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3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 22:20

C'est l'été... Le directeur d'une société de commerce danois-australien, John Muller (William Bewer), accoste au Danemark, avec sa fille Alice (Lissen Bendix) et une amie de celle-ci (Gerda Madsen) . Il souhaite leur faire découvrir le pays, tout en rencontrant le directeur de la branche Danoise, Jens Jessen (Oscar Striboldt). Celui-ci a deux fils (Harry Komdrup et Gorm Schmidt), et il est question que l'un d'entre eux se mariera avec la fille, Alice Muller. Ils sont persuadés que c'est une Australienne sauvage et les deux cherchent à se défiler...

Pendant ce temps là, nous faisons également la connaissance de deux vagabonds qui ont une combine: l'un d'entre eux (Carl Schenström) se fait passer pour un aveugle et joue de l'orgue de barbarie, du moins il fait semblant... A l'intérieur de la caisse, son copain (Harald Madsen) joue de l'accordéon. Ca paie... peu.

Les deux fils, désespérés, les engagent pour jouer leur rôle, puis se ravisent quand ils constatent que la jeune femme qui est arrivée est fort jolie. C'est en vérité la copine d'Alice car cette dernière aussi est méfiante...

Une fois de plus, Lauritzen concocte une comédie autour du marivaudage des jeunes, couvés par la sagesse ventripotente de la bourgeoisie, incarnée encore une fois par Oscar Striboldt. Et la formule est pimentée par l'intrusion de "Doublepatte et Patachon", dont le succès Européen était déjà avéré. Ils n'ont pas grand chose à faire, juste s'investir un peu dans une intrigue qui tend, justement, à les exclure purement et simplement, mais qu'ils vont, paradoxalement, contribuer à faire avancer à leur façon.

C'est assez moyen, et l'équipe, qui avait sans doute beaucoup de commandes à honorer au vu du succès des premiers films, a sans aucun doute précipité la suite des productions. D'où cette impression persistante de déjà vu... Mais au moins, le réalisateur et son équipe ont-ils eu l'idée d'inverser la tendance: cette fois, ce sont les garçons qui sont à marier au lieu des filles! Ce qui ne facilite pas les choses, d'ailleurs: les deux jeunes hommes, querelleurs et indisciplinés, passent le plus clair de leur temps à se battre... 

Dans ces conditions, entre les pères qui s'imaginent légitimes à décider du bonheur de leurs enfants, les deux jeunes femmes qui imaginent un statagème étonnant, et les deux garçons complètement immatures, il est intéressant de constater que Doublepatte et Patachon deviennent finalement les protagonistes les plus sensés de cette histoire invraisemblable...

Et sinon, au milieu, un rêve érotique particulièrement choquant par son racisme... Imaginant le pire à propos de la fiancée potentielle venue de la lointaine Australie, Gorm Schmidt se rêve poursuivi par des amazones dévêtues... et couvertes de suie. 

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Published by François Massarelli - dans 1922 Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet
3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 14:21

C'est le deuxième plus ancien film conservé de la petite entreprise de comédie de Lau Lauritzen avec Carl Schenström et Harald Madsen, et d'une certaine manière on a envie de dire: on prend les mêmes et on recommence! Les deux héros sont de nouveau des vagabonds, à nouveau c'est l'été, et les deux rigolos vont tourner autour du monde presque sans rien y changer... Le titre, conforme au précédent film, signifie en gros Le soleil, l'été, et les études. Il comporte évidemment trois noms.

Un film de trois bobines justifiant bien trois intrigues, il y a ici un père riche et ventripotent (Oscar Striboldt, une superstar à sa façon) qui essaie de reconquérir sa maisonnée et en particulier ses filles qui sont en âge de passer le baccalauréat; il y a aussi des soupirants qui sont prêts à tous les stratagèmes pour approcher les jeunes femmes en question; et bien sûr, deux vagabonds qui ont élu domicile sur un port, pas loin, mais la police les y cherche, il leur faut donc trouver un endroit où se cacher: comme la sainte famille est partie faire du camping sur une île, la maison est vide, donc...

