation of Christ sept années plus tard) c'est qu'avant de se jeter sur n'importe quoi pour en faire un dogme il conviendrait que l'homme réfléchisse. Et par ailleurs, comme le dit Brian à la foule, "vous êtes tous différents": la réponse dans le film est comique, je la cite donc... La foule, d'une seule voix: "oui, nous sommes tous différents!"... Puis un quidam seul au deuxième rang: "pas moi"...
Si j'ai cité cet incroyable débat au début de cet article, c'est sans doute parce qu'il montrait la noblesse de la comédie face aux arguments rassis, et aux manigances dogmatiques des deux invités qui n'étaient pas des Monty Python. L'âge désormais vénérable du film aidant, on a fini par vivre avec Life of Brian en bonne intelligence, et c'est tant mieux: d'abord parce que c'est un excellent film, et ensuite parce qu'il cristallise pour toujours le talent du seul groupe de rock dont aucun des six membres ne jouait ni ne chantait (sauf Eric Idle, bien sûr)... Et c'est parce qu'ils ont tous fini par tomber d'accord, que les six comédiens ont réussi à ce point à faire un film ensemble. C'est la force de cette production, qui est sans conteste la plus grande réussite cinématographique du groupe. Je pense aussi que c'est la seule, tant le premier film (Holy Grail) était, admettons-le, une vaste fumisterie, aussi soignée soit-elle, et le troisième, The meaning of life, ma foi, est surtout un épisode allongé du Flying circus. Pas le meilleur, du reste...
Mais je digresse à mon tour. Je vous invite à ne pas tenir compte de tout ce qui précède, et à prendre ce qui suit comme l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le film:
Life of Brian est une tentative de satiriser le passage de l'anecdote à la religion, et de faire de la comédie brillante dans les coulisses du sacré. C'est fait avec un texte brillant de bout en bout, des acteurs fabuleux, qui ne se limitent pas aux Monty Python, puisqu'on y reconnaît les amis Carol Cleveland, Neil Innes, George Harrison, Charles McKeown, Sue Jones-Davis, Spike Milligan et Terence Bayler (qui a presque autant de rôles que John Cleese)... On y raille aussi les leçons excessives de latin (Romani, Ite Domum) et Star Wars, dans une séquence idiote due à l'esprit malade de Terry Gilliam, on s'y moque avec classe des différences culturelles et de l'antisémitisme, on se moque de l'extrême gauche et de la révolutionnite aigue se muant essentiellement en diarrhée verbale (c'était il est vrai une époque où la gauche avait encore des cellules grises)...
Deux scènes pour finir: dans une séquence située au cirque, un supplicié fait courir le gladiateur qui doit le tuer, et ce dernier meurt d'une crise cardiaque: le condamné (Neil Innes) remercie la foule en faisant des bras d'honneur; dans la deuxième, les révolutionnaires ont un énième débat, et Reg (John Cleese) commet une erreur, celle de demander ce que les Romains ont apporté... Tous les participants ont alors un exemple à donner, rendant le message du leader impossible: les routes, le système d'évacuation d'eau, le vin... Un des présents avance même "la paix romaine", à l'approbation de tous!!
Bref, c'est un classique. Quand à Muggeridge et Stockwood, tout le monde les a oubliés...
Addition (29 janvier 2020):
Depuis l'écriture de ce texte, deux de ses protagonistes nous ont, tristement, quitté: Neil Innes, compagnon de route, Python numéro 7bis, et musicien légendaire. Et bien sûr le grand Terry Jones: two down, four to go...
Voilà ce qui arrive quand un groupe de comédiens-auteurs, qui ont tout dit, et ont pour mission de faire un film, sans avoir la moindre idée de ce qu'on peut mettre dedans: une sorte d'épisode géant du Flying Circus, avec un budget pharaonique, un semblant de direction ("parlons du sens de la vie"), une sorte de conclusion pré-déterminée (la vie et l'humanité ne servent à rien, n'écoutez pas ce que vous disent les corps constitués, surtout l' église, l'armée et l'éducation), et une envie de faire le tout d'une manière tellement folle qu'on ne vous confiera plus jamais les rênes d'un film...
