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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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7 mars 2017 2 07 /03 /mars /2017 14:07

C'est paradoxal: après l'avoir vu hier, je n'ai finalement pas la moindre idée de ce qui est contenu dans le script de ce film... Il semble qu'il y soit question, dans une histoire qui est finalement assez proche du type de mélodrames de luxe qui ont rendu Erich Von Stroheim à la fois célèbre et maudit, d'une histoire d'amour entre une femme du peuple et un soldat issu de l'aristocratie, dans le Vienne du tournant du XXe siècle. Mais là où Stroheim aurait probablement voulu (Ou prétendu, il y a une nuance) recréer l'Autriche dans ses moindres détails, Sternberg utilise lui des moyens de tricherie plus élaborés, et le film était certainement un jalon important dans la carrière du metteur en scène de Dishonored, Shangai Express ou The Scarlet Empress.

Etait, parce qu'il est perdu.

Sauf pour quatre minutes superbes, qui sont d'autant plus frustrantes qu'elles sont conservées dans des conditions extrêmement rares: il suffit au hasard de comparer ces images superbes avec les passages de Metropolis retrouvés en 2008 dans une abominable copie contre-typée en 16mm, ou encore les fragments restants (Et nettement plus substantiels, car ils totalisent, eux, près d'une heure) de The river de Frank Borzage... L'épisode contenu dans ces quatre minutes voit la jeune Lena (Esther Ralston) à une fête foraine, et assister à divers numéros enchaînés dans un tourbillon d'images. Puis elle est repérée par un jeune officier, puis...

Puis c'est tout.

Hélas.

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Published by François Massarelli - dans Muet Josef Von Sternberg 1929 film perdu *
8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 17:05
The scarlet empress (Josef Von Sternberg, 1934)

Dans la guéguerre pour le prestige orchestrée à coup de publicité par les deux studios concurrents qu'étaient la MGM et la Paramount, j'ai souvent choisi mon camp: pour la MGM et Garbo, contre la Paramount et Dietrich. Parce que voilà, elle a joué dans des films formidables, mais je n'aime pas Dietrich. Et Sternberg parlant ne m'intéresse pas énormément, surtout ne navet insupportablement kitsch et ridiculement lent qu'est L'ange bleu. Et surtout, elle chantait... Du moins elle essayait, la pauvre.

Mais ce film, c'est vraiment différent... Jusqu'où The scarlet empress était-il une réponse de la Paramount à la MGM, de Dietrich à Garbo, de Sternberg à Mamoulian, je ne le sais pas, mais il venait une année après Queen Christina, déjà un film sur le pouvoir (et la solitude forcée qui en découlait), et déjà un film qui ne se privait pas d'étaler, avec élégance, des conduites qui devaient certainement être immorales aux yeux circonspects des plus puritains des Américains. Mais le film de Sternberg enfonce joyeusement le film de Mamoulian, à tel point qu'on pourrait lui attribuer une grande part du retour programmé de la censure avec le renforcement du code Hays qui se profilait à l'horizon...

Nous faisons la connaissance de la jeune Princesse Sophie Friederike Auguste von Anhalt-Zerbst-Dornburg, une petite Allemande destinée à être un jour l'épouse d'un prince Russe. Elevée dans les contes formidables mais morbides des grands monarques et empereurs Russes, elle doit un jour quitter son pays pour rejoindre Moscou, à la demande de l'impératrice Elizabeth (Louise Dresser) qui la destine à épouse son neveu Pierre, futur Tsar (Sam Jaffe). ce dernier n'aura aucun intérêt pour elle, préférant passer du temps à jouer au soldat, ou en compagnie d'une autre. Elle va vite trouver à se consoler. Mais à la mort de l'impératrice, Pierre prend le pouvoir, et s'aliène non seulement son épouse, mais aussi l'armée... Un coup d'état menace...