...donc "Doublepatte et Patachon", comme on les appelait, vont s'installer et se comporter en sales gosses, allant jusqu'à enfermer la femme de chambre dans un placard! mais la scène est savoureuse, et servie par une gestuelle de grande précision, et grâce à Schenström et son corps souple de grand échalas, toujours profondément excentrique.

A propos, le film qui n'est disponible que dans une version probablement légèrement raccourcie, recèle un petit mystère: au départ, dès le premier plan, la caméra cadre une affiche placardée dans la rue, qui avertit du fait qu'on recherche les deux héros. Mais c'est rédigé dans un français plus qu'approximatif... Pourquoi cette langue? J'imagine que s'il s'agit d'une copie d'exportation, la syntaxe aurait pu être plus soignée... Et le site du DFI ne mentionne aucune sortie française.

Avec ses trois intrigues qui seront toutes résolues (plus ou moins en même temps), ce n'est peut-être pas le meilleur film du duo, mais il recèle de petits trésors d'humour. Bien sûr, ils seront plus souvent dus à l'impeccable timing des deux acteurs principaux, qu'à Striboldt et sa clique de bathing beauties...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Comédie Muet 1922 Schenström & Madsen
3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 14:19

C'est à la Palladium films que Lau Lauritzen va tourner avec Carl Schenstrom (Le grand échalas contorsionniste) et Harald Madsen (le petit râblé) des comédies, dont ceci est l'une des premières: si je ne suis pas tout à fait sûr de la chronologie, je sais qu'il y a eu d'abord un moyen métrage dans lequel Lauritzen expérimentait avec Schenström et un autre acteur... Par contre, on sait clairement qu'il s'agit de leur plus ancien film conservé. C'est un moyen métrage de trois bobines, et il établit de façon durable le caractère des deux principaux protagonistes.

Durant l'été, sur les bords de la mer du nord, on fait connaissance avec une famille très aisée (les parents: Oscar Tribolt et Olga Svendsen), dans laquelle un baron (Torben Meyer) a décidé de s'incruster en épousant la fille (Ingeborg Bertelsen) de la famille. Sauf que le type est un salopard de la pire espèce, qui est déjà fiancé, suivant les conventions habituelles du mélodrame... Et la fille est quand même toujours contente de voir le meilleur ami de son frère (Gorm schmidt), Peter Plum (Victor Montell), un brave garçon, lui. Et deux vagabonds, des rémouleurs miteux (devinez de qui il s'agit) qui traînent dans le coin, interceptent une lettre qui est destiné au traître, et qui prouve ses sombres agissements. Ils décident de s'en mêler...

Le titre signifie "Film, flirt et fiançailles", selon une tradition de comédie que beaucoup des films à venir de Lauritzen avec le duo vont s'efforcer de respecter: trois mots qui décrivent l'essentiel de l'intrigue, et ce en ajoutant une répétition d'un son précis. ...Ici, le son F. Pourquoi "Film"? parce que la fiancée du Baron est actrice, et tous les personnages vont se retrouver sur une plage, où un tournage a lieu, durant lequel le metteur en scène va inviter des locaux à figurer; un prétexte pour voir évoluer les deux acteurs au milieu de jolies filles en maillots de bain affriolants, ce qui là aussi va devenir une tradition de ces films. Et bien sûr nos deux amis vont, à leur corps défendant, contribuer au film avec le style qui les caractérise...

