Sorti après son spectaculaire Enfant de Paris, Le roman d'un mousse est une preuve de plus de la maîtrise dont faisait preuve Léonce Perret avant la première guerre mondiale, et de la place qui fut la sienne au sein de la Gaumont: il est évident qu'il bénéficiait pour ses productions mélodramatiques de moyens à la mesure de ses ambitions... Le scénario de ce nouveau mélodrame d'aventures est basé sur une intrigue très bourgeoise, dans laquelle un marquis ruiné, associé à un banquier sans scrupules (Sur lequel, hélas, je reviendrai plus loin), se marie à une comtesse fortunée. L'idée est bien sur de se débarrasser de la belle après avoir éloigné son bambin afin de faire main basse sur sa fortune; pour se débarrasser de l'enfant, le banquier se propose de jouer son percepteur le temps de la lune de miel, et de faire croire à une fugue, en laissant une lettre dans laquelle le gosse annonce s'être enfui. Puis, le banquier Werb place le gamin sur un bateau ou il sera ensuite brutalisé parle capitaine. Pendant ce temps, le marquis tente de tuer son épouse mais suite à une maladresse se tue lui-même... la comtesse est accusée du meurtre. Le mousse parviendra-t-il à la disculper à temps?
On le voit, les péripéties se situent dans le droit fil du roman populaire, mais Perret est à son aise avec l'installation d'atmosphères idéales: promenade fatale à St-Malo, où le banquier drogue le garçon, scènes sur le bateau ou le gamin est en proie à la tyrannie du capitaine qui lui fait faire tous les sales boulots, intérieurs bourgeois rendus inquiétants par des jeux de lumières, décidément une qualité particulièrement représentée chez Perret, etc... Le film se voit sans aucun déplaisir, même si on n'est pas devant un film aussi beau plastiquement parlant, et aussi avancé que L'enfant de Paris...
Et il y a aussi le problème que je qualifierai de politique: Werb, de son prénom Elie, est un usurier sans aucun scrupule, un banquier de la pire espèce, qui n'a aucune humanité. Encore une fois, faut-il en accuser le metteur en scène, ou faut-il s'en prendre à Gaumont, dont les idées conservatrices n'ont jamais été un mystère? quoi qu'il en soit, cette trace d'antisémitisme, aussi discrète soit-elle, est un défaut irritant dans ce qui reste une oeuvre accomplie, un film à voir donc d'un metteur en scène qui mériterait d'être plus remis sur le devant de la scène...