Comme Roughest Africa, ce petit film au titre presque générique est une parodie, non d'un film précis a priori (je n'en reconnais aucun, mais le script en est tellement basique qu'il pourrait viser des dizaines de mélodrames de 1919-1920!), mais plutôt d'un genre: Laurel y est un paysan Russe, amoureux d'une jeune et jolie voisine (Katherine Grant)... Mais l'odieux comte Pifflevitch (Pierre Couderc) a d'autres idées pour elle: il voudrait en faire une danseuse. Attirée par les lumières de la grande ville, la jeune imprudente se laisse faire. N'écoutant que son courage, le héros subtilise les vêtements du comte (L'uniforme et le monocle lui vont à ravir) et se rend à la cour pour récupérer sa fiancée. Il lui faudra déjouer les plans de l'odieux général Sappovitch (James Finlayson) et d'une intrigante princesse (Mae Laurel)...
Voilà, on pourrait tout aussi bien réaliser un film mélodramatique premier choix avec un tel argument! Notons que James Finlayson est pour Roach un complément indispensable à Laurel! Ce dernier a droit à une danse, ce qui est toujours un grand moment de loufoquerie, et Mae Laurel interprète la traîtresse: j'y vois la patte de Stan Laurel lui-même, si j'en crois la légende.
Ce film inaugure une série de courts métrages en deux bobines qui sont clairement orientés vers la parodie à tout prix, et qui mettent en scène Laurel en héros improbable, le plus souvent opposé à James Finlayson. Dans Roughest Africa c'est un genre qui est parodié: le documentaire exotique, forcément riche en dangers de toutes sortes...
Stanislaus Laurellus est donc le professeur en charge de l'expédition, parti d'Hollywood pour effectuer une reconnaissance de l'Afrique après le dangereux désert Volstead (Le Volstead Act étant la loi qui impose la prohibition aux Etats-Unis, on comprend pourquoi c'est un désert). Son caméraman/fidèle compagnon est l'infortuné Finlayson. Les figurants et acteurs de compléments (Dont George Rowe qu'on ne peut que reconnaître d'un coup d'oeil) sont grimés en "sauvages", avec blackface et guêtres, les animaux n'en demandaient pas tant, et on va le dire une bonne fois pour toutes...
Continuant d'explorer les métiers les plus divers, George Jeske dirige une fois de plus Stan Laurel dans un film ou il travaille. Il est cette fois employé dans un verger Californien, à cueillir et trier des oranges. D'où le titre... le film concentre beaucoup d'agressivité, c'est une constante du reste, dans ses 12 minutes, ainsi qu'un certaine ingéniosité de bricolo du dimanche: on fait fonctionner une trieuse à partir du pédalier d'un vélo!
Et le final de ce film a au moins le mérite d'utiliser un instrument qui est propice à rendre les poursuites intéressantes: c'est un tapis roulant. Pour le reste, on voit l'équipe habituelle autour de la "star" Laurel: Pas de Finlayson à l'horizon, mais Katherine Grant est là, ainsi que le petit George Rowe, avec son énorme moustache de traviole et son strabisme compliqué. Pour finir, mais cela va sans dire, aucun rapport même lointain entre ce film et l'album du même nom, concocté en Californie lui aussi par le groupe XTC, en 1989.
Pembroke est un metteur en scène, dont le prénom variait entre Scott et Percy, et qui va suivre Laurel: je veux dire par là qu'on ne le retrouvera durant trois années, non seulement chez Roach, mais aussi chez Universal lorsque Laurel y tournera une douzaine de courts métrages... un signe probable de bonne entente entre les deux hommes, et ce film, s'il reste mineur (Une fois de plus le format d'une bobine ne permet pas à Laurel de bien y développer son style), montre Laurel en terrain de confiance:
Il y interprète un représentant qui fait du porte à porte, et tente de placer une infâme camelote: un sirop qui peut tout, ou rien selon les options. Et personne n'en veut ou alors personne ne veut payer pour le consommer... Les gags se suivent et ne se ressemblent pas, mais le personnage, son acharnement et sa frustration restent. On notera entre autres un gag furieusement politiquement incorrect sur les malentendants, à nouveau un gag dans lequel un personnage est confronté à quatre portes identiques, il y en avait déjà eu des variations dans The egg et The noon whistle...
Mais le plus frustrant dans ce film reste la résolution d'une scène qui est, avant l'heure, du Laurel et Hardy dans sa forme la plus classique: pour placer son produit, Laurel accepte de nettoyer de fond en comble un tacot qui appartient à l'irascible Noah Young. C'est la voiture la plus sale de tout l'Ouest, il va donc falloir plusieurs flacons... Mais à la fin, le client estime que la voiture a rétréci, et refuse de payer. Pour se venger, Laurel commence à a couvrir de farine... Et la scène s'arrête: nul doute que cinq années plus tard, l'entreprise de re-salissure aurait occupé beaucoup plus d'espace dans le film...