Louise Dresser, en 1925, était Catherine II dans The eagle de Clarence Brown: une impératrice qui savait déjà ce qu'elle voulait, à savoir passer du temps en compagnie des jeunes officiers de sa garde impériale, contre leur gré d'ailleurs. On pourrait aisément imaginer, à la fin de ce film, une impératrice Dietrich qui assoirait sa domination de cette façon, mais pour l'heure le film est un conte cruel surprenant, adulte, dans lequel une jeune femme préparée sans le savoir par les histoires sadiques qu'on lui racontait à l'heure du coucher, devient la toute-puissante impératrice de Russie. Si Garbo-Christine vacillait puis abdiquait par amour, Catherine triomphe en décidant se débarrasser de ses sentiments, et en laissant libre cours à ses appétits. le sexe, bien sur, et le pouvoir vont ici de pair, et les hommes vont apprendre à affronter bien meilleure qu'eux à ce petit jeu...

Sternberg est sans doute à son apogée baroque ici, avec ces images étranges, tournées dans des décors envahissants et qui tous renvoient à la fois au sexe, à la religion et au sadisme: des sculptures d'hommes difformes, chargées, figés en des gestes à la fois religieux et profanes, et des lumières qui proviennent de partout, projetant de nombreuses ombres. Et à plusieurs reprises, le film s'emballe, dans des montages délirants qui mêlent des images semblant venir de partout. En particulier, bien sur, pour les images les plus dures à supporter pour la censure, qui en quelques plans, dénoncent les turpitudes les plus hallucinantes imposées à leurs sujets (Surtout les femmes) par les grands empereurs qu'étaient Pierre le Grand et Ivan le Terrible: décapitations, tortures diverses. Le plus fou, c'est qu'on ait laissé passer ces images, comme on a laissé passer le fameux bain de Tarzan et Jane dans Tarzan and his mate! Mais en guise prologue pour le plus extravagant des films de Sternberg, c'est tout à fait approprié. D'autant que ces horreurs sont sciemment fondus et enchaînées avec une séquence durant laquelle l'encore innocente Sophie Friederike Auguste von Anhalt-Zerbst-Dornburg fait de l'escarpolette... Cette juxtaposition, bien sur, entre les horreurs qui ont gavé son imaginaire et son apparente innocence n'est pas un hasard de montage. Le film n'aura jamais la moindre tentation de donner à l'héroïne une quelconque excuse de vouloir participer à cette quête horrifique du pouvoir, dont il suggère qu'elle l'assoira par le sexe, et le maintiendra par la terreur...

Quant au reste, c'est probablement de l'histoire, ça n'a donc que peu d'intérêt dans cette discussion.

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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Pre-code
4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 18:50

Dernier des films muets disponibles de Sternberg, Docks of New York fait partie de ces nombreux films passés inaperçus, justement parce qu'ils étaient muets, à l'époque ou on allait voir n'importe quoi du moment qu'on y parle. Et comme beaucoup de films de cette miraculeuse année, il est devenu un classique. A voir pour la poésie crapuleuse, peuplée et fêtarde, de ces bouges portuaires, pour l'éclosion d'une incroyable histoire d'amour entre un gros baraqué et une fragile petite dame suicidaire, et bien sur pour la science de l'image qui transforme, comme dans les autres muets de Sternberg, absolument tous les plans en des photographies sublimes.

George Bancroft y incarne Bill Roberts, un soutier, bien décidé à prendre du bon temps pour son seul jour à terre. En route pour un bar à marins qu'il connait, il sauve une jeune femme de la noyade, qui s'était délibérément jetée à l'eau: c'est Betty Compson, qui incarne Mae. Son prénom n'est connu que pour un intertitre qui est situé vers la fin du film, mais la jeune femme va promener son spleen du début à la fin de l'intrigue, partagée entre trois sentiments difficilement compatibles: une véritable reconnaissance pour Bill, non parce qu'il l'a sauvée, mais bien parce qu'il lui témoignera de l'intérêt; ensuite, elle manifeste une méfiance à l'égard de tout et tous, en particulier Bill! Celui-ci prétend vouloir se marier avec elle sur le champ, ça ressemble surtout à un rituel sexuel plus qu'autre chose et elle n'est pas dupe... Le pasteur qui fait l'office (Gustav Von Seyffertitz) non plus, du reste. Le troisième de ces sentiments, c'est une certaine envie de croire en une chance, ce qui lui fait tenter de voir au-delà des apparences, un futur possible avec Bill. Aussi, quand celui-ci part le lendemain matin, elle manifeste une certaine tendresse... avant de le jeter dehors sans ménagements!