Le plus intéressant reste la façon dont évoluent nos deux anti-héros, la dynamique déjà bien ancrée de ces deux personnes qui pour l'instant restent volontairement à l'écart des gens auxquels ils viennent en aide. Ce ne sera pas toujours le cas. Mais l'ingéniosité aussi, dont ils font preuve en toute circonstance, ainsi que le contraste entre les deux, la réserve de Schenstrom, un adulte qui a trop grandi et ne sait pas trop quoi faire de lui-même, et le côté volontiers enfantin de Madsen, qui lui n'a pas encore trouvé l'occasion de grandir, les différencie de tous leurs homologues Américains. Ils sont, déjà, dès cette première trace de leur travail, extrêmement touchants. Et leur gestuelle nait littéralement sous nos yeux, les montrant pour toujours à l'écart, dans une galerie de mouvements qui n'appartiennent qu'à eux seuls: la façon dont pour se retirer, ils se tiennent la main; l'expression de la joie, qui passe chez Madsen par un étrange tournoiement; le sourire d'enfant de Schenström...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1921 Lau Lauritzen Schenström & Madsen
17 avril 2023 1 17 /04 /avril /2023 11:34

Un long métrage sauvé du désastre des ans: une bobine entière de ce film est en effet rongée par un début de décomposition, et comme de juste, c'est le moment le plus réjouissant, dont il ne reste plus qu'une très vague impression. C'est d'autant plus dommage qu'il s'agissait probablement d'un des meilleurs moments du duo Schenstrom-Madsen, et de la plus belle séquence loufoque que j'ai pu (presque) voir dans les films de Lauritzen.

Un couple de bouchers (Oscar Stribolt, Kristine Friis-Hjorth) se met à avoir des illusions de grandeur à cause de leur succès, et madame en particulier souhaite fréquenter la noblesse et les "gens bien". Ce qui la pousse à refuser le mariage de leur fille (Karen Winther) avec leur employé (Einar Hanson)... Celui-ci va trouver une aide inattendue, en rencontrant trois forains, qui voyagent avec leur cirque miteux de plage en plage: il a l'idée de les transformer en un prince (Carl Schenstrom), sa fille (Jessie Rindom) et un domestique (Harald Madsen), d'une part pour revenir en grâce auprès de sa belle-mère potentielle, mais aussi pour dégonfler ses rêves de grandeur...

C'est, comme d'habitude, la peinture d'un monde à deux vitesses, pris sous l'angle de la comédie burlesque et très populaire (avec l'aide de la star Oscar Stribolt qui n'avait pas son pareil pour jouer les roturiers parvenus avec un certain sens du gag populiste): comme d'habitude, le monde des riches et celui de "Doublepatte et Patachon" ne se mélangera que brièvement, et comme d'habitude, le déguisement ne marchera qu'à moitié... C'est plaisant, mais on reste un peu sur sa faim, à part pour une étourdissante séquence de cirque comparable à certaines scènes de The circus de Chaplin, et sans doute pour la séquence des faux fantômes, qui est hélas cachée au milieu de la pellicule décomposée... 

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Muet 1925 Schenström & Madsen
7 juillet 2022 4 07 /07 /juillet /2022 17:36

Deux histoires, apparemment sans lie: d'un côté, un détective, patron d'une prestigieuse et ultra-moderne agence, reçoit la mission de démanteler un réseau de malfrats, sous la coupe du mystérieux chef, Terry. De l'autre, un faux couple (les deux amoureux le sont en effet, mais chacun d'entre eux avec un ou une autre) qui a gagné le prix de plus beau couple du Danemark, doit se rendre en croisière pour profiter de leur distinction... Ce qui va lier les deux? Lors d'une de ses missions, le détective se cache dans le kiosque à journaux roulant de Schenstrom et Madsen, soit Doublepatte et Patachon comme on les appelait alors. Frappé par sa ressemblance avec le plus grand, il les engage pour détourner l'attention des bandits qui surveillent son agence en permanence. Et pendant qu'ils tiennent la maison, pour ainsi dire, les deux compères sont contactés par les deux conjoints secrets du faux couple, afin de les accompagner dans leur périple: l'objectif est bien sûr de les empêcher de fauter! Pas de danger, semble-t-il, ils se détestent...

