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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 août 2024 5 23 /08 /août /2024 14:06

C'est l'été, dans une rue très populaire. Les dames prennent le frais, ou tentent de le faire. La conversation est gouailleuse, aimable, parfois un peu perfide: cette voisine d'une famille anglo-saxonne, par exemple, mme Maurrant (Estelle Taylor), se fait regarder de travers parce que tout le monde a repéré son manège... Dès que son mari, un dur de dur (David Landau) a le dos tourné, elle reçoit des visites d'un autre homme... Les gens se côtoient, partagent le même immeuble, mais ils sont d'origine différente: une famille Irlandaise, une autre Italienne, une Suédoise... Une famille qui n'en est plus une depuis que le mari est parti, et une famille composée d'un père juif d'Europe centrale (Max Montor), qui prêche le socialisme (ce qui irrite ses voisins) et de ses deux enfants qui font des études...

Sinon les enfants des uns et des autres sont plutpot jeunes. Parmi eux, les enfants Maurrant sont deux, la plus grande (Sylvia Sidney) en âge de travailler (et de se faire courtiser par son patron), et un jeune garçon qui doit essuyer les quolibets de ses copains en raison du comportement de plus en plus visible de sa mère... Les Jones, pour leur part, ont un fils (Matt McHugh) qui est un voyou, et qui partage l'antisémitisme décomplexé de sa mère (Beulah Bondi)... 

Le drame ne couve plus, il éclate sous nos yeux. En quelques jours, quelques heures même, le sang aura coulé entre deux joies, deux danses, deux engueulades, deux mensonges ou deux considérations sur le temps...

On ne quitte jamais la rue, qui devient le théâtre des vies souvent médiocres et sur le fil durasoir de ces personnages que la vie force à vivre ensemble. Le metteur en scène qui avait, c'est le moins qu'on puisse dire, largement la capacité à changer cet état de fait, a choisi au contraire de rester totalement fidèle à cet aspect de la pièce d'Elmer Rice. Ce dernier a été engagé par Goldwyn pour adapter lui même son scénario... Et Vidor, qui aime placer les goupes humains sous son microscope, réussit un miracle de direction d'acteurs, en donnant une même épaisseur à chacun des protagonistes, dans un film sans aucune concession...

 

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Pre-code
20 août 2024 2 20 /08 /août /2024 14:42

Ce court métrage de deux bobines fait partie d'une série tournée sous la responsabilité d'un juge pour enfants, le Juge Brown. Le principe était de tourner des films de propagande attractifs pour montrer les différents cheminements possibles pour éviter la délinquance. Paradoxalement, si celui-ci est a priori le seul qui ait survécu (on n'en est pas tout à fait sûr), il est aussi le seul à s'éloigner des neuf autres par deux aspects: d'une part le Juge n'apparait pas dans cette intrigue; d'autre part on est ici confronté à un autre versant de la société, dans cette histoire qui examine le rôle de l'armée et de l'engagement dans la construction d'un jeune homme de bonne famille...

Bud (Wallis Brennan) est un garçon énergique, qui anime une bande de chouettes copains, avec lesquels il joue à flanquer la patée au Kaiser... c'est qu'on est en plein engouement pour l'intervention Américaine dans la guerre mondiale, qui bat son plein. Entendant son grand frère Reggie (Robert Gordon) se vanter d'être satisfait de ne pas encore être incorporable, Bud se lamente... Comment rattraper l'erreur de son frère?

Certes, le ton patriotique est vaguement ridicule, mais il est reflète totalement l'esprit d'une époque, ce même esprit qui a vu Chaplin ou Fairbanks galvaniser des foules nombreuses dans les campagnes de levées de fonds, en 1918... Bud, le jeune garçon un rien trop enthousiaste d'un côté, et Reggie, le frère oisif qui souhaite se planquer le plus longtemps possible, sont des types de personnages qu'on voit beaucoup à cette époque.

Et de son côté, l'aspirant réalisateur King Vidor, l'un des premiers du métier à avoir été cinéphile avant d'embrasser la vocation et en faire une carrière, joue surtout la carte de la comédie, en donnant le rôle principal au jeune frère débrouillard, faisant du plus agé la cible de son ironie...

