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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 16:29

"Why not call it Joe Mankiewicz's western?", aurait dit le metteur en scène à ses producteurs afin de résoudre le problème du titre de ce film... There was a crooked man commence par un générique assez typique des années 70, dans lequel des illustrations westerniennes à la fois traditionnelles dans leur imagerie, et modernes dansleur style psychédélique accompagnent les crédits alors qu'une chanson folk se fait entendre... Dès le départ, le film se situe entre traditions western et parodie. Le scénario de cet avant-dernier film de Mankiewicz est crédité à David Newman et Robert Benton, et le film ne possède pas de dialogues ouvragés coutumiers du cinéaste; mais par contre, celui-ci reprend le thème de la manipulation, et le cynisme généralisé du film lui convient plutôt bien...

Paris Pitman Jr (Kirk douglas) et un certain nombre d'autres malfrats (Deux petits escrocs, un jeune homme qui a tué le père de sa petite amie par erreur, un Chinois qui en a tué un autre, et un braqueur) se retrouvent dans une prison de l'Arizona, un trou infect. Après quelques semaines, le directeur tué par un prisonnier lors d'une émeute est remplacé par un ex-shériff (Henry Fonda), incapable de reprendre ses activités suite à une rencontre avec le braqueur précité, Floyd Moon (Warren Oates); ce nouveau directeur, humaniste et rigoureux, a à coeur de changer les méthodes de direction de la prison afin de responsabiliser les détenus, et en faire des exemples; il croit pouvoir se fier à Pitman, qui va jouer le jeu tout en lançant un ambitieux plan d'évasion.

Dès le départ, on a une idée de ce qui sera le destin du personnage principal, qui peu de temps avant de se faire épingler, a planqué son magot dans un trou de serpents à sonnettes, ce qui du reste donne au film son titre Français. Paris Pitman est un anti-héros particulièrement tordu, qui n'hésite pas à se débarrasser de tous ses complices pour réussir son évasion, mais le Shériff de Fonda, sans être le même Henry que dans Il était une fois dans l'ouest, n'est pas jusqu'au bout le modèle de vertu affiché durant une bonne part du film: dès sa première apparition, en fait, lorsqu'il se rend dans la chambre d'une prostituée pour lui faire quitter la ville; elle lui offre un tour de manège gratuit, qu'il refuse. Mais il finira par se rendre compte que sa chevalerie et son austérité sont décidément bien vieux-jeu. D'ailleurs, le film nous montre un Mankiewicz qui a fait peau-neuve, appelle désormais un chat un chat: Pitman se fait pincer dans un bordel, en pleine activité alors qu'une des victimes de ses rapines est de l'autre coté du mur à le reluuquer, puis le reconnait; Coy, le jeune condamné à mort, se fait pincer pour meurtre après avoir failli avoir des rapports avec une jeune délurée sur une table de billard; enfin, les deux escrocs (John Randolph et le vieux complice Hume cronyn) sont un couple homosexuel qui passe son temps à se disputer de façon fort caricaturale...

Le film souffre un peu de venir après que le public se soit fait à des films de prisonniers, comme Stalag 17 ou The great escape. Y compris le personnage de William Holden dans le film de Wilder, tous les protagonistes de ce genre de film doivent avoir quelque chose de solide au bout; mais les manigances pas très catholiques de Pitman ne le rendent pas extrêmement sympathique aux yeux du public; et l'impression d'ensemble, à l'exception de Coy, C'est que tous ces gens, prisonniers ou gardiens sont trop vieux, qu'ils ont cessé d'imprimer la légende de l'ouest, à l'image de Fonda qui envisage manifestement le job de directeur de prison comme un passe-temps utile en attendant la retraite; on note ce motif dès l'apparition de "Missouri Kid", la légende de l'ouest, qui lorsqu'il apparaît est en fait le plus vieux des vieillards de toute la prison.

Film pour continuer à exister, ou pour prouver qu'il était encore capable de suivre la mode, ce western bien peu traditionnel, mais dont le postérieur est sérieusement rivé entre deux chaises n'est pas un grand Mankiewicz. il est distrayant toutefois, parfois embarrassant par ses fausses audaces, mais on se dit que Mankiewicz n'était sans doute pas taillé pour le western, un genre dont les codes décidément ne lui conviennent pas.

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz Western
5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 09:36

Après la sortie de Cleopatra en 1963, Mankiewicz est au plus mal: épuisé par un tournage délirant, mal à l'aise face à la somme de compromissions que le film représente, dépité devant le peu de lui-même qu'il estime rester dans le film fini, et probablement encore plus déprimé par le sort commercial peu glorieux du film.... The honey pot, dans ces conditions, représente la tentative par le cinéaste de reprendre le pouvoir, et s'il n'est pas un très bon film hélas (Qui a ses adeptes, par ailleurs), il est aussi en décalage par rapport à la période. The honey pot, tout en intégrant une part de la liberté de ton alors en vigueur, semble malgré tout en sérieux décalage face à un Hollywood gagné par la contestation, qui s'apprète à aborder le cas du Vietnam, à cesser d'ignorer les minorités, à repésenter la liberté sexuelle... On n'attend d'ailleurs pas vraiment le cinéaste sur ces terrains. Mais Mankiewicz choisit pour son retour, et son dernier scénario  original, une adaptation de la pièce Elizabethaine de Ben Jonson, Volpone or the Fox. Bien sur, elle est mise au goût du jour, et tellement citée dans le film que la mise en abyme est très repérable.

 

Pour son film, Mankiewicz a des idées, à foison; surtout, il envisage de créer une sorte de millefeuilles, avec une couche de Volpone, une couche de film policier, et une couche de commentaire off par un narrateur, perturbé par certains protagonistes, qui se donneraient le droit d'interrompre le film à loisir. Si les preneurs de décision (En cette fin des années 60, on hésite assez franchement à écrire 'le studio'...) ne voudront absolument pas de cette solution, il en reste quelque chose quand même, dans la dernière bobine du moins. De plus, le film, à 150 minutes, sera jugé trop long par à peu près tout le monde, exploitants, producteurs, public, critiques... Sauf Mankiewicz. Il a donc été coupé, et officiellement, il en existe trois versions: une, donc, conforme aux désirs de Mankiewicz après production, de 150 minutes. Une de 131 minutes exploitée en Grande-Bretagne (Et qui correspond à l'actuelle version souvent montrée), et une version courte, Américaine, de deux heures. On n'a aucune preuve de l'existence de la version longue, mais soyons franc: dans la version de 131 minutes, le film est, déja, fort long... ce qui, on le reconnaitra, n'est pas très bon signe.

 

Cecil Fox (Rex Harrison), un homme de goût, est installé à venise, ou il engage un jeune Américain, William McFly (Cliff Robertson), pour, prétend-il, se livrer à une petite farce théâtrale, qui lui permetra de voir quelle est son image auprès de trois femmes qui l'ont aimé: Mrs Sheridan (Susan Hayward), une riche Américaine qui a été jusqu'à se marier avec lui, Merle McGill, une actrice inculte en perte de vitesse (Edie adams), et Princesse Dominique (Capucine), une noble déclassée qui entend, comme la précédente d'ailleurs, profiter de l'aubaine. La farce consisterait à laisser croire aux trois femmes que Cecil est mourant, alors que bien sur il se porte comme un charme. Mrs Sheridan vient en compagnie de Sarah Watkins, une infirmière ingénue qui veille constamment sur elle (Maggie smith), et un autre personnage va venir compléter la distribution: l'inspecteur Rizzi (Adolfo Celli), qui interviendra dans le film dans la mesure ou Mrs Sheridan va être tuée... de farce, le film se transforme alors en une petite énigme à tiroirs, avec deux morts à la clé...