Le film est construit sur deux journées, et peu d'ellipses s'y retrouvent. La principale est la nuit d'amour, qu'on devine torride: Quand Bill se lève, la jeune femme reste à dormir au lit, et il cherche dans sa poche de l'argent. il laisse un billet sur la table de nuit, puis se ravise... et, l'air admiratif, en ajoute un deuxième! Le film ne prend pas de gants avec le milieu qu'il nous dépeint... On est dans un film d'inspiration très européenne. Et au fait, c'est intéressant de constater qu'à l'approche du parlant, de nombreux films à vocation "artistique" se sont tournés vers New York: celui-ci est donc dans une catégorie qui inclut également Speedy d'Harold Lloyd, The Crowd de Vidor, et Lonesome de Fejos. Pourtant, hormis quelques plans quasi-documentaires d'entrée ou de sorties de bateaux dans le port, tout le film ou presque se passe sur les docks, dans les chambres situées dans les environs du bar fréquenté par tous ces gens. Le mariage qui y a lieu est une scène fabuleuse, dans laquelle la poésie la plus inattendue s'installe dans un lieu qui n'y est pourtant pas propice... Les matelots ivres y dansent avec les filles, et Bill y séduit, à sa façon, Mae, avant de rendre la décision (Sans vraiment la consulter) de l'épouser. Et la volonté tranquille du marin, certes éméché, finit par la persuader de ne pas trop s'y opposer... mais la conscience veille: Olga Baclanova incarne dans ce film un personnage extraordinaire de fille qui a du faire face à la faillite d'un mariage avec un homme de la mer, et elle prévient les deux amoureux d'un soir qu'ils font une bêtise.

Pourtant le film, qui commence presque par une scène dans laquelle une femme se jette à l'eau, est aussi et surtout la naissance d'un amour. Un amour qui passera par des gestes tendres, des actes simples mais clairs dans leur signification, et culminera dans une scène finale, celle d'un autre être humain, Bill cette fois, qui se jette à l'eau, aussi bien pour de vrai, que symboliquement (Naissance de l'amour, enfin pour lui, du moins prise de conscience de ses sentiments), qu'au figuré: il se "jette à l'eau", et va enfin assumer d'être marié. Supérieurement photographié par Arthur Rosson qui doit composer des images et régler des lumières pour le metteur en scène le plus doué en ces domaines, et s'en tire avec brio, The Docks of New York est une merveille un film qui ne vous propose rien d'autres que ce qu'il vous montre, et qui vous le montre avec une poésie à tomber par terre. Pourtant vous ne vous ferez pas mal.

 

The docks of New York (Josef Von Sternberg, 1928)
The docks of New York (Josef Von Sternberg, 1928)
The docks of New York (Josef Von Sternberg, 1928)
The docks of New York (Josef Von Sternberg, 1928)
The docks of New York (Josef Von Sternberg, 1928)
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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Josef Von Sternberg Criterion **
29 février 2016 1 29 /02 /février /2016 16:23

Jonas Sternberg, pas plus Von que moi, savait ce que le déguisement, ou son équivalent l'uniforme, peuvent faire à un homme. Jannings, vedette Allemande du film de Murnau Le dernier des hommes, qui traitait précisément des effets de la perte d'un uniforme sur un vieil homme, le savait aussi. Cette fable noire et souvent tragique est basée sur l'industrie de l'illusion à Hollywood; un réalisateur voit arriver un jour sur son film un figurant qui n'est autre que l'homme qui l'a arrêté en Russie, en pleine révolution. L'un et l'autre ont aimé la même femme, et le réalisateur va se repaître de l'inversion des rôles: il est désormais en position de force. L'un des premiers films majeurs basé sur un flash-back, The last command est aussi un chef d'oeuvre tout court, absolument envoûtant.