Mais pour finir, il serait passionnant, et un peu cruel, de donner à voir ce film en projection, et de l'accompagner de No greater glory, de Frank Borzage, qui en prend le contrepied en 1934...

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Muet Première guerre mondiale
20 août 2024 2 20 /08 /août /2024 11:46

1759, Boston: le jeune idéaliste et peintre Langton Towne (Robert Young) qui vient d'échouer à Harvard, a une querelle avec des notables britanniques... Avec "Hunk" Marriner (Walter Brennan), un excentrique qui ne cadre pas vraiment avec la morale puritaine du Massachussets, il se retrouve en compagnie du major Rogers (Spencer Tracy), un Ranger... Qui les incorpore de force dans son unité, qui s'apprête à partir en expédition contre des tribus hostiles...

C'est une autre époque, quand dans le sillage de ce qu'on avait appelé la "Destinée manifeste" (cette croyance selon laquelle les américains, comprendre les blancs et surtout les anglo-saxons, avaient une mission imposée par Dieu, qui était leur destin, de conquérir tout l'espace de leur continent), on justifiait le traitement infâme imposé aux peuples natifs. Une période de roman d'aventures, aussi, de James Fenimore Cooper notamment, et d'intrigues situées dans les grands espaces des lacs et des montagnes de l'Ouest.

L'histoire des rangers du major Rogers est un beau livre d'images, qui permettait aussi à la MGM de participer à la toute nouvelle et fort intéressante course au western (Dodge City, Stagecoach, The last command, Destry Rides again datent tous de cette même époque qui voit un genre délaissé reprendre de singulières couleurs), à sa façon, car ce film n'est pas (pas plus du reste que Drums along the Mohawk, réalisé par Ford pour la Fox) un western traditionnel en raison de la date des événements: le western se situe plus souvent dans la deuxième moitié du XIXe siècle... Donc on aura droit à tout: les escarmouches, la menace indienne, la présence des soldats Français, les grands lacs, la marche en plein bois, les pérdiodes sans nourriture, le découragement...

On a aussi une dimension qui nous explique pourquoi Vidor a fait ce film, lui qui s'intéressait tant aux visionnaires excentriques, il fait de son Major Rogers, incarné à merveille par Spencer Tracy, un américain qui est totalement acquis à sa mission, à sa façon, et sans aucune concession... Un film mineur, mais sympathique, qui prend sinon du sens, en tout cas une sacrée envergure quand on le voit enfin dans de bonnes conditions, avec son rutilant Technicolor...

 

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Published by François Massarelli - dans King Vidor
20 juin 2023 2 20 /06 /juin /2023 22:46

Quand on y pense, cette année 1939 était quand même une extraordinaire période pour le cinéma, surtout Américain... Et il est des films qui continuent à fasciner, 80 ans plus tard, de façon insolente, tel ce Wizard of Oz concocté à la Metro-Goldwyn-Mayer sous la férule de Mervyn Le Roy, qui aura rarement été aussi inspiré. Il est vrai qu'il n'a pas réalisé le film lui-même, mais su déléguer, à Fleming mais pas seulement puisque King Vidor était aussi de la partie, réalisant pour sa part l'essentiel de la partie 'Kansas' en sépia, notamment le mythique numéro musical Over the rainbow.

Ce qu'on retiendra de cette oeuvre inspirée d'un conte aujourd'hui terriblement poussiéreux, ce ne seront ni les péripéties, ni le message, ni même l'onirisme (c'était un rêve, la belle affaire!)... Non: c'est tout simplement qu'on est en plein cinéma absolument pur, filmé dans un studio où tout ressemble à un studio, avec des effets spéciaux géniaux, des maquillages impressionnants, et un refus de tirer la couverture à soi de la part de tous les acteurs. Tous des "roopers", non pas des cabotins courant le cachet, mais des artistes déterminés à donner le meilleur d'eux-même pour fournir un plaisir permanent dans ce film où il est toujours aussi bon de se perdre...