 

Entièrement filmé en intérieurs ou presque, le film donc n'hésite pas à clamer ses sources, puisqu'il commence par une représentation de Volpone donnée pour Cecil Fox seul, celui-ci décidant de quitter le théâtre avant la fin: il connait la pièce, dit-il. Sinon, l'acteur William McFly a suffisamment de culture pour repérrer le renard (Fox/Volpone) et la mouche (McFly/Mosca) assemblés par Cecil à l'imitation de la pièce de Ben Jonson, et assume sans trop de problème le rôle du manipulateur Mosca dans le film. Le jeu de dupes, comme il évoluera dans les deux films suivants, du reste, fluctue en permanence dans la deuxième moitié du film, avec des rebondissements en mode mineur (Pas de charge de cavalerie dans ce film délicat, bien sur...). Mais comme pour les deux films suivants donc, qui voient les personnages mentir, manipuler, trahir, on peine à s'intéresser à tout ça. Je confesse, après trois visions de ce film, qu'il m'ennuie au plus haut point, comme d'ailleurs les deux suivants. Mankiewicz est-il un homme fini après Cleopatra? j'ai, à titre personnel, ma réponse... Lorsqu'il abat enfin sa carte qu'il croit maitresse, et qu'il envoie un Rex Harrison post-mortem pour commenter la fin de son film, Mankiewicz ne fait que compliquer inutilement un écheveau sans queue ni tête: c'est triste.

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 13:02

Jusqu'à la fin de sa vie, Mankiewicz a occulté Cleopatra d'une façon fort théâtrale, s'y référant comme à un objet inommable, et reléguant toute l'expérience au rang de désastre: ce n'était, après tout, pas son film, il n'avait pas spécialement voulu le faire, et il n'en était en rien responsable. La lecture de la très intéressante biographie de Kenneth Geist révèle que le tournage, s'il n'a pas été de tout repos d'un point de vue cinématographique, a aussi accumulé les excès de tout genre: argent coulant à flot de façon incontrôlable, dépassement en tous genres, réalisateur sous toutes sortes de drogues pour tenir, et l'impression que la maison-mère, à savoir la Fox, ne contrôlait plus rien – de fait c'est plus ou moins vrai: entre 1960 et 1963, peu de films ont été finalisés à la Fox, à l'image de ce Something's gotta give de Cukor qui était supposé être le grand retour de Marilyn Monroe, mais qui finira par être sa tombe, et dont une simple continuité de 25 minutes est tout ce qu'on a pu assembler. Ce n'est pourtant pas le cas de ce Cléopâtre: on estime que le premier montage de Mankiewicz durait 8 heures...

 

L' histoire est bien connue: c'est à Rouben Mamoulian qu'on a confié la mise en scène de ce film, au budget plombé avant même le tournage; pour qu'on cesse de lui proposer le rôle, Liz Taylor a demandé un cachet exorbitant, mais elle n'avait pas prévu de l'obtenir... Mamoulian a joué de malchance, puisque l'insistance de la Fox pour que le tournage se déroule à londres a peu profité au film. Et très vite, il s'est avéré que le capitaine ne convenait pas non plus. Mankiewicz a donc été sollicité, d'une part parce que Taylor avait beaucoup aimé travailler à ses côtés sur Suddenly, last summer, et d'autre part parce que le projet avait une touche à la fois littéraire et esthétique, qui faisait du metteur en scène de Julius Caesar une sorte d'idéal... Entre les hésitations du studio (Londres? Rome? Pinewood? Cinecittà?) et les absences fréquentes de la star dues à sa santé chancelante sans doute, le tournage a donc duré trois ans. L'inspiration en était pour le moins hétéroclite: pour la Fox, il s'agissait de retrouver le chemin des grosses superproductions qui avaient fait la gloire du Cinémascope, le format maison; après tout, Ben-Hur avait obtenu un ensemble non négligeable d'Oscars pour la MGM en 1959, c'est donc qu'il existait encore une possibilité pour ce genre de films. Pour Mankiewicz, il s'agissait de donner une dimension inédite à ce genre de film, en s'inspirant à la fois d'historiens contemporains, du genre lui-même, des grands auteurs antiquess (Plutarque, Suétone, Appien), et enfin de laisser l'inévitable ombre de Shakespeare et de Shaw marquer le script. Enfin, Mankiewicz a su construire le film sur trois personnages: Cléopâtre, bien entendu, mais aussi César et Marc Antoine, favorisant ainsi la conception d'un film qui toucherait aussi bien à la grande histoire, qu'à l'histoire intime... L'histoire d'amour soudaine, et inespérée, entre Richard Burton et Elizabeth Taylor était à ce titre une incroyable aubaine, permettant au film d'avoir un angle publicitaire des plus solides. Du moins c'est ce que se sont dit les dirigeants de la Fox.

En plus de Taylor, dont il me semble qu'on peut difficilement discuter la légitimité, Mankiewicz a donc finalement pu diriger l'impulsif Burton, qui fait de son Marc Antoine un cas assez complexe d'homme miné par sa position permanente de subalterne, et son ami Rex Harrison en César, qui va faire du général et dictateur Romain un personnage complexe et attachant. C'est la troisième collaboration entre les deux hommes, après Escape et The ghost and Mrs Muir.

 

On assiste donc à l'histoire de Cléopâtre, de l'arrivée de César à Alexandrie devant Ptolémée, l'indélicat frère de la belle qui avait décidé de se débarrasser de sa soeur, jusqu'au suicide de la reine après son aventure désastreuse avec Marc Antoine. La première partie se concentre sur l'intrigue politico-amoureuse entre Cléopâtre et César, de leur pacte scellé sur la base de la découverte par Cléopâtre de l'épilepsie du Romain jusqu'à l'assassinat de celui-ci; la deuxième partie tourne autour de la relation passionnelle de Cléopâtre avec Marc antoine, successeur auto-proclamé du militaire César, et la façon dont Octave, héritier politique du dictateur, a assuré le contrôle de Rome en se débarrassant d'Antoine.

 

Cléopâtre:

Aussi déterminée à prendre le trône d'Egypte que son frère Ptolémée est décidé à le garder, Cléopâtre s'allie à César d'un point de vue politique d'abord, même si la concernant, on comprend vite que l'alliance et le sexe sont intimement liés. Elle sait s'entourer, mais on constate que si elle est autocratique, capricieuse et arrogante, elle aime autant qu'elle est aimée par ses proches: Appolodorus, son garde du corps, et Sosigenes son plus proche conseiller en sont la preuve (C'est un autre ami de Mankiewicz qui interprète Sosigenes, le grand et trop rare Hume Cronyn). Cléopâtre est attirée par la force politique de César, dont elle admire la puissance conquérante, mais elle se livre à Antoine ensuite par amour: elle l'a toujours désiré, dit-elle, depuis ses douze ans... Elle consulte les oracles aussi souvent que possible, et va même faire partie des nombreux personnages qui préviennent César de sa fin prochaine, à égalité avec Calpurnia, l'épouse légitime. Ce mélange de sensualité, d'attitude régaliennes, de politique et de superstition fait toute la complexité du personnage, qui est attachant au-delà de tout ce qui aurait du la rendre insupportable: c'est dire si Elizabeth Taylor a su en faire quelque chose.