L'histoire commence à Hollywood en 1928, une première façon de brouiller les pistes. L'action principale est concentrée sur une journée... Un réalisateur d'origine Russe, Leo Andreyev (William Powell) prépare un film sur la Russie, et a besoin de figurants qui fassent aussi Slaves que possible. On est dans l'univers des Stroheim, des Sternberg aussi, ces réalisateurs démiurges qui poussaient en apparence le bouchon de l'ultra-réalisme ou de l'illusion aussi loin que possible pour arriver le plus souvent sur le baroque le plus absolu. Andreyev est un homme important, ses assistants sont des yes-men, et ça finit par l'ennuyer: l'expression qui se lit sur son visage devant l'armée de briquets tendus par ses subordonnées lorsqu'il sort une cigarette de son étui est sans équivoque... Parmi les photos de figurants et d'acteurs de second plan qu'il examine, Andreyev repère une tête connue, et demande à ce qu'on convoque l'acteur: c'est Serge Alexandre (Emil Jannings), un vieil homme un peu lent, dont le tremblement de tête est permanent, à la grande irritation des gens qui travaillent avec lui. Il vit chichement dans une de ces innombrables pensions d'artistes qui peuplent le vieux Los Angeles, et va se rendre à son rendez-vous. Imperceptiblement, le film est passé d'un de ses personnages principaux à l'autre...

C'est durant la phase de maquillage que le personnage de Serge Alexandre se révèle. Il est fort différent des autres acteurs et figurants, qui braillent, jurent, s'invectivent. Lui est posé, et presque absent, lent dans ses gestes, et... hanté. Il sort de sa veste un paquet qui contient une médaille, qu'il accroche ensuite à son uniforme. Mais les autres se moquent de lui et de son air hagard, et il explique que son bijou lui a été donné par le Tsar lui-même. Ce qui n'arrange rien, bien sur... On lui fait remarquer que son tremblement est irritant, il répond qu'il a subi un choc, et qu'il n'y peut rien.

Est-ce la médaille, ou le traumatisme d'être moqué et incompris, ou le décalage entre lui et les hommes qui l'entourent, tous issus d'un milieu populaire, ou tout simplement le fait d'avoir face à lui un miroir qui lui renvoie une image piteuse de lui-même? Quoi qu'il en soit, le flash-back qui représente le coeur du film est situé à cet instant précis, et va se dérouler sans interruption pour les quarante minutes suivantes. 1917: Serge Alexandre est un général important, il est l'un des cousins du Tsar, et il est en charge d'une troupe importante. Il doit aussi veiller à la contestation qui enfle, entre les remous des agitateurs communistes civils, et la grogne des soldats engagés dans une guerre dont ils ne veulent décidément pas... Et en prime, il en a assez de devoir jouer au petit soldat pour le plaisir des huiles qui viennent de la capitale, ainsi doit-il mettre ses soldats, par ailleurs engagés dans un conflit crucial, en rangs d'oignon pour le contentement de son cousin le Tsar qui vient les passer en revue. Or, le général sait qu'il n'y pas pas de temps à perdre, si la guerre est perdue, ce sera la révolution, et le chaos. Bref, pour un soldat de la vieille aristocratie blanche, Serge Alexandre est un homme évolué, fin et surprenant... Et en ce jour, il accueille un certain nombre d'agitateurs ou supposés tels, parmi lesquels Leo Andreyev, et sa maîtresse la belle Natalia Dabrova (Evelyn Brent). Acteurs, ils ont été appréhendés parce qu'ils sont surtout soupçonnés de prêcher ouvertement la révolution. Andreyev est jeté en cellule avant d'être déporté vers l'Est, et Serge Alexandre garde littéralement Natalia pour lui. Ce sera à la fois sa perte et son salut, car entre la belle révolutionnaire mystérieuse et le vieux général blanc, le coup de foudre sera spectaculaire...

