A Pago-Pago, Samoa, un bateau fait escale; à son bord, deux couples très dignes, un révérend d'une part, et un médecin progressiste d'autre part, avec leurs épouses. Parmi ceux et celles qui débarquent, se trouve également Sadie Thompson (Joan Crawford), une prostituée qui fuit la vie de San Francisco ou d'Honolulu. Sous le regard désapprobateur du docteur, et de Joe (William Gargan), un sergent bientôt démobilisé, le pasteur Davidson (Walter Huston) commence à s'intéresser à la rédemption de miss Thompson...
C'est la deuxième adaptation de la pièce de Somerset Maugham; la première (Sadie Thompson, 1927), également produite par Joseph Schenck, était muette et entièrement taillée pour Gloria Swanson, accompagnée de Lionel Barrymore dans le rôle du révérend fasciné au-delà du raisonnable par la dame de petite vertu! Raoul Walsh, qui réalisait le film, complétait le casting dans le rôle du beau sergent. On comprenait que la belle puisse envisager de tout quitter pour lui. Ici, c'est moins clair... Le personnage, assez falot, reste en dehors du véritable enjeu, la confrontation entre Sadie, et l'abominable manipulateur, réformateur (c'est-à-dire fondamentaliste et empêcheur de tourner en rond) jusqu'au bout des ongles, Révérend Davidson... Walter Huston est superbe, Joan Crawford aussi, dans l'un des plus beaux rôles de sa carrière...
Mais le film, tout en étant confié à un maître qui a eu les coudées franches (ses jours en tant qu'artiste étaient pourtant comptés), reste une adaptation d'une pièce de théâtre, dans laquelle le dialogue prend une place considérable. La tension accumulée par l'image dans la version muette, est ici principalement véhiculée par le dialogue... Et c'est plus conventionnel. Pourtant, on n'a pas lésiné: une photographie souvent nocturne, une partie du tournage à Catalina, des seconds rôles (Guy Kibbee!!) parfois savoureux, et un ton provocateur... Le film, surtout comparé à l'adaptation précédente, me semble quand même être moins bon que The front page et All quiet on the western front, les deux plus importants films de Milestone.
Corinne Griffith est une actrice qui a eu sa petite heure de gloire dans les années 20, en particulier grâce à son mari, Walter Morosco : il produisait ses films un peu à la façon de William Randolph Hearst produisant Marion Davies. Miss Griffith n'avait certes pas le talent de cette dernière, mais entre des mains expertes, elle pouvait se révéler une actrice intéressante. En particulier dans ce film...
Toni Lebrun, orpheline Autrichienne recueillie par son oncle et sa tante pâtissiers, ne se voit pas faire des bretzels toute sa vie, et ambitionne de chanter à l'opéra. Elle a même un diplôme authentique, qui lui a ouvert les portes d'un théâtre Viennois... Auquel elle se rend, sans savoir que c'est un établissement un peu plus leste que ses désirs lui font miroiter. Tenu par la solide entremetteuse Mme Bauer (Maude George), on y vient pour voir, plutôt que pour écouter, et Toni ne tarde pas à s'en apercevoir. Tombée dans le piège de M. D'avril (Lowell Sherman), un vil séducteur à la recherche de chair fraîche, elle fuit en compagnie de l'habilleuse Rosa (Louise Dresser), sans savoir que celle-ci est une authentique baronne, qui va l'amener avec elle à Monte-Carlo...
On retrouve dans cette comédie, le canevas d'un conte de fées légèrement détourné, et passé au travers du filtre de la comédie légère, plutôt du genre de celles dans lesquelles évoluait Colleen Moore, que Marion Davies : un certain glamour, plutôt que du slapstick, affleure volontiers dans le film. Il faut dire que les acteurs n'y sont pas pour rien, surtout Lowell Sherman, qui y reprend à peu près son rôle de Way Down East avec une justesse confondante. Mais Lewis Milestone, qui a sans doute conscience de tourner une bluette, laisse poindre assez souvent une certaine ironie, et dirige constamment Corinne Griffith en appuyant sur le côté naïf du personnage. Du coup, le film en bénéficie souvent. Et surtout, le metteur en scène se place en maître du cadre et du champ, en utilisant toutes les ressources de décors mobiles et particulièrement bien rendus.
On est bien sûr bien loin des autres films contemporains du metteur en scène et je pense qu'il fait considérer ce Garden of eden comme une halte bienvenue das la carrière du prodige qu'était Milestone au temps de sa splendeur, entre Two Arabian Knights et The Racket, dont ce film ne possède ni les audaces, ni la verdeur... Au moins il ne manque ni de verve, ni d'énergie, ni de charme.