Et c'est donc ce à quoi il fallait s'attendre: un film qui vous fera passer du sourire au rire gras, en envoyant aux orties toutes les occasions de finir proprement, à tout les sens de cet adverbe. Un accouchement traité comme une formalité, une comédie musicale sur l'interdit de la contraception interprétée par une famille pauvre et Catholique du Yorkshire, une leçon d'éducation sexuelle particulièrement graphique, une série de chapitres particulièrement sordides sur l'armée, la mort vue sous les angles les plus idiots, les plus scandaleux ou les plus crétins possibles, et au final, bien sûr on n'a pas avancé. Alors c'est un film, oui, par moments hilarant.
Mais je ne sais pas, et ne saurai jamais quoi en penser: escroquerie du siècle, ou coup de génie? John Cleese, lui, pense que ce bouquet de transgressions n'aurait jamais du exister. Terry Jones, pour sa part, le préfère à tous les autres. On ne les réconciliera jamais, ces deux-là!
Ce film qui joue avec sa forme comme jamais auparavant (laissant le court métrage de complément de programme le parasiter...) est une énigme, qui possède l'avantage de vous faire chercher le poisson.
Un film écrit par John Cleese, avec lui-même, Jamie Lee Curtis, Kevin Kline, Michael Palin, Mary Aitken, et qui est probablement un sommet de la comédie de tous les temps... Mais assez parlé de A fish called Wanda, et reconnaissons à ce film écrit par John Cleese, avec lui-même, Jamie Lee Curtis, Kevin Kline, Michael Palin, Mary Aitken, qui n'est certainement un des sommets de la comédie, que l'équipe, d'une part, a eu le courage de ne pas se limiter à l'évidente tentation de créer une suite à l'énorme succès de Wanda, et d'avoir dépensé une belle énergie... Pour pas forcément grand chose, ça c'est sûr.
On retrouve pourtant beaucoup d'ingrédients qui auraient du faire un bon film: les acteurs pour commencer dont on sait à quel point ils fonctionnent bien ensemble; les obsessions de Cleese pour les animaux, le volontarisme de Palin pour assumer les textes les plus horripilants, l'absurde de l'exagération (Jamais d'absurde gratuit chez Cleese, dans les Monty Python, c'était le terrain de jeu de Terry Jones et Michael Palin), et même une série d'allusions bien placées: "It's only a flesh wound", "Beautiful plumage" d'une part, les connaisseurs apprécieront; et à un moment, Rollo (Cleese) appelle Willa (Curtis) "Wanda"...
Mais rien n'y fait: le script s'enlise en dépit du volontarisme sus-mentionné. Reste, dans cette histoire de zoo dont les employés s'attaquent à la haute finance qui les gouverne, quelques jolis moments de comédie, basée sur des gags parfois bien ficelés... et parfois sur des pets intempestifs, lâchés par un Kevin Kline qui a quand même tendance à en faire, disons, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je parle de ses excès d'acteur, bien sur, pas de ses conséquences sonores d'une digestion mal assumée. Une occasion manquée? Un proverbe anglais nous assure que "lightning never strikes the same place twice"...
A l'origine de ce court film (39 mn), se trouve une nouvelle de Tchekhov, Le roman à la contrebasse, publié en 1886. Dans l'austère Russie Tsariste, on y sent souffler une petite brise pré-révolutionnaire, avec ce rapprochement, par la nudité corporelle, d'une princesse sur le point de se marier, et d'un moins-que-rien... Bien qu'on puisse imaginer que son adaptation cinématographique ait pu ne se faire que dans les libérales années 70, il y a en a eu une adaptation dès les années 1910... Mais venons-en à celle qui nous occupe aujourd'hui...
Smitchkoff (John Cleese) joue de la contrebasse. Il est musicien professionnel, et doit se rendre au château local, où les parents d'une jeune et jolie princesse (Connie Booth) donnent un bal, en l'honneur des fiançailles de cette dernière. En attendant, Smitchkoff va se baigner, et la princesse va pêcher. Elle doit se jeter à l'eau pour rattraper son bouchon: un voleur passe et vole aussi bien les vêtements du musicien que ceux de la princesse. Ils doivent donc, nus comme des vers l'un et l'autre, retourner au château en plein jour, et faire en sorte de redresser la situation, sans pour autant que jamais leur nudité respective n'apparaisse au regard de l'autre, ni que qui que ce soit les voie. Bien sur, la princesse mène, et Smitchkoff, respectueux, obéit et fait tout pour regarder ailleurs, mais une complicité commence à se faire sentir, d'autant qu'il fait chaud, et, bien sur qu'ils sont nus.