Le tout distille pendant cent minutes un plaisir foncièrement cinématographique, avec probablement pour plus grand frisson l'un des truquages les plus simples et les plus efficaces qui soient: quand Dorothy s'approche, en noir et blanc et sépia, d'une porte, qu'elle ouvre, et qui laisse désormais voir un paysage plus faux et plus Technicolor qu'on n'ait jamais vu. Il faut le (re) voir pour le (re) vivre... Tel qu'il est, avec l'avantage des années, ce film merveilleux au premier degré se situe en droite ligne en héritier des extravagances maîtrisées du grand Méliès, tout simplement...

Attention toutefois, dans ce film, on tue les sorcières!

 

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Published by François Massarelli - dans Victor Fleming King Vidor
24 juillet 2022 7 24 /07 /juillet /2022 17:49

Deux hommes venus de nulle part (enfin, presque: l'un vient de Kansas City, l'autre du Texas) arrivent au Wyoming par le train: Dempsey Rae (Kirk Douglas) a une longue expérience de cow-boy, pendant que Jeff (William Campbell) ne demande qu'à en acquérir une... Ils se font embaucher par le mystérieux patron du ranch "Triangle" qui vient de s'installer, et qui promet d'être un géant de l'élevage: on parle de milliers de têtes. Pour se protéger, et préserver les chances pour leur bétail de se nourri dans la prairie, les fermiers du coin commencent à se fournir en barbelés, ce qui déplait fortement à Dempsey Rae, attaché à une prairie ouverte à tous... Quand le propriétaire du Triangle arrive enfin, ses employés ont la surprise de découvrir qu'il s'agit d'une femme (Jeanne Crain). Très rapidement, celle-ci est déterminée à s'attacher la loyauté de Dempsey...

Dans les années 20, Vidor voyait grand et brassait les "grands sujets" avec des moyens impressionnants, en particulier pour The Big Parade. Ce film semble bien loin de ce style ramassé en moins de 90 minutes, tourné largement en décors naturels qui ne ressemblent pas tant qu'on le voudrait au Wyoming, situé nettement plus au Nord que les décors habituels du western, généralement trouvé plus près des studios. C'est un film Universal, avec une star particulièrement importante, donc là encore, on s'attendrait à ce que ce soit une oeuvre de commande.

En fait, il n'en est rien: Vidor, sans doute pour la dernière fois, retrouve un souffle et un lyrisme, et brasse de manière virtuose les grands thèmes westerniens: la marche inéluctable du progrès, de la civilisation, incarnée ici par un personnage très ambigu, celui de la patronne un rien carnassière qui se joue de ses employés et n'hésite pas à jouer de sa séduction. Pourtant, elle ne défie pas le bon droit, elle laisse avec plus ou moins de réticences ses employés le faire pour elle! Elle est opposée à l'éternel romantique Dempsey Rae, qui défend une conception plus libertaire de la prairie et de l'élevage, mais n'hésite pas quand il le faut à faire des choix inattendus pour préserver le bon droit: ainsi, malgré son aversion pour les barbelés, il va s'allier aux petits fermiers... Vidor s'attaque au mythe du cow-boy surhumain, à travers une scène qui montre Kirk Douglas se moquer des acrobaties auxquelles se livrent les maniaques de la gâchette. Le film pose aussi une réflexion sur la place des hommes et des femmes dans l'ouest, évalue le droit et la liberté la force et la loyauté, avec une dose de sensualité (Jeanne Crain et sa baignoire!) qui lui appartient, et qu'on a déjà vue à l'oeuvre dans tant de films... Et tout ça en ayant quand même choisi son camp: du côté du droit, certes. Mais du côté, aussi, du paria et de la prostituée (Claire Trevor, tiens donc!).

Et en plaçant tous ces éléments dans un western classique et rempli de scènes définitives, il signe son dernier chef d'oeuvre, pas moins.