On attendait de cet extraordinaire flash-back, qui nous amène par le cinéma d'une représentation des coulisses de l'usine à rêves, à une reconstitution magnifiquement plastique de la Russie confrontée à l'urgence dramatique de 1917, une confrontation entre le révolutionnaire ombrageux, et le général Russe blanc. Il n'en sera rien, pas plus que dans leur rencontre sur le plateau, l'un devenu metteur en scène, l'autre figurant et moins que rien, dans une inversion radicale des rôles. D'une certaine façon, Sternberg nous donne suffisamment d'indices pour nous indiquer qu'ils sont un seul et même homme, ou en tout cas similaires, mais à des moments différents., Si confrontation il y a, c'est essentiellement entre le général et la femme, qui vont s'aimer dans des fulgurances aussi délirantes que ne sont les circonstances. Et ce qui amènerait éventuellement les deux hommes de 1928, derniers survivants du drame qui s'est joué en Russie, à un conflit, c'est plus l'image de la femme et des circonstances dans lesquelles elle a été perdue, que la différence d'opinions. Et le vieux général, auquel son désormais supérieur donne une mission, celle de s'incarner lui-même dans une reconstitution du choc frontal qu'il a eu avec la révolution onze années auparavant, va s'acquitter de sa tâche avec une telle fougue, une telle énergie du désespoir, une telle passion, que... Non, il va falloir le voir, je ne peux vous le révéler. Disons que dans le Hollywood du film, plus vrai que le vrai, reconstitué avec ironie et rigueur par Sternberg (qui s'est représenté dans plusieurs personnages, ici, c'est évident), on s'en souviendra du passage de Serge Alexandre, l'obscur figurant qui tenait tant à mettre ses médailles au bon endroit... Un grand acteur, ça oui. Même plus: un grand homme, tout bonnement. Comme Jannings, dont ceci est l'unique film Américain survivant, et franchement, c'est dommage qu'on ne puisse désormais mettre la main sur aucun des autres, celui-ci est hallucinant.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Josef Von Sternberg Muet Criterion **
20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 17:08

Un peu d'histoire pour commencer...

La carrière de réalisateur de Sternberg a commencé avec The Salvation hunters (1925), un film que d'aucuns pourraient qualifier d'expérimental, voire d'amateur. Les "stars" en étaient George K. Arthur et Georgia Hale (The gold rush), ce qui explique peut-être le soutien de Chaplin: c'est par le biais de United Artists que le film est distribué nationalement. Le film conte les "mésaventures" de marginaux dans une zone portuaire, et permettra à Chaplin de proposer à Sternberg de démarrer une collaboration. Le film produit par Chaplin et mis en scène par Sternberg s'appelait The woman of the sea. Projeté une fois, jamais sorti, le film a-t-il déplu à son éminent producteur? Edna Purviance, tournant un film sans la direction de son mentor, a-t-elle déplu? Sterberg a-t-il déçu Chaplin? Le film a été détruit, devenant probablement un graal particulièrement important auprès de million de rêveurs... Echoué à la MGM, Sternberg aurait fini seul un seul film, The exquisite sinner... et encore, on parle de retakes effectuées par un tiers. En tout cas ce film d'aventures romantiques a déplu à la hiérarchie et entraîné le renvoi du metteur en scène de son film suivant, The masked bride... C'est donc à la Paramount que Sternberg va trouver un studio qui le laisse déployer sa vision. Il va aussi parfois être amené à travailler sur les films des autres: It, de Clarence Badger, par exemple, ou encore le montage de The honeymoon, deuxième partie de The wedding march... Mais le principal effet de son arrivée à la Paramount, c'est bien sur qu'il va être choisi pour tourner Underworld, qui s'annonce comme un film important pour le studio.

Le film conte les aventures d'un bandit, Bull Weed (George Bancroft) et la façon dont ses ennuis s'accumulent lorsqu'il prend sous son aile un ivrogne, rebaptisé "Rolls Royce" (Clive Brook). A son service, Rolls Royce est d'une fidélité inattaquable à son mentor, mais Bull ne peut s'empêcher d'être jaloux lorsque il voit que sa petite amie Feathers (Evelyn Brent) développe une amitié profonde avec son protégé. Et cette jalousie, par un enchaînement compliqué, va précipiter sa chute: suite à l'assassinat sauvage d'un autre gangster, Bull est condamné à mort. Rolls Royce et Feathers, partagés entre la fidélité à Bull et le fait de pouvoir enfin vivre leur idylle à l'air libre, vont-ils faire quoi que ce soit pour empêcher sa mort?