L'imposant étui de la contrebasse va devenir un étui à princesse, et il faut voir le grand John Cleese (1m95) totalement nu, courir dans la campagne avec un objet terriblement encombrant, et un chapeau haut de forme sur la tête. Ce moyen métrage (40 mn) est souvent drôle, léger et surtout, jamais vulgaire, contrairement à ce que son sujet aurait pu permettre... La poésie estivale de ces mésaventures, dans lesquelles il s'agit de rejoindre un château sans être vu, ni se voir, permet un burlesque de situation que John Cleese, éternel embarrassé, joue à merveille, et comme il excelle aussi dans le burlesque physique, il s'en donne à coeur joie. On ne sera pas surpris d'apprendre qu'il est aussi responsable, avec Robert Young, de la dernière version du script...
Au sein de Monty Python, une faille s'est ouverte au moment de commencer leur carrière cinématographique, entre réalisateurs (Terry Gilliam et Terry Jones), et acteurs non impliqués dans le processus technique. Comme ils l'ont souvent évoqué, le tournage de Monty Python and the Holy Grail a été l'occasion de chicanes contre-productives, entre les deux réalisateurs d'un coté affairés à rendre le film aussi bien fait que possible dans des conditions pas vraiment idéales, et Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle et Michael Palin de l'autre, qui s'ennuyaient à mourir entre les prises; sans parler du fait que les deux réalisateurs tendaient à privilégier les plans parfaits techniquement au détriment de prises moins accomplies, mais dont les performances d'acteur avaient justement la préférence des quatre trublions. Sans parler non plus, enfin, de la cerise sur le gâteau: les deux Terry n'étaient pas non plus d'accord entre eux, par dessus le marché, ce qui explique que pour les deux films suivants, Jones allait assumer seul la réalisation, et Gilliam se concentrer dans son coin sur d'autres aspects visuels, animations, génériques, etc.
Comment éviter dans ce cas-là, d'une part que les acteurs une fois laissés seuls à leur carrière respective ne décident de tout contrôler, pour le pire (Yellowbeard, de Mel Damski, écrit par Chapman), ou le médiocre (Nuns on the run, de Jonathan Lynn, écrit par Idle), afin de montrer ce qu'ils savaient faire? Mais seuls Jones et Gilliam ont pu assumer la charge de réalisation seuls, avec de bons voire excellents résultats pour Gilliam... Mais avec des difficultés croissantes aussi, le style de l'un comme de l'autre étant finalement plutôt dispendieux. Puis vint Wanda...
Cleese, le plus conservateur sans doute des Monty Python, était aussi l'un des moins visuels, qui avait développé avec Chapman depuis leurs années à Cambridge un style de comédie basé sur le caractère, et l'absurde d'une situation dérivant de sa propre logique; il détestait la frange grotesque et surréaliste des Monty Python, cette tendance à se déguiser en chevalier médiéval avec un poulet en main, au profit de sketches en apparence très dignes qui dégénéraient à cause de leur déroulement et de la dynamique des personnages. Mais Cleese, capable de tout jouer, savait aussi se mouiller de façon peu banale, qu'on songe à la fameuse scène d'éducation sexuelle dans The meaning of life, ou le fait d'apprendre à monter à cheval pour Silverado de Lawrence kasdan.. Son grand projet des années 80 est donc né de toutes ces constatations: il voulait écrire une comédie parfaite, interprétée par des acteurs capables et de confiance, réalisée par un metteur en scène qui ne viendrait pas chercher à faire du David Lean, et au besoin mettre la main à la pâte lui-même pour diriger les acteurs. Avec le vétéran Charles Crichton, la dynamique a été simple à trouver, d'une part Cleese l'a associé au processus d'écriture, et Crichton a gardé de ses années de travail à la Télévision (Doctor Who, The avengers, Space 1999...) l'habitude de laisser les acteurs se débrouiller tous seuls... De fait, aujourd'hui, il n'y a aucune polémique sur le fait que les deux hommes ont tous deux réalisé le film ensemble, Cleese se chargeant de la direction d'acteurs, Crichton s'occupant des détails techniques. Le résultat est la meilleur comédie post-Python effectuée par un des membres du groupe, tout bonnement...