 

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Western
3 octobre 2020 6 03 /10 /octobre /2020 11:09

Un bateau rempli d'Américains désoeuvrés (et soucieux de passer du temps en dehors de leurs eaux territoriales afin de s'y adonner aux plaisirs de la boisson) aborde une petite île de Polynésie, et ce qui se passe généralement dans les films situés dans cette région est ici inévitable: les habitants de l'île se précipitent vers eux et se livrent à de multiples acrobaties. L'un des marins, Johnny (Joel McCrea) tombe amoureux d'une belle naïade (Dolores Del Rio) avec laquelle il va très vite essayer de fuir. Sauf que la dame en question est fille de chef, et qu'on ne rigole pas trop avec le protocole dans cette île volcanique où on a tendance à calmer les éléments en leur sacrifiant de jeunes vierges...

Dans son autobiographie, King Vidor disait avoir fait ce film dans le seul but de se payer deux mois au soleil, et au vu du résultat, c'est assez clair que c'est probablement en effet exactement le cas.

Pourtant, ce film jetable, à l'intrigue anémique et aux images trop belles pour être vraies (bien qu'effectivement tournées sur place), porte en germe beaucoup de grandes choses: selznick l'a produit avant King Kong, et Steiner en a aussi écrit la bande originale, du coup Bird of Paradise est un peu un précurseur, tout en renvoyant aussi bien à Tabu de Murnau, qu'à White shadows of the South Seas de Woody Van Dyke. enfin, la fameuse séquence durant laquelle Dolores Del Rio (Ou plus probablement sa doublure) nage sans l'ombre d'un maillot a probablement inspiré les metteurs en scène (ils sont nombreux à être crédités, disons qu'il y a au moins Cedric Gibbons et Jack Conway) de Tarzan & his mate, dans lequel Jane (Maureen O'Sullivan) perd sa robe sous l'eau. Coïncidence? Gibbons était le mari de la belle Dolores...

 

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Pre-code Mettons-nous tous tout nus
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 08:02

On devait beaucoup aimer John Gilbert à la MGM en 1926: le principal acteur de The Big Parade passe du statut de jeune premier à celui d'un acteur polymorphe, montreur de monstres dans The Show, artiste amoureux transi dans La Bohême, et enfin bretteur et séducteur énergique dans Bardelys...

Le Marquis de Bardelys (John Gilbert), surnommé Le magnifique en raison de ses succès auprès des dames, accepte un pari avec un rival, le louche comte de Chatellerault (Roy D'Arcy): sous l'arbitrage du roi Louis XIII, il va devoir séduire Mademoiselle de Lavedan (Eleanor Boardman), la très difficile à atteindre fille d'un opposant au Royaume. Mais Bardelys n'avait pas compté sur trois imprévus: d'une part il va usurper l'identité d'un homme mort dans ses bras pour approcher la belle, et cet homme étant un anti-Royaliste notoire cela va lui porter préjudice; Chatellerault, l'infâme, va profiter de la situation pour tenter de se débarrasser de lui; mais surtout, surtout, Christian de Bardelys va pour la première fois de sa vie tomber amoureux...

Après The big parade qui montrait l'étendue de son talent, de son importance et de ses capacités, Vidor avait accepté La Bohême à contrecoeur, et je pense que c'était le cas aussi pour ce film. Il fera d'ailleurs un clin d'oeil appuyé dans Show People, quand William Haines et Marion Davies seront partagés lors d'une projection-test de Bardelys au studio, elle pleurant et lui prenant de très haut ce qu'il appelle un "punk drama"... Mais après la tragédie que Lillian Gish n'entend absolument pas atténuer par un happy-end, au moins Bardelys est-il l'occasion de se détendre un peu, et de s'amuser. Un film de vacances presque, qui permettra au metteur en scène de passer à autre chose (The Crowd), et à l'acteur, du moins le croit-il, d'acquérir un peu de contrôle sur ses films futurs, voire de les mettre en scène... ce qui n'arrivera jamais.

On est mitigé, finalement, tant le pensum semble s'être transformé en plaisir pour tout le monde: John Gilbert se fait un peu passer pour Douglas Fairbanks avec des duels à l'épée, bien réglés; Eleanor Boardman assume avec aise (elle qui dira jusqu'à la fin de ses jours garder un souvenir maussade de son admirable prestation de The Crowd) un rôle classique de jeune femme à marier doublée d'une "damsel in distress"; Roy D'Arcy accomplit son art ultra codifié de villain mélodramatique à souhait en ressortant exactement la même partition que dans The merry widow, ce qui le rend automatiquement impossible à prendre au sérieux; et en filmant une évasion spectaculaire, Vidor a bien du se faire plaisir lui aussi...