Je n'ai pas vu le film Under two flags, de Tod Browning. Ce grand succès de 1922 est bien sûr la source de ce court métrage parodique, un domaine dans lequel Laurel a beaucoup donné à cette époque, quelle que soit la compagnie: ici, c'est chez Roach, mais il l'a aussi fait pour Amalgamated/Metro, et pour Joe Rock/Universal deux ans plus tard.
Privé du sel de la comparaison, je ne peux que constater: dans un premier temps, Laurel imite un peu l'atmosphère du film dramatique qu'il parodie, tel qu'on peut en juger à partir de photos. Par exemple, une photo publicitaire de Under two flags qui circule beaucoup montre Priscilla Dean danser pour des militaires dans une taverne, elle-même portant un uniforme. C'est Mae Laurel qui joue ici le rôle, avec un manque absolu de subtilité... Sinon, il y a un petit rôle pour Katherine Grant, en "princesse"... Et le film se conclut sur cinq minutes de comique troupier.
Sinon, "jag", serait une crise. Par exemple une crise de colère ou une crise de rire. Ce film n'en déclenche hélas pas beaucoup.
Toujours chez Hal Roach, Laurel tourne à nouveau avec George Jeske, un film souvent drôle, mais un peu vain. En cause: une non-intrigue qui vire un peu trop vite à la course-poursuite sans queue ni tête. J'ai déjà avancé l'hypothèse que Laurel avait besoin d'un personnage qui avait besoin lui-même d'une motivation, qui devait impérativement être liée à un environnement palpable: aucun de ces trois ingrédients ne fonctionnent ici.
Laurel est un nettoyeur de rue, un "white wing" (Un métier lié à la période, qu'exerceront d'ailleurs dans leurs films aussi bien Keaton, que Langdon, que Chaplin). Le film se sert de ce prétexte pour le voir en bisbille avec la loi, et poursuivi tout le film durant par un policier corpulent, qui n'est pas Hardy, mais Marvin Loback. Sans que ça s'explique vraiment, la deuxième partie voit le comédien devenu dentiste ambulant, aux prises avec plusieurs clients, dont James Finlayson et une mamie un peu nymphomane sur les bords.
De retour chez Hal Roach, Laurel n'est pas venu les mains vides: il a des idées. Et ce film en est la preuve. Il ne l'a pas réalisé, même si il aurait pu... Mais il en est clairement l'inspirateur, comme il l'avait été pour le film The egg de 1922. Les deux courts métrages ont le même environnement, et la même inspiration, qu'on retrouvera d'ailleurs pour un court avec Hardy en 1928, The finishing touch.
Laurel est charpentier, et comme ses collègues, il ne fait pas forcément grand chose quand on ne les surveille pas... Le titre provient du fait que toute la matinée d'une journée de travail est occupée à attendre la sonnerie du repas, the noon whistle... C'est la raison pour laquelle son patron demande à son contremaître (James Finlayson) de redoubler de vigilance. C'est bien sur Laurel que l'ombrageux moustachu va concentrer ses efforts...
C'est finalement la même intrigue que pour le film The egg, à ceci près que The noon whistle est débarrassé de l'intrigue liée à la corruption. On n'a finalement que des gags liés au travail, et Laurel avec des planches de bois, c'est toujours digne d'un ballet: ça l'inspire, que voulez-vous... Ce qui l'inspire aussi, c'est le partenariat avec un acteur qui reviendra souvent dans son oeuvre: James Finlayson. Certains gags qui étaient bons mais sans plus dans The egg deviennent ici franchement percutants, et le film passe tout seul, ce qui est assez rare parmi les films limités à une seule bobine, dans lesquels Laurel a souvent été mal à l'aise. Ce n'est absolument pas le cas ici...
Blood and sand, de Fred Niblo, est sorti en août 1922. Après The Sheik, c'est le deuxième film avec lequel Rudolf Valentino a fait décrocher la timbale à la compagnie Paramount... Un succès considérable, pour un film qui divise jusqu'à aujourd'hui, entre les tenants d'un esprit "camp", qui se refusent à prendre ces histoires de toreador au sérieux, et prennent du bon temps avec un tel film, et les cinéphiles plus exigeants, qui considèrent ce film comme un navet de la pire espèce. Vous remarquerez que j'écarte d'emblée l'idée qu'on puisse prendre le film au sérieux, et l'aimer pour ses qualités de narration et d'interprétation: tout simplement parce que c'est impossible.
Et ça l'était déjà pour Stan Laurel et ses amis de Amalgamated Pictures en 1922: ce film sorti en novembre 1922 rassemble sous un titre aussi explicite que possible un certain nombre de scènes qui parodient le long métrage de Niblo avec un humour qui s'embarrasse de peu de subtilité ou de délicatesse: après tout l'original non plus ne faisait pas dans la dentelle...
Stan Laurel est donc Don Rhubarb Vaselino, un jeune Espagnol féru de corrida, qui va se marier avec la jolie Caramel (Julie Leonard), mais ensuite tomber entre les griffes de la vamp Filet de Sole (Leona Anderson), ce qui lui sera fatal. Une scène parodie l'inévitable danse de Rudolf Valentino, Laurel ayant pour partenaire son épouse Mae. Autre passage obligé des films de Valentino, la séance de déshabillage et habillage, qui là encore a inspiré la joyeuse bande de gagmen.