Archie Leach (Cleese), un avocat au barreau de Londres, est un homme à la vie pas vraiement emballante. Marié à une femme riche, l'insupportable Wendy (Maria Aitken), qui ne l'écoute plus, et avec une fille pourrie et gâtée (Cynthia Caylor) qui lui marche dessus, il s'ennuie... Jusqu'au jour ou il se retrouve flanqué d'un client intéressant, George Thomason (Tom Georgeson), un petit truand qui vient d'être arrêté suite à un casse dans une banque. Il a été dénoncé par ses complices Wanda, sa petite amie Américaine (Jamie Lee Curtis), et son amant Otto qui se fait passer pour son frère (Kevin Kline); mais tous deux ont un problème: George a caché le butin, ne révélant d'indices qu'à son homme de confiance Ken, un bègue amoureux des animaux (Michael Palin), qui n'aime pas Otto. Otto va se charger de faire parler Ken, pendant que Wanda va essayer de cuisiner Archie à sa façon, ce qui va provoquer un certain nombre de changements radicaux chez ce dernier...
L'hommage est direct: Archibald Leach n'est pas un nom pris au hasard, puisque c'est le patronyme réel de Cary Grant. Ce qui renvoie inévitablement au vrai nom de Cleese, dont le L est venu remplacer durant son adolescence un H embarrassant. Cette double filiation finit par éclairer le film, qui est une comédie largement basée sur l'embarras avec un homme pas taillé du tout pour l'aventure plongé au coeur des intrigues les plus folles... Et Cleese est par bien des côtés un acteur dans la prolongation de ce qu'était Cary Grant, un Anglais dont l'essentiel du travail s'effectue aux Etats-Unis... Archie Leach, l'avocat est pourtant Anglais jusqu'aux orteils, et le dit lui-même, rappelant souvent qu'il est pompeux, s'en excusant parfois. il est aussi d'un flegme rarement mis à l'épreuve, comm lors de cette scène ou il s'emporte, se déshabille pour Wanda, jusqu'à apparaitre nu, un slip kangourou sur la tête, face à une famille qui vient d'entrer dans l'appartement. La 'double take' de Cleese est ici la marque d'un métier impressionnant... Un métier qui le pousse aussi à participer à une cascade des plus impressionnates: il est ainsi suspendu au dessus du vide, tenu par les pieds par Kevin Kline, et maintient son flegme... Mais la scène a été éprouvante à tourner. Il y a un peu de masochisme dans l'Englishness de Cleese, ainsi malmené par les Américains. C'est la principale morale semble-t-il de cete comédie: les Anglais ont un grand besoin qu'on les secoue, et les aventuriers peu scrupuleux que sont Wanda et Otto sont la potion miracle...
Wanda, Jamie Lee Curtis, traitresse patentée qui s'apprête à trahir Otto après avoir trahi le reste de l'humanité, est une diablesse mue par l'appat du gain, mais elle finit semble-t-il par croire à son propre jeu; le personnage avait tout pour être dangereux, et Curtis s'en sort avec les honneurs, réussissant à slalomer entre les difficultés, passant de la duplicité à une véritable femme amoureuse, d'autant que son nouvel amant est riche, et surtout, parle Russe de façon convaincante durant les ébats; ce n'est pas le cas d'Otto, véritable psychopathe dont le péché mignon est de se jeter sur Wanda en lui sussurant des mots doux en Italien (en fait de la cuisine, mais c'est manifestement très érotique malgré tout); il est aussi capable de tout, et ressemble par moment à un Jean-Claude Vandamme sous acide: démangé par sa gâchette, vulgaire et agresif, le personnage irrésistible est sans doute l'un des rôles les plus volontairement surjoués de toute l'histoire; Kevin Kline ne se prive absolument de rien. Ken, le plus touchant des quatre principaux personnages, est donc bègue, et aime les animaux. Son bégaiement, joué de façon hystérique par Palin (Si je dis que c'est l'un de ses meilleurs rôles, je pense qu'on voit à quel point on atteint le sacré...), est la source d'une série de frustrations subies à cause d'Otto, qui va aussi lui faire une cour incessante, sans doute afin de réussir à obtenir des renseignements. Ken collectionne par ailleurs les poissons d'eau douce, dont le fameux Wanda, ce qui n'inspire que du dégout à Otto; celui-ci va donc utiliser les poissons pour obtenir de Ken, ligoté, la cachette du magot: il les mange, crus, les uns après les autres, finissant par Wanda... Autre source de frustration pour Ken, le fait d'être obligé de tuer le seul témoin qui puisse identifier George, une vieille dame qui possède trois Yorkshires; non que le fait de dessouder la vieille dame soit une gêne pour le truand chevronné qu'est Ken, mais à chaque fois, la victime de l'attentat est l'un des trois petits chiens, ce qui est trop pour le tendre bandit... on comprend qu'à la fin, Ken désire se venger à coup de rouleau compresseur sur l'insupportable Otto.