Entretemps, Madsen s'occupe en découvrant tout un tas de gadgets plus idiots les uns que les autres dans le bureau de l'agence, les deux amis reçoivent à l'agence la visite d'un étrange personnage, qu'ils réussissent à neutraliser, les deux fiancés secrets suivent le trajet du couple gagnant et tombent amoureux l'un de l'autre, une attachée de presse, chargée de couvrir le voyage des deux gagnants, tombe pour sa part sous l'étrange charme du petit Madsen, et ce dernier, pendant que ses clients font la route du Rhin, fait la route du vin, puisqu'il est fin saoul du début à la fin du film!

Sur un scénario de Valdemar Andersen, qui commençait lui aussi à diriger les deux acteurs fétiches de la Palladium, Lau Lauritzen s'amuse à compliquer les choses avec une certaine verve. Le film a deux solides atouts (en plus de l'excellente dynamique de ses deux vedettes, qui de toute façon n'est jamais mise en doute): d'une part le réalisateur évite les clichés qu'il a lui même établis, et qui ont fini par lasser: les jolies filles en duo, les intrigues sentimentales à la noix, et les attraits clichés du bord de mer, qui devait quand même être un peu frisquet, vu qu'on est au Danemark! Et d'autre part, le film situé pour une large part à Copenhague participe de la poésie urbaine si particulière et si ancrée dans la deuxième moitié des années 20... 

Si tous les films consacrés au duo Madsen et Schenstrom ne sont pas de la même qualité, celui-ci, qui en prime accumule les loufoqueries avec un bel entrain, est une vraie réussite...

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Published by François Massarelli - dans Muet Lau Lauritzen 1929 Comédie Schenström & Madsen *
22 avril 2022 5 22 /04 /avril /2022 18:49

Deux jeunes femmes modernes ont décidé d'attraper en marche le train de la mode de la culture physique, et elles présentent à leurs amies (ainsi qu'à deux cousins collet monté qui qui ont des vues sur elles) un avant-goût de leurs activités: des tableaux vivants courts vêtus. La chose arrive aux oreilles de leur oncle et tuteur, qui ne souhaite pas que ses deux pupilles aillent dans cette direction, pour des raisons morales. Elles décident de le tromper en prétendant qu'il a mal compris et qu'elles étudiaient la sculpture académique, et proposent même de lui offrir une de leurs créations... Elles doivent donc engager vite fait bien fait deux fausses statues afin de rectifier le tir...

Ce sont, bien sûr, Carl Schenstrom et Harald Madsen qui vont jouer ce rôle, propice à bien des gags (et on les aura tous) mais ils vont aussi faire deux choses qui sont judicieuses: d'une part, étant respectivement contorsionniste et gymnaste, ils vont prendre en charge les cours de culture physiques, entourés donc de jolies filles en maillot comme c'est la règle chez Lauritzen; d'autre part, ils vont, et c'est peu courant, séduire les deux cousines, jouées d'ailleurs par deux authentique jumelles: car chez Lauritzen, comme les héros ou la syllabe de son prénom pseudonymique, les jeunes gens qui fournissent le plus souvent la partie "sentimentale" de ses comédies vont toujours par deux...

C'est un film assez court, conventionnel mais drôle, et le titre qui imite celui d'un documentaire Allemand qui avait du faire un joli scandale (on y enlève le maillot en permanence) montre bien que Lauritzen s'y préoccupe d'exploiter une mode qui s'incorpore assez bien dans son style de comédie... Mais ce qui compte, comme d'habitude, ce sont les deux héros qui trouvent ici un rôle physique à leur mesure. La démonstration des prouesses physiques (un peu améliorées, mais basées sur d'authentiques exploits, à commencer par l'impeccable grand écart de Schenstrom) est en particulier une séquence étourdissante... Et puis contrairement aux autre protagonistes masculins du film, on les aime, ces deux-là, que voulez-vous. Et dans ce film, Lauritzen qui ne les a pas toujours gâtés, leur a concocté une drôle d'entrée en matière sous forme de rêves à répétition (ils font d'ailleurs les mêmes) qui les voient régner sur une troupe de jeunes femmes, manger à leur faim et même séduire... Autant de prémonitions, annoncées par des fondus enchaînés entre les deux vagabonds et la paire de jumelles.