César:

Personnage complexe, l'un de ces hommes historiques (Tel Richelieu, par exemple) dont l'apparence et la légende prennent toute la place, César est souvent ce qu'en feront les artistes. Ainsi, Shakespeare semble-t-il montrer du dictateur (Auto-proclamé, et ce à coup de répression assez musclée, rappelons-le) les aspects les plus détestables, en prenant le parti de Brutus et des autres mutins. La vérité est peut-être assez bien incarnée dans la superbe interprétation de Ciaran Hinds dans la série télévisée Rome: un homme politique d'abord et avant tout, qui a compris que l'art militaire est nécessaire, mais pas seul; mais un homme avant tout, qui sans se laisser guider par les sentiments, leur accorde une place. C'est, avec un peu plus de bonhomie bien sûr, ce César là qui nous est montré dans Cleopatra. Du reste, il a fallu pour Mankiewicz composer avec une concurrence de taille: Shakespeare, bien sur, mais aussi Joseph L. Mankiewicz ont tous deux planché sur la question de la figure politique de César, à travers la pièce et son adaptation en 1953. Donc, ce nouveau film, sans l'occulter, va choisir un stratagème intéressant pour éluder la redite, en privilégiant l'image, puisque l'assassinat de César est entièrement vu par Cléopâtre, via la consultation d'un oracle, et les dialogues inévitables (Les ides de Mars, Et tu Brute, et le fameux discours d'Antoine) sont tout simplement éludés au profit de compositions impressionnantes mais muettes. La redite aurait été de toute façon hors sujet: le titre est Cléopâtre, et la reine ne se soucie en matière de politique que de la question égyptienne...

Antoine:

Apparaissant au milieu de la première partie, Antoine est un subalterne. C'est aussi son complexe: toujours le second de César, il supporte mal d'être considéré comme l'exécuteur des basses-oeuvres de son ennemi intime Octave, qui se joue de lui en permanence, et il va malgré son amour souffrir de la façon dont Cléopatre le considère elle aussi comme un second. Il va d'ailleurs s'y résigner et s'abandonner totalement à celle qu'il a suivi, allant jusqu'à devenir le responsable de la chute du régime égyptien, en même temps que de sa propre débâcle. Sa réponse à tout est celle d'un militaire, pas politicien pour deux sous, et la force brute et un brin cabocharde (Burton n'est pas Gallois pour rien, et Mankiewicz joue beaucoup là-dessus) qui lui a tant servi en tant que général, va lui être fatale lorsque face à lui la politique et les manigances vont prendre le dessus sur les habitudes militaires. Mais Antoine est également l'amoureux de Cléopâtre, et Mankiewicz se livre occasionnellement à de petits montages intéressants pour mettre en valeur le tumulte et les conflits permanents des deux amants, en les voyant se livrer à des joutes juxtaposées sur plusieurs scènes: cela met aussi en valeur, de façon probablement imprévue, la débauche de costumes différents que porte (Ou ne porte pas, puisqu'elle prend beaucoup de bains) Cléopâtre...

Octave:

Absent de Julius Caesar, l'héritier désigné par César est le grand gagnant de la deuxième partie. Roddy McDowall lui donne une puissance parfois un brin excessive, mais il incarne à lui seul la théâtralité du sénat, que l'absence du fameux discours « ressenti » de Marc Antoine tendrait à accentuer. Octave assiste aux batailles qu'il est sensé mener, et qui l'ennuient; il se sert de tous et toutes pour ses desseins, et se contente d'agir lorsque tout est en son contrôle: il se réserve en brillant orateur les moments de lumière, ce qui explique un certain nombre de morceaux de bravoure, une fois de plus un peu excessifs, de la part de l'acteur. Mais il fallait de l'excès: on l'a bien compris, Octave, qui hérite de la position de César et de son nom dans un triumvirat partagé avec Lepidus et Antoine, pourra accomplir après s'être débarrassé des deux autres, et de Cléopâtre, l'oeuvre de son, grand-oncle Jules César: il se fera proclamer Empereur, sous le nom d'Auguste, sans aucun Brutus ou aucun Pompée pour l'en empêcher ou lui disputer cet honneur. Cela valait bien un certain nombre de concessions, notamment un étrange éloge funèbre dédié à Antoine: quand on annonce sa mort, dit-il, il faut trembler; il ne lui a pourtant fallu pas beaucoup d'efforts pour régler son compte à son beau-frère et rival, qui s'est auto-détruit assez facilement... quoi qu'il en soit, ce qu'il faut historiquement retenir de ce César Auguste, c'est qu'il a finalement réussi à installer la paix dans un régime fragile, qu'il a consolidé, et accompagné durant 45 ans...

245 minutes de film, en deux parties, et bien sur un montage qui fut l'un des gros problèmes de la production... Comme de juste, comme avec tous les films-mammouths de cette trempe, on n'a pas une version qui primerait sur toutes les autres, même si la situation actuelle est simple: on n'a qu'une version, la restauration effectuée dans les années 90. Elle est similaire en durée à la version montrée lors de la première (Elle incorpore une ouverture et un entracte) mais le contenu en est peut-être légèrement différent, les remontages effectués lors des sorties et ressorties ayant été parfois tempérés par le recours à des scènes ajoutées pour pallier à certaines absences. Aujourd'hui, il ne subsiste aucune copie de la version de travail de huit heures, bien sûr, mais on n'a retrouvé aucune copie non plus de ce que Mankiewicz considérait comme « sa » version: un montage de 5h30 ou 6 heures, qui aurait été livré en deux films; tel quel, le film et ses quatre heures ont été désavoués par le metteur en scène, et le fait est qu'il apparaît parfois mal équilibré. C'est inévitable à cette durée. Une chose est sûre: les deux parties telles qu'elles sont ne fonctionnent en tout cas pas comme des films à part entière, un peu comme les diptyques de Fritz Lang; s'il est sans doute incomplet, le film garde sa cohérence, sa grandeur, et son étrange mélange d'intimisme (l'un des arguments pour trancher dans le film en 1963 était justement sa franchise sexuelle, affichée aussi bien dans les dialogues que dans la mise en scène, avec ses multiples scènes de lit) et de grande histoire. C'est un objet fascinant, et surtout, en dépit de tout ce qui a été dit ou fait autour de son identité de film à grand spectacle appartenant à la Fox, c'est aussi un film de Mankiewicz: la façon dont ce dernier a finalement réussi à s'approprier aussi bien l'histoire, que la légende, tout en créant des personnages nouveaux dans la dramaturgie historique et amoureuse, rend justice au metteur en scène. Que celui-ci ait rejeté le film en bloc après y avoir souffert trois ans durant, importe finalement peu. Après tout, il reviendra!

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 17:34

Après le décès de son épouse Rosa, Mankiewicz a eu à subir également la faillite totale de son "bébé", Figaro productions. Après une courte thérapie, il a été de nouveau disponible pour des commandes. La première de ses réalisations après ces années noires est donc une adaptation d'une pièce partiellement autobiographique de Tennessee Williams, produite par Sam Spiegel pour Columbia, reposant largement sur des capitaux Britanniques, et tournée à cet effet en Europe. Le film a été pour Mankiewicz l'occasion de travailler avec trois stars, et sans aucune surprise a donné lieu à des tensions sur le plateau, et par dessus la marché des réactions assez amères face à un sujet très noir, Tennessee Williams oblige... L'argument de la pièce tourne autour d'une révélation: La richissime Violet Venable veut réduire physiquement au silence sa nièce Catherine Holly, qui a assisté à la mort de son fils adoré, Sebastian Venable... Celui-ci, en effet, est mort tué et presque mangé par des enfants et adolescents pauvres de la petite cité balnéaire Espagnole ou il était en vacances; la plupart des jeunes gens qui l'ont tué étaient aussi ses anciens flirts, des garçons dont il avait demandé les faveurs, attirés qu'ils étaient par la beauté de Catherine... La mère qui vit dans le culte morbide de la chasteté de son fils veut que la vérité ne soit pas révélée, et demande donc à ce que catherine, par ailleurs encore choquée par l'accident, soit lobotomisée... l'adaptation de la pièce a été confiée à Gore Vidal; Mankiewicz n'a reçu aucun crédit, mais on retrouve son style ça et là; c'est pourtant Williams lui-même qui est crédité au poste de co-scénariste, bien qu'il se soit défendu d'y avoir jamais participé...