Bien que très planifié, le film a subi des changements en cours de production, qui ont gommé le côté vaguement nihiliste de l'intrigue, qui devait se finir sur un arrangement entre Leach et Wanda, pragmatique et dénué du moindre sentiment: désormais, les deux personnages d'aiment, ou du moins Leach a-t-il des sentiments. Le film n'en fonctionne que mieux... Et c'est un triomphe, de fait: une comédie qui fonctionne à tous les niveaux, dans laquelle le plaisir pris par les acteurs à se lâcher dans les limites du raisonnable, ou de l'intrigue, est diablement communicatif. Quant au titre, bien sur, on ne niera pas qu'il est soit inutile, faisant allusion à un poisson (Un genre d'animal dont le générique final assure qu'aucun d'entre eux n'a été maltraité durant le tournage); soit il est allusif, rappelant que si elle n'est pas un poisson, la Wanda de jamie Lee Curtis sait nager.
Pour conclure, nous nous contenterons de rappeler que l'Italien, c'est bien, mais le Russe est meilleur.
Un western! En 1985! Et
alors? Justement, en 1985, faire un western paraissait aussi risqué, voire financièrement suicidaire, qu'aujourd'hui, sinon plus. D'autant que l'équipe (Kasdan, mais aussi les acteurs de son
précédent film) se risquait pour la première fois sur ce tarrain. Si aujourd'hui on hallucine de voir ce brave Jeff Goldblum en joueur professionnel (Forcément pourri), on doit dire que Kevin
Kline, et surtout Scott Glenn, Danny Glover et Kevin Costner s'en sortent extrêmement bien... Et l'appétit de Kasdan et ses acteurs pour les grands espaces, réhaussé par une musique au premier
degré, très entrainante, fonctionne assez bien.
Alors d'ou vient cete impression de trop peu? Peut-être du fait que quoi qu'il arrive, rien dans ce film ne parvient à être
meilleur que son ouverture, absolument superbe: Scott Glenn dort dans une cabane, et est réveillé par l'intrusion de bandits. ilo les élimine les uns après les autres, sans ouvrir la vabane donc,
puis à la fin ouvre une porte sur ce qui est un paysage à couper le souffle... Si le mot fin avait été à cet endroit du film, on aurait un chef d'oeuvre, même s'il n'avait duré que trois minutes.
Hélas, le reste est conventionnel, longuet, et désespérément vide, contrairement aux films d'Eastwood de la même époque. Costner, depuis, a rectifié le tir avec deux films essentiels:
Dances with wolves et Open range.
Pour l'anecdote, le meilleur acteur de ce film, forcément, est John cleese. Ca s'appelle le génie.
29 ans après, ce film a bien vieilli. Certains aspects rappellent les années 80, et l’enthousiasme de Terry Gilliam a parfois laissé la place à des moments bâclés, et un peu ridicules. Qu’importe : le désir de cinéma du réalisateur, sa volonté de raffiner son art après deux longs métrages dont un en collaboration avec une bande de zozos incontrôlables, l’emportent largement sur les scories. Le film se place, beaucoup plus que Jabberwocky ou Monty python and the holy grail, en première place dans la continuité de l’œuvre, avec des résonnances dans trois autres films majeurs : Brazil, Les aventures du baron de Münchausen, et 12 monkeys. Trois réussites…
Kevin a des parents nuls, fascinés par la vie moderne au point de passer leur temps à utiliser, convoiter et se documenter sur des appareils (Grille-pain, mini-four, TV) qui forment leur univers. Pour autant, ils ne s’intéressent pas à Kevin, qui est pourtant fin et imaginatif. Celui-ci, passionné d’histoire et d’histoires, aperçoit une nuit un chevalier qui traverse sa chambre. Le lendemain, il se met à l’affut, mais cette fois ce sont des nains (6) qui sortent de son armoire : ils ont piqué à l’Etre suprême une carte du temps, et se présentent comme des bandits : ils vont dans le temps, voler des objets précieux (Ils ont d’ailleurs une Joconde dans leur sac !). Kevin s’associe à eux : tout, plutôt que de rester avec ses parents ! Il leur faut maintenant faire attention à l’Etre suprême, qui ressemble au Magicien d’Oz, et au génie du mal, qui convoite la carte du temps…
On est en pleine féérie, un peu à la façon du Legend de Ridley Scott paru peu d'années plus tard; mais là ou ce dernier était très sérieux dans le délire, et doté il est vrai d’un budget plus conséquent, Gilliam a laissé sa tendance naturelle et Montypythonesque au délire prendre le dessus; il faut dire que le scénario était signé de Michael Palin, autre Python, et de Gilliam soi-même. Hélas ! Aux trois-quarts du film, le délire visuel tend à prendre le dessus, et l’ennui pointe son nez au milieu de tout ce n'importe quoi. Le film représente bien sur une nette amélioration, tant sur Monty Python and the holy grail que sur Jabberwocky : le premier (Cosigné par l’autre Python, Terry Jones) soumettait son impeccable sens de la reconstitution et des costumes à un semblant de scénario dominé par des gags hilarants mais disjoints, et le deuxième laissait cette fois l’esthétique et la rigueur de la reconstitution prendre le pas sur les personnages et l’histoire ; cette fois, on a une histoire !