On date généralement l'apparition du film de gangsters des débuts du parlant, et en particulier avec la sortie de Little Caesar, de Mervyn Le Roy, Scarface de Hawks, et The public enemy de William Wellman. On sait aussi que les premières représentations de la criminalité sont à chercher chez Griffith avec le superbe mais didactique The musketeers of Pig Alley, sorti en 1912, et chez Walsh dont Regeneration (1915) représente un peu la frange la plus naturaliste de ce type d'évocation. Mais à la fin des années 20, quelques film ont constitué un peu le chaînon manquant de cette évolution, en particulier deux films de Josef Von Sternberg dont un seul a survécu (Underworld, 1927, le film perdu étant The dragnet, 1928), et The racket de Lewis MIlestone...
Ce dernier est dû à deux compagnies, et deux hommes essentiellement: d'une part, c'est une production Caddo de Howard Hughes, dont les films étaient distribués par Paramount; ce n'est pas qu'un deal de distribution, puisque le film utilise une star du studio (dont, il est vrai, la compagnie ne savait plus quoi faire...), Thomas Meighan; d'autre part, on sait que la Paramount, justement, était le studio dans lequel Sternberg s'est senti si bien qu'il y a réalisé ses chefs d'oeuvre cités plus haut... Et si The racket est signé de Lewis Milestone, comment ignorer le fait que Hughes l'a produit, quand on sait à quel point l'ombrageux producteur s'impliquait?
Adapté d'une pièce à succès de Bartlett Cormack, The racket est non seulement une plongée dans l'univers nocturne du gangstérisme de 1928, c'est aussi une réflexion dure et narquoise sur les limites de la loi et sur le système qui a permis l'éclosion d'une criminalité hors normes aux Etats-Unis. Dès le début, le ton est donné par une séquence dans laquelle un homme, d'abord anonyme, manque de mourir dans un traquenard: alors qu'il marche dans la rue, la nuit, d'un côté à l'autre, depuis les fenêtres d'appartements, des hommes se font signe... Puis on lui tire dessus, mais on le rate. A ce moment, l'homme (Thomas Meighan) voit l'un de ses assaillants (Louis Wolheim) sortir de son immeuble, l'air satisfait. Ils parlent, comme si c'était de tout et de rien, de ce qui vient de se passer, et le deuxième homme conseille au premier de changer de "racket", un terme ambigu qui peut aussi bien vouloir dire activité, qu'activité criminelle. Les deux hommes se séparent, mais on ne sait pas qui est qui. Ces deux hommes sont-ils des gangsters, ou des policiers? Et si les deux tâches sont partagées, on est bien incapable de déterminer lequel des deux est du bon côté de la loi.
C'est tout l'univers de ce film exceptionnel, dans lequel le même homme, le capitaine McQuigg (Meighan) qui combat inlassablement le système politico-mafieux dont Nick Scarsi (Wolheim) est le maillon le plus voyant, s'attablera parfois avec les bandits à leur invitation. Et lors d'une scène magistrale, non seulement quand le policier s'assied aux côtés du bandit, il boit comme lui, sans sourciller alors qu'on est en pleine prohibition, mais en plus il suffit qu'il se rende aux toilettes pour qu'un crime ait lieu dans la salle de restaurant! Et Nick Scarsi est un habitué du poste de police, non seulement pour raisons professionnelles, mais aussi par savoir-vivre: il vient rendre visite à ses amis, en quelque sorte. Dans ce jeu du chat et de la souris, pourtant, les flambées de violence sont fréquentes, et toujours impressionnantes: Milestone était au sommet de son art, et Hughes savait qu'il pouvait lui demander ce qu'il voulait, le metteur en scène le lui donnerait sans faille.
On comprend a posteriori pourquoi le film a été censuré (en particulier à Chicago): il dépeint un monde dans lequel le crime et la loi semble pouvoir facilement se mélanger, et met le nez dans des affaires gênantes pour l'époque, sans se priver de dire que la politique participe au partage du gâteau. Mais derrière cet aspect fumant de reportage un peu crapuleux, c'est une merveilleuse confrontation qui nous est proposée, doublée du portrait de deux hommes surtout. L'un d'entre eux a su s'accommoder sans états d'âme de la situation qui lui permet une quasi impunité, et l'autre ronge son frein, en attendant le jour ou lui aussi tordra le cou à ses principes, et ce jour-là, clairement, Nick Scarsi passera un mauvais quart d'heure. La preuve dans le film.