 

Le film met l'accent sur le personnage du docteur John Cukrowicz (Montgomery Clift), le praticien auquel Violet (Katherine Hepburn) veut confier l'opération. Le rôle de Catherine a été confié à Elizabeth Taylor. Contrairement à la pièce qui faisait de la serre tropicale de Violet Venable le seul décor, le film s'attache à nous montrer les deux hôpitaux qui accueillent la jeune femme, les bureaux des médecins concernés, et d'autres pièces extravagantes de la riche demeure de la vieille dame; néanmoins des moments cruciaux ont lieu dans cette serre (L'exposition par Violet, et la grande scène de la révélation par Catherine), ou sont cultivées des plantes carnivores... Une autre pièce ajoutée par le film permet de mettre à jour une petite manipulation langagière de Williams, qui n'a pas choisi le prénom de Sebastian par hasard: dans une de ses chambres, Sebastian conservait entre autres images souvent homoérotiques une représentation du martyre de Saint Sébastian, littéralement massacré. Le film est une exploration de la vérité par le biais des souvenirs qui se font jour ou qui sont bloqués dans l'esprit de catherine, et à ce titre, est franchement prenant. le fait qu'il s'agisse d'homosexualité, ou pour reprendre le mot de l'époque, de pédérastie (les garçons dont il est question sont très jeunes) est clair, sans que les mots qui fâchent ne soient jamais prononcés.

 

Quête de la vérité cachée, retour sur des évènements traumatiques, confrontation d'avis divergents et antagonistes, on sait Mankiewicz parfaitement à l'aise dans ces domaines, et on constate qu'ici il n'a recours au flash-back qu'après avoir exposé toutes les énigmes et les interrofations auxquelles le souvenir de Catherine devra répondre... ce flash-back, traité en surimpression, laisse un sentiment de malaise, grâce à son noir et blanc et ses images baignées d'une lumière écrasante. Plus encore, le visage de Liz Taylor, dont le traumatisme profond du personnage est tangible, les rend inoubliables. De toute évidence,le metteur en scène a apprécié de travailler avec la jeune femme, qui le lui a bien rendu; mais on le sait, le rapport avec Hepburn a été plus que tendu (En dépit de circonstances favorables, Mankiewicz étant depuis toujours un copain de Spencer Tracy), d'une part parce qu'il est évident que le metteur en scène a joué sur le contraste entre la beauté de Taylor, et l'age visible de Hepburn, mais aussi parce que l'actrice a peu apprécié le traitement réservé par Mankiewicz à un Monty Clift fatigué, dépendant et en bout de course. certes, il semble ne pas y avoir été avec le dos de la cuiller, demandant en particulier quotidiennement son remplacement, mais l'acteur n'est plus que l'ombre de lui même, tremblant, hagard, physiquement une épave dans certaines scènes...

 

Le film est un passage intéressant, une étape très adulte et assez maitrisée entre deux films plus problématiques, mais qui révèlent un Mankiewicz qui a du atténuer le choc de son film en proposant une étrange sorte de happy ending à cete histoire de pédophilie, d'homosexualité, de folie, de cannibalisme, le tout teinté d'inceste (la maman n'est pas seulement assimilée à ce très castrateur végétal qu'est la plante carnivore du début, elle se proclame fièrement aussi la seule femme qui ait compté dans la vie de son fils)... Quoi qu'il en soit, avec ses défauts ce film noir comme le charbon reste une étape importante parmi les coups de boutoir à la censure dans l'histoire du cinéma... Et la rencontre entre Mankiewicz et Liz Taylor reste une source d'autres étapes importantes, et d'aventures incroyables, sur lesquelles nous reviendrons très prochainement!!!

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
31 août 2011 3 31 /08 /août /2011 16:38

Sous le retour à une narration stimulante après l'intermède musical, sous l'élégance d'une production réalisée directement au Vietnam, avant que celui-ci ne redevienne la poudrière que l'on sait, se cache un film qui est à la fois une adaptation ratée et une catastrophe personnelle: cet échec aura en effet raison de Figaro Inc, et donc de l'indépendance de Mankiewicz... Graham Greene et Mankiewicz, on aurait difficilement un alliage plus noir, et le film a été tourné par Mankiewicz dans un noir et blanc goudronneux à souhait, avec une cinématographie de Robert Krasker. Le réalisateur a détesté travailler en cinémascope sur son projet précédent, et le format de ce film, un 1.66:1 plus traditionnel, lui donne une allure plus immédiate. De fait, l'utilisation des décors et paysages Vietnamiens fonctionnent également dans ce sens.

 

Saïgon, 1952. L'histoire concerne la mort d'un homme Américain (Audie Murphy), dont le cadavre est découvert dans une rivière; la police enquête, et prévient un journaliste Anglais, Fowler (Michael Redgrave), connu pour avoir été son ami. Celui-ci se souvient alors de ce jeune idéaliste venu pour travailler à trouver une voie médiane entre les communistes et les forces coloniales, qui lui a piqué sa petite amie locale, Phuong... Très vite, il a entendu les rumeurs qui faisaient de son "Américain bien tranquille" un dangereux terroriste, et poussé par la jalousie, il l'a livré aux Communistes. A la fin, convaincu de l'innocence de l'homme qu'il a vendu, il souhaite récupérer sa petite amie, mais celle-ci ne l'entend pas de cette oreille...

 

La trahison de l'adaptation tourne autour de deux aspects principalement. Il est clairement dit dans le film que l'Américain (Pyle, dans le roman, mais Audie Murphy ne sera affublé d'aucun nom dans le film, il reste "the American".) est innocent des accusations de terrorisme, alors que ce ne serait pas explicite dans le roman; de plus, le livre reste un pamphlet contre la guerre et les implications politiques pro-coloniales; ceci inclut les Américains, qui commencent à cette époque à fourrer leur nez un peu partout en Indochine; Audie Murphy, de son côté, joue un personnage angélique, face à un comportement colonial (les Français, et leurs alliés objectifs les Anglais, dont Michael Redgrave représente symboliquement la nation) et des Communistes retors qui manipulent avec aisance le journaliste... Le film reste intéressant malgré tout par son recours à la narration d'un seul personnage, le journaliste, qui récapitule les rapports difficiles qu'il entretient avec le jeune Américain, dont le portrait en creux réserve même une fois mort quelques surprises: on notera en particulier le moment ou le policier Vigot (Claude Dauphin) fait entendre une bande enregistrée peu avant sa mort par le jeune homme, en compagnie de Phuong: contrairement à Fowler qui considérait Phuong comme sa chose, et se comportait parfois comme avec une esclave, l'Américain lui apprenait l'Anglais, avec douceur, en la considérant comme une égale. Le message politique est on ne peut plus clair...

 

Le doute religieux cher à Greene, qui nous conte l'histoire d'un Judas par bien des cotés, est présent dans le personnage de Fowler qui n'a aucune affiliation religieuse, contrairement à son épouse restée au pays (Et qui ne veut pas divorcer); si l'Anglais la présente comme épiscopalienne, le catholicisme, avec lequel Greene entretiendra toute sa vie des rapports ô combien conflictuels, n'est pas très loin... Miachel Redgrave est excellent, comme Claude Dauphin. Par contre, la Vietnamienne Phuong est interprétée par une jeune découverte, l'Italienne Georgia Moll, qui est tellement nulle qu'on se croirait revenus à la Fox au bon vieux temps des "fiancées" de Zanuck. Quant à Audie Murphy, sa caractérisation vide lui a apporté des critiques négatives, certes, mais dans la mesure ou il est plus le sujet de l'intrigue et de lanarration, et qu'il se dérobe constamment à l'interprétation du narrateur, c'est adéquat... Même si c'est semble-t-il involontaire.

 

Voilà, ce film pas vraiment réussi n'est en aucun cas un préambbule fascinant pour l'histoire délirante des rapports entre le cinéma Américain et le Vietnam. On n'en est pas encore là; mais son échec a probablement couté cher à Mankiewicz, qui détestait d'ailleurs le film, estimant qu'il reflétait surtout son incapacité à surmonter ses problèmes personnels au moent ou il le tournait. Certes, il n'est pas un chef d'oeuvre, mais c'est beaucoup plus qu'une curiosité, quand même...