Le thème dominant de ce film est sans aucun doute le rêve, incarné par ce petit garçon, qui bien sur se retrouvera dans son lit à la fin (mais deux détails que je laisse découvrir lui permettront de savoir que le rêve n’en est pas vraiment un). Après Dennis Cooper, être distancié qui passe son temps à errer de ratage en anecdote incomprise dans Jabberwocky, Kevin est le deuxième héros rêveur de Terry Gilliam, mais pas le dernier; on retrouvera ce type de personnage qui éloigne son mal-être en révant tout éveillé, pour le meilleur (The fisher King, Münchausen) ou pour le pire (Brazil, 12 monkeys). Mais une autre des tendances typiques de Gilliam, c’ets de faire évoluer ses personnages dans un monde envahi par la bureaucratie. Cette manie très propre aux Monty Pythons, on la retrouve bien sur à son apogée dans Brazil, mais tous les films de Gilliam contiennent un ou plusieurs personnages, comptables tristes, fonctionnaires rances, qui sont là pour saper le bien-être des honnêtes gens. C’est d’ailleurs le sujet même de Brazil, et de Crimson’s permanent insurance, le court métrage réalisé par Gilliam qui ouvre le film The meaning of life… Disons, que cette tendance à l’excès fonctionnaire, est une caractéristique très Britannique, et qu’elle rapprocherait parfois Gilliam des libertaire, voire des « libertariens ». Chez lui, on a le sentiment qu’il faudrait un retour non à l’ordre, mais en tout cas à une société antérieure; plus Kevin remonte le temps, en compagnie de ses « bandits du temps », plus il se plait ; rencontrant Robin des bois (John Cleese), il est aux anges, et le roi de Mycène, Agammemnon, joué par Sean Connery, l’adopte. et il aimerait rester avec lui. Il ya aussi une forme d’escapisme dans cette volonté de partir à l’aventure, qui n’est pas sans rappeler la façon dont James Cole (Twelve monkeys), voyageant dans le passé pour prévenir un cataclysme, se prend à ne plus vouloir croire en l’imminence de la catastrophe, tant le monde auquel il est confronté lui parait plus beau que le nôtre.
Une autre constante de Gilliam qui apparait de façon très nette ici, c’est son hallucinante maitrise picturale, qui le pousse à la création d’images très fortes et qui hantent : en particulier, le géant qui sort de l’eau, portant un bateau sur la tête, écrasant négligemment une chaumière au passage, est dans la mémoire de ceux qui ont vu ce film.
Bref, sans être un chef d’œuvre, ce film est une introduction souvent drôle à l’univers d’un maître, alors en passe de transcender ses influences et de devenir le grand cinéaste qu’on s’est plu à voir en lui, jusqu’à ce que le film Fear and loathing in Las Vegas ne le discrédite à tout jamais aux yeux de la critique. On en appréciera la fantaisie, et les bouffées occasionnelles d’humour Pythonesque, en particulier assumée par les apparitions drôlatiques d’un couple qui, sans aucune bonne raison, traverse les siècles : Michael Palin et la délicieuse Shelley Duvall. Ils sont irrésistibles.