Maintenant si tout ça c'est pour rire malgré le budget conséquent et le soin apporté à la pièce montée par la MGM (Ars gratia artis, disaient-ils...), la principale raison pour laquelle le film est précieux aujourd'hui, c'est sans aucun doute parce qu'il a été longtemps perdu avant d'être miraculeusement retrouvé, amputé d'une seule bobine. Enfin, perdu, c'est un bien grand mot: il a été détruit. En 1936, pour libérer des places sur ses étagères, la direction de la MGM a sélectionné quelques-uns de ses films muets, et celui-ci était en tête de liste. On ne devait décidément pas aimer beaucoup feu John Gilbert en 1936 à la Metro-Goldwyn-Mayer... Mais le fait d'avoir été découvert dans des circonstances improbables (en France, et confié à Lobster) lui donne un petit je-ne-sais-quoi que le film n'aurait jamais eu autrement.

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Muet King Vidor *
3 février 2019 7 03 /02 /février /2019 16:32

A l'origine, je pense que ce film devait surtout être, dans l'esprit de son créateur principal David O. Selznick, une occasion de faire "un petit western", et en même temps un prétexte pour retravailler avec King Vidor, en souvenir de la petite escapade Polynésienne de Bird of Paradise (1932). Mais Selznick étant Selznick, ça a quelque peu dégénéré: plus de Technicolor, plus de stars, plus de scènes, plus d'érotisme bien lourd, plus de tout... Le résultat n'est pas, à mon sens, un film de Vidor. C'est du reste ce qu'en pensait le réalisateur lui-même. Ce n'est d'ailleurs pas non plus un film qu'il puisse totalement renier, le scénario reprenant un certain nombre de figures qu'on retrouve dans son oeuvre, et qui pour certaines allaient attendre un peu...

Pearl Chavez (Jennifer Jones), la fille d'un gentleman Sudiste déchu (Herbert Marshall), doit faire un voyage lorsque son père, condamné pour le meurtre de son épouse, est exécuté: il lui a conseillé d'aller chercher refuge chez une de ses anciennes amours, Laura Belle McCanles (Lillian Gish), mariée à un très riche et très irascible propriétaire terrien du Texas (Lionel Barrymore). Celui-ci n'accueille pas Pearl, pour moitié Indienne, d'un très bon oeil, mais ses deux fils Jesse (le gentil, interprété par Joseph Cotten) et Lewton (le méchant, incarné avec excès par Gregory Peck), eux, se réjouissent de l'arrivée de la jeune femme...

Ajoutons pour faire bonne mesure Harry Carey en avocat qui est en lutte ouverte avec le vieux McCanles au sujet de l'arrivée du chemin de fer, Walter Huston en prédicateur auto-proclamé, Charles Bickford en prétendant assassiné, et Butterfly McQueen en domestique de Laura Belle, et on pourra au moins reconnaître que la distribution est impressionnante. Seulement voilà, à trop vouloir refaire l'exploit de Gone with the wind, à trop reprendre des mains de ses réalisateurs (Vidor, mais aussi Dieterle, et il se murmure que Sternberg aurait aussi mis la main à la pâte) son jouet pour le remodeler indéfiniment, Selznick a commis erreur sur erreur... Et le film est excessif en tout. Parfois excessivement beau à voir en même temps qu'excessivement vide, avec trop de stars et trop de trop, on s'étouffe.

Tiens, justement: Jennifer Jones, comme d'habitude et plus que d'habitude, en fait trop. Et si Vidor a pu ressortir quelques idées du placard, et s'intéresser aussi à deux jusqu'au-boutistes qui préfigurent un peu les héros de The fountainhead (1949), il se noie sous le cahier des charges et surtout les aspects passionnels du film: chaque personnage porte en lui un rapport à la passion qui est différent: le vieux McCanles en est revenu, la dame Sudiste l'a vécue et souhaiterait y revenir, le fils raisonnable s'en tient précautionneusement à l'écart... Seuls Lewt et Pearl y succombent: lui volontairement, elle à son corps défendant. On ne s'étonnera pas que ça finisse mal; on ne s'étonnera pas non plus d'apprendre que Jennifer Jones et Selznick filaient le parfait amour: on ne voit que ça.