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 17:58

Brando dans une comédie? Musicale, qui plus est? une idée de Goldwyn, qui n'en démordait pas. De même voulait-il Mankiewicz, encore auréolé du prestige du beau doublé de A letter to three wives et All about Eve. Si celui-ci avait des réticences, elles ont sans doute été balayées assez vite: d'une part, il était déja très impatient de tout essayer (Ce qui le conduira 15 ans plus tard à filmer un western, dont il disait à l'époque "On n'aura qu'à l'appeler 'Joe Mankiewicz's western'..."), et après Shakespeare avec Julius Caesar ou l'espionnage de Five fingers, il voulait sans doute imprimer sa marque dans le musical. Guys and dolls était donc un musical pré-existant, et garde dans sa version filmée des traces évidentes de cet aspect, c'est sans doute le seul autre rapprochement qu'on puisse faire avec Julius Caesar excepté la part de Mankiewicz et Brando dans les deux films... Contrairement à Caesar, Mankiewicz a néanmoins beaucoup ajouté à ce nouveau film, semble-t-il, retranchant avec la collaborations des concepteurs du spectacle des numéros musicaux, en ajoutant d'autres, plus faciles à faire passer dans un film, et essayant d'ajouter beaucoup de traits de personnalités aux personnages. C'est bien, et cela se sent sans doute, mais cela n'empêche pas ce musical de 150 minutes d'être parfois lourd, indigeste et même très occasionnellement irritant...

Sky Masterson et Nathan detroit sont les deux princes de l'entourloupe, du jeu et du pari à New-York, confrontés l'un et l'autre au choix entre l'amour et leur liberté liée aux activités frauduleuses pour ne pas dire illégales qui les font vivre (Et dont l'un comme l'autre assument les aspects quasi-philosophiques): Nathan Detroit (Frank Sinatra), organisateur de jeux clandestins poursuivi par un créancier chatouilleux de la gâchette et par un flic forcément Irlandais, en pince depuis 15 ans pour une danseuse, Adelaide (Vivian Blaine), et Sky (Marlon Brando) rencontre Sarah Brown (Jean Simmons), sergent dans l'armée du salut, à la faveur d'un pari, et tombe amoureux d'elle, au point de renoncer à sa passion pour le pari.

D'un coté, le pari de Goldwyn, de confier à des acteurs talentueux mais non chanteurs s'est avéré gagnant avec Brando et Simmons, les deux sont sinon excellents, en tout cas très bons. Jean Simmons en particulier est fantastique dans son rôle, et assume à merveille la transformation de la très rigoureuse Sarah en une amoureuse débridée, sous les effets de l'alcool dans la séquence cubaine. Les scènes entre les deux sont toutes excellentes et maintiennent l'intérêt parfois vacillant du spectateur pour ce long film... D'un autre côté Mankiewicz n'est pas Minnelli, ni Donen, et on le sent totalement extérieur à toutes les scènes dansées, qui reproduisent un peu platement le proscénium, et sentent le réchauffé, exécutées sans doute par les artistes de la pièce, tellement rodés que ça en devient mécanique. C'est le même problème qu'on a avec Vivian Blaine, qui en fait toujours trop, et dont le caricatural accent New-Yorkais est plus irritant qu'autre chose. Quant à Sinatra, il n'y a pas de problème avec son chant, bien sur, mais il est notoire qu'il voulait le rôle de Masterson, et que ses rapports avec Brando ont été plus que houleux. De fait, il ne semble pas l'homme du rôle pour son Nathan Detroit qui manque singulièrement de relief. Un comble finalement, que ce film ultra-New-Yorkais qui ait pu poser problème à ce New-Yorker militant qu'était Mankiewicz...

Ce film n'est pas un naufrage, c'est une demi-réussite. Il se laisse voir, mais la danse en boîte qui ouvre le film augure assez bien de l'impression d'un mélange qui ne se fait pas. On a des scènes brillantes, des dialogues plutôt bons (mais pas aussi incisifs que les dialogues habituels de Mankiewicz), et puis des moments de lourdeur, des séquences inutiles, dont une sous-intrigue gonflée pour allouer plus d'espace à Sinatra. Mankiewicz a tenté de faire de son mieux, ce n'est pas un cas de film alimentaire; mais si la fin du contrat Fox lui a donné une indépendance enviable, qui lui permet de voguer d'un studio à l'autre (MGM, Goldwyn) et de créer sa propre société (Figaro Inc, qui a produit The barefoot Contessa, et qui produira deux autres films, I want to live, de Robert Wise, et The Quiet American, le prochain Mankiewicz), il n'en est pas plus devenu omnipotent.

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz Musical
3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 18:22

Une fois indépendant, Mankiewicz a donc de son propre aveu souhaité se livrer tout entier à un film selon son coeur, et il serait difficile de ne pas voir dans ce nouveau film un retour à ce qui reste à ce moment le plus grand succès du metteur en scène, son film All about Eve. Beaucoup de choses y renvoient en effet, depuis le cadre du monde du cinéma qui rappelle un peu celui du théâtre, au principe des narrateurs qui se passent le relais. Mais si le film est indéniablement un grand moment, on n'est pas devant un chef d'oeuvre absolu et sans conditions, encore moins sans concessions. Il y a de fâcheux bémols, qui n'entâchent pas trop le film mais finissent par se laisser voir...

 

Les narrateurs de ce film sont au nombre de trois, même s'il faut ajouter une quatrième personne. comme souvent chez Mankiewicz, il s'agit de dresser le portrait d'un personnage vu par les autres, dans des dimensions différentes selon les points de vue. L'histoire est celle de la découverte en Espagne par des producteurs d'une jeune femme, puis son passage éclair dans le monde du cinéma, enfin sa mort suite à un mariage avec un noble Italien à problèmes. le tout est conté par les trois narrateurs alors qu'ils assistent à l'enterrement de Maria Vargas, dite Maria d'Amata (Ava gardner). Les trois narrateurs sont Harry Dawes (Humphrey Bogart), un réalisateur lessivé et repêché par un magnat à la Howard Hughes, Oscar Muldoon (Edmond O'Brien), un agent de relations publiques travaillant au départ pour ce même magnat, et le comte Vincenzo Torlato-Fabrini (Rossano Brazzi), le veuf. Le quatrième narrateur est Maria, qui raconte sa découverte du secret du comte Torlato-Favrini par le biais d'un flash-back intégré à la narration de Dawes. A ces personnages viennent s'ajouter celui de Kirk Edwards (Warren Stevens), le multi-milliardaire (Maria vargas le définit comme 'le proriétaire du Texas'), mais aussi Alberto Bravano, un riche sud-Américain qui s'empare de Maria comme d'une richesse.

 

Cendrillon est partout ici, tout d'abord, par la présence aux cotés de maria de sa "bonne fée", le réalisateur Harry Dawes, qui la convainc de tenter sa chance à Hollywood en la protégeant contre le grand méchant Kirk Edwards, puis la transforme, et enfin respecte symboliquement sa liberté absolue par le rituel des chaussures (Un emprunt au conte souligné un grand nombre de fois et bien sur mis en valeur par le titre du film); ensuite, le passage de la souillon aux palais est encore sorti tout droit d'un conte de fées, mais tempéré par le verve légendaire d'un Mankiewicz toujours aussi méchant quand il le veut... La peinture du monde du cinéma est ici limitée aux coulisses, à ces échanges d'affaires et ces transferts d'argent. Le meilleur reflet de cette situation est dans l'extraordinaire prestation dEmond O'Brien en Oscar Muldoon: ce type qui confond l'Italien et l'Espagnol (un illettré, donc quelqu'un de louche a priori dans un film de Mankiewicz), donne des arcanes du hollywood en mutation des années 50 une version cauchemardesque et pour tout dire très réjouissante. On voit bien Howard Hughes à travers Edwards, bien sur, et Harry Dawes pourrait être n'importe lequel des réalisateurs mythiques qui traversent une mauvaise période à ce moment. Maria vargas, en le rencontrant, montre sa connaissance du cinéma Américain en comparant Dawes à Lubitsch, La Cava, Fleming, Van Dyke, ce qui inspire à Dawes un commentaire désabusé: ils sont, en effet, tous déja morts en 1954...