Ce qui est frappant dans Underworld, c'est la façon dont le metteur en scène semble opérer, cherchant à la fois des moyens abstraits de rentrer dans le vif de son intrigue, et des moyens de faire du sens avec ce qui normalement n'apparaît pas au premier plan. Une sorte de don absolu pour l'utilisation du détail, qui se manifeste dans chaque plan ou presque: par exemple, l'apparition de Feathers dans le film se fait en trois temps; dans la rue, la caméra s'amuse à suivre quelques chats errants qui fouillent dans les poubelles, puis s'attache à suivre un chat blanc, à l'allure nettement moins miteuse, qui va entrer dans un immeuble. On coupe ensuite vers un plan de Feathers, qui vient d'entrer dans l'immeuble en question, et vérifie sa tenue: ses bas, puis les plumes qu'elle porte à sa robe (D'où son surnom). Troisième plan: une plume s'est détachée et tombe au sous-sol, où elle est ramassée par "Rolls Royce" qui fait le ménage, et lève la tête pour voir d'où vient cette plume. Les deux futurs amants ne s'étaient pas encore rencontrés...

Le metteur en scène semble attaché à inventer toute une grammaire d'effets visuels, et utilise à merveille l'ombre et la lumière, la fumée aussi, et l'essentiel du film se tient, bien sûr, dans des scènes nocturnes. Sternberg, un peu à la façon d'un Michael Curtiz, mais sans doute avec un rien plus de subtilité, convoque les ombres de ses personnages pour composer des plans saisissants, à la fois irréalistes et hyper-efficaces. Il en use non seulement pour l'atmosphère, pour étendre le champ d'action de ses personnages, mais aussi pour jouer sur le suspense et la menace qui pèse sur ses héros. Surtout, le film ne s'aventure jamais dans le schéma habituel du bien et du mal, préférant jouer sur la notion de décence et de loyauté interne au code des gangsters, ainsi que sur le romantisme des personnages, dans un triangle amoureux qui jamais ne devient sordide...

Bref, Underworld, c'est l'invention du film de gangsters: Enorme succès, largement mérité, ce film est non pas l'ancêtre du film noir, il en est la naissance! Indispensable.

 

Underworld (Josef Von Sternberg, 1927)
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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Muet Gangsters 1927 Criterion **
29 octobre 2013 2 29 /10 /octobre /2013 22:21

On est bien peu de choses... En 1931, la Paramount et la MGM se livrent une lutte acharnée pour la suprématie du cinéma que l'on se devra de qualifier de sophistiqué, un mot qui veut tout, et rien dire en même temps... Aux premières loges, Garbo et Dietrich, les deux femmes aux vies sexuelles aussi mystérieuses que perturbantes, aussi floues que permissives, et pour les servir, des films qui sont autant d'écrins...

A ce stade, Marlene Dietrich gagne au moins sur deux tableaux: D'une part, la Paramount croit en elle, et d'autre part, elle est protégée par son amitié et son exclusivité pour le réalisateur Sternberg, pas Garbo, qui n'a pas pour elle de réalisateur attitré, et doit se fier uniquement à sa chance. Elle n'en a d'ailleurs pas beaucoup en 1931: c'est l'année de Mata Hari, de George Fitzmaurice. Pas un chef d'oeuvre, non, mais un film, disons, notable...

Mais la réaction de la Paramount est plus qu'intéressante: Sternberg met en chantier un film qui, de véhicule un peu impersonnel (Une espionne Autrichienne se meurt d'amour pour l'homme qu'elle a suivi et qui a failli la faire arrêter, elle lui permet de s'évader en pleine guerre, et va devoir répondre de son acte), se mue en tragédie érotique: Marlene Dietrich semble vivre pour Victor McLaglen un amour exclusif, malsain, qui exclut toute autre considération, aidée par la mise en scène exceptionnelle de Sternberg.