 

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet Lau Lauritzen Comédie Schenström & Madsen
14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 13:28

Schenstrom et Madsen ont trouvé un coin de paradis, une plage sur laquelle ils essayent de séduire des baigneuses... Ils se font une amie, Mona, dont ils sont tous deux amoureux. Mais ils sont rattrapés par le service mirlitaire! Sommés de rejoindre leur base, ils vont se retrouver en cantonnement dans une ferme qui est tenue... par la tante de Mona:le monde est petit...

Ca manquait, sans doute, à leur panoplie: ceux qu'on connaît ici sous le nom de Doublepatte et Patachon ont, en effet, été minotiers, artificiers, acteurs, politiciens, photographes, vagabonds, maîtres de danse, voire Quichotte et Panza, mais jamais soldats, à une époque où a tradition du comique troupier était encore vivace: la même année, Maurice Tourneur sortait Les gaietés de l'escadron d'après Courteline... Mais ce n'est pas le meilleur du film, pourtant. 

Non, le meilleur ce sont les dix premières minutes, qui voient les deux héros rivaliser d'ingéniosité bizarre pour se faire une place sur le sable: cet univers reste celui auquel ils revenaient toujours, avec Lau Lauritzen qui reste de toute évidence le meilleur metteur en scène qui ait pu travailler avec eux, ou en tout cas celui qui les comprenait le mieux, leur laissait mener leurs personnages à leur guise, et ne cherchait pas à les diriger plus que nécessaire...

Ce film très moyen est le dernier muet du trio, un film muet tardif: seuls quelques pays, à l'est de l'Europe (l'URSS, la chine et le Japon notamment) pratiquaient encore l'art de la pantomime au cinéma. Et comme d'autres, Carl Schenstrom et Harald Madsen vont être à jamais assimilé à cette merveilleuse période du cinéma mondial. Y compris avec des films parfois médiocres, ce qui st clairement le cas de ce long métrage...

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Muet 1932 Comédie Schenström & Madsen *
13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 14:57

Don Quichotte de la Mancha a lu, beaucoup lu, et principalement des romans de chevalerie. A tel point que ça lui est carrément monté à la tête, et il est donc parti en quête d'aventures... le problème c'est qu'il est vieux, et , on l'aura compris, fou. Aidé, plus ou moins, de son écuyer Sancho Panza, il parcourt les routes à la recherche de rencontres guerrières. Et quand il ne trouve rien, eh bien! ...L'imagination débordante du vieil homme fait le reste... Mais bientôt, le légende se répand, et les deux hommes deviennent la cible des moqueries...

Carl Schenstrom et Harald Madsen, alias Fy og Bi au Danemark, étaient mieux connus sous le nom hallucinant (mais justifié) de Doublepatte et Patachon en France, ils étaient Pat und Patachon en Allemagne ou encore Long and Short dans les pays Anglophones. Leurs films souvent réalisés par Lau Lauritzen (Senior) sont encore aussi populaires en Scandinavie que le sont Laurel et Hardy aux Etats-Unis, pour situer.

Pourtant ce film très ambitieux est à part: clairement, il n'a pas été tourné au Danemark mais bien en Espagne, et très peu de concessions apparentes ont été faites aux deux personnages habituels de Schenstrom (Qui interprète un Quichotte très convaincant avec sa silhouette de géant filiforme) et Madsen (Qui prête à Sancho sa rondeur et sa petite taille). Et surtout pour ce dernier, le personnage de Sancho Panza est très éloigné des emplois habituels de clown lunaire lent et timide du comédien. Sancho est roublard, calculateur, dédié aux plaisirs... Juste, peut-on faire remarquer, il est quand même un peu naïf, surtout lorsqu'un canular pendable lui est joué, afin de lui faire croire qu'il est gouverneur d'une île.