 

Dawes est donc un héros de la marge dans le film; s'il est au début le premier narrateur, depuis son trench-coat trempé de pluie, Bogart n'aura toutefois que peu d'autres choses à faire que de compter les points. C'est assez insatisfaisant, mais Mankiewicz, pas du genre à se retenir pourtant dans la vie, a choisi de faire de son alter ego un homme amoureux et fidèle vis-à-vis de son épouse Jerry. Ce qui fait immanquablement un vide dans le film, selon moi... Par ailleurs, sa double casquette de scénariste et réalisateur est souvent mise en avant par le personnage, mais c'est surtout de script qu'il est question. Dawes agit peu en réalisateur, une fois qu'il a mis la star sur le plateau, mais se réfère constamment à la construction de scripts et d'intrigues... Une sorte d'aveu de la part de Mankiewicz qui ne fait pas de mystères quant à ses propres priorités. Si le film est élégamment mis en scène et présente des morceaux de bravoure indéniables (la première scène dans le cabaret en Espagne fait admirablement monter la tension sans aucun dialogue, le recours à une scène vue de deux angles différents, par deux narrateurs), il doit finalement autant à la photo superbe de Jack Cardiff qu'à la mise en scène soignée, mais très soumise à un script qui fait la part belle à des échanges parfois très longs, en particulier entre Bogart et Gardner. Cette dernière, de surcroit, n'est pas forcément aussi magnétique qu'on l'espérerait...

 

Si on retrouve tout l'univers de Mankiewicz c'est bien sur parce que le réalisateur fait enfin selon ses propres dires, un film selon son coeur. il s'agit d'une production indépendante de Figaro Inc, qui ne vivra pas longtemps et qui est bien sur une création de Mankiewicz, qui avait envie d'être son propre patron enfin. Parmi ses caprices de luxe, la photo en Technicolor (Première fois!!) de Jack Cardiff lui donne totalement raison; mais certains points du script laissent planer un doute: le comte, donc, est impuissant, et tue Maria puisque elle trouve ses petits bonheurs avec d'autres (On soupçonne en particulier le chauffeur). Mais Mankiewicz disait qu'il avait au départ l'intention de faire de Torlato-Favrini un homosexuel qui tuait sa femme parce que celle-ci découvrait son secret. Honnêtement, si c'était effectivement son intention, on a de la chance qu'il ait fait machine arrière; d'une autre coté, il reviendra à l'homosexualité maladive dans au moins deux autres films ultérieurs, donc...

 

Pour conclure, le film est un classique, célébré en particulier en france, mais il n'est pas aussi satisfaisant qu'il aurait pu être. Le pouvoir de fascination à l'oeuvre dans All about Eve est loin de fonctionner à 100% ici, même si le film reste un grand Mankiewicz.... Il a pu faire ce qu'il voulait, c'est sur, mais il a fait mieux... Au moins, on retrouve de toute façon son univers et ses splendides joutes verbales avec un plaisir constamment renouvelé.

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 11:41

C'est un Mankiewicz libre comme l'air qui fait un retour remarqué au studio dont il a été congédié en 1943, aux commandes d'une adaptation de Shakespeare voulue et cornaquée par le producteur John Houseman. Celui-ci fait ainsi appel à un cinéaste accompli qui comprend aussi l'écriture afin de préparer un film qui soit à la fois fidèle à la pièce et riche en morceaux de bravoure. Ce sera pourtant difficile, le budget ayant été largement circonscrit par un studio qui se méfie d'une telle entreprise, et le cinéaste ayant décidé de ne pas broder autour de la pièce: ce qui frappe dans cette adaptation de Shakespeare, c'est peut-être qu'il n'y a pas grand chose de frappant, justement. C'est une excellente adaptation, avec bien entendu une lecture propre à l'équipe de production, Houseman et Mankiewicz en tête, mais le réalisateur a laissé la part belle au texte, sans chercher à dynamiser l'ensemble de façon excessive.

 

On retrouve donc le drame de Shakespeare, avec son ambiguité initiale, même si Houseman comme Mankiewicz ont clairement fait pencher la balance, tous les deux du même coté heureusement: à la suite de la spectaculaire relecture de Julius Caesar par Orson welles, qui faisait de César un tyran fasciste et de Cassius et Brutus des démocrates, ce nouveau film aurait pu, selon Mankiewicz lui même, s'appeler Brutus. Rappelons l'argument de la pièce: au moment ou Rome et en particulier un groupe de sénateurs et hommes publics regroupés autour de Marc Antoine, cherche à couronner César et lui donner un pouvoir accru, un autre groupe mené par Brutus et Cassius assassine le grand homme. Mais Marc Antoine et Octave, le futur empereur Auguste, les combattent et les comploteurs se suicident les uns après les autres. César, vu par Shakespeare, pouvait incarner l'accession au pouvoir dans toute son ambiguité. Il était un politicien, qui se méfiait des intellectuels (Son dégout de Cassius s'exprimait par un cinglant 'il pense trop') mais souhaitait gouverner par le sentiment et l'affection. Brutus, de son coté, était mené à participer à l'assassinat uniquement après avoir établi que cet acte serait nécessaire à Rome, plus que la survie de César. Mais il reste un homme juste, qui a à coeur de laisser s'exprimer les autres, ainsi, il laisse Antoine prononcer un discours qui retournera la foule contre les assassins. Cassius, plus radical que Brutus, est suffisamment manipulateur pour parvenir à ses fins, même si ses buts restent les mêmes que Brutus, et enfin Antoine est le fils spitituel de César, celui qui relève le flambeau après le crime dans une scène célèbre, au cours d'une adresse au peuple de Rome.

 

Dans le film de Mankiewicz, donc, Brutus est interprété par James Mason. Il est au centre: aimé par César, il est un homme d'une grande sensibilité, qui répugne à commetre le crime; démocrate, il agit en fonction d'une raison d'état qui lui est agitée avec insistance par Cassius devant se yeux. Il est affecté lui-même par la mort de César. John Gielgud, interprétant Cassius, en fait un personnage manipulateur, certes, mais aussi assez ambigu; il porte la responsabilité du jusqu'au boutisme des félons. César, joué par le très bonhomme Louis Calhern, est un quasi monarque suffisant et assez débonnaire, mais autour de lui, s'agitent de redoutables politiciens qui mettent en place un système totalitaire: les premières scèens du film sont sensées l'établir. De plus, le personnage de César, qui se méfie des intellectuels, tombe dans la catégorie des béotiens pour Mankiewicz... Le principal attrait du film réside dans le personnage de Marc Antoine: si Mankiewicz et Houseman en faisaient le méchant de l'histoire, son monologue dans lequel il retourne le public en sa faveur, en utilisant sa colère et son affection, le propulse dans une autre catégorie; Brando est assez exceptionnel dans ce rôle, et il vole sans aucun effort apparent la vedette à James Mason...