...Et Lillian Gish, bien sûr, pour l'un de ses rôles les plus substantiels d'après sa période muette. Une bonne raison de voir le film, en somme...

 

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Published by François Massarelli - dans Western King Vidor Lillian Gish
27 juin 2018 3 27 /06 /juin /2018 09:04

Au début du siècle, en Irlande, nous faisons la connaissance de James O'Connell (Russell Simpson), un fier Irlandais sans le sou, qui s'est marié par amour à une Anglaise d'une riche famille... Laquelle ne veut plus entendre parler d'eux. Une petite fille est née, Margaret dite Peg, mais Madame O'Connell se meurt, dans l'indifférence affichée et militante de son propre frère...

Les années passent: Peg est devenue une belle jeune femme (Laurette Taylor) qui accompagne son père dans des diatribes anti-Anglaises insensées. Ils sont vaguement hors-la-loi, et vivent parfaitement heureux, jusqu'à ce qu'un avocat, Montgomery Hawkes (Lionel Belmore) vienne les débusquer: il représente les intérêts de feu le frère de Mme O'Connell, et celui-ci a décidé sur son lit de mort de faire quelque chose pour Margaret. Hawkes persuade donc son père de la laisser partir pour l'Angleterre où elle sera prise en charge par sa tante Chichester (Vera Lewis), moyennant une rente coquette...

Le problème, c'est que personne chez les Chichester n'est au courant... mais une rente annuelle de £3000, n'est-ce-pas, cela ne se refuse pas, surtout quand les circonstances sont si drastiques que même un Chichester envisage éventuellement de... travailler.

Vidor et l'auteur de la pièce originale, J. Hartley Manners, se sont mis d'accord pour changer le début de l'intrigue: dans la version montrée à Broadway, Peg et son père sont aux Etats-Unis, où l'avocat vient les chercher. Mais Vidor a choisi d'amplifier le contraste entre la famille Chichester (la mère, totalement murée dans ses préjugés, le fils qui désire "se sacrifier" en cherchant à "faire carrière", et la fille pourrie et gâtée, mais qui seule comprendra que Peg est quelqu'un de formidable), et la jeune Irlandaise délurée qui va apporter beaucoup de péripéties dans leur foyer un peu trop tranquille.

Celle-ci est interprétée par Laurette Taylor, qui n'est autre que l'épouse de Manners, et c'est sans doute là que le bât blesse: sa présence en haut de l'affiche a valu un crédit de "Superviseur" à son mari, et elle joue le rôle d'une jeune femme bien moins âgée qu'elle (Taylor  39 ans lors du tournage) et... ça se voit. Non seulement, mais comme elle a tendance à jouer un peu à la façon dont Griffith demandait à Carol Dempster et Mae Marsh d'interpréter les femmes-enfants, c'est souvent, disons, gênant... Pour le reste de l'interprétation, il n'y a pas de problème, et Vidor s'amuse avec ce mélange éprouvé de conte de fées, de mélodrame et de comédie. Il n'oublie pas de signer le film, avec une utilisation savante du décor, soit pour pousser son lyrisme (L'Irlande), soit pour montrer les différences sociales (la demeure des Chichester), et surtout il utilise à merveille la nature: le marivaudage dans les vergers, et la scène de la rencontre entre Peg et l'homme de sa vie(Mahlon Hamilton), située pendant un orage, en témoignent...