C'est joyeux, idiot, et surprenant par la longueur du film: c'est l'unique fois dans cette série de courts métrages que Laurel sera en vedette d'un film de plus de deux bobines. Il existe d'ailleurs des versions raccourcies de ce titre, mais tant qu'à faire, il faut le voir in extenso, dans sa version de 29 minutes. Petite recommandation pour finir: fuyez la version de 39 mn sur Youtube: elle a été passée à 18 images par seconde, et se traîne lamentablement. Le film est drôle et sans prétention aucune, mais il nécessite qu'on le respecte un peu... Par contre, au risque de surprendre, voici à ma connaissance l'unique film dans lequel on passera outre le destin du taureau dans ce sport répugnant qu'est la tauromachie: car en dépit d'une scène dans laquelle il envoie valser les animaux, ce Don Rhubarb Vaselino me paraît bien inoffensif dans l'arène...
Un dernier détail qui tempère un peu l'impression que cette parodie soit meilleure que l'original: on connait la tendance très implantée des comédies muettes pour jouer sur les stéréotypes les plus lourds. Dans ce film situé en Espagne, il y a plusieurs scènes qui jouent sur les clichés des... Italiens. La consommation massive d'ail et de tomates, à laquelle Vaselino fait allusion en parlant à sa maman, ou encore le fait que dans la taverne où dansent le couple Laurel, on mange manifestement des Spaghetti con polpette... C'est gênant, non?
Là où Roach lui offrait, en 1918-1919, des essais sous surveillance, à la recherche d'un univers et d'un personnage qui puisse cadrer avec le monde déjà établi du studio, Laurel a trouvé durant ses années au studio Amalgamated Pictures des opportunités de développer en relative liberté son art, de raffiner son style, et de trouver aussi du confort pour établir une vraie personnalité, qui était enfin compatible avec tous les aspects de sa palette: la plus riche, peut-être, de tous les comédiens, Laurel pouvant au gré de son inspiration passer du plus lunaire des clowns à l'ahuri le plus complet, en passant par des aspects surréalistes. Il aimait la parodie qui lui permettait de laisser libre cours à son génie pour la bouffonnerie la plus accomplie, mais appréciait aussi de pouvoir participer à de vraies histoires qui passaient par une évolution, avec un début et une fin, le tout en deux bobines, le format parfait pour construire un film sans en faire trop. C'est à cette dernière catégorie qu'appartient ce petit film sans façon, mais plein de qualités.
Pour commencer, on voit qu'on a le temps, puisque le film nous présente non pas un, mais deux personnages. L'un est riche, et c'est un escroc, on l'apprendra très vite. L'autre est pauvre, et c'est Humpty-Dumpty (Laurel), un charpentier qui vit en pleine débrouille: les deux prennent leur petit déjeuner en même temps, et on s'amuse de voir la transposition du luxe de l'un dans la débrouillardise ingénieuse et loufoque du second. Il ne se rencontreront vraiment que deux fois dans le film, mais cela aura une incidence sur la petite intrigue-prétexte (une sombre histoire d'escroquerie opérée par le bourgeois sur l'entreprise où travaille Laurel), mais soyons clairs: ce qui compte ici, c'est Laurel, électron libre lâché dans une entreprise, où il peut tester ses gags, c'est-à-dire son pouvoir de nuisance! Il peut aussi tester sa relation avec un contremaître (Véreux) qui anticipe sur l'irascible James Finlayson... Très plaisant, donc.
Reste que le film fait penser, par son mélange entre intrigue et loufoque, à l'art de Larry Semon. Mais je ne peux m'empêcher de me demander, sachant que Laurel a travaillé avec Semon: lequel a influencé l'autre?
Laurel veut se reposer, comme le dit un intertitre il souhaite sentir l'air salin des grandes forêts de conifères... Il part, mais trouve très vite à se loger... chez un homme (Frank Terry) dont il a aidé à porter les bagages. Mais chez cet homme, il y a un souci de taille: son épouse (Marie Mosquini) est une militante de la cause féministe, qui entend bien régner chez elle. Et le voisin (Bud Jamison) est très chatouilleux quand on touche à ses légumes. Par contre il a une fille (Mildred Reardon), qui s'avère bien jolie.
Encore une fois, Laurel participe en vedette à un court métrage en une bobine pour Hal Roach, et c'est le dernier disponible, mais comme les deux précédents, ce film ne convainc pas... Le personnage manque singulièrement de substance, et même si cette fois il a un enjeu, puisqu'il entend se reposer, il reste ballotté au gré des événements et des motivations des autres. Le lieu principal de l'action (un bloc de maisons modestes, et deux jardins attenants) sont à peine exploités, et tout ça ne mène nulle part...
...Si ce n'est une fois de plus à apprécier le travail de tout ce petit monde, entre la composition inquiétante de Marie Mosquini, et le double rôle de Noah Young, en employé des chemins de fer, puis en policier (C'est lui qui vient demander à Laurel de nettoyer sa cour, dont un intertitre nous dit qu'elle est tellement sale que tous les cochons du quartier se plaignent).