 

Le film était une belle entreprise, et reste une grande adaptation de Shakespeare, dont la plupart des acteurs (Presque tous rompus à l'exercice) se sortent bien; mais il est paradoxal que Mankiewicz ait aussi peu essayé de sortir des sentiers battus; peu d'efforts sont faits pour sortir le film de la logique théâtrale, de ses décors évidents. La bataille de Philippes est tournée à la va-vite, avec des moyens mais peu d'imagination. Reste la magnétisme des acteurs, et la puissance des personnages, Brutus en tête, qui préfigure Hamlet; lui aussi a son fantôme, lui aussi meurt entre deux mondes, sans jamais avoir réussi à faire valoir sa raison d'être. Quant à Mankiewicz, il a quand même fait une fois de plus un film dans lequel il est beaucoup question de cerner les contours d'un personnage par les autres, comme, avant César, Eve ou Addie Ross. Ce moment dans l'histoire (Histoire d'ailleurs soulignée en permanence par le dialogue de Shakespeare, le barde peignant ces politiciens Romains comme conscients d'acrire la marche du monde) garde après tout suffisamment de lens avec l'oeuvre de mankiewicz pour justifier pleinement sa place dans ce cursus... Shakespeare reviendra inévitablement avec Cleopatra, en 1963.

 

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz Shakespeare
11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 09:06

Ce film d'espionnage est donc le dernier du contrat Fox de Mankiewicz. On l'a vu, le metteur en scène a bâti avec ces 11 films un ensemble solide et qui dépasse l'impression de la simple éxécution d'une tâche; on est face à une oeuvre cohérente, dans laquelle le réalisateur-scénariste-dialoguiste a su dire ce qu'il avait à dire, avec esprit, savoir-faire, et en se pliant toutefois à des obligations qui venaient du studio, entendre par là de Darryl F. Zanuck. C'est à nouveau celui-ci qui est à la base de ce nouveau film, même si le producteur crédité est le plus malléable Otto Lang. Zanuck souhaite en effet que le studio sorte un film du très curieux livre consacré à une affaire d'espionnage en Turquie durant la guerre; il envisage à nouveau un film partiellement documentaire, en encourageant l'envoi d'une équipe sur place, et le producteur sera responsable du très curieux titre; là ou le script initial, tel qu'il arrive sur les bureaux de la Fox, est celui d'un film qui s'appelle Operation Cicero (Comme le livre de base, du reste), Zanuck décide de faire son superstitieux et considère qu'après des films comme Call northside 777 (1948), de Henry Hathaway, le fait d'avoir des chiffres dans un titre est une garantie de succès. Pourquoi Five fingers? sans doute pour souligner la maitrise de l'espion dont il est question...

 

Mankiewicz n'était pas le metteur en scène initialement pressenti; ce devait être Henry Hathaway, alors expert ès fims noirs (Et d'ailleurs à ce titre réalisateur de Call Northside 777, avec james Stewart). Il est impossible d'imaginer ce que Hathaway aurait fait de ce film, mais de toute façon, Mankiewicz, bien que non crédité, a repris le script et surtout les dialogues, et ça se sent... James Mason, pour sa première incursion dans l'oeuvre de Mankiewicz, incarne donc Diello, un valet de l'ambassade Britannique en Turquie (Pays neutre durant la seconde guerre mondiale), qui photographie des documents secrets et les vend ensuite aux Allemands, afin de se préparer une retraite dorée à Rio de Janeiro. Il est assisté d'une Française noble et désargentée, la comtesse Staviska (Danielle Darrieux), dont il fut le domestique, et dont il est amoureux, et très vite, le bruit des fuites va se répandre, entrainant la venue de Colin Travers (Michael Rennie), un agent Britannique qui doit retrouver la source des indiscrétions...

 

Moyszisch, interprété par Oskar Karlweis, est un personnage fascinant dans ce film: en effet, il est un attaché de l'ambassade Allemande, par lequel les transactions entre Diello, surnommé "Cicero" par les Allemands, et les Nazis s'effectuent; mais plus encore, il est supposé être l'auteur du livre, ce que souligne d'ailleurs un prologue du film; néanmoins, le rôle de "narrateur" est plutôt dévolu à une voix off brusque et anonyme, le pauvre Moyszisch apparaissant comme un personnage maladroit et gauche, à des années lumières de la position de narrateur omniscient des films de Mankiewicz. c'est dire si ce dernier a repris le script de michael Wilson... Entre ses mains, ce qui aurait pu être un film noir assez classique, avec ses scènes d'espionnage, devient un jeu de dupes, une série de manipulations dans lesquelles tout le monde peut à un moment ou l'autre prétendre jouer le premier rôle; Mankiewicz s'est par exemple gardé de donner aux nazis la position de faire-valoirs sytématiques; pour un Moyszisch, effectivement, on a des nazis plus brillants, notamment Von papen, un personnage aperçu dès la première scène, homme raffiné et qui baille devant Wagner; il commente un coup de téléphone à propos de l'espion, et s'étonne que Ribbentrop ait entendu parler de Cicéron, le romain, pas l'espion; il agit en dandy, cultivé, et presque humain. De leurs côtés, les Britanniques ne sont pas à proprement parler très glorieux, mais de toute façon, tout ce petit monde pâlit à coté de Diello.

 

James Mason apporte son indéfinissblae Britannicité à ce film, dans lequel il incarne le manipulateur en chef. On est donc chez mankiewicz, qui livre sur son personnage principal les informations au compte-goutte; la première fois qu'on le voit, il a l'air d'un aventurier, qui prend presque Moyszisch en ôtage, afin de le convaincre de se porter acquéreur de ses petits secrets. son retour à l'embassade se fait devant un spectateur incrédule, et on le voit ensuite sans effort adopter la posture du valet... Dans ce jeu de manipulation et de pouvoir, bien sur, James Mason est à la fête, et Mankiewicz aussi, qui tisse une toile faite de dialogues trompeurs et de suspense. Tout le monde pense manipuler tout le monde, et bien sur toute personne manipulée trouve un protagoniste qui sera, au final, plus fort que lui, ou elle. La façon dont Diello se fait ainsi rouler dans la farine par la comtesse est un bonheur rare, mais celle-ci sera rattrappée par le destin... Un peu à la façon dont Addie Ross verra tous ses plans tomber à l'eau dans A letter to three wives.

 

Mankiewicz, qui aura tendance à l'avenir (C'est d'ailleurs ce que lui reprochera James Mason lui-même) à privilégier le texte sur l'image, est ici un brillant réalisateur de thriller; on se rappelle qu'il a fait ses classes à la Fox en étudiant les possibilités des genres, et on retrouve ici le subtil mélange entre des plans d'extérieurs documentaires tournés à Ankara et Isamboul (Une fois de plus, Mankiewicz a insisté pour aller les filmer lui-même, en profitant pour rencontrer certains protagniqtes de l'anecdote historique), et les nmbreuses scènes d'intérieur. On voit ici aussi éclore le talent très particulier de Bernard Herrmann pour le film noir, avec ces extravagantes pièces supposées accompagner les allers et retours des protagonistes, mais dont le musicien fait des commentaires ambigus; là ou d'autres compositeurs auraient privilégié des motifs plus simples, Herrmann réalise un ensemble de mélodies jouées par les cordes, dont les ambiances sont systématuquement partagées entre légèreté et des plus inquiétantes menaces. Il accompagne la scène de suspense durant laquelle Diello doit photographier des documents alors que le temps presse, d'une musique qui accentue à l'évidence l'inquiétude ressentie par le personnage, et par le spectateur, ainsi rendu complice d'une machination contre le monde libre... On retrouvera cette association entre Herrmann et un metteur en scène, tous deux au service de thrillers, dans la collaboration avec Hitchcock, mais en attendant, certains des aspects de la partition de ce film renvoient à Psycho...

