
C'est marrant, la première fois qu'on l'a vu, j'étais vaguement goguenard, un brin moqueur devant des "grosses ficelles" qui rendaient la vision efficace, agréable, mais aussi un peu racoleuse. Elles sont, sans doute, toujours là, et en particulier à la fin de ce film, mais il y autre chose...
Nell, c'est une enfant sauvage, qui vit en montagne, près de Charlotte en Caroline du Nord. Le terme "Enfant sauvage" est bien sur impropre, puisque elle a 30 ans et plus et qu'elle a vécu jusqu'à ce jour en compagnie de sa mère: celle-ci vient de mourir. Elle est " découverte" à la faveur d'une inspection de la police locale, une fois qu'un jeune homme local chargé d'amener des vivres à la vieille ermite aura rapporté le décès. S'ensuit une observation par deux scientifiques opposés quant à la marche à suivre, un homme, une femme, et un bras-de-fer avec la justice Américaine afin d'éviter l'internement à Nell, qui culmine dans une intervention de la jeune femme, qui s'exprime dans un Anglais décalé, devant un parterre de juges, avocats, experts et quidams divers et variés, en bonne héroïne d'un film édifiant.
On ne croit pas un seul instant au final, censé probablement sceller l'Oscar de Jodie Foster (Qu'elle n'aura d'ailleurs pas). Mais ce qui fait la valeur du film, c'est Jodie Foster elle-même, et un rôle à la frontière de l'autisme; divers grands mots en relation avec l'autisme sont d'ailleurs prononcés, il y est question d'Asperger, et "Nell" est souvent qualifiée d'autiste, mais ce débat n'est finalement pas résolu, pour se concentrer principalement sur deux aspects de la personnalité de Nell qui rendent le film fascinant, par certains cotés: la perte d'une jumelle, complice et autre moitié, dont les jeux lointains, perpétrés dans le souvenir, sont encore la seule distraction de Nell ainsi que sa clé vers la communication et son rapport au monde; son langage, acquis dans de drôles de circonstances: coupée du monde, la mère s'était retirée suite à un viol (Dont les deux filles seront clairement le produit) mais elle était également atteinte de paralysie faciale, empêchant un discours clair: c'est cet Anglais-là, accompagnés des idiosyncrasies propres à deux fillettes seules, que Nell parle et que les deux "spécialistes" doivent apprendre.
Foster est splendide, donnant beaucoup tant physiquement que verbalement: il fallait rendre crédible corporellement cet isolement dans laquelle la jeune femme a vécu, mais aussi donner à voir le sens qu'elle attribue à ces étranges paroles qu'elle prononce. La morale du film, qui est que globalement on a tout à apprendre y compris de ceux qui comme Nell sont différents, est passée à travers une jolie scène durant laquelle Nell, d'une part, affiche sa complicité avec une petite fille, à laquelle elle a appris les rudiments de son langage, et d'autre part affiche une soudaine mélancolie: La petite fille est un écho de sa soeur perdue (Mary, ou My'i, en langage Nell), de sa complicité disparue, et donc de sa propre enfance désormais finie et bien finie; la confrontation à "notre monde" lui a appris un certain réalisme, et elle n'affiche plus sa frustration par des crises d'angoisse, elle écrase désormais une larme, loin du regard. Un petit rien? Non, un grand pas, croyez-moi. Dans ces cas-là, toute avancée même microscopique est un pas de géant.