
"Rex, king of the wild horses” était pour Hal Roach une vedette comparable à Rin-tin-tin, le chien qui a maintenu la Warner à flot avant qu’ils ne s’imposent avec la révolution du cinéma sonore… en un peu moins canin, et un poil plus chevalin. Il est donc la star en titre de ce western du au studio plus connu pour la qualité de ses comédies que pour ses westerns et films d’aventures de série B. Mais soyons honnêtes: s’il n’y a que quatre autres acteurs (ainsi qu’une jument et un serpent) dans ce petit film, on retiendra la présence de… Oliver Hardy et James Finlayson. Ce sont bien eux, l’un rappelant sous un maquillage un brin excessif son talent pour incarner les méchants particulièrement vicieux, et l’autre interprétant derrière sa grosse moustache un ahuri qui sert surtout à alléger le ton d’un film âpre et assez brutal…
L’intrigue se situe dans les abords de la vallée de la mort, en Californie, où deux bandits qui sont amenés à cohabiter (non sans discorde) vont se retrouver près d’une mine d’or: celle de Jake Belcher, un vieux prospecteur un peu minable, qui a recueilli quelques années auparavant une petite fille, maintenant adulte. Les deux bandits vont repérer un filon qui a échappé à son propriétaire, et se disputer la mine d’or, mais aussi la fille. Quant à elle, elle va manifester une tendance certaine au réveil de ses sens en côtoyant l’un des deux bandits…
Et c’est bien ce qui fait l’intérêt du film: 16 ans avant la gauche et ridicule tentative de Howard Hugues avec The outlaw, No man’s law est un western qui tourne principalement autour de la sensualité. A l’exception de Jake Belcher, interprété par James Finlayson et sa grosse moustache, et censé amener les gags, c’est principalement de désir qu’il est question, dans le drame humain un brin violent qui se joue autour de la mine d’or, dont l’étalon Rex se veut un témoin partial avant d’être un juge. Après avoir vu la mine et son contenu, Nye (Hardy) et Spider O’Day (Theodore Von Eltz) vont voir Toby, la jeune femme, qui se baigne dans un point d’eau, et vont quelque peu oublier le pactole. Les diverses aventures qui suivent tournent plus autour de la rivalité pour la possession de la jeune femme que pour la possession de l’or, et bien sur le comportement des deux hommes va être différent: à la brutalité de Nye, O’Day oppose une certaine décence et une humanité qui va faire que la jeune femme tranchera sans trop de problèmes. D’autant que les deux hommes se différencient non seulement par leurs manières à son égard (O’Day essaie de séduire en se rasant, et est plus délicat, mais Nye recourt à la classique tentative Griffithienne de viol), mais aussi par leur traitement du père adoptif: Nye le met dans une brouette pour le jeter dans le trou d’eau!
Barbara Kent, qu’on connait au moins comme la jeune sœur de Lars Hanson dans Flesh and the devil (Clarence Brown, 1927) et la jeune héroïne dans Lonesome (Paul Fejos, 1928), interprète d’une façon clairement sensuelle la jeune femme, et ce dès le départ, lorsqu’elle se réveille dans la cabane, vêtue de ce qui est manifestement une chemise d’homme bien trop grande, et bien sur durant la deuxième bobine, qu’elle passe surtout dans l’eau, nue. Cette attirance sexuelle exercée par la jeune femme, principal moteur du drame est inattendue non seulement pour un western, à plus forte raison pour une production Roach. Mais Toby est en fait l’objet de cette lutte cosmique entre le bien et le mal, sous l’œil de Rex. Le cheval intervient deux ou trois fois au début du film dans le but de manifester son hostilité à Nye, mais reste surtout le sauveur des justes, épargnant Toby et O’Day dans le conflit, mais causant, et l’écrire me fait froid dans le dos, la mort d’Oliver Hardy. La scène mérite d’être vue, et est à l’image de la réalisation impeccable du film, due à Fred Jackman, sous la supervision de F. Richard Jones. Bref, on peut certainement faire bien bien pire, si on a une heure à perdre, que de voir No man's law...