 

Les points de vue dans ce film, je l'ai dit, évitent d'être trop manichéens, et Diello est en effet un espion pour les nazis; mais ce n'est pas un nazi! Au contraire, il insiste pour se faire payer en Livres, et s'en justifie auprès de Von Richter, en lui disant qu'il ne croit pas en la victoire de l'Allemagne nazie. Il se veut neutre, n'est au service que de lui-même, et rejoint une autre apatride aux circonvolutions louches, la comtesse Staviska. la façon dont Danielle Darrieux la joue la situe plutot entre midinette et vamp, un brin vulgaire, j'ai peine à croire que cette femme soit la source de tant de fascinations (en gros, tout le monde parle tout le temps d'elle, y compris lorsqu'elle a disparu de l'écran corps et bien!), et son jeu de regards, sensé interpréter l'ambiguité, fait pâle figure aux cotés de James Mason... les Nazis ont été finalement plus soignés, certains restant jovialement caricaturaux, (Von Richter, sommé de se déchausser pour une mission dans une mosquée, dont la caméra souligne un trou disgracieux dans une chaussette), poussant le film vers un parfum de comédie que n'aurait pas renié Lubitsch... Quant aux Britanniques, disons qu'il est évident qu'ils n'ont pas du tout intéressé le metteur en scène.

 

Le film est un kaléidscope fascinant pour les admirateurs de Mankiewicz; moins abouti que ses deux chefs d'oeuvre (All about Eve et A letter to three wives), moins sublime que The Ghost and Mrs Muir, pour citer les trois films les plus courus de cette période Fox, Five Fingers est une fois de plus un extravagant mélange assez original de dialogues acides et de savoir-faire hollywoodiens au service d'une très belle manipulation dont le spectateur ne fait finalement pas trop les frais, une façon plus qu'élégante de finir un contrat, avant une étape Shakespearienne...

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Published by Allen john - dans Joseph L. Mankiewicz
29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 10:24

Des hauts, des bas: Joseph L. Mankiewicz est sous contrat, et doit continuer à mettre en scène après le triomphe de son dernier film, à tous points de vue. Il est inutile d'attendre de ce dixième film le même feu d'artifices que le précédent, bien sur, mais s'il est incontestablement mineur, il n'en est pas moins passionnant, renvoyant malgré son origine théâtrale à de nombreuses touches et de nombreux thèmes de l'auteur, qui n'a pas laissé de façon stérile la pièce se dérouler sous nos yeux: il se l'est appropriée. Bien sur, le casting recèle des problèmes pour le metteur en scène: ainsi, si Cary Grant est fidèle à lui-même, on imagine qu'il a surtout été amené à faire du cary Grant, pour le meilleur heureusement. Mais Mankiewicz n'aimait pas Jeanne Crain et estimait avoir complètement échoué à en tirer quelque chose pour ce film; je trouve pour ma part ce jugement bien sévère. Pour le reste, les acteurs convoqués sont pour notre plus grand bonheur Walter Slezak, Le grand Finlay Currie dans le rôle de l'énigmatique et bien silencieux Shunderson, Margaret Hamilton, la sorcière d'Oz, revient en femme de ménage renfrognée, qui compose une énième figure ancillaire dans une oeuvre déja marquée par la Sadie de Thema Ritter (A letter to three wives) ou plus lointainement, la Peggy de Jessica Tandy (Dragonwyck). Et puisqu'on parle de Jessica Tandy, Mankiewicz avec ce film travaille enfin avec le mari de cette dernière, son ami, le grand Hume Cronyn, qui domine le film avec son médecin universitaire en croisade contre des ombres...

 

Dans un hôpital universitaire, le Dr Noah Praetorius (Cary Grant) est un médecin spécialiste en gynécologie, aimé de la plupart de ses collègues et des étudiants, mais sur lequel une enquête est ouverte afin de déterminer si il a oui ou non pratiqué la médecine d'une façon extravagante en se faisant passer pour un guérisseur d'une part, et afin de déterminer qui est l'énigmatique vieil homme silencieux qui l'accompagne en toutes circonstances d'autre part, Mr Shunderson. Parallèlement, Noah soigne dans sa clinique une jeune étudiante désespérée d'être enceinte (Elle n'est pas mariée, le père est décédé), et qui tente de se suicider. Afin d'empêcher une récidive, il choisit de lui faire croire qu'elle n'est finalement pas enceinte, mais le jour ou il se rend chez elle pour lui annoncer la vérité, il la demande en mariage à la place...

 

Le film, d'une certaine manière, est un peu All about Noah; le fait est qu'il commence par une mystérieuse rencontre entre le Docteur Elwell, le principal accusateur de Praetorius, et une femme qui l'a connu dans le passé et qui va apporter de l'eau au moulin de l'accusation. Et le choix d'entamer le film ainsi permet à Mankiewicz de commencer le film sur l'impression d'un nouveau puzzle, qui sera toutefois moins voyant que les autres, et dont la plupart des résolutions (le passé de Praetorius, sa rencontre avec Shunderson) seront uniquement dévoilées à la fin, mais la philosophie de Praetorius apparait quant à elle du début à la fin du film; Jeane Crain-Deborah aime à faire remarquer à Praetorius qu'il est un homme sentencieux et bavard, je dois admettre que c'est vrai... Il se lance parfois dans des diatribes qui font passer de façon un peu lourde tout l'humanisme du personnage. C'est heureusement partiellement désamorcé par sa complicité avec Deborah, son épouse, son ami le professeur Barker (Walter Slezak), et aussi sa position de chef de clinique, qui l'autorise à se montrer un peu professoral parfois... Le film fait reposer le suspense sur l'approche d'une réunion durant laquelle la faculté va explorer le dossier accumulé par Elwell, en présence de Praetorius...

 

Le mystère Shunderson occupe l'esprit de chacun, grâce à plusieurs pistes: d'une part, les personnages sont tous plus ou moins de l'avis du professur Elwell, qui est obsédé par la silhouette étrange du bonhomme; même Barker fait comprendre à Praetorius que son étrange ami est parfois une présence embarrassante, et que le surnom de Chauve-souris lui colle à la peau. Pour couronner le tout, le vieil homme réussit à apprivoiser un chien présenté comme un vrai sauvage, sans aucun problème (le chien s'apelle Belzébuth, rapport à son caractère...), un petit mystère de plus; seuls Déborah, son père et Noah semblent trouver du plaisir à la compagnie de Shunderson, le questionnement sur sa nature restant trop fort pour les autres... Tout cela est renforcé par la seule présence de Finlay Currie, qui use de sa silouette raide, et parle peu, avec son accent Ecossais si touchant. Bien sur le mystère Shunderson est résolu à la fin et finit d'ajouter une touche d'humour légèrement absurde au film...

 

Après la figure envahissante du père (House of strangers), Mankiewicz profite de ce film pour dreser un petit portrait de deux frères, les Higgins, qui sont le père de Deborah, et son oncle. Ce dernier possède une exploitation agricole, et passe la journée à se plaindre du haut de son rocking-chair, pendant que l'autre frère semble assumer de façon plus adulte la responsabilité de la ferme. Le père de Deborah est aussi un esthète, qui propose à M. Shunderson d'écouter de la musique en sa compagnie, un homme philosophe et tranquille, qui fume la pipe: un double de l'auteur, discrètement caché dans le script. L'oncle, ce serait donc une pique à Herman, le très mondain scénariste, celui dans l'ombre duquel il a fallu passer tant d'années...

 

Au final, ce petit film se pose un peu comme un petit précis d'humanisme tranquille; a la figure du Dr Elwell, mesquin, qui se vante de n'avoir aucune qualité humaine, aucun goût pour quoi que ce soit, vient s'opposer le pragmatique Dr Praetorius, homme de goût versé sur la musique, fidèle en amitié, qui a su garder une âme d'enfant (La séquence du train électrique est un intéressant mélange de cmoédie et de tension drmatique) et qui agit toutjours au regard de la personne qu'il a en face de lui, ainsi peut-on justifier son étrange mais efficae décisionde cacher sa grossesse à la jeune femme afin de l'empêcher de se tuer. Le film finit sur une note musicale qui tend à agir sur le spectateur, pour peu qu'il se laisse faire, et le fera se sentir bien... un film qui laisse Mankiewicz exposer un versant plus solaire de la comédie.

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz Cary Grant