Ce dernier laisse comme deux ou trois ans auparavant, avant le grand cataclysme du parlant, parler l'image autant que possible, dans des scènes qui brillent autant pour leurs non-dits que pour le baroque qui s'y déploie; une fête où tout le monde est masqué, par exemple, voit les protagonistes (Dietrich, McLaglen, Warner Oland) ne communiquer que par gestes... et pas serpentins. La lenteur calculée, sensuelle et fataliste, mène immanquablement à la tragédie: le film s'achève, bien sûr, sur une exécution inoubliable. Un dénouement dans lequel le cinéaste abat, de façon inattendue, une carte pacifiste, provoquée par l'affection d'un jeune sous-officier pour celle qu'il a pour mission de tuer...

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Josef Von Sternberg
2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 11:42

En fait, les quatre films dont il va principalement être question ici sont les derniers survivants de l'oeuvre muette du metteur en scène. On a beaucoup de chance de les avoir, mais on ne peut pas se réjouir de la perte d'autres films, et non des moindres, apparemment... C'est la raison pour laquelle je mentionne aussi les autres.

 

   

Salvation hunters (1925)

La carrière de Sterberg commence avec un film que d'aucuns pourraient qualifier d'expérimental, voire d'amateur. Les "stars" en sont George K. Arthur et Georgia Hale (The gold rush), ce qui explique peut-être le soutien de Chaplin à un film qui très honnêtement ne le vaut pas. C'est par le biais de United Artists que le film est distribué nationalement. Statique, prétentieux, le film conte les "mésaventures" de marginaux dans une zone portuaire, et il faut souffir pour le voir... il faut bien commencer par quelque chose! le film permettra à Chaplin qui lui a vu plus que moi (Avec raison) dans le film de proposer une collaboration avec Sternberg...

 

The seagull  / Woman of the sea (Perdu) (1926)

Projeté une fois, jamais sorti, le film a -t-il déplu à son éminent producteur? Edna Purviance, tournant un film sans la direction de son mentor, a-t-elle déplu? Sterberg a-t-il déçu Chaplin? Le film a été détruit, devenant probablemnt un graal particulièrement important auprès de million de rêveurs...

 

The exquisite sinner(Perdu)  (1926)

Echoué à la MGM, Sternberg aurait fini seul un seul film, celui-ci... et encore, on parle de retakes effectuées par un tiers. en tout cas ce film d'aventures romantiques a déplu à la hiérarchie et entrainé le renvoi du metteur en scène de son film suivant, The masked bride...

 

Underworld  (1927)

C'est donc à la paramount que Sternberg va trouver un studio qui le laisse déployer sa vision. Il va aussi parfois être amené à travailler sur les films des autres: It, de Clarence Badger, par exemple, ou encore le montage de The honeymoon, deuxième partie de The wedding march...

L'invention du film de gangsters, lorsqu'un scénario échoue à la Paramount, et qu'en désespoir de cause le film est confié à un quasi-débutant qui décide de jeter toute notion de réalisme aux orties, de privilégier l'atmosphère, l'image, le style quoi! Enorme succès, largement mérité, ce film est non pas l'ancètre du film noir, il en est la naissance! Indispensable.

 

The last command(1928)

Jonas Sternberg, pas plus Von que moi, savait ce que le dégiusement, ou son équivalent l'uniforme, peuvent faire à un homme. Jannings, vedette Allemande du film de Murnau Le dernier des hommes, qui traitait précisément des effets de la perte d'un uniforme sur un vieil homme, le savait aussi. cette fable noire et souvent tragique est basée sur l'industrie de l'ilusion à Hollywood; un réalisateur voit arriver un jour sur son film un figurant qui n'est autre que l'homme qui l'a arrêté en Russie, en pleine révolution. L'un et l'autre ont aimé la mmême femme, et le réalisateur va se repaître de l'inversion des rôles: il est désormais en position de force. l'un des premiers films majeurs basé sur un flash-back, The last command est aussi un chef d'oeuvre tout court, absolument envoûtant.

 

The dragnet (perdu)(1928)

L'expérience de Underworld avait porté ses fruits, et un autre film de gangsters s'imposait. il parait qu'il était excellent...