Cette production Metro bien ficelée a consolidé la position de Vidor, et s'il est clair que le film ne porte pas totalement sa marque et reste un compromis, il n'en est pas moins une pépite, parmi celles qui mènent à The Big Parade.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1922 King Vidor
14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 17:55

Patsy? C'est d'une part un diminutif plausible pour le prénom Patricia, mais c'est aussi un terme qui désigne un bouc émissaire... Ca va donc doublement à Patricia, interprétée par Marion Davies. Elle est la petite dernière d'une famille de quatre personnes, à peine sortie de l'adolescence, où sa mère (Marie Dressler) et sa soeur Grace (Jane Winton) aimeraient la cantonner. Pas son père (Dell Henderson) toutefois: comme il le fait remarquer, il en a marre que sa fille cadette soit le souffre-douleur. Il n'est pas très bien loti non plus, car s'il a réussi à installer son cabinet de médecin et offrir une vie tranquille à son ménage, son épouse lui reproche avec insistance son manque de sophistication... 

La mère et la fille aînée sont unies dans un but précis: faire en sorte que le chevalier servant de Grace, Tony (Orville Caldwell) devienne un jour son mari, quand il aura réussi à s'installer en tant qu'architecte. Mais il y a deux soucis: premièrement, si Grace a effectivement jeté son dévolu sur Tony, ça ne l'empêche pas de flirter et plus si affinités, notamment avec le très douteux fils à papa Bobby Caldwell (Lawrence Gray); deuxièmement, Tony met du temps à s'en rendre compte, mais Patricia est folle de lui, et ne rate aucune occasion de tenter sa chance... Les circonstances (Et son père, aussi) vont l'aider...

C'est un film de commande pour Vidor. Que Marion Davies souhaite travailler avec lui est peu étonnant compte tenu de la réputation du metteur en scène, mais ça veut dire que ce nouveau film est un peu loin des préoccupations du metteur en scène qui souhaitait poursuivre ses portraits de l'Amérique entamés avec le splendide The big parade en 1925, et poursuivi en 1927 avec The crowd... Cela étant dit, il adopte une façon de faire qui est la seule possible: Marion Davies étant la star incontournable du film, il met sa caméra dans ses pas, et permet à l'actrice de laisser libre cours à son talent comique corporel, et à sa fantaisie souvent excentrique, toujours singulière.

Et c'est justement ce qui fait le prix de ce film, basé sur une pièce qu'on devine bavarde, et dont les intertitres et le jeu des acteurs et actrices, reprennent parfois les répliques: pour un film muet, on sait que ce n'est jamais bon signe... Mais Vidor et Davies se sont prémunis, et c'est toujours le slapstick qui prime, en particulier dans la scène d'anthologie la plus célèbre: dans une machination compliquée (et qui n'aboutira d'ailleurs pas du tout au résultat escompté), Patricia s'est introduite chez le playboy Bobby afin de provoquer la jalousie de Tony. Elle souhaite qu'il tente des choses hardies avec elle mais il est saoul, et amorphe. Pour le réveiller, elle tente un pas de charleston, avec un visage impassible, puis va imiter trois actrices dont les portraits sont accrochés aux murs: une scène, à n'en pas douter, qui n'était pas dans la pièce! Et c'est ainsi que Marion Davies imite d'abord Mae Murray (Elle-même une star MGM), dans un portrait pas très gentil, puis Lillian Gish dont elle donne en 2 minutes un florilège, brassant les rôles de l'immense actrice: La bohême, Broken Blossoms, The White sister et The scarlet letter, tout y passe... Enfin, c'est au tour de Pola Negri, la plus limitée des trois caricatures... On pourrait aussi citer les scènes durant laquelle Patricia se fait passer pour folle, qui d'ailleurs nous renvoient à plusieurs films Roach avec Charley Chase.

C'est là qu'on voit ce que William Randolph Hearst n'aimait pas qu'on rappelle: Davies était une actrice physique, qui n'avait aucun tabou sur son visage (pas d'angle de prise de vues prioritaire chez elle contrairement à tant de cabotins), ni sur la façon, toujours énergique, dont elle jouait ses rôles. De plus, elle est ici secondée et complétée par deux immenses acteurs de slapstick, parfaitement géniaux l'un et l'autre: Marie Dressler et surtout Dell Henderson. Avant Show people, Vidor savait bien en tout cas comment diriger sa star, et si on admet que le film n'est le meilleur ni de l'un, ni de l'autre, il reste un plaisir constant, et un rappel de l'importance d'une grande actrice, une vraie.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1928 King Vidor Marion Davies *