Ce film, qu'on peut enfin voir entier (voir plus bas) est une fascinante entreprise: il s'agissait pour Lauritzen de faire une adaptation stricte de la tragi-comédie de Cervantès, avec deux comiques dans les rôles principaux; et en plus, comme c'est le seul film dans lequel on ne reconnaisse pas le maquillage traditionnel des deux comédiens Schenstrom et Madsen, c'était un risque commercial certain; mais l'idée de décalage entre un monde qui tourne dans un sens et deux hommes qui tournent dans l'autre (Surtout Quichotte, cette fois c'est Schenstrom qui est le plus à part !) est somme toute présente dans le film.

Reste quand même une interrogation: qu'est-ce qui a bien pu pousser dans cette direction Lauritzen, metteur en scène et producteur d'une série de films de comédie qui, s'ils n'ont sans doute pas révolutionné le médium, ont quand même provoqué un succès considérable pour lui et ses interprètes, l'excellente fortune de la Palladium, et même une réputation très enviable de poule aux oeufs d'or pour la scénariste et productrice Alice O'Fredericks? Le film est ambitieux, soigné même, l'intrigue du roman y est respectée, les personnages en sont bien définis, surtout bien sûr Quichotte et Panza, mais aussi les deux chevaliers ennemis d'une intrigue secondaire, deux beaux jeunes hommes comme il y en avait toujours pour "seconder" les héros joués par Schenstrom et Madsen, mais cette fois dans des personnages tangibles et riches... La photo de Julius Jaenzon, confrontée à l'aridité Espagnole, est d'une luminosité exceptionnelle, et les décors souvent printaniers nous rappellent que nous sommes entre les mains de maîtres Danois. Les deux acteurs principaux sont absolument géniaux mais ça on le savait déjà!

...Et pourtant le film est réussi mais sans plus. Lauritzen a soigné sa partition, bien utilisé les décors existants, et bichonné ses effets spéciaux: la scène mythique des moulins, par exemple, donne lieu dans cette version à une visualisation très baroque des « monstres » et géants aperçus par le vieux chevalier fou...  Il manque à cette superproduction un peu austère la gentille folie douce habituelle des films du duo, et dans ce contexte le ton du film, de la romance picaresque jusqu'à l'inévitable tragédie, on débouche sur une version soignée d'un grand roman, qui se cantonne à une sagesse embarrassante. Fallait-il absolument, pour exister, que les deux clowns et leur metteur en scène prouvent une bonne fois pour toutes que oui, ils pouvaient aussi faire un film sérieux, ou un "grand sujet"?

Pendant des années, on ne pouvait voir de ce film que des extraits diffusés dans le cadre d'une série télévisée Allemande qui recyclait les longs métrages du duo; de ces dix bobines (soit 135 minutes à 20 images par seconde), il nous restait 48 minutes en tout, dénuées d'intertitres, et remontées afin de donner une idée du film plus qu'autre chose. Le remontage avait été fait afin de privilégier la comédie, mais le début était à peu près intact. La seconde intrigue, qui voit se développer une trahison chez d'authentiques chevaliers, qui vont ensuite être authentiquement aidés par Quichotte et Panza, ne mettait pas suffisamment les deux stars en valeur et avait été tout bonnement supprimée. Maintenant, le Danske Filminstitut a enfin rendu publique sa version restaurée (un tirage soigné, mais aux marques du temps bien visible) de la version intégrale, disponible pour l'heure sur Vimeo (mais pas pour longtemps), et bientôt sur le site Stumfilm du DFI, où il sera visible en permanence, comme la digne pièce de musée qu'il est enfin.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Scandinavie 1926 Lau Lauritzen Schenström & Madsen *
6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 17:34

Schenström et Madsen, le grand dépendu et le petit pas si malingre, vivent dans un petit appartement à Copenhague en face de deux jeunes femmes avec lesquelles ils ont une complicité de voisinage: pour rien au monde ils ne manqueraient ces conversations d'une fenêtre à l'autre, qui tournent parfois à un concours farfelu de mimes... Madsen, qui rend parfois des services à la voyante qui habite sur leur palier, apprend de cette dernière qu'il va probablement devenir riche, et trouver l'âme soeur, mais pas avant d'avoir triomphé d'un ennemi redoutable. Pour ce dernier, il est vitre trouvé, c'est un voisin irascible qui habite le même étage. Mais un avocat lui annonce qu'il va hériter la fortune considérable d'un Américain excentrique...