Hildy Johnson (Pat O'Brien), reporter extraordinaire, veut se marier... et pour ça, il lui fait cesser d'être un journaliste, surtout qu'il travaille pour Walter Burns (Adolphe Menjou), un patron sans aucun scrupules, qui lui a plus d'une fois fait vendre son âme. Mais le problème, c'est que Burns ne veut pas se résoudre à perdre son meilleur journaliste. Profitant d'une crise inattendue (Un condamné à mort s'est évadé dans des circonstances étonnantes, juste à côté de la salle de presse de la prison), Burns va tout faire pour retenir Johnson qui serait selon lui le meilleur pour rendre compte de l'incident.
Ce film nerveux et désormais mythique est donc la première des trois adaptations de la pièce de Ben Hecht. La place qu'il tient dans l'histoire du cinéma, en comédie exemplaire supposée avoir établi une bonne fois pour toutes que ce n'était pas parce que le cinéma était désormais parlant qu'il devait s'abstenir de bouger, et le ton qui s'est imposé dans tant de films des années 30 consacrées au monde de la presse, contraste quand même avec l'objet qu'on a devant les yeux: un film certes distrayant, certes drôle, mais qui reste confiné, théâtre oblige, même si les efforts pour bouger la caméra, et lui faire transmettre ce frisson du scoop, cette fébrilité et cette frénésie des moments durant lesquels il faut être plus rapide que le concurrent. Et on voit aussi très bien Howard Hughes à la manoeuvre, qui pousse les boutons derrière Milestone, et appuie pour avoir un peu plus de sous-entendus, un peu plus de vulgarité, etc... Le résultat parait souvent excessif, gonflé, et en manque d'un certain raffinement. Pour finir, pourrait-on trouver tant de mérites à Menjou et O'Broen, si Grant et Russell n'étaient à leur tour passés par là 8 ans plus tard? La meilleure version de The front page est celle de Hawks, His Girl Friday. Haut la main.
Pourquoi toujours revenir à cette guerre ? Après tout, il y en a eu d’autres, et toutes, en étant cynique, sont photogéniques… Mais il y a une série de raisons probablement qui font de la première guerre mondiale un sujet cinématographique par excellence pour dénoncer toutes les guerres. C’est à la fois la dernière guerre à l’ancienne (Résultant en une série de batailles impliquant des combattants face à face) et la première guerre moderne, combattue partout dans le monde, dans l’eau, sur terre, sur les airs… Et d’autre part, le traumatisme a été fort, et relayé par le cinéma balbutiant. De fait c’est aussi une de ces premières guerres que l'on peut mettre en images en s'inspirant de films d’époque.
Lewis Milestone, reconnu comme un esthète touche-à-tout (Two Arabian Knights, 1927 ; The racket, 1928), a eu les mains libres, et c’est courageux de la part de Carl Laemmle Jr, qui dirigeait un studio pas encore solide sur ses jambes, d’avoir ainsi fait confiance à quelqu'un qui allait mettre tous les moyens possibles et imaginables à sa disposition, transformant même la production en un film parlant en cours de route. On le sait, le film a fini par recevoir un Oscar bien mérité…
On pourrait faire une comparaison entre ce film et Saving Private Ryan, de Spielberg : comme l’épopée du débarquement, All quiet on the Western front vient après un grand nombre de représentations, et tente de donner une approche frontale et ultra-réaliste. Mais des jalons importants lui ont pavé le chemin : depuis 1918 et 1919 avec Hearts of humanity et Hearts of the world, le cinéma a progressé dans sa représentation du conflit, en se débarrassant des oripeaux nationalistes (Wellman ne jette pas la pierre aux Allemands dans Wings), en montrant le conflit comme un désastre émotionnel intime (The big parade), et en allant toujours plus loin vers l’expression de la tragédie humaine via des images à la stylisation savante. Mais All quiet va plus loin que tous les autres avant lui: En adaptant le roman de Remarque, Universal révolutionnait tout, adoptant le point de vue de l’ennemi. Une conversation entre les soldats essaie de faire du sens avec le conflit, l’un d’entre eux se demande en effet ce que Guillaume II reproche aux alliés; Kat (Louis Wolheim) va plus loin, en prophétisant la mort des monarchies. Ces idéaux dans lesquels on croit reconnaître bien sur une certaine façon de penser Américaine, vont plutôt dans le sens d’un internationalisme militant. C’est le sens de cette superbe scène durant laquelle Paul (Lew Ayres) réfugié dans un trou de boue, tue un soldat Français pour se protéger, et va devoir passer des heures avec le cadavre, ses remords et ses doutes en attendant que la pluie de mort cesse..
Il serait vain de se contenter de dire que, placé dans le contexte de la fin des années 20, ce film de Lewis Milestone est le meilleur film réalisé jusqu'alors consacré à la première guerre mondiale. En effet, son pouvoir n’a en rien diminué depuis 1930, et son message reste valide : l’histoire suit des jeunes engagés volontaires, Allemands, et poussés par leurs aînés, pères, oncles et professeurs, à aller mourir pour la patrie. Bien sur, les deux atouts du film, une bande-son fabuleusement travaillée, en ces débuts du parlant, et un parti-pris de ne pas abandonner la richesse visuelle, les mouvements de caméra et le montage nerveux du muet, jouent en son avantage mais aussi datent clairement le film (On le voit comme un contemporain parfait de M de Fritz Lang dans la volonté de dissocier image et son afin d’élargir la palette du muet plutôt que de se contenter d'enchaîner les scènes dialoguées comme le faisaient les films contemporains). Pourtant, l’indignation palpable devant l’horreur de la guerre, des personnages autant que des acteurs et techniciens, fait encore mouche. Et la succession savante d’anecdotes, avec ses passages obligés et ses rites de passage, construit un objet filmique impressionnant, encore aussi violent dans sa peinture des conflits (Peur, horreur, fatigue, hygiène déplorable, besoin de se réfugier dans l’alcool et les filles, rien ne nous est épargné, et on est encore plus terre-à-terre ici que dans Wings), et dont les images sont sans doute les plus ressemblantes aux actualités de 1916-1918. Non, elles sont même plus fortes encore: n’oublions pas que les images des conflits sont toujours commandées à l’armée, qui salit tout ce qu’elle touche, et qui ment par essence. L’art fait, ici, mieux que le semblant de réalisme, et comme on le disait à l’époque, il faudrait voir et montrer le film jusqu’à ce que les patriotismes, les chauvinismes, les nationalismes et la guerre disparaissent pour toujours. Vaste programme… On doit rêver, pourtant, sinon rien n’a plus aucune importance.
C'est curieux comme certains tournages, certes pharaoniques, finissent par donner des films maudits, à la réputation ternie à tout jamais: on pense à Cleopatra, qualifié un peu partout de désastre, en particulier par ceux qui ne l'ont pas vu, ou qui en ont un vague souvenir, et puis il y a ce film. J'avoue d'entrée que la meilleure version de cette histoire reste le film MGM de 1935, réalisé par un Frank Lloyd en grande forme (il avait ses moments d'égarement, lui aussi), avec Clark Gable en Fletcher Christian, et surtout l'immense Charles Laughton en Capitaine Bligh. Le parti-pris romantique, assimilable à la guerre d'indépendance, avec Bligh en représentant de l'Angleterre et les principaux mutins interprétés par des Américains (Gable, mais aussi Franchot Tone), faisait de la mutinerie un idéal, et de la fuite à Pitcairn une sorte de nouveau Mayflower... Rien de tout ça avec ce Bounty tragique.
Si on veut analyser les raisons du désamour total vis-à-vis de ce film, on peut accuser la longueur (182 mn actuellement, dont 15 de prologue, entr'acte, et intermède musicaux, mais une version antérieure ajoutait un prologue et un épilogue qui devaient porter la durée à 192 mn), le fait que Milestone soit en bout de course, et manque parfois singulièrement d'imagination; les discussions entre les marins sensées clarifier l'histoire finissent par irriter, avec leur didactisme lourd; Le fait enfin que l'intermède Tahitien soit parfois trop long. Pour le reste, le film trahit moins l'histoire que l'autre, avec un Christian-Brando qui ne profite jamais de sa décision de révolte, trop marqué par son propre acte de trahison. On est assez près de l'histoire, dans laquelle les mutins ont effectivement massacrés les gens qu'ils avaient ramené de Tahiti avant de s'entre-tuer. La fin possède une certaine beauté ironique, bien dans l'air du temps (Cleopatra, Lawrence of Arabia).
Bon, franchement, si ce n'est pas le meilleur, on peut quand même y trouver d'excellents moments, et même, mais oui, des traits d'humour. Bligh, interprété par Trevor Howard gagne une humanité ambigue, mais l'acteur sait y faire pour rendre le personnage odieux. Je suis plus réservé avec le personnage de Brando, dont la transformation m'apparaît trop rapide, même si l'acteur a fait des efforts, notamment avec son accent Anglais (Contrairement à Gable!!). Et puis il y a le format (Le même ratio que le Ben Hur de Wyler, si je ne m'abuse) propice à de superbes plans de navigation: le film a au moins un certain souffle, après tout! Et la principale vertu de ce filmmouth, c'est qu'il promet du dépaysement, avec de l'eau salée et des cocotiers!
Beaucoup des films muets de Lewis Milestone ont été longtemps perdus, ou difficiles d'accès, mais depuis quelques années,
on a pu revoir quelques oeuvres plutôt intéressantes, voire excitantes. Trois films en particulier, qui datent de la période dorée de 1927 - 1928, nous permettent de juger de l'apport d'un
metteur en scène qui a pu, en 1927, obtenir l'Oscar du meilleur réalisateur de comédies... C'était pour ce film.
Two Arabian knights (Produit par Howard Hughes, et distribué par United Artists) est situé entre deux films
Paramount de 1926 d'un coté (Réalisés après un court passage par la Warner), et les deux autres films du trio mentionné plus haut, la comédie The garden of eden (1927) réalisée
pour la Unitetd Artist avec Corinne Griffith, et le superbe film de gangsters The racket (Nominé aux Oscars pour la catégorie "meilleur film" en 1927/28), avec Thomas Meighan et
Louis Wolheim, produit par Howard Hughes, mais distribué par Paramount. On peut ajouter à cette période clé deux collaborations pour lesquelles Milestone sera remplacé: par Ted Wilde, pour
The kid brother (1927), avec Harold Lloyd, et par Sam taylor, pour Tempest (1928), avec John Barrymore. Si on compte les deux films pour lesquels il n'est
finalement pas crédité, mais dont il est généralement dit qu'il a eu un apport important, sur l'un comme sur l'autre (et on constate sur Tempest en particulier qu'il a réussi à
imposer son acteur fétiche, Louis Wolheim), on a donc les 5 derniers muets de Milestone, tous sur une période de deux ans, et bien des styles de films différents, du film de gangster à la comédie
en passant par le film d'aventures sentimental...
Two Arabian Knights (dont le titre est un jeu de mots entre "knights", chevaliers, et "Arabian nights", le titre en Anglais des "contes des mille et une
nuits") n'a évidemment pas l'ambition, ni la classe de The racket, mais il est une comédie dont la mise en scène est de grande qualité. Un certain nombre de détails peuvent
surprendre, en particulier une attirance pour la vulgarité, contrebalancée par le goût certain dont la mise en scène fait preuve, qui est une marque que l'on retrouve dans Tempest, à travers le
personnage de soudard de Wolheim, mais aussi bien sur dans The garden of Eden, et dans le coté "dur", proto-film noir de The racket. Ici, c'est aussi du à la
source du film: il est évident que Two arabian Knights est la réponse de Howard Hughes au sucès phénoménal de What price glory en 1926, dans lequel Walsh faisait
cohabiter deux soldats à grande gueule, qui rivalisaient de bagarres et de conquêtes. Si le film de Milestone commence dans les tranchées, bille en tête, quasiment par une bagarre entre l'un
(William Boyd, simple soldat) et l'autre (Louis Wolheim, sergent), alors qu'un bataillon de soldats Allemands médusés attendent que les deux hommes s'aperçoivent de leur présence, avant de
les faire prisonniers... le ton est donné, mais la rivalité restera physique, les deux hommes pactisant assez rapidement dans le camp de prisonniers. puis ils s'évaderont, déguisés en prisonniers
Arabes, en volant au passage deux burnous à deux prisonniers Nord-Africains, puis les péripéties les amèneront sur un bateau, et là ils sauveront une jolie princesse interprétée par Mary Astor,
qui les amènera à d'autres aventures plus idiotes et réjouissantes les unes que les autres.
Contrairement à What price glory, qui se vautre dans le picaresque par politesse, afin de ressentir en
creux le désespoir de la guerre, Two Arabian knights n'est rien d'autre qu'une comédie, et la guerre en elle-même est vite oubliée. Ce coté décérébré du film est parfaitement
assumé, et a un effet sur le moral qui est loin d'être négligeable. On peut y trouver à redire (Une fois de plus, les Arabes sont maltraités dans le film: bien que prisonniers au même titre que
les héros, ils sont traités comme des ennemis, puis deviennent une menace incompétente lorsque les deux hommes sont en Arabie.) mais le but, de fournir une comédie enlevée et menée tambour
battant, et mise en scène avec classe, est accompli.