 

The docks of New York(1928)

Dernier des films muets disponibles de Sternberg, Docks of New York fait partie de ces nombreux films passés inaperçus, justement parce qu'ils étaient muets, à l'époque ou on allait voir n'importe quoi du moment qu'on y parle. Et comme beaucoup de films de cette miraculeuse année, il est devenu un classique. A voir pour la poésie crapuleuse, peuplée et fêtarde, de ces bouges portuaires, pour l'éclosion d'une incroyable histoire d'amour entre un gros baraqué et une fragile petite dame suicidaire, et bien sur pour la science de l'image qui transforme, comme dans les autres muets de Sternberg, absolument tous les plans en des photographies sublimes.

 

The case of Lena Smith (perdu) (1929)

Encore un film qui a tout d'une grosse perte. régulièrement, des rumeurs font état de la découverte de fragments... peut-être qu'un jour...

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Published by François Massarelli - dans Muet Josef Von Sternberg
14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 09:10

Dire de Jet pilot qu'il s'agit d'un film de Sternberg, c'est un peu comme attribuer Gone with the wind à Victor Fleming: on sait que Sternberg y a travaillé, oui, on en a un peu le sentiment devant certaines scènes, mais pour le reste... Comment le réalisateur maudit en est-il venu à travailler pour l'aviateur autocrate Howard Hughes, on peut bien sûr se poser la question, mais la réponse viendra vite: il faut bien manger. non qu'a priori réaliser une comédie sur les rapports tendus entre l'Est et l'Ouest dans les années 50 soit une mauvaise idée, bien au contraire, et on se rappelle de Lubitsch et de son Ninotchka...

Justement: Jet pilot fait parfois penser à Ninotchka, dans son déroulement: il raconte le passage à l'ouest d'une pilote soviétique (Janet Leigh), qui atterrit dans les bras de John Wayne, avant de se révéler une espionne. Le film tourne autour de la séduction, érotique, mais aussi idéologique. Puis de Ninotchka on passe à Comrade X, puisque les deux amoureux s'épousent, et passent à l'Est, où John Wayne pourra sans difficultés aucune démontrer à Janet Leigh que l'Ouest, c'est mieux. L'eau chaude dans les douches, la viande en abondance, tout y passe...

Bien qu'il soit question des amours d'une espionne, ne cherchons pas à comparer ce film à Dishonored, on en est loin. Mes comparaisons avec Ninotchka (Lubitsch, 1939) et son imitation Comrade X (Vidor, 1940) sont tout autant déloyales: ce film n'a ni queue ni tête, et il faut je le pense, le prendre pour ce qu'il est: un mélange hallucinant de comédie sentimentale après tout charmante, relevée de l'érotisme évident d'une actrice, vue aussi souvent que possible en petite tenue dans des plans sensuels... Le film fait aussi, afin d'accentuer l'aspect de comédie, appel à la bande-son: la première apparition de Janet Leigh est accompagnée quand John Wayne et deux copains la voient, du son de trois jets, un par gros plan de réaction des trois balourds Américain... ce qui est un peu gros mais aussi assez drôle. Sinon, un baiser s'accompagne du son de la viande qui frit, ce qui devient asses lourd.

Patrick Brion impute l'aspect "séduction" à Sternberg, comme il est de coutume (d'une part il savait faire, mais aussi, il est de notoriété publique qu'il a été appelé à la rescousse pour "érotiser" Duel in the sun, par exemple), mais il faut rappeler The outlaw, et l'obsession mammaire de Howard Hughes, le tout accompagné d'un message idéologique qui en appelle à ce qui est considéré comme l'évidence, et de scènes d'aviation, parfois longues, très longues, qui donnent lieu à des dialogues amoureux très techniques (Alors là, tu abaisses le levier, et puis tu fais un looping -Oh, comme tu es fort!). Bref, un joyeux n'importe quoi, qu'on peut attribuer à qui bon nous semble, et dont les trois quarts ont attendu dans des cartons pendant 7 ans avant de sortir, puisque le film est resté longtemps inachevé (en fait, on date le début du tournage par Sternberg à 1949). Comme Hell's angels (1930), quoi.

...Oui, c'est bien un film d'Howard Hughes.

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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg John Wayne