Sorti en décembre 1929, à l'heure où le cinéma du monde entier s'adonnait aux joies étranges du parlant, du balbutiant, du chantant, du bêlant, du bégayant, ce film a le bon goût d'être muet, une situation qui va durer pour Carl Schenström, Harald Madsen et Lau Lauritzen jusqu'à la sortie en mars 1932 de leur dernier long métrage silencieux, I kantonnement, réactualisation du burlesque troupier. Ce film qui nous occupe est assez typique, dans la mesure où l'intrigue, simple comme bonjour et traitée de façon linéaire avec suffisamment de quiproquos et de confusion pour maintenir l'intérêt, permet aux deux acteurs de faire exactement ce pour quoi ils sont devenus des superstars mondiales en leur époque: des numéros physiques, un authentique ballet de pantomime de haute voltige, dans les situations suivantes:

Ils sont vendeurs de bananes sur la côte, et attendent leurs clients sur un radeau et risquent en permanence de se retrouver à l'eau; comment piquer le petit déjeuner du voisin quand il pourrait sortir à n'importe quel moment et vous coller une baffe terminale? on les verra en hommes-sandwiches, déguisés en hommes de la bonne société pour vendre des vêtements, mais s'efforçant de ne jamais montrer leur dos à leurs fiancées, car on y lit la réclame du magasin, et elles ne sont pas au courant qu'ils sont fauchés... Puis on les retrouve aux prises avec des fantômes dans un souterrain! C'est vivace, bon enfant, assez typique de Lauritzen et de ses productions élégantes tournées sur la côte en plein été, avec des jolies filles, dont Nina Kalckar et Marguerite Viby (ici de droite à gauche), qui une fois n'est pas coutume, diront toutes les deux "Oui" à la fin...

 

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Published by François Massarelli - dans Schenström & Madsen Lau Lauritzen Muet Comédie 1929 *
14 avril 2021 3 14 /04 /avril /2021 18:07

Un jeune homme de très bonne famille (Carlo Wieth) rencontre une vendeuse dans une boutique (Clara Wieth), et c'est le coup de foudre réciproque. Ils se voient souvent et trois mois plus tard, elle est enceinte. Quand elle le lui dit, il décide de faire ce qu'il faut: il vient annoncer son mariage à ses parents... Qui refusent, car la jeune femme est de basse extraction. les parents envoient le fils chez des amis, et le père va tout faire pour qu'aucun message de la jeune femme ne parvienne à son fils...

Selon la tradition du mélodrame, ça va aller plus loin encore: le jeune homme va rencontrer la fille (Zenny Petersen) des amis chez qui il séjourne, bien évidemment, des velléités de mariage, plus noble celui-ci, vont s'éveiller, avec la bénédiction des parents cette fois, et sinon la jeune mère célibataire va trouver son chemin de croix... Et comme le film est Danois, au bout: la mort.

Mais ce qui est frappant, en plus d'une certaine acuité sociale (le film fait le portrait sans fards d'une société bourgeoise et intolérante) et d'un ton résolument moderne (pas de chichis, et pas de temps morts, ici c'est un script signé du futur grand nom de la comédie burlesque, Lau Lauritzen, que Blom dirige), c'est à quel point le film prend totalement le point de vue de Clara Wieth, nous détaille son horreur, ses angoisses, ses fins de mois difficiles. L'accompagne sur son lit de mort, même... Et en la jeune femme qui la remplacera, elle a paradoxalement trouvé une alliée: c'est elle qui pousse l'homme qu'elle aime pourtant à recontacter la femme qu'il a trahie par faiblesse, et c'est elle enfin qui décide de poursuivre avec le mariage, assorti d'une adoption... 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lau Lauritzen